J'ai souvent l'impression de n'avoir aucune attache. Je suis là un moment, un court instant de répit et on m'envoie ensuite ailleurs, la seconde d'après. Quelques jours passés dans le Six, et plus on me jette dans un train, direction un autre district, n'importe lequel, là où l'on a besoin de moi, là où les effectifs sont réduits. Génial. District Cinq, me voilà.
Comme toujours, je me suis endormi dans le train. Après une dizaine de minutes à regarder le paysage défiler derrière la vitre, une cigarette grillée à la va vite, je m'étais retrouvé la tête reposant sur l'accoudoir. Le brouhaha des gens avait cessé de me gêner, l'habitude on va dire. Plusieurs fois des curieux m'avaient secoué, mais après leur avoir jeté un regard noir, ils avaient abandonné. Youhou. Génial. Je ne sais pas combien de temps a duré le trajet, plus d'une heure sûrement, j'imagine. Je m'étais réveillé totalement groogie, le regard flou, la bouche pâteuse. Un peu d'eau sur le visage m'avait redonné forme humaine, et enfin, le train s'était arrêté. J'étais descendu avec nonchalance, traînant derrière moi ma vieille besace en toile. Un pacificateur m'avait conduit à la caserne. J'avais posé mes affaires, et on m'avait refilé un sandwich au goût indéfinissable. La journée était bien avancée, et j'avais le sentiment de n'avoir rien foutu. Bon, en même temps, c'était vrai, je n'avais strictement rien fait, à par pioncer. Une journée de perdue, super.
Les pacificateurs présents s'étaient rassemblés à l'intérieur, ils discutaient. Je m'étais posé à côté d'eux, et m'étais joins à la conversation. Connaissant la plupart de ces types, la tâche fut plutôt aisée. Quelques blagues lancées, des rires gras, petites insultes dîtes tout bas. La fumée de cigarette me brûle les yeux, la mienne se consume lentement. Je souris, légèrement, et puis soudain, la discutions s'oriente vers notre boulot. On parle du district, de nos dernières tortures, cibles. Certain évoque leur bête noire, ou leur anciennes missions. C'est sympa, les anciens racontent, racontent, et parmi le flot de parole, je capte un nom, un nom que je connais. Siam. Quatre lettres, un si petit prénom, si court. Quand je pense à elle je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire cruel. C'est méchant, je sais, mais c'est comme ça. En perdant la mémoire cette fille est devenue mon jouet, j'ai réussit à la manipuler si bien, qu'elle boit maintenant chacune de mes paroles. Pour elle, je suis l'amour de sa vie. Si si, et moi, j'en ris.
J'ai tout les avantages de cette relation, le sexe, l'amusement, et je n'en tire aucun désagrément. Je change de district, et je reviens, elle est là, fidèle à elle même. Et ça me plaît. Qu'est ce qu'ils racontent à propos d'elle ? Retour de la mémoire ? Non, sérieux ? Mince alors.
"De quoi ?" je lance.
L'autre me répond que certains trucs lui reviennent, parfois, et qu'il faudrait peut être vérifier qu'elle ne se rappelle de tout. Bien entendu, je me propose pour y aller. Que voulez vous. Et c'est ainsi, qu'une dizaine de minutes plus tard je suis en route, sous la lumière déclinante. Je trouve rapidement le chemin de sa maison, ce n'est pas trop dur, et je m'en souviens. Je marche, je marche, la clope au bec. Je ne sais pas trop qu'elle heure il est, décidément, les horaires et moi, ça fait deux.
Cinq minutes plus tard, je suis devant sa porte. Je patiente un peu avant de frapper, le temps de finir ma cigarette. Je jettes ensuite mon mégot dans le loin, et je cogne ma main contre la porte.
Toc, toc, toc
J'attends.