Brooke soupira. S'éloigner, ne serait-ce qu'un bref instant, lui faisait du bien. Prendre un petit peu de recul, ne pas les écouter. Ces vautours. Ce qui venait de se passer, ce qu'avait fait cet homme, cet Iron, était incroyable et Brooke ne savait pas si elle devait le prendre à la légère ou non. Elle lui avait tourné le dos, c'était donc une raison suffisante pour se donner ne spectacle de la sorte ? Un instant, la gagnante revit un bref instant le pacificateur faire sortir Iron Flickerman de la salle. Elle ricana malgré elle. Iron ne devait pas avoir l'habitude d'être traité de la sorte. Brooke était subjugué par la capacités des Capitoliens à la prendre pour une imbécile. Naïve, Brooke ? Peut être un petit peu. N'ayant jamais été confronté à cela auparavant, la gagnante pensait avec sincérité que, lorsque l'on revenait vivant des Jeux, l'on était acclamé et apprécié.

Ce n'était à priori pas le cas. Brooke ne savait pas si cela l'attristait ou non. Quelque part, il restait à la jeune femme un goût de trop peu. Quoi, tout ça pour ça ?! Elle ne pensait pas à la fête, à la tournée, pas même à la réception. Bien trop tape à l’œil, bien trop luxueux. Bien trop irrespectueux auprès de tous les habitants des Districts pour qui, pour certains, il fallait manger pour survivre. Elle ne pensait pas à tout ce faste déployé en son honneur mais bien à l'attitude des Capitoliens à son égard. Après tout, que leur avait-elle fait ?
La jeune fille s'assied un moment sur un banc, à demi camouflé par une plante dont elle ignorait le nom. Ce n'était pas si grave que ça, après tout. Ce n'était que les début, ces gens ne la connaissaient pas encore. Brooke avait des projets plein la tête, et ils toucheraient, à un moment où à un autre, les habitants du Capitole. Que cela leur plaisent ou non.

Depuis qu'elle en avait parlé à Caesar, avec Wyoming, depuis qu'elle avait croisé le chemin de cette Gold, cette styliste du Capitole, la collection de Brooke faisait son petit bout de chemin dans sa tête. Elle avait des idées, des croquis par dessus la tête, des envies particulières – et qui changeaient. Des choses qui n'avaient rien à voir avec ce qu'elle avait pu voir ici et ailleurs. Et cette collection de vêtement, Brooke comptait bien la présenter au Capitole. Un jour où l'autre, ces gens verraient qu'elle avait son mot à dire – et qu'elle ne ressemblait en rien à Prudence, cette autre gagnante dont Brooke ne savait au final rien – si ce n'était qu'elle avait, l'année passée, remporté les Jeux, elle aussi. Brooke soupira. On avait toujours mit en avant sa chevelure comme étant sa « marque de fabrique », ou du moins ce qui la différenciait des autres. Pour le coup, être rousse ne l'avait pas vraiment aidé.

Perdue dans ses pensées, Brooke aurait été incapable de dire combien de temps s'était écoulé. De dire depuis combien de temps elle s'était retranchée ici, dans ce coin de jardin ignoré de tous – en paix, en somme. Elle ne devait pas y rester trop longtemps – elle ne pouvait pas ignorer les autres invités plus longtemps, elle le sentait. Mais y retourner … ce n'était pas ce qu'elle voulait. Brooke avait simplement hâte que cette soirée se termine, que tout cela prenne fin. Hâte de rentrer dans le district huit, de retrouver les siens et cette pièce qui lui servait d'atelier, cette pièce dans laquelle la jeune fille avait entassé des carnets de croquis, des crayons à n'en plus pouvoir et un monceau de matériel de couture. Travailler jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à oublier qui elle était, jusqu'à oublier qu'elle devrait revenir ici, l'année prochaine. Avec deux jeunes qui risqueraient leur vie dans une Arène inventée de toutes pièces par un gouvernement de fous. Avec deux jeunes dont au moins l'un périrait.

Elle retint un bref sanglot – quand tout à coup, un bruit de pas la fit sursauter. Instinctivement, Brooke se leva, soudainement sur ses gardes. Souvenir de l'arène, la jeune fille se pencha très légèrement en avant, prenant appui sur ses jambes, prête à courir, tout à coup.
Ce n'était qu'une jeune femme, à peine plus aĝée qu'elle, qui apparue devant elle. Brune, l'air à la fois timide et ennuyée. Une autre qui, sans doute, n'avait guère envie d'être là. Brooke jugea qu'elle ne semblait pas dangereuse – elle ne pouvait pas se douter qu'elle se trompait comme rarement. Elle se redressa, ne sachant soudainement pas vraiment quoi faire. Un peu comme si on l'avait prise en faute alors que … alors que non !

Elle n'était donc pas seule. Brooke retint un soupir, fit apparaître le plus délicat des sourires sur ses lèvres. Le masque ne tombait donc jamais ? Serait-elle véritablement à vie cette jeune femme, cette gagnante ? La réponse était évidente et Brooke la connaissait parfaitement.
Elle ne connaissait par contre pas la demoiselle qui lui faisait face. Elle devait avoir une dizaine d'année de plus que la rouquine qui, tout à coup, ne savait plus comment réagir. Qui devait-elle être ? Brooke, simplement Brooke, ou Miss Declean, la vainqueur des derniers Hunger Games ? Dans le doute, la jeune fille choisit la seconde option. Inutile de risquer gros – surtout pas après le scandale que venait de provoquer Iron Flickerman.

« En effet, je suis Brooke. Oh ! » La question aurait pu la surprendre, la déstabiliser, et peut être était-ce là l'effet recherché. Brooke eut un rire léger. « Un léger mal de crâne, rien de plus. On m'a conseillée de prendre l'air quelques minutes. »

Rester vague, ne pas dire qui l'avait conseillé, ne pas parler de ce qui s'était produit lorsqu'elle avait tenté de s'échapper. Rester sobre et donner l'impression qu'elle se sentait à peu près bien dans la demeure présidentielle – ce qui était d'une rare stupidité : comment aurait-elle pu apprécier les lieux ?!

Ne pas y penser. « Reste concentrée, Brooke ! Ne fais pas tout foirer, nom d'un chien ! » Et continuer à sourire, saluer d'un signe de tête cette jeune femme, Mia, cette … conceptrice des Jeux. L'estomac de la jeune fille se retourna. On lui aurait assénée la pire des claques que ça n'aurait pas été pire. Conceptrice des jeux. Qu'avait-elle fait pour mériter cette rencontre ? Était-ce un coup d'Iron Flickerman ? « Arrêtes ça, Brooke. Ils l'ont fait partir. Tu m'as vu quitter les lieux ! » Elle respira profondément. Quand est-ce que tout cela prendrait fin ? Quand pourrait-elle enfin rentrer chez elle ?

« Je suis enchantée de faire votre connaissance, Mia. »

Elle tendit sa main vers la jeune femme, lui laissant le choix. Mia n'était pas obligée de la serrer – ce serait peut être un bon indicateur. Que pensait cette jeune femme des jeux ? Des vainqueurs ? Était-ce un gagne-pain ? Un mode de pensée ? Pouvait-elle lui vouloir du mal ? Brooke n'était pas en mesure de le savoir, aussi décida-t-elle d'engager la conversation – doucement, comme si de rien n'était.

« Merci beaucoup. Je suis très touchée. Cette réception me fait énormément plaisir également, d'ailleurs. C'est très réussit, vous ne trouvez pas ? »

Ne pas en faire trop non plus. Doser. Comment pouvait-elle doser ? Comment pouvait-elle dire juste ce qu'il fallait ?! Brooke n'en savait rien. Cette femme l'avait observé, dans l'Arène. Elle avait étudié son parcours, suivit sa progression. Parce que c'était son travail ? Qu'on le lui avait demandé ? Qu'elle le voulait ? Elle n'en savait rien et cela allait la rendre folle. Conceptrice des jeux … Se retrouver face à une personne qui aurait pu la tuer d'un simple geste de la main la terrorisait et Brooke prenait sur elle pour faire bonne figure.

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