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fermeture du forum le forum ferme ses portes après six ans d'existence. merci pour tout, on vous aime. |
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| devil at the door. ☞ (romeo) | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: devil at the door. ☞ (romeo) Jeu 10 Avr - 20:03 | |
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La solitude. Que diable y avait-il de mieux, après une désagréable journée ? Journée à être méprise, dénigré, oublié. Une journée comme il en vivait depuis sa sortie de cellule, deux ans auparavant. Rien ne s’était jamais réellement arrangé. On n’aimait pas ce qui venait de l’extérieur ; pas vraiment. Mais ce qui venait de l’ennemi, encore moins. Même si ça avait changé de camp. Rien ne semblait suffisant pour convaincre ces gens, si retranchés sur eux-mêmes qu’ils n’acceptaient pas la simple idée que quelqu’un puisse retourner sa veste. Même si cette personne avait ses raisons. Seul. Voilà deux ans et demi qu’il était seul. Le peu d’ami qu’il parvenait à se faire ne le connaissaient pas réellement, et il ne savait pas quel comportement adopter à leur égard. Parce qu’il y avait cette part de soupçon, cette part d’incompréhension. Et en général, on ne porte pas dans son cœur ce qu’on ne comprend pas. Et on n’apprécie pas plus ceux qu’on ne comprend pas. La différence effraie. Et dieu sait qu’il l’était, différent. Siegfried, lorsqu’il était arrivé en salle d’entraînement du district treize, pour la première fois, avait manifesté une toute autre technique de combat que celle traditionnelle du treize. Il ne l’avait pas fait exprès. C’était instinctif. Il se battait comme un Pacificateur. Il avait ça dans le sang, et impossible de faire autrement. Impossible d’analyser la situation comme un soldat des souterrains. D’un côté, cela n’avait pas vraiment gêné. Après tout, il était bon, il savait se battre. N’était-ce pas là le plus important ? On se foutait bien qu’il soit bon stratège, intelligent et efficace. Tout ce que ces abrutis voulaient, c’était qu’il sache se battre. Et même si on le plombait pour sa technique à l’entraînement, il était bon. Il savait y faire. Il savait se servir de ses poings. Et il les regardait parfois, assis dans sa chambre, ou dans une petite salle de bain, le soir. Ces poings abîmés, ces mains tremblantes s’il ne prenait pas quotidiennement les cachets qu’on lui prescrivait. Il ne savait pas ce qu’on lui faisait. Mais ces traitements étranges lui faisaient du bien. Alors il continuait de les prendre, sans se poser de questions. Déplorant l’état de sa peau, l’état de ses phalanges. Déplorant son esprit tortueux et torturé, brumeux et désagréablement encombré. Et pourtant si vide… Non, vraiment. Depuis quand avait-il cessé d’être bien ? se demandait-il parfois. À quand remontait la dernière fois qu’il s’était amusé ? Qu’il avait pu rire ? Même sourire ? Faire une blague. Profiter de la vie. De ce foutu cadeau qu’on lui avait fait. Même si le mot cadeau lui faisait grincer des dents plus que de nature. Il n’avait plus la moindre idée de la dernière fois qu’il avait savouré cette chose qu’était la vie. Peut-être ne l’avait-il jamais fait. Pourtant, il lui semblait se souvenir de choses heureuses. Des bribes éparses de mémoires, un sourire partagé avec un vainqueur abattu par sa condition. Tywin. C’était pourtant loin, tout cela. Si loin. Impossible à rattraper, souvenirs fuyants après lesquels il pourrait bien courir pour toutes les années à venir, même si cela n’arrangerait rien. Il était seul, désormais. Seul et livré à lui-même. Pas d’ami, pas de soutien. Pas de sourire ni de petit moment de bonheur. Les seuls instants de liberté étaient ceux pendant lesquels il cessait de retenir ses coups. Au beau milieu d’un entraînement. Il se lâchait, se défouler. Le jeu du plus fort. Mais même là. S’il perdait, on lui riait au nez, on le traitait de pauvre naze. S’il gagnait, on l’insultait, sale Pacificateur que tous voulaient déchiqueter. Alors, en fin de compte, seul le combat comptait. Lorsque les langues restaient liées, et qu’il n’était plus aucun autre son que la chair cognant la chair, et les os se mobilisant pour apporter un soutien au corps, tremblant mais résistant. Le bruit de la vie. Ce fut sur cette pensée que l’homme passa finalement une main lasse sur son front, un soupir s’échappant d’entre ses lèvres. Il était encore seul. Oui, comme toujours. Mais étrangement, cela ne l’incommodait pas. Il avait terminé l’entraînement deux heures auparavant, et était allé se doucher sans un mot, sans une remarque pour qui que ce soit, le regard bas afin d’éviter tout ennui. Séché, rhabillé, il avait pris le parti de se promener quelques temps, dans des recoins éloignés des souterrains. Et le voici finalement, adossé contre un mur plus ou moins solide, dans un tunnel ne menant qu’à un petit entrepôt vide. Un tunnel que personne ne fréquentait. Et où, donc, il avait une chance d’être seul. Au moins quelques minutes. Si quelqu’un venait à arriver, il partirait. Pas question de se faire engueuler, ou provoquer, de se battre ou de criser. Pas question d’avoir des hallucinations, de se mettre à trembler, et d’avoir immédiatement besoin d’une dose puissante de calmants comme on lui en administrait souvent. Il voulait rester maître de lui-même, et se laisser aller. Réapprendre à vivre, lentement mais sûrement, sans personne pour le planter, l’enterrer. Pourtant, lorsqu’il perçut des pas à l’autre bout du tunnel, venant visiblement dans sa direction, il ne bougea pas. Terrifié à l’idée qu’on puisse venir le déranger, et le chasser de ce petit havre de paix, certes miteux mais pourtant bien mérité, non ? Il ne pouvait pas bouger. Il attendait. Espérant qu’on ne vienne pas vers lui, ou qu’on rebrousse chemin. Il déglutit, lentement. Et finalement, la silhouette apparut. Il écarquilla les yeux. Ses mains se posèrent au sol, le faisant aller en arrière, toujours assis, et un peu plus contre le mur. Non.
Laisse-moi tranquille. Va-t’en. S’il te plaît. Va-t’en.Trop tard. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Ven 11 Avr - 12:32 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
Il n'y avait rien. Il ne se passait rien. Les jours se suivaient, se ressemblaient, et s'étiraient, et pourtant, il n'y avait rien. Et le vide, ce vide de tout, ce vide de rien, ce vide dans le quotidien, oppressait lentement mais surement Romeo. Les blessés, les combats, les sorties, les insultes, les traumas et les sanguinaires ; Ces choses pouvaient très bien le stresser, le mettre sous pression, le foutre en rogne. Mais au moins se sentait-il utile, dans la poussière, sous le métal, le sang pulsant dans ses artères. Le morne des souterrains le prennait aux nerfs. Parce qu'il ne se sentait alors plus aussi utile que cela. Il avait bien fait ses choix. Le choix de s'enterrer dans ces dédales de béton. Le choix de partir. Le choix de tirer un trait sur le passé. Le choix de ne plus se laisser toucher par les autres, au coeur comme parfois au corps. Mais les choix s'oubliaient parfois. Et les promesses n'étaient pas des plus simples à tenir. Loin de là. Il regrettait, qu'il le veuille ou non, les temps d'avant, dans ces instants de dérive. Les scieries. Les vastes forêts. Mais sa mémoire lui rappelait les conversations dans son dos. Les insinuations. Le surnom. La mauvaise réputation. Ce jour-là. Et le sang qui coagule, avec un goût de rouille. Ça le suivait. Malgré tous ses efforts. Dans sa tête comme dans celle des autres. Dommage. Tant pis. Un soupir. Dents serrées et mâchoires crispées. Il avait l'impression d'étouffer, certains jours, dans ces corridors grisés. Comme ce jour-là. En cet instant. À cet seconde. Un fauve tournant en rond dans sa cage ridicule. Et prêt à montrer les crocs à quiconque s'approche. Sans états d'âme. De toute manière, on le savait comme ça. Alors on évitait de provoquer la bête. Shughart referma avec lenteur son poing. Regarder les muscles. Regarder les tendons. Regarder les veines rouler sous la peau. Contraction. Relâchement. Ouvrir. Fermer. Grogner. Marmonner. Il faisait cela. Et ça ne servait qu'à ça. Gronder sourdement. Pour le simple mécontentement. Il irait se battre pour la bonne cause avec Asher, un peu plus tard. Ce qui lui semblait à des années-lumière. Lointaine éternité. Son entraînement attendait encore. Tout comme il attendait de pouvoir rouler des épaules et regarder son ami dans le blanc de l'oeil. Qu'il lui foute une droite et qu'il le mette à terre. Peut-être que cela calmerait ses pulsions violentes et incertaines. Lentement, Romeo détacha son regard des entrelacs de sa peau et de sa chair. Coup d'oeil alentour. Et un autre de ces résonnements gutturaux. Définitivement pas sa journée. Il passerait sans doute les heures restantes avant le retour sur le ring à traîner dans les couloirs. Longer les murs. Se perdre au hasard. Overdose de néons. Overdose de béton. Overdose de labyrinthe en lignes droites et angles secs. Il y aurait toujours un pan de pierre artificielle contre lequel il pourrait jeter son poing. À tout hasard. Si ça le démangeait vraiment trop fort, de sentir ses phalanges craquer, de sentir l'onde de choc, de sentir la douleur. Comme une vague qui résonnerait dans ses os. Résonnerait dans son crâne. Et jusqu'aux tréfonds de son âme. Personne. Pas âme qui vive. À trop voguer dans les coins désertés. Tant mieux. Tant mieux comme ça. Il en était quitte. Ça laissait plus de place pour que ses réflexions rampent et grouillent. Perfide vermine noirâtre et gluante. Il déglutit. Fermer les paupières. Un instant. Dans la vaste liste des êtres qu'il avait pu croiser, durant cette vile existence. Il dressait sur les toiles sombres de ses yeux clos les portraits qui s'enchainaient. Histoire de faire le point. Du moins tenter. Froncer les sourcils. Il lui posait problème. Aussi simplement que cela. Impossible de le mettre dans une case. Les informations se contredisaient. Aussi fervent que suspect. Ennemi amical. Et ça le frustrait. Parce qu'il se pouvait qu'il en soit. De ces autres qu'il ne portait pas dans son coeur. À cause d'un seul. Un seul qui avait marqué sa peau à tout jamais. Sombre connard dont le cou finirait bien, au bout du compte, par craquer entre les mains de Romeo. Il en rêvait, tout du moins. Les pas s'étaient faits par eux-mêmes. Un pied devant l'autre. À avancer à l'aveugle. Par habitude. En ruminant. Il battit des paupières. Un instant. À croire apercevoir une ombre, là-bas. Et le sang qui ne fait qu'un tour. Bouillonnant. Celui qu'il ne voulait pas croiser. Et pourtant. C'était lui qui tordait ses pensées. Un frisson dévala l'échine de l'artisan des corps. Les mains prêtes à trembler. Comme quand la tâche était trop grande et qu'il aurait bien eu besoin d'un peu d'éthanol distillé dans ses veines pour remettre ses idées au clair. Siegfried. Une inspiration. Lente. Pleine. Les poings qui se referment, machinaux. Il s'avance. Raine est assis. Presque terré. L'énigme, le mystère, la question en suspens dans son crâne. Dans le crâne de Romeo. Qui se planta, fermement, devant ce doute ambulant. Pauvre homme qui semblait déjà se terrer comme une proie face à son prédateur. Cas réel. Shughart avait déjà sévi. Quand ses nerfs étaient au bord de le lâcher. Qu'il en était, désespéré et enragé, venu à absorber de l'alcool à désinfecter. Belle connerie, d'ailleurs. Le grand blond déglutit. Tout en lenteur. La lenteur et la lourdeur des chasseurs qui se réveillaient. Ses yeux bleus vissés sur le brun, par terre. Il articula. Enfin. Brisant le son de ce silence trop bruyant. "Lève-toi." Sec. Sourd. Fatal. Comme un couperet grondant. Un ordre. Rien ne lui permettait de lui parler ainsi. De le regarder comme ça. Avec cette lueur. Cette lumière et cette obscurité, au fond des prunnelles. L'envie de le voir en miettes. L'envie qu' il réponde, pour une fois. Et lui fasse sentir la faiblesse de son humanité. Et son absence de supériorité. Lève-toi. Regarde-moi. Affronte-moi. Comme je ne l'attends pas. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Ven 11 Avr - 14:54 | |
| Pourquoi ?
C’était l’une des questions qui revenait le plus souvent en tête de Siegfried. Depuis toujours, certes, mais depuis deux ans encore plus. Incessamment, il se demandait pourquoi est-ce que tout ça lui était arrivé à lui, et pas à un autre. Pensée probablement égoïste, mais il était peu de choses, hormis sa sœur, qu’il n’aurait pas sacrifié, dans l’espoir de retrouver une vie normale. Peut-être était-ce une preuve de sa lâcheté, également. Mais qu’y pouvait-il ? Peu de gens, hormis peut-être les rebelles sur lesquels le Capitole avait mis la main, avaient sans doute subi autant de mauvais traitements que ce qu’il avait pu avoir. Et aujourd’hui encore, il ne comprenait pas pourquoi il avait subi tout ça. Il ne souvenait même pas tout à fait de ce qu’on lui avait fait. C’était le résultat de tous ces calmants qu’on avait pu lui administrer, en deux ans. Pas un jour sans un médicament. Et il ne pouvait plus s’en passer. La drogue pour la normalité, lui avait-on plus ou moins promis, de cette voix muette s’apparentant plutôt à un sourire et un regard inspirant à la confiance. Mais qu’était-ce que la normalité ? Se faire insulter et mépriser à tout bout de champ ? Il n’en avait, à vrai dire, plus la moindre idée. Alors, il se contentait de garder le regard baissé et d’avancer, les épaules droites et solides, prêtes à encaisser les charges qu’on lui y balancerait. Il supporterait ce qu’il y avait à supporter. Pourquoi ? Parce qu’il voulait leur prouver qu’il pouvait y arriver. Leur prouver qu’il n’était pas que la paria, qu’il n’était pas que l’ennemi qu’on voyait en lui. Que s’il se battait pour les rebelles depuis deux ans déjà, c’était qu’il s’était réellement accroché à leurs convictions. Qu’il avait suffisamment souffert pour être persuadé d’à qui il offrait son allégeance désormais. Mais, aux yeux de ses camarades des souterrains, il semblait visiblement qu’il n’ait pas encore suffisamment payé pour un simple titre donné il y avait bien des années. Pacificateur. Cauchemar de beaucoup, voire de tous. Et il semblait parfois à Jules qu’il paierait pour cela, jusqu’à la fin de ses jours.
Mais il avait recherché la plus parfaite des tranquillités, pour une fois. Il avait cru qu’il pourrait se laisser aller, loin du monde et loin de tout. Mais, comme d’ordinaire, il avait été rattrapé. Peut-être aurait-il encore préféré se retrouver face à Raven, et se faire simplement engueuler. Peut-être aurait-il préféré croiser quelqu’un qui l’ignorait, ou qui se contentait de secouer la tête sur son passage, sans le moindre commentaire. Il fallait cependant accorder quelque chose à l’homme brutal qui venait de faire son apparition, et de se planter devant lui : Romeo ne l’ignorait pas, au moins. Romeo lui accordait même toute son attention. Mais Romeo le détruisait. En le frappant, il anéantissait toutes les défenses de Siegfried, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Lorsqu’il avait croisé la route du grand blond, pour la dernière fois, il avait ensuite filé à l’infirmerie, tremblant, et avait supplié le docteur de lui donner des médicaments. Face aux spasmes de ses mains, et à la crise qui agitait visiblement son patient, le doc’ n’avait pas longtemps hésité avant d’obtempérer. Et, aujourd’hui, Siegfried n’avait aucune intention de revivre cette horreur. Pourtant, il était bien parti pour.
Il avait reculé jusqu’à heurter le mur, derrière lui. Et il était pris au piège, tel une bête coincée entre deux pierres, et n’attendant plus que le prédateur. Le prédateur qui, à cet instant, lui donna un ordre sec. Siegfried battit des cils, quelques secondes. Il hésita. Baissa les yeux vers le sol poussiéreux des souterrains. Il n’avait pas envie de se hisser sur ses pieds pour être attrapé et malmené. Mais il ne pouvait décemment pas, pour sa propre fierté, rester au sol pour être frappé. Alors, lentement, il s’appuya contre la paroi, et se redressa. Déployant tout son corps, de si petite taille en comparaison à celui de Romeo. Il resta droit, devant lui, ses mains commençant légèrement à trembler. Et, finalement, il releva les yeux. Détaillant à peine le visage qui lui faisait face, se contentant de plonger ses prunelles foncées dans celles de glace de l’homme. Il ne prononça pas le moindre mot. Il renifla simplement. Attendant.
Attendre. Attendre que le coup parte, s’écrase sur son visage ou juste à côté, contre ce mur. Attendre que la violence de Romeo ne sévisse une nouvelle fois, et ne lui ôte toute envie de se promener dans les souterrains à nouveau. Attendre que la rage et la colère ne se matérialisent finalement, et que l’humiliation commence. Attendre. Simplement attendre. De cette foutue attente qui lui compressait les tripes et le rendait simplement fou.
Vas-y. Frappe. Frappe, puisque tu n’attends que ça. Vas-y. Maltraite-moi. Tu n’es pas le premier, et tu ne seras pas le dernier.
Frappe, si ça te fait plaisir. Après tout, ce n’est qu’un coup. J’en ai vu d’autres.
Silence. Attente. Résignation. Fatalité. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Ven 11 Avr - 17:34 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
Tout cela, tout ce jeu. Toute cette mascarade. À se demander quelle était la vérité et quelle était sa vérité. N'était-ce donc pas un simple détournement de ces rats de souterrains ? Si. Sans doute. Il était arrivé, lui semblait-il, presque en même temps que celui qu'il avait en ligne de mire. Et il en avait entendu, parfois, des rumeurs. Mais son esprit s'était clos. Son oreille s'était faite sourde. Non. Il se refusait lui-même que le Raine soit un de ces hommes-là. Pour sa santé mentale. Pour la survie de tout un chacun, sinon. Ne pas y croire. Ne pas vouloir y croire. Les dommages auraient été trop graves, si dans son crâne la réalité s'était faite limpide. Il y avait les indices, semés au gré des vents et des couloirs. Mais même depuis sa place de médecin de terrain, on lui taisait ce qu'il advenait de Siegfried. Ce qui était, d'un autre côté, relativement logique. Cela ne le concernait pas. Le traitement du soldats Leews-Raine n'avait rien à faire dans ses affaires. Et il l'avait accepté. Et il l'acceptait. De toute manière, dans d'autres cas, lui aussi n'était qu'un simple soldat. Et les excès de zèle lui semblaient lointains. Il se rayait inconsciemment ces innombrables options. Le doute lui valait peut-être mieux. Même s'il faisait de ses méninges des pelotes de fil barbelé. Pour le bien de la communauté, il valait mieux le garder dans l'ombre des ignorants. Loin du secret éventé. Pour que tout aille mieux. Et pour qu'il ne disjoncte pas. Ses mains avaient déjà mis trop de temps à se défaire du sang de ses erreurs passées. Ce n'était pas pour les salir de nouveau, aux yeux d'une vengeance fictive puisque dérisoire. Ce n'était pas lui. Et ça ne la ramènerait pas, elle. Constatation aussi simple que cela. Mais au moins, quand le tourbillon au creux de son mental se faisait-il trop fort. Au moins, quand la pression montait trop, et que la vague déferlait, on ne l'accusait pas. Sombre ironie. C'était la victime qui payait. Et l'agresseur s'en retournait, peut-être un peu plus tourmenté encore qu'avant son crime. Et il était là. Le lion face au chien. Ce chien qui lui tordait l'estomac, lui nouait les tripes. Sans raisons apparentes. Il ne bougeait plus. Fauve à l'affût des moindres détails. Ou simplement paralysé par ce trop-plein de choses dans son crâne. Frisson long et mortel pour dévaler sa colonne vertébrale, pareil à la lame de l'opinel glissant le long de son échine, froide et fatale. Il en trépignerait presque. Comme ces petites frappes aux aguets. À se mordre, presque sans s'en rendre compte, l'intérieur de la lèvre inférieure. En le fixant. Le fixant toujours. Le fixant alors qu'il se relève. Le fixant alors qu'il plante son regard dans le sien. La première fois, le premier jour, quand il avait vu Siegfried vierge de toute opinion, il s'était fait la réflexion. Que si l'on devait opposer ses prunelles à celles de quelqu'un d'autre, il avait là et en ces lieux trouvé son antagoniste. Le bleu, le brun. L'inexpressif, le renfermé, l'océan glacé et brumeux ; L'oeil vif et aiguisé, futé et affûté. Le blanc à son noir. Le noir à son blanc. Le jour à sa nuit. Oui, il n'y avait à part cela, qu'une frontière infranchissable entre eux. Ou presque. Romeo déglutit lentement. Pomme d'Adam glissant de haut en bas avec la salive ravalée et les battements de coeur saccadés. Et ce reniflement. Les mâchoires se serrèrent. Lents battements de cils. Il avait autant envie de ce sourire sarcastique et sardonique. Amer. Moqueur. Prédateur. Autant envie de cela que de le briser. Autant envie de cela qu'il ne le brise. Si fort. Si violent. Et les systoles et diastoles de son coeur se relayaient avec ferveur et empressement. Instant figé. À se fixer ainsi. Comme si une vitre les séparait. Qu'attendait-il pour bondir ? Qu'attendait-il pour le saisir à la gorge ? Qu'attendait-il pour lui gueuler dessus ? Il ne savait même pas. Même plus. Comme s'il n'avait jamais su. "Frappe-moi." Second ordre. Seconde phrase. Seconde prise de parole. Frappe-moi. Il n'avait pas plus bougé. Pas plus cillé. Ses phalanges frémissantes ne s'étaient que refermées en poings. Presque usuellement. Mais les mots. Les mots n'avaient pas de sens. Il lui refusait sa demande. Comme il l'en avait presque supplié, imbibé jusqu'à la moelle, la dernière fois. Frappe-moi, Siegfried. Frappe-moi, putain ! Le tout tout contre lui. À quelques centimètres de son oreille. L'haleine âcre des alcools en prime. Ce qui n'était pas le cas ici. Non. Cinquante centimètres entre eux deux, et les pupilles verrouillées. Il ne faisait que lui demander un service. Que lui demander une réponse. Avec, à force des choses, la presque quasi-certitude que le tout ne viendrait jamais. Force de l'habitude. Il lui demandait, impérieux et décidé, les coups et les phalanges qui craquent. Il lui demandait. Il lui ordonnait. Et il attendait. La respiration presque en suspend. Les secondes prenant mille ans. La riposte. La riposte, un jour. La riposte, peut-être, enfin. Les coups pour le démolir, et les coups pour le reconstruire. Les frappes pour que la tension se relâche. Les frappes pour que tout prenne un sens, si possible. Sinon, lui, il le ferait de lui-même. Il le rouerait peut-être. En continuant de demander sa contre-partie. Son retour. Les conséquences. Et qu'on lui montre l'humanité. Et sa bassesse, et sa vilenie. Il n'attendait que ça. Que tout ait un peu de conviction, un peu de sens. Que Siegfried lui paraisse enfin humain. Que lui-même soit rappelé à cette condition primaire. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Ven 11 Avr - 19:41 | |
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MAN IS THE CRUELEST ANIMAL.Peut-être était-ce ce qu’il y avait de pire, dans toute cette histoire : aujourd’hui encore, Siegfried ignorait parfaitement les raisons pour lesquelles Romeo pouvait bien le détestait. Et pourtant, Dieu savait à quel point le grand blond pouvait le mépriser. Pas besoin de mots pour l’exprimer, de simples regards noirs et foudroyants, des comportements haineux et des ordres balancés comme à un chien suffisaient. Quelques coups renforçaient l’idée, et en fin de compte le fait d’être pris pour un punching-ball mettait un point au bout de cette magnifique déclaration de haine pourtant sans limites à première vue.
Mais cette haine, l’ancien Pacificateur ne la comprenait pas. Peut-être Romeo avait-il surpris quelques rumeurs à son sujet — comme il en circulait beaucoup. Ou peut-être avait-il, un jour, fait du tort à cet homme sans en avoir lui-même conscience. Cela pouvait arriver. Peut-être, peut-être, peut-être, mais sans jamais être sûr. Cruel fait qui faisait que Siegfried était incapable de lire dans la tête de qui que ce soit, et qu’il se contentait d’accepter son destin de bête noire. Il était même devenu celle d’une autre bête noire, ceci montrant désespérément à quel point il pouvait être seul, parfois. Seul, et mal en point. Seul, et surtout détestable. Longtemps, Jules s’était regardé dans le miroir en se demandant ce qu’on aurait pu lui trouver d’agréable. Il se voyait comme un défaut ambulant, et jamais ses parents n’avaient tenté de lui démontrer le contraire. Son père, tout du moins, avait toujours tout fait pour le laisser à distance, et l’ignorer le plus superbement au monde. Sa mère l’avait aimé, à sa manière ; comme une femme perdue pouvait aimer son fils, alors qu’elle devait penser à la survie de la famille au complet, sans faire de distinction. Mais elle l’avait aimé. Neela aussi, l’avait aimé. Elle était douce, et protectrice avec lui. Elle lui avait déjà conté plusieurs fois à quel point il était beau, grand-frère génial et parfait. Elle lui avait dit qu’elle n’aurait pu rêver mieux. Mais derrière chacun des sourires que lui servait alors Jules en guise de réponse, la triste résignation de l’homme qui n’en croyait pas un mot était dépeinte. Résigné. Voilà qui était le mot pour définir l’état d’esprit de Siegfried. Trop vieux pour mourir jeune. Trop jeune pour mourir maintenant, si on en croyait les grandes idées des médecins. Mais il aurait parfois voulu quitter la surface de cette planète plus tôt que prévu. Après tout, peut-être que cela se produirait. Si on en croyait la menace que représentait Romeo pour lui, sûrement serait-ce le cas, d’ailleurs.
Frappe-moi. C’était un ordre. Parce que, Romeo, lorsqu’il lui parlait, ne lui donnait que des ordres. Comme on ordonnerait à un chien, à un être misérable et inférieur. Une punaise gênante, un insecte qu’on voudrait écraser du bout de la semelle, mais qu’on n’avait pas le droit de toucher, parce que la décence et la morale ne nous le recommandaient pas. Pourtant, qui se serait soucié de la disparition de Siegfried ? Il avait la nette impression que personne n’aurait pu s’en douter, ni vouloir le chercher. Le lieutenant-colonel Abernathy aurait sûrement eu un grincement de dents, et lui aurait cassé du sucre sur le dos en disant qu’il n’était de toute manière bon à rien, et qu’il avait su depuis le début qu’on ne pouvait pas compter sur lui. Peut-être. Ses camarades auraient très sûrement approuvé, ou auraient même émis l’idée qu’Abernathy n’aurait osé formuler à voix haute de manière si franche. Non, dans le Treize, personne n’aurait réellement été peiné par sa disparition. Noa, peut-être. Et encore. Tenait-il vraiment à cet être si sombre qu’était devenu Siegfried pour avoir de la peine à apprendre sa disparition ?
Romeo, lui, ne serait qu’heureux s’il pouvait voir ce misérable insecte dégager de la surface de la Terre. Du moins, c’était l’idée que Siegfried se faisait, tout en se collant le plus possible dos à la paroi du tunnel. Il voulait s’éloigner de cet homme. Parce que sa propre soumission le rendait malade. Shughart n’était qu’un connard fini. Un raté, tout comme lui. Il n’avait aucun droit de l’écraser ainsi. De le frapper non plus. Il n’avait pas un plus haut grade que lui, et rien n’obligeait le Raine à lui obéir, et à se soumettre. Absolument rien. Alors pourquoi le faire ? L’instinct de survie était-il si cruel ? Il fallait l’imaginer. Mais Siegfried était en colère. Il sentait cette haine et cette rage lui piquer le bout des doigts. Pour autant, il restait immobile. Incapable de s’avancer, incapable de bouger. Stop, lui criait son bon sens. Ne frappe pas, ça ne sert à rien. Tu t’attireras des ennuis. Parce que des deux cafards du Treize, on préférera toujours celui qui n’a pas été frère de l’ennemi. Et son bon sens avait raison. N’est-ce pas ?
Lentement, imperceptiblement ou presque, Jules secoua la tête. Lèvres scellées, il ne formula pas la réponse à voix haute, incapable de parler à cet homme. Qui, pourtant, ne l’intimidait en rien. Il était effrayé de sa propre colère. Des propres conséquences de ses actes, si actes il devait y avoir. Il savait qu’il valait mieux qu’il reste à sa place. Alors il y restait. Sans rien dire. Muet et tassé sur lui-même, se battant contre une fierté de soldat qu’il était sans conteste de plus en plus dur de ravaler.
Incapable de soutenir ce regard de glace plus longtemps, Siegfried baissa les yeux. C’était une soumission, penserait Romeo. Et ça voulait aussi dire définitivement non. Mais c’était plus une précaution qu’autre chose. L’affronter du regard lui donnerait envie de l’étranger. Lui donner envie de l’étrangler le forcerait à fracasser son poing sur ce nez si fin. Mais il n’en avait pas envie.
Romeo, si. Mais c’est pas Romeo qui commande, jusqu’à preuve du contraire. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Sam 12 Avr - 9:29 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
Dans une autre vie. Dans une autre vie, peut-être auraient-ils pu sympathiser. Dans un autre temps. Dans un autre temps, peut-être auraient-ils pu être amis. Dans un autre monde. Dans un autre monde, peut-être auraient-ils pu s'aimer. Mais ce n'était ni une autre vie, ni un autre temps, ni un autre monde. Et tout cela semblait simplement impossible. Inimaginable. Incroyable. Fou. Il n'y avait aucune chance à cela. Pas ici, pas maintenant, pas là. Romeo ne le haïssait peut-être pas tant que ça. Romeo ne le détestait peut-être pas tant que ça. Romeo avait une dent contre tout un chacun. Alors qu'est-ce que tout cela pouvait changer à la donne ? Il parlait comme à un chien. Aussi affreux qu'il puisse être. Lui comme sa proie. Il n'y pensait plus, de toute manière. Il ne pensait plus. Passé en mode binaire. À ne voir que ce qu'il voulait voir. Et tant pis pour le reste de la beauté du monde. Et les secondes se comptaient. Lentes et incertaines. Meurtrières. Des secondes dans le silence du boyau de béton. Les êtres tremblants, de chaque côté de la barrière invisible. Il lui avait demandé. Il lui avait ordonné. Et il attendait. Un mouvement, un signe, quelque chose. Mais Siegfried ne bougea pas dans son optique. Ce ne fût pas un poing qui vint le cueillir au creux de l'estomac. Rien de cela. Rien. La légère négation. Ses battements de coeur s'accélérant. Les tempes bourdonnantes. Battre des paupières. Un instant, le stress lisible dans ses iris. Le stress et l'incompréhension. Pourquoi ne le faisait-il donc pas ? Pourquoi ne le frappait-il donc pas ? Le temps figé. Respiration retenue ou presque. Les muscles contractés. Les instincts aiguisés. Le coup ne venait pas. Le gong ne résonnait pas, ultime glas. Et le Leews-Raine détourna le regard. Baissa les yeux. Le bourdonnement aux tympans de Shughart s'accentua, dans l'instant. Il ne savait pas ce que cela voulait dire. Ce que cela voulait dire autre que non. Autre que non, j'abandonne. Et il le détestait pour cela. Il détestait simplement cela. Tout bonnement. Oui, il était un sombre idiot. Romeo, connard officiel des boyaux du Treize. Sûrement pas le seul. Sûrement pas le dernier. Mais sûrement le plus consternant, en cet instant. Adieu. Adieu, Romeo se battant pour des autres. Cela, ça n'était possible que lorsqu'il revêtait, invisiblement, son masque de médecin des champs. L'attente. Insupportable. Un dernier signe. Un dernier espoir. Attente de quelques millièmes de seconde. Pas grand-chose. Pas beaucoup de temps. Assez pour que la machine s'emballe et déraille. Rupture des nerfs menaçant le système dans son intégralité. Siegfried refusait de faire le premier pas. Siegfried refusait de se battre. Et dans cette histoire, cela ne faisait que conforter les idées formatées de Romeo. Et la rage bouillonnante, portant à ébullition le sang pulsant dans ses artères. "PUTAIN !" L'insulte dévastatrice. Plus forte que tout. Un cri, presque. Empli de haine. Empli de souffrance. Empli d'incompréhension. Empli de colère. La parole suivie des gestes. Des gestes maladifs et violents. Et du poing se refermant sur le col de Siegfried. Le frapper contre le mur déjà si proche. Les dents serrées. Le regard fiévreux. Il avait poussé tout son corps contre cet affront. À plaquer avec véhémence Siegfried contre la paroi du tunnel. Sans précaution. Sans attention. Les phalanges à en blanchir, serrées sur leur prise. Putain. Une insulte. Une insulte et des ordres, comme on parle à la vermine, au moins que rien. Si seulement. Si seulement tout cela était si simple que ça, aussi aisé et clair. Non. Loin de là. Pour l'instant, il n'y pensait pas. Parce que l'adrénaline battait à ses tempes et que sa tension grimpait. Quand le calme reviendrait. Il aurait le temps de se revoir. Inhumain. Tout comme jamais. Inhumain à pousser les êtres ainsi. Inhumain à se chercher des excuses et des solutions dans les chairs fracassées et les os broyés. Première secousse du séisme. Loin d'être la plus forte. Rien qu'un avant-goût dans les tremblements de la croûte terrestre. Pour voir se fendre, d'ici quelques instants, le sol et les terres, jusqu'aux entrailles du monde, sombres et profondes. Ce n'était qu'un début. la montée en douceur de la violence humaine. La montée en douceur des envies meurtrières. Il se haïrait plus tard. Il comprendrait plus tard. Il n'en avait pas la force et pas l'envie en ce moment. Alors qu'il oubliait, et frappait de nouveau Siegfried contre le dur. Ce n'était que la première bourrasque de la tempête qui s'annonçait. Et les vents violents viendraient frapper. Tourmente insatiable et insatisfaite. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Dim 13 Avr - 19:03 | |
| Jamais Siegfried n'avait été un homme de grande taille, pour son âge. Il n'avait jamais été très puissant non plus. N'avait jamais eu beaucoup de force. Et il n'avait pas non plus été très violent. À aucun moment de sa vie, lui semblait-il, il n'avait tellement débordé, réellement flanché et cédé face à la violence qui rongeait pourtant plus d'un. Alors, qu'avait-il ? Il avait l'instinct d'adaptation. Cette faculté de calculer des plans et de savoir survivre. Cet atout en manche, qui l'avait sorti de bien des situations délicates. Et il avait également cette humanité significative, le mettant parfois en totale opposition, voire contradiction, avec l'instinct de survie mentionné ci-dessus. Parfois, la nature humaine et sa sensibilité, non pas sa connerie, faisaient faire des choses que l'on pouvait être amené à regretter. Et, souvent, ç'avait été le cas de Siegfried. Qui, lorsqu'il se prénommait encore Jules, était un homme d'une grande bonté, presque pacifiste malgré son statut de Pacificateur. Un homme qui savait user des bons châtiments, et considérer son prochain, peut-être parfois au détriment de la cruauté qu'il lui était imposé à sévir. Mais au diable les ordres et les injonctions. Au diable les insultes. Le manque d'humanité était peut-être la pire des punitions, pour beaucoup. Et dans ce genre de cas, y rajouter les coups de fouet et les coups tout court ne faisait qu'empirer les choses, à un degré qui faisait tomber le châtiment justifié dans la violence gratuite et incitant à la haine. Et après, on s'étonnait qu'il y ait eu une révolte. - Mais s'étonnait-on vraiment ? - Les Pacificateurs étaient allés au bout de l'horreur dans de nombreux districts, cruels et insatiables. Mais Siegfried, lui, n'avait jamais été comme cela. Peut-être n'aurait-il d'ailleurs pas réussi à passer la révolte dans le camp des Pacificateurs. La souffrance et le sang à distribuer l'auraient rendu fou. Pour autant, y participer aux côtés des rebelles avait été une expérience tout aussi difficile et éprouvante. Pour autant, il n'avait pas basculé du côté de la violence gratuite. Jamais. Et il ne comptait pas faire d'exception aujourd'hui même.
Shughart l'attrapa par le col, et vint le plaquer contre le mur. Le crâne de l'ancien Pacificateur heurta le béton, et il serra les dents, étourdi par le choc. L'insulte avait claqué à ses oreilles, et il avait senti que son temps avant de payer par la force physique était compté. Il ne s'était pas trompé, et voici que tout commençait. Une haine brutale et gratuite, sans réel fondement. Voilà ce que lui envoyait Romeo. Une haine que le Raine rattrapait avec une aversion sans bornes, et conservait bien au creux de son coeur. Oui, lui aussi le détestait. Et oui, bien que n'ayant jamais été un homme violent, il avait pourtant envie, chaque fois qu'il croisait Romeo, de glisser sa main dans ses cheveux. Non pas pour l'embrasser, cependant, mais bien pour accompagner sa tête jusqu'au mur, et sentir ce choc et ce contact brusques. Il avait envie d'enserrer ses mains autour de son cou, et de l'étrangler. Voir jaillir ses yeux hors de ses orbites, et le sentir rendre l'âme. Attraper une fourchette à la cantine, et l'en poignarder sans le moindre remords. Il aurait voulu faire tout cela. Il aurait voulu lui faire payer l'humiliation et la haine que Romeo lui infligeait sans raison. Mais il n'en faisait rien. Il se contentait de fermer les yeux et de serrer les dents. De se faire frapper une nouvelle fois contre le mur, sans prononcer le moindre mot. Et il se demanda alors : pourquoi ?
Pourquoi moi ? Pourquoi ici, et maintenant ? Pourquoi toujours moi ? Pourquoi me haïr ? Pourquoi décharger cette haine ainsi ? Pourquoi ne pas me frapper directement, hein, espèce de connard ? Pourquoi ne pas me péter le nez d'un coup de poing, et après on n'en parle plus ? Pourquoi tu restes là à me faire tes préliminaires à la con alors que tu pourrais parfaitement m'enculer sans plus de cérémonie ? Hein, pourquoi ? POURQUOI ?
Il ne hurla pas. Les mots restèrent coincés dans sa gorge, le cri de rage bloqué dans ses poumons. Mais il serra les dents, davantage encore, et les muscles de son visage se contractèrent. Il sentait la colère et la violence envahir ses propres veines, mais ne pouvait pas craquer. Siegfried ne craquait pas. Depuis deux ans qu'il était sorti de cette pauvre cellule du district treize, il ne craquait jamais. Il encaissait tous les coups qu'on lui portait. Stoïque, impassible. Blessé plus que jamais, complètement à vif, mais silencieux. Le bouc émissaire idéal, en bref. Ce que Romeo démontrait à cet instant précis.
Mais depuis quand se laissait-il faire de la sorte, hein ? Depuis quand se soumettait-il ainsi, dans la simple crainte d'être jugé par les autres ? Ses deux mains avaient saisi celles de Romeo. Bras croisés par-dessus les siens, il agrippait les prises que le médecin avait attrapées. Il ne comptait pas le faire lâcher. Il ne savait pas s'il aurait eu la force suffisante pour le faire. Quoiqu'en cette position, lui attraper les pouces et le les lui retourner tout en appuyant fortement sur ses poignets pour salement les tordre aurait été aisé, même avec sa force basse. Pourtant, il n'en fit rien. Il ne voulait pas devenir méchant. Il ne voulait pas que Romeo continue de lui faire du mal ainsi. Seul. Siegfried voulait être laissé seul.
« Laisse-moi, putain... Fous-le camp, fous-moi la paix... » Ce n'était pas colérique. Bien loin de là. C'était même geignard, plaintif. Il ne voulait pas voir la suite des réjouissances. Il ne voulait pas se retrouver prisonnier de la colère et de la haine, comme pouvait l'être le Shughart. Il ne voulait pas tomber aussi bas. Aussi s'était-il résolu à prendre la parloir. Il venait de lui jeter un regard bref, mais implorant. Et, immédiatement, de détourner les yeux de là. Car Siegfried était, lui aussi, en colère. Il avait, lui aussi, envie de frapper Romeo contre un mur. De pousser contre l'appui, de son pied, tout en lui retournant finalement les pouces et les poignets, et de le plaquer contre le béton. De lui y cogner la tête sans ménagement. Que cet espèce de grand gorille blond comprenne qu'on ne traite pas les gens comme des sous-merdes juste parce que leur tête ne nous revient pas. Que cet idiot concentrant principalement sa cervelle dans ses biceps se rende compte qu'il n'était pas le roi de la jungle, ni de la savane, et encore moins de ces putains de sous-terrains. Et il voulait montrer que sa victime de prédilection savait, elle, mordre. Et ne se contentait pas de seulement montrer les crocs. Hein, Romeo ?
Oh, si seulement il pouvait lui dire tout cela. Si seulement il avait le droit de laisser sa haine éclater, sans avoir peur d'en essuyer des représailles difficiles. Si Romeo était venu le voir au gymnase, alors peut-être à cet instant-là, Siegfried aurait-il accepté de se battre. Sans aucun doute l'aurait-il même fait, bien trop heureux de pouvoir laisser sa violence s'exprimer là où il en avait le droit. Enfin, pouvoir déborder face à cet adversaire injuste et intolérant. Face à cet homme qui ne savait rien faire de mieux que... Tricher. Parce qu'au fond, le prendre en traître en espérant le faire pisser dans son froc, n'était-ce pas un jeu de tricheur ? Un jeu de lâche ?
Allez, Romeo. Montre que t'as autres choses que des crocs. Montre que t'as des couilles, et que t'es capable de faire autre chose que grogner. Montre que t'as autre chose dans le froc que cette pauvre connerie qui te pousse à tenter d'intimider ceux qui restent dans les limites du raisonnables.
Si tu veux l'frapper vas-y, te fais pas prier. Mais, pour une fois, quitte à la jouer molosse enragé et irréfléchi, fais-le pour de vrai. Jusqu'au bout. Allez. T'attends quoi, qu'il te pousse du cran ? |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Lun 14 Avr - 10:35 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
Un parfait connard. Voilà. C'était tout ce qu'il était. Le parfait connard de base. Frappant sans neurones. Cherchant à mener sa loi sans les droits. Un connard. Et il n'avait pourtant pas réellement ça dans le sang. Un peu. Pas mal. Beaucoup. Peut-être. Mais pourtant. Il n'était définitivement pas ça. Il était ce qu'il haïssait. Il l'était et pourtant ne pouvait s'en rendre compte en cet instant. Il ne valait pas mieux que les autres. Il ne valait pas mieux que l'homme qui avait laissé les balafres sur son dos. Du même niveau. Aussi triste et stupide que cela. Mais ses nerfs flanchaient. Ses nerfs flanchaient, de ce monde impossible. Il en crevait. D'être le monstre qu'il voyait dans le miroir. D'être l'inhumain qu'il lisait dans les lignes de ses mains. Les lignes incrustées des paumes calleuses. Noircies par le travail, la sciure, le sang, les années. Un chien. C'était bien lui, d'eux deux, le bâtard enragé. Le clébard oublié. Le chien sous la pluie.Raccroché sa chaîne. Au milieu du terrain vague. À hurler à la lune, à japper après les voitures. Le chien qu'on laisse, là, au fond. Le chien dont on ne se rappelle pas. Et il continue de montrer les crocs. Il continue de gronder. Il continue d'aboyer. La menace incertaine. Car rien n'assurerait la morsure, au final. Romeo était devenu comme les autres. Détestable. Et il pouvait sentir les mains de Siegfried, refermées sur les siennes. Et les artères battantes. Les artères pulsantes. Picotements parcourant ses phalanges crispées. Il déglutit. Presque avec douleur. Difficile. Et l'envie de hurler. Lui gueuler au visage et le briser. Sentir les os se fêler, les chairs se déchirer. Il en crevait, certaines fois. Et il en crevait, pour tous. Détruire Siegfried autant qu'un autre. Et se détruire, sans doute, aussi. Les molaires crissantes. Sourd son de douleur. Filet de frisson. Filet de sueur. Et les battements du coeur, à la dérive des horreurs. Renifler. La haine. La haine de tout. Toute trahison. Alors il frappait. Alors il frappait sans sembler avoir la conviction de blesser. La conviction d'user et de faire mal. La conviction de définitivement faire du mal. À un frère éloigné. Les tripes tordues. Les méninges noircies. Et les quasi-gémissements de Siegfried, comme des lames de rasoir. Non. Faut pas dire ça. Ses ongles s'enfoncèrent dans sa propre peau, à force de tenir, à force de serrer. "Comment tu fais ?" Les tremblements. Et les chuchotements. Un simple filet de voix. Fiévreux. Noir. Plus proche encore. Se rapprocher. Les dents figées, soudées, grinçantes. Persifler. De la Haine à l'Envie. De savoir. De comprendre. De pouvoir. Lui ne pouvait pas. Garder ce calme-là. Ne pouvait plus. Humaniser ses peines, et se rappeler sa nature. Alors sa jambe crocheta celle de Raine. Le foutre à terre. Lui faire mordre la poussière. "COMMENT TU FAIS ?" Voix de fausset, quand les ponts tombaient et les certitudes se délitaient. Dégager l'une de ses mains. Le coude de l'autre membre pour tirer sur son cou. Retenir son souffle. Juguler ses veines. Il y avait son genou, lourd, sur sa colonne. "COMMENT TU FAIS, PUTAIN ?" Pour garder le calme qu'il n'avait plus. Pour garder la foi qui n'avait plus que le goût de bile sur ses papilles. L'oeil brillant. L'oeil fébrile. L'oeil fou. Non. Il n'était pas un vrai connard. Il n'avait pas les couilles pour. Comme il ne les avait pas, pour être un vrai médecin. Il ne les avait pas, pour assumer les erreurs d'avant. Il ne les avait pas, pour oser librement. Il faisait comme si. Histoire de faire peur. Histoire qu'on ne l'approche plus. Histoire qu'on le laisse seul. Quand bien même il avait besoin des autres. Il n'avait pas la force pour passer le cap. Sans doute aucun. Il n'y avait que la façade. Façade effrayante pour empêcher les autres de pousser la porte. Mais parfois l'ermite sortait. Et instantanément, le soleil l'agressait, le bruit le noyait, et l'air lui manquait. Il ne sortait plus. "J'veux pas t'tuer.." Les mots tremblants. Bas. Bredouillés. Lui aussi. Et Romeo n'avait pas le don. Pour choisir les bons mots. Et trouver les bonnes phrases. Il articulait avec peine et dans un souffle des tournures maladroites. Comme l'allure pataude derrière les airs d'ours. "... J'te comprends pas..." Et il n'était même plus certain. De s'adresser à Siegfried ou bien à lui-même. Incertain. Il n'avait pas besoin de saisir les autres, les mécanismes de leurs esprits. Pas besoin. Sauf pour lui. Sauf ici. La nécessité, douloureuse, de n'avoir qu'une mince vérité. Qu'il ne voudrait sans doute pas entendre. Pas accepter. Son muscle cardiaque frappait avec force. Force contre les barreaux de sa cage thoracique. Prisonnier aux chaînes trop lourdes. Et l'envie, en interne, de s'écorcher vif, les ongles à la peau. Et de hurler. Mais les dents restaient serrées. Les mâchoires closes. Et les paroles demeuraient chuchotements. Il crispa des paupières. Un instant. Si seulement lui avait obéi. Osé. Aux premiers ordres. Frappe-moi. Les choses auraient été plus simples. Le poing de Siegfried dans sa gueule, le sang dans sa bouche, et la certitude que si le Raine cédait, c'était qu'il était humain. Et que s'il était humain, lui l'était bien aussi. La tension. L'attente. Et la prise ferme qu'il ne sentait plus. Sa propre prise. Pas même certain, encore, de le tenir avec toujours autant de force. Déconnecté. Il avait mal, lui aussi. Il était le chien qui hurlait à la Lune. Le chien battu qui ne voulait plus qu'on le touche. Il avait mal, lui aussi. Mais il ne savait plus, à force. Ce que ça voulait dire. Il avait fait une place pour cela. Il avait laissé un espace dans son crâne pour la misère. Humaine. Ne manquait que l'adjectif. Rayé de son dictionnaire personnel. Humain. Faire preuve d'humanité. Faire acte de foi. Et porter la vie. C'était de ces choses-là. Qu'il se refusait. Se sentait incapable. Pas son domaine. Pas son boulot. Pas pour lui. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Lun 14 Avr - 12:28 | |
| Il aurait dû le faire. Briser ses pouces, rompre ses poignets. Il aurait dû. Parce que voilà, maintenant c’était trop tard. Maintenant, à ne plus avoir l’envie de lui répondre, et à se laisser faire, il se condamnait lui-même. Romeo aurait pu le tuer que jamais Siegfried ne se serait plaint. Intérieurement, il bouillait de rage, l’insultait copieusement, et ne souhaitait que le provoquer. Mais il n’en faisait pourtant rien, et se contentait de rester à sa place, soumis et sauvage. Cette place à laquelle on l’intimait de rester depuis trop de temps déjà, et qu’il ne supportait plus de conserver. C’est vrai, quel mal y avait-il à vouloir se sortir de là ? Quel mal pouvait-il y avoir à vouloir être humain, et à réagir ? Il ne comprenait plus. Bribes de l’homme qu’il avait été, vague souvenir et ombre pâle. Il se sentait si seul, et si vide. Condamné à subir la haine des autres, et à l’essuyer avec un sourire ou en baissant les yeux. Sans rien dire. Et, désormais, c’était le temps des regrets.
Regretter de ne pas avoir explosé le visage de Romeo contre la paroi de ce tunnel de béton. Le regret de ne plus parvenir à se battre. Plus vraiment. Le regret de ne jamais avoir prouvé qu’il pouvait être totalement autre chose qu’un soumis stupide qui se laissait insulter et cracher dessus sans jamais répliquer. Aujourd’hui, il voulait juste hurler. Hurler sa haine et sa rage envers ce qu’on lui demandait d’être depuis deux ans déjà. Il voulait hurler sa liberté, la saisir à pleines mains, et qu’enfin il puisse retrouver un peu de respect de la part de ses pairs. Mais étaient-ils réellement des pairs ? Oh, il aurait voulu craquer. Mais il s’était laissé tomber au sol, fauché par le Shughart. Non sans un éclair de haine dans le regard, et une légère contraction de l’ensemble de ses muscles.
Romeo hurlait. Il enserrait le cou de sa victime d’une poigne puissante ; et progressivement, Siegfried avait de plus en plus de mal à respirer. Ses bras glissaient sur le sol, tandis que le genou de l’homme appuyé dans son dos le faisait réellement souffrir. Mais comment était-il arrivé jusqu’ici ? Qu’avait-il fait pour être ramassé à terre aussi facilement ? Les cris du grand blond lui perçaient les tympans. Et il aurait tout donné pour pouvoir crier. Pour s’autoriser à le faire, et enfin, juste un peu, être faible. Mais il semblait que le self-control de Siegfried avait atteint des sommets depuis sa captivité. Il semblait que toutes ces dures années à résister, à palier la douleur et le manque de respect, payaient peut-être, enfin. Mais cela ne l’empêchait pas de vouloir hurler. Ses mains avaient attrapé le bras de Romeo, et ses jambes s’agitaient quelque peu dans la poussière. Il avait les larmes coincées dans la gorge, et cette gorge compressée par la prise de fer du médecin de fortune. Il rougissait progressivement, sous le manque d’air, la colère et l’envie de tuer cet homme. Mais il ne disait rien. Il ne hurlait pas. Ne gigotait pas plus qu’il ne le fallait pour rester en place. Il devenait simplement fou. Et lorsque les derniers mots de Romeo s’échappèrent, lorsqu’il lui avoua ne pas vouloir le tuer, et simplement ne pas le comprendre, Siegfried serra violemment sa prise sur son bras. Il serra les dents, cette envie de le mordre jusqu’au sang, à la manière d’un animal sauvage, lui tordant le ventre. Mais il n’en fit rien. Il resta là, à planter ses ongles dans la peau de l’homme, au travers du vêtement. « Fous-moi la paix… lâcha-t-il d’un ton étranglé. Va… Va t’en prendre à quelqu’un d’autre si t’es pas capable de frapper… » Il toussota brièvement, déglutit, comme il le pouvait, forçant un peu sa poigne pour obliger Romeo à le laisser respirer un peu. « Si t’as un problème y a toujours la salle d’entraînement pour s’expliquer… » Connard, se retint-il d’ajouter.
Il s’était décidé à manifester un peu de caractère. À manifester un peu de sang-froid. Mais il n’avait toujours pas répondu à sa violence, ou à ses cris. Toujours au fond de ses baskets de plomb, à supporter l’humiliation, et à ne pas s’énerver. Parce qu’il avait été si bien éduqué qu’il était incapable de faire autre chose. Il avait été si bien formé qu’il se contentait d’encaisser lorsque c’était hors de la salle d’entraînement. Et qu’il se contentait de vivre tout ça. De subir. Et, par la suite, de regretter.
Il toussa brièvement, reprit difficilement sa respiration, en un bruit étrange. Ses mains relâchèrent le bras de Romeo. Il cessa d’opposer la moindre résistance. Et lui non plus, il ne se comprenait pas. Il ne savait plus. Ce qu’il faisait, pourquoi il était là. Et pourquoi il subissait tout ça. Il ne savait pas pourquoi il continuait, ni ce qui lui donnait la force de le faire. Alors, il se remit à attendre.
Mérités. La sentence et le glas. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Mar 15 Avr - 18:12 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
Il ne pouvait. Il ne pouvait pas le frapper. Il ne pouvait pas le détruire. Il ne pouvait pas le tuer. Il ne pouvait physiquement pas. L'achever. Laisser la rage éclater. Ou alors n'en avait-il donc pas assez ? De cette rage affolée. De cette colère destructrice. Il n'en savait rien. Il ne savait pas grand-chose, de toute manière. Il savait poser des garrots et réparer des fractures ouvertes. Il savait rester silencieux et assassiner les gens du regard. Et jusque là, ça lui avait suffi. Il y avait eu un temps où il aurait su aussi calmer le jeu. Chérir un enfant. De ces choses-là. Mais le peu de gosses qu'il pouvait croiser, il les évitait. Cette marmaille, ça l'insupportait. À lui en foutre les nerfs en boules. Non. Il ne savait pas grand-chose et il ne pouvait pas grand-chose. Il ne se comprenait pas lui-même. Et s'y faisait pour les autres. Mais, forcément, puisqu'il devait y avoir grain de sable dans la machine, Siegfried était un cas à part. Et la nature lunatique de Romeo le faisant changer de regard d'une minute à l'autre n'aidait sans doute pas la situation. Fermer les yeux, ouvrir les yeux. Battements de paupières symboliques comme actuels. À bientôt ou presque secouer la tête. Pour se remettre les idées en place. Les muscles contractés. Les articulations sanglées. Le poids porté de toutes ses forces sur l'autre soldat. Et il pouvait bien enfoncer les ongles assassins dans son bras. Il pouvait mordre s'il le voulait aussi. Il le voyait, qu'il en crevait d'envie. Et dans l'instant, Shughart avait presque envie de lui dire qu'il n'avait qu'à se faire plaisir. Il pouvait se débattre. Il avait son radius quasiment appuyé sur sa paume d'Adam. Prêt à lui couper le souffle à tout bout de champ. Prêt à lui laisser une bouffée d'oxygène au prochaine battement de cil. Parce qu'il y avait le vide. Siegfried qui semblait lâcher un peu de leste, dans ses paroles étranglées. Respiration. La cage thoracique s'emplit et se vide. Le souffle poussif. Et son visage dont les traits se sont étrangement détendus. Au fil des secondes. Au fur et à mesure qu'il le sentait. Le quitter. Le cri de rage silencieux et absent. Rien de cela. Les silences entre les syllabes. Le silence entre ses battements de coeur. L'illogique. L'illogique qui le forçait à retrouver la raison avec cette violente lenteur. La brume de l'ignorance s'envolant. Le regard désembué. Et les sens palpitants. Même pas sûr d'avoir suivi. Même pas sûr d'avoir réellement écouté les invectives et les piques. Les demandes de laisser en paix. Non. La quinte de toux de sa victime, seulement. Reprise de souffle peinée. Et l'abandon. Ses battements cardiaques accélèrent. Tambour des armées lointainement parties en guerre. Frisson long. Chair de poule qui se répand le long de ses membres. Et ses yeux bleu glacial. Ces pupilles pour le regarder. Avec cet air indescriptible. Impossible à décrypter. Les secondes, passives et poussives. Il déglutit, lenteur. Silence. Tu sais le nombre de conneries que tu peux faire ? Sans doute jamais. Sans doute qu'il ne s'en doute pas. Et sans doute qu'il en doute. Ses mains fébriles et fiévreuses se déplient. À croire que le temps passe trop lentement. Le genou qui quitte le dos. Son bras relâchant sa pression. Action rapide, dans les faits. Comme la liberté qu'on offre aux prisonniers, d'un claquement de doigts. Le relâcher. Peut-être bien sans ménagement. mais le relâcher. Le relâcher au sol et sans manière. mais le relâcher quand même. Il se relève. Sa silhouette bouche quand même, ou presque, les sorties et les échappatoires. Il passe une main sur son visage. Mouvement suivant sur ses mèches blondes, après le front humide de sueur. Non. Il n'était pas capable de frapper Siegfried. Il ne frappait que les inconnus complets et les personnes qu'il aimait. Singulier paradoxe. Il ne se trouvait pas la force et la motivation, le courage et l'envie, le besoin et la nécessité, de le voir défiguré, entre quatre planches. Lui, il ne le saisissait pas. Il ne le comprenait pas. Il ne le décryptait pas. Il ne l'analysait pas. Parce qu'il ne pouvait pas. Parce qu'il n'avait pas les clés. Pas la carte. Les indices. Et ainsi s'ensuivait le supplice. Dans les pensées s'esquintant et les idées se contre-disant. Le visage, un instant, détourné. Les yeux, un instant, levés au ciel inexistant. Un soupir en muet. Et les océans d'hiver de se reposer sur la silhouette du persécuté. Absence de tout. Les bras ballants, et pourtant les épaules droites. Encore un battement de cils. Et à quoi bon ? |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Mer 16 Avr - 8:25 | |
| Ainsi, donc, Romeo était bel et bien un lâche. Lâche, incapable de porter le moindre coup, même sous la provocation. Qu’aurait-il fallu lui dire, pour qu’il ose ? Elles sont où tes couilles ? T’as besoin qu’on te les fasse descendre ? Y a qu’à demander, hein. Allez. Mais pas un de ces mots ne passa la barrière des lèvres du Leews-Raine. Il était en position de faiblesse, et commençait à peiner à reprendre sa respiration. Son cerveau était de plus en plus embrumé par le manque d’oxygène. Mais il parvenait tout de même à réfléchir. Réfléchir, toujours plus que Romeo ne pouvait le faire avec le cerveau parfaitement oxygéné. Bien plus que ce crétin.
Était-ce donc devenu de la haine ? De la haine à l’état pur. Un être qu’il ne pourrait, désormais, plus supporter de voir ou d’entendre. Romeo n’était pas encore sorti des limites des possibilités d’affection de Siegfried, la fois d’avant. Mais cette fois-ci, c’était terminé. Cette fois-ci, la machine ne pouvait plus faire marche arrière, et ce grand blond était condamné à être haï d’un homme que tout le monde haïssait, et repoussait.
Et, finalement, le Shughart se releva. Le laissa respirer, et se dégager. Douloureusement, le Raine se recroquevilla sur lui-même, dans un léger gémissement. Se montrait-il ainsi sous un angle faible ? Bien entendu. S’en souciait-il ? Absolument pas. Si Romeo avait tenté, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, de porter à nouveau la main sur lui, qu’importe que ce soit pour un coup ou une caresse, une poigne amicale ou belliqueuse, l’ancien Pacificateur n’aurait pu jurer de rien. Il aurait, selon toute probabilité, eu le réflexe de l’entraîner au sol, de passer par-dessus lui, et de le ruer de coups. Des coups sans cesse plus amers, des coups chargés de cette haine et de se désir de vengeance. Il le haïssait, et c’était désormais inévitable. Romeo avait attisé cette rage et cette colère, réveillé un monstre dont Siegfried tentait de refouler la présence depuis son arrivée ici. Il parvenait encore, quelque peu, à le dissimuler ; mais si on s’en prenait à nouveau à lui, il paraissait évident que ce ne serait pas long.
Finalement, en quelques mouvements, le Raine s’était éloigné de son adversaire, rapproché de la paroi du mur, toujours lové au sol. Il daigna enfin se déplier, étirer son dos, et se redresser lentement. Retrouver pied, non sans tituber quelques secondes, reprenant de grandes bouffées d’air empoisonné des souterrains. Sa main tremblante épousseta par réflexe son pantalon d’uniforme, et il tenta d’avoir l’air assuré. Assuré qu’il ne ferait pas de mal à Romeo, assuré que lui-même allait bien. Mais c’était en vain, et ce bien indépendamment de la petite dizaine de centimètres en moins qu’il pouvait avoir face à l’homme.
Les mains qui tremblent. Siegfried les observait, incertain. Ces deux extensions de ses membres supérieurs. Ces choses pourvues de cinq doigts chacune. Qui, à cette seconde précise, oscillaient comme le feuillage agité par le vent. Et il se forçait à tenter de retrouver son calme, à rester serein et apaisé. Il ne pouvait pourtant pas. Il n’y parvenait pas. Ses tentatives furent toutes infructueuses, et celles de réduire son rythme cardiaque affolé également. Il n’avait pas peur. Pourtant, il recula de quelques pas, deux peut-être, trois tout au plus. Il ne voulait pas être si proche de cet homme. Cet homme que ses poings avaient désespérément envie de frapper, quel que soit le châtiment à encourir par la suite pour avoir osé faire cela. Il abaissa ses mains, les utilisa pour remettre en place une veste qui lui tombait déjà très bien, sans besoin d’aide. Et il regarda Romeo, ou plutôt un point invisible sur son torse, afin de ne pas avoir à affronter son regard de glace. « Laisse-moi passer. » Il fallait qu’il parte. Il fallait qu’il aille à l’infirmerie, absorber ces putains de produits calmants dont son médecin avait le secret, et qui lui permettraient de ne plus trembler, et de se calmer. Car la panique l’envahissait. La panique, et le désespoir. Il ne voulait pas frapper. Il ne voulait pas s’énerver. Mais ses nerfs lâchaient. Au même titre qu’il voulait hurler, il voulait également rouer de coups une silhouette, qu’elle soit vivante ou artificielle. Et Romeo était là. Au mauvais moment. Au mauvais endroit. Il refusait de le toucher, de le frapper. Il refusait de porter la main sur lui, acte qu’il savait si cher à payer s’il l’osait. Il fallait qu’il bouge de là. Qu’il dégage. Il fallait arrêter la guerre, avant que le massacre ne commence. Signer la trêve pour ce soir, et reprendre demain si réellement le Shughart le désirait.
Alors, Siegfried s’avança de quelques pas. Tenta de passer. De forcer un peu le passage, pour inciter l’autre à s’écarter. Ses mains tremblaient toujours, et désormais, il n’y avait plus qu’un seul ordre de priorité : faire cesser cette foutue colère qui rugissait en lui. Prendre ses médocs. Se shooter un bon coup aux calmants, pour que le monde autour de lui redevienne plus paisible, plus tranquille. Moins coloré, et moins chargé de bruits et de sons agressifs. Moins hostile. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Mer 16 Avr - 12:32 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
C'est ça, ton dada ? Tu fais mal aux gens et après t'essayes de recoller les morceaux ? Bravo, t'as tiré le ticket gagnant. Ouais. T'as gagné ta place au club des connards. Et qu'est-ce qu'l y pouvait ? C'était comme ça, après tout. Qu'est-ce qu'ils avaient à lui reprocher, de tout ça ? Des accès de rage et des excuses inexistantes. Il blessait, il soignait. Mais jamais il ne livrait des mots pour demander le pardon. Comme il l'accordait des plus rarement. Il en était ainsi. Dans l'ordre des choses de ce monde. Entre blanc et noir, il y avait gris. Le gris terne, le gris sale, le gris des indécis et des innocents condamnés. Dont il faisait inexorablement partie. Tout comme des accusés oubliés. Fautif laissé de côté. Dans le gris des nuits tombées. Le gris du béton. Le gris de la poussière. Le gris de la saleté. Le gris des cernes et des cendres. Et dans toute cette grisaille inexorable, il jouait au funambule. Valsant sur le fil de la vie, penchant d'un bord, pendant de l'autre. Entre le bon et le mauvais, toujours sur le fil du rasoir, au bord de la brèche, à la frontière du no man's land. Sans attache, sans quoi se rattraper. Sans garde-fous. Et sans matelas pour se réceptionner. Le vide. Inévitable. Et les battements de coeur lancinants pour donner la cadence de ses pas lourds. Et il le regardait. Il regardait le Leews-Raine, avec cet éclat dans les yeux. L'éclat brillant des fiévreux, des douloureux, des accusés, des jamais pardonnés. Il se recroquevillait comme un animal blessé. Et Romeo reprenait sa respiration, lourds et lents mouvements des poumons. Se mordre. Se mordre tout en discrétion. Se mordiller l'intérieur de la joue, l'intérieur des lèvres. Sans qu'on n'y voit quoi que ce soit. Seulement avec cet air inquiet. Préoccupé. À des millénaires, milliers d'années, de la furie passée et trépassée. Siegfried. Siegfried et ses mains tremblantes. Il avait, lui, refermé ses poings. C'était plus simple. Et plus pratique. Pour endiguer et dissimuler ses propres vagues de tremblements compulsifs. Et les océans glacés pour le détailler. Tenter de lire. Sur ses traits, en ses gestes, en ses mouvements. Entre les lignes. Floutées. Il déglutit. L'autre soldat s'était levé. Relevé. Et il lui faisait face. Confrontation, peut-être encore. Mais pas maintenant. Non. Romeo, lui, faisait bloc, faisait face, faisait front tout en silence et stagnation. Même si, encore, impulsivement et involontairement, un de ses biceps se contractait et se relâchait, flashs rapides, sporadiques. Encore sous tension. Même si la pression était retombée. Du moins en majorité. Et le brun voulait s'enfuir. Quitter les lieux, s'échapper. Et Romeo bloquait les issues. Plus ou moins de façon voulues. Et il s'en foutait. Laisse-moi partir. Ses pupilles le détaillèrent, un instant. Pas longtemps. Dans l'état dans lequel il était, il ne chercherait à faire u'une chose, sans doute. Chose qu'il connaissait. Chose qu'il savait. Se réfugier dans ce qu'on peut pour apaiser les spasmes et les tremblements, et adoucir un peu les contours acérés de cette réalité taillée comme une lame. Fermer, légèrement, les yeux, en secouant un brin la tête. Même si les mâchoires étaient serrées. Inspiration? Déglutition. "Tu vas faire quoi ? Aller chercher ta drogue, hein ?" Est-ce que cela était un reproche ? Le ton n'y était pas vraiment. Non. Juste une constatation. La voix lourde, la voix sourde, la voix posée. Le visage fermé. Et les yeux des noyés. Depuis quand est-ce qu'il s'y intéressait, de toute façon ? Depuis quand il faisait attention à cela ? À la santé, aux biens, aux besoins ? Peut-être depuis toujours, mais sans jamais le montrer. Être le détestable était un rôle plus simple à endosser. Son poing se détendit. Non. Il ne le laisserait peut-être pas encore passer aussi facilement. Le regard des incompris et de l'incompréhension. Il ravale sa salive. Coeur battant. Comme ses paupières, lentement. "Ils t'abrutissent avec ces trucs." Un ton plus bas encore. Tu sais, tu aurais presque pu être un bon paternel. Si on oubliait ta violence interne, ton mutisme et tes sauts d'humeur. Si on oubliait que tu t'étais fait voler cette possibilité, et que, il y a encore quelques instants, tu lui criais aux oreilles, à cet homme face à toi. Presque. Tout tient dans ce mot, finalement, n'est-ce pas ? T'as pas la délicatesse et la manière. Brut de décoffrage. Et handicapé des relations humaines. Y'a de quoi ne plus rien y comprendre, il faut l'avouer. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Jeu 17 Avr - 13:15 | |
| Il voulait passer. Et c’était tout ce qu’il lui demandait. Peut-être, là encore, était-ce trop pour cet homme des demi-mesures que semblait être Romeo. Un homme qui n’arrivait ni à laisser en paix, ni à frapper, et qui, dans tout ce qu’il entreprenait, avait l’air de rester précisément entre deux eaux. Siegfried, lui, n’était pas comme cela. Bien trop souvent il avait tenté de rester à sa place, et de ne tomber dans aucun excès, mais contrairement à toute attente, il était bien plus manichéen que ce que le Shughart ne le serait jamais. Le Raine savait ne rien dire. Rien dire, laisser couler, tout encaisser. Un peu comme ce qu’il faisait depuis que son ennemi était arrivé. Et, d’un autre côté, il savait frapper. Se monter face aux gens, éructer en une vague de rage et de colère, quasi impossible à arrêter. Mais, rarement il parvenait à rester coincer entre les deux, et à lâcher sa force de caractère tout en conservant sa place et en ne portant pas le moindre coup. Et, à cet instant précis, il continuait de s’écraser platement, fadement, sans rien demander d’autre à son adversaire que de lui céder le passage. Le laisser se faufiler hors de ce cul-de-sac infernal, et le laisser se précipiter à l’infirmerie, réclamer ses médicaments et s’en rasséréner. Au lieu de ça, le médecin de campagne s’interposa à nouveau. Et recommença à le provoquer. Mais quelle intelligence hors du commun.
Le mot drogue lui fit courir un très long frisson dans le dos, alors qu’il serrait les poings au fond de ses poches, rentrant son cou dans ses épaules, le regard rivé vers une microscopique particule de poussière, littéralement invisible au milieu de toutes ses semblables. Il ne voulait pas rentrer dans ce jeu. Tout ce qu’il voulait, c’était s’en aller. Être, enfin, en paix. Ses mains tremblaient au fond de son pantalon, et il sentait un petit courant faire vaciller son genou, quelquefois. Il voulait absolument s’en aller. Avant qu’il ne soit trop tard. Avant que le blanc ne devienne noir, sans prendre le temps de passer par cette couleur mitigée qu’était le gris. Il voulait avoir une chance de rester lui-même et ne pas avoir à payer les conséquences de ses actes plus que cela. Il voulait rester debout, et pouvoir être fier de lui. Cela faisait si longtemps qu’il n’en avait pas eu l’occasion. Tellement longtemps qu’il ne parvenait plus à se souvenir de la dernière fois où il s’était rendu fier.
Cependant, la seconde remarque ne fit rien de plus que l’aider à déraper. Ses ongles s’enfoncèrent dans sa paume, tandis qu’il tentait de garder la tête haute, malgré son menton bas, et de ne pas se laisser bouffer par la connerie de cet homme. Homme qui venait, pourtant, pour une fois, de lui apporter de l’aide, sans qu’il ne le remarque. Homme qui venait d’énoncer une petite vérité, simple mais cruelle, si absurde pour ce Siegfried au cerveau lavé qu’il ne pouvait que rebondir dessus, et la considérer comme une aberration. Mais pour une fois, ce n’en était pas une. « Et en quoi ça te regarde, hein ? » Le ton était sourd, bas. Mais il tremblait comme une feuille, désormais, et entièrement. Il ne parvenait plus à faire le tri entre sa haine et son bon sens, et les paroles acerbes de l’homme qui se tenait face à lui n’avaient fait qu’empirer les choses. « En quoi ça te concerne ?! » Et sa voix commença à monter. Irrémédiablement, alors qu’il levait les yeux vers le Shughart, et plongeait ses prunelles brunes et méandreuses dans celles de glace de son agresseur. « Fais pas comme si tu t’inquiétais, ou qu’ça te touchait. T’en as rien à taper, alors depuis quand tu t’intéresserais à moi ou à c’qu’on peut bien me faire, hein ? J’ai besoin de ce truc, et si tu veux appeler ça une drogue, ducon, alors d’accord, je me drogue, et sans même l’avoir sur la conscience, tu vois. Ils m’abrutissent ? Je crois que c’est mon problème, retourne voir si quelqu’un a retrouvé tes couilles en s’baladant au lieu d’changer d’humeur et d’comportement comme si t’étais schizo, et de t'inquiéter pour ceux qui se débrouillent bien mieux sans toi. » Il recula d’un pas. Non sans avoir perdu sa féroce envie de passer. Et s’il le fallait, peut-être qu’il frapperait. Il voulait ces putains de médocs. Et coûte que coûte. « Fous-moi la paix, trouve-toi un autre bouc émissaire. J’t’emmerde pas, moi, à ce que je sache, alors pourquoi tu viens toujours me chercher ? Pourquoi ?! » Sa voix tremblait un peu. Ses mains étaient sorties de ses poches, et accompagnaient ses paroles de larges gestes un peu désespéré. Quelques intonations brisées. Il voulait partir. Il voulait que tout ça cesse. Ne plus avoir à penser. S’abrutir, oui, et oublier tout le reste. « Dégage de là. Laisse-moi passer, et arrête de te mêler de mes affaires. » Il baissa les yeux, à nouveau. Tremblant de colère, déglutissant pour se forcer à conserver les poings bas.
Et pour le s’il te plaît, tu pourras toujours crever la gueule ouverte. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Ven 18 Avr - 18:29 | |
| devil at the door › siegeo avatars (c) purple haze / ell.
En quoi ça te regarde ? En quoi ça te concerne ? Déglutir. Frisson. Instantané. Battements de cils. Les coeurs palpitants. La chair de poule. Les regards alentours. Le vide. L'échos. Les mains qui tremblent lentement. Seul. La respiration souffreteuse. Les nerfs à vifs. Les pensées déchiquetées. Le trou entre les côtes. Là où l'on se sent l'inhumain. Là où on découvre l'absence. Le désert. Les fantômes. Les cimetières. La boule de rien, nouée serrée en-dessous du diaphragme. Le trou noir. Les spasmes involontaires. Ridicules. Les informations qui se bousculent. Et les plaines rases derrière son front. Les yeux des noyés, à chercher une bouée. Et les mains immatérielles qui n'accrochent que la poussière et griffent les murs. Sans aspérité pour remonter à la surface. Reprendre une longue inspiration. La tête qui balance en arrière. Les paupières qui se referment. Le voile sans sentiments sur les traits. Les billes oculaires roulant sous la peau fine. À accrocher les aurores boréales dans le noir viscéral. Les vents soufflants sans que l'air ne bouge. Ses mains calleuses se posent, diamétrales, sur les deux faces de son visage. Secondes ébréchées. Fous-moi la paix. Ceux qui se débrouillent bien mieux sans toi. Les tremblements discrets. Des vices et des péchés. Des phalanges qu'il force à tenir pour autant. Les paumes rudes passent. Soupir. Il rouvre les yeux. Ravaler ses remords. Ravaler ses regrets. Ravaler la fierté esquinté depuis bien trop longtemps. Il y fait dos. À la sortie. Aux échappatoires. Il n'a pas bougé. Il n'a plus bougé. Il n'a plus bougé depuis les dents serrées et le regard désespéré. De la situation, des personnages, des résultats de l'humanité. Désespéré et désabusé. Il se mord les lèvres. Crisper des paupières. La légère grimace. Le poing qui se serre. Les erreurs re-distribuées. Il l'a laissé se déverser. Avec les miettes d'ego crépitant d'horreur au fond de son coeur. Il l'a dévisagé. Il a pris sur ses épaules. Il s'est légèrement décalé. L'expression, bouche à moitié tordues et lèvres fermées, des gueulards et des insatisfaits. S'esquiver. C'était il y a seulement quelques secondes, même pas. C'était il y a des milliers d'années. Lui laisser la place. Les mâchoires bouclées. Qu'il lui avait marmonné un "C'ça, casse-toi." d'un ton sourd. Sourdement grogneur. Secondes. Secondes seulement. Et ce biceps qui se contractait sporadiquement, sans l'ordre de quiconque. Et ces mains assoiffées de ses plaies, assoiffées de sa faiblesse, assoiffées de ses issues alcoolisées. La brûlure au fond de l'estomac, l'enclume accrochée au crâne et les perceuses aux tympans. Les frissons. Les contradictions. Les insultes muettes. Se retourner. Au hasard. À la dérive. À l'horizon. Les volte-faces, les retours de flammes. Les regards sans mots. Et les regards brodés de paroles. La voix qui résonne une dernière fois. Assez fort peut-être pour qu'il le capte. Assez fort sans doute pour qu'il l'entende. Lui, pas si loin que ça. Lui, celui qui l'avait insulté. Les grondements restent pour lui. Les grognements restent personnels. Il n'y a que le vif des éclats pour tinter sur le béton. "Raine !" Les pulsations lancinantes. Et les barrières échouées. Les pieds qui s'avancent. Les pas décidés qui se tracent. Les lacs glacés de ses iris vissés à sa silhouette. Les décisions déjà prises. Le faux et le vrai démêlés. Qu'il soit brut, puisque tout cela n'était plus que de l'abstrait. Avaler les distances, ravaler les mètres. Et cette fois, ne pas ciller. Ne pas vaciller. Ne pas hésiter. La violence distillée dans ses veines. Il le pousse. Il le pousse, sans précautions. Il le pousse pour mieux serrer le poing. Les phalanges gainées. Les os prêts à s'entrechoquer. Et les armatures de ses mains, le tranchant de sa paume, pour venir s'écraser dans la mâchoire du Leews-Raine. Sans cérémonie. Enfin décidé. À lui faire cracher l'hémoglobine et à lui faire avaler ses dents, s'il le fallait. Sans une once de pitié. Volte-face et retournements en nombres de cette personnalité vacillante. Il s'en moquait. Il n'en a plus grand-chose à faire. Il a lancé l’uppercut avec la force des bêtes assoiffées. Sans sourciller. Il aurait des raisons de regretter après. |
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| Sujet: Re: devil at the door. ☞ (romeo) Mer 23 Avr - 11:45 | |
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AFRAID OF THE DARK. C'ça, casse-toi. Voilà. Voilà qui était dit, et posé sur la table. Il semblait que Romeo en ait fini avec les vaines tentatives de le retenir et de le garder près de lui, ce souffre-douleur qu’il haïssait tant. Il semblait que tout soit terminé, et que le Raine ait enfin la possibilité de partir, et de retourner dans sa chambre. Après être passé par l’infirmerie, bien entendu. Après avoir trouvé refuge dans tous ces médicaments détestables, dont le Shughart avait fait l’éloge en tant que drogue. Peut-être que le mot n’était pas si mal utilisé, à tout bien reconsidérer. Il était, après tout, totalement dépendant à ces substances, grand mal lui fasse. Il n’arrivait pas à voir en quoi cela pouvait être néfaste pour lui. Lorsqu’il prenait les traitements prescrits, il allait mieux. Ses mains ne tremblaient plus, ses pensées ne s’égaraient plus. Plus d’envie de meurtre, plus d’envie de hurler ou de tout briser autour de lui. Il ne se sentait pas glisser au milieu de nulle part, au fond d’un abîme dont il n’avait jamais vu le fond depuis toutes ces années. Il se sentait enfin stable, doté de toute sa capacité de penser — ou presque — et capable d’affronter le monde comme il se présentait à lui : ingrat, sans pitié, féroce et hostile. Mais il était capable de se battre, capable de se monter face à lui et de lui rendre la pareille. Et en cet instant, rien ne comptait plus que de retrouver cette stabilité si durement recherchée depuis toutes ces années.
Alors, s’exécutant, il passa à côté de Romeo. Ne se retournant même pas pour le regarder, s’éloignant simplement, le cœur battant à tout rompre. Liberté retrouvée, après de longues minutes à trimer entre les barbelés que ce cœur d’acier avait enroulés autour de lui, l’en faisant prisonnier contre son gré. Enfin libre, de ses mouvements et de ses pensées, de s’éloigner et de reprendre une inspiration bien méritée. Recommencer à vivre et à se battre, loin de cet homme qui n’avait pas pour lui la moindre once de pitié. Libre. Il était libre. Et il s’envolait loin de cette cage, à une allure plus pressée qu’il ne la voulait à la base, désireux de ne plus sentir dans son dos ce regard dardé.
Raine ! Il s’arrête, se retourne sans comprendre pourquoi son cœur a dérapé, pourquoi un simple mauvais pressentiment a trouvé refuge en lui et a grandi, au prix d’une illusion de sérénité et de liberté. Le point s’écrasa sur sa mâchoire. Et, sous la violence du coup, il ne put empêcher son corps d’être entraîné, et de s’écraser fatalement contre le mur le plus proche. Sans pour autant tomber au sol, certes. Mais s’écraser tout de même. Comme une merde, comme l’être brisé qu’il était et qu’on s’acharnait à le faire rester. Pas de rédemption pour les gens comme toi, Siegfried. Pas de possibilité de se racheter, ou de s’enfuir. Reste. Reste et assiste à ta chute. Reste et sois le spectacle de ta propre déchéance, de ta propre souffrance. Tu l’as méritée. Vis-la. À pleins poumons, à pleine douleur. Goûte le sang qui se répand dans ta bouche pernicieusement, vicieusement, et qui te fait monter les larmes aux yeux. Ressens cette douleur, laisse-la se répandre dans le moindre de tes os, et souffre. Souffre. Vis. Meurs. Souffre à nouveau. Frappe.
Non. Il ne pouvait pas. Recroquevillé là, contre ce mur. Il passa sa main sur sa lèvre, ôta aussitôt ses doigts lorsqu’une vive douleur lui fit monter les larmes aux yeux. Une petite fente rougeoyante, qui laissait s’échapper un liquide vermillon des plus communs et des plus attendus. Du sang. Il ferma les yeux, serra les dents. Il avait envie de pleurer. D’oublier, et de se recroqueviller là. De se laisser martyriser. Mais une autre part de lui enrageait. Explosait. Et refusait de se laisser abattre de la sorte. Une part de lui rugissait, et protestait. Et, finalement, tout explosa.
« Espèce de connard… » Une voix chevrotante, et sanglotante. Il n’en pouvait plus. Romeo n’avait aucun droit de lui faire ça. Aucun droit de l’humilier de la sorte. « T’es pas capable de me laisser partir, hein ? Ça y est, tes couilles sont redescendues, maintenant tu te prends pour le roi du monde et tu cognes ? T’as trouvé ton courage au milieu de tes manières de fillette ? C’est bon, tu m’as cogné, je pisse le sang, t’es heureux ? » Au début, il parvint à crier. Sur la fin, il n’arrivait plus qu’à gémir. Insulté, insultant. Il le détestait. Il se détestait. Il n’avait pas la force de rendre les coups. Il n’avait pas envie. Pas envie de tomber aussi bas que le Shughart, et de s’abaisser à ses manières violentes et déplacées.
Il le haïssait. Comme rarement il avait pu haïr quelqu’un, dans sa vie. Mais frappe, Romeo. Si ça t’amuse, tu peux cogner. Au point où on en est. |
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