Who the fuck do you think you're talking to ?

A bosser à l'atelier, je mets quelques secondes à réaliser que le téléphone sonne. C'est la voisine. Sa petite voix stridente infecte me signale un problème avec mon père. Habituellement, notre quartier pourri ne veut rien avoir à faire avec nous. Mais quand bien sûr il en vient de leur intérêt, qu'une gêne leur est causée par un malencontreux évènement, tout le monde se sent soudainement inquiet par ce qui se passe chez les Kavanagh. Quel bande de focus ! La connerie de mon père doit être bien bonne tiens…! Je laisse en plan mon travail, et rentre en courant jusque la maison.
Ouais, j'aime pas ces cons et leur mode de pensée ; leurs grands airs supérieurs alors qu'ils sont dans la même merde. Mais s'ils en viennent à m'appeler au secours, ca doit être sérieux. Si on pouvait éviter d'énièmes ennuis en ces temps de révolte, ce serait bien sympathique.
J'avais de quoi m'attendre au pire : debout au milieu de la rue, une bouteille casser entre les mains, il commençait à gueuler sur les passants, les traitants de tous les noms. J'aurais pu être à sa place, être celle qui injure, mais il aurait été plus facile de me calmer. C'est qu'il est costaud le vieux. C'est un moins que rien, un débris que tous rêveraient de voir disparaitre, mais il a du muscle. Dans une certaine mesure, rien à foutre de ses embrouilles, qu'il se batte si l'envie lui prend, et avec qui il veut. Mais comme je l'ai dit, cette période de révolte dans les districts est menaçante. Des pacificateurs sont nombreux à circuler, cherchant à éteindre toute braise de rébellion. Nombreux sont des renforts venant de d'autres districts, je ne peux plus dire à présent que j'ai couché avec la moitié d'entre eux…

Je l'ai prévenu, ce vieux bougre, de ne pas faire d'esclandre. Je lui ai bien dit de ralentir un peu sur la bibine. Mais m'a-t-il écouté d'après vous ? "Rentre immédiatement à l'intérieur." lui dis-je, menaçante. "Tu n'as aucun droit sur…" "TA GUEULE ET RENTRE !" Ma patience commence légèrement à atteindre ses limites. J'observe les alentours, guettant l'arrivée des hommes de la paix… Ce con se met à rigoler, à continuer de jaser. La manière douce ne marche pas ? Bien. Je sors légèrement mon couteau, de manière à ce que seul lui puisse le voir. Je m'approche et le regarde dans le blanc des yeux. "Maintenant, tu m'écoutes ou je te plante." je lui murmure. Il me reluque de haut en bas, se dirigeant vers notre noble maison.
Je sais que le pas de la porte passé, je recevrai sa haine en pleine face. Pas de violence en public, mais quand personne voit, à quoi bon se retenir hein ? Claquant la porte, je m'y adosse et ferme les yeux. Je laisse tomber mon couteau. Quand il va me foutre une racler, je préfère éviter de l'avoir en main, de le tuer involontairement… J'en ai besoin de ce con. La menace de frappe est facile, récurrente chez moi, mais l'acte en lui-même est exceptionnelle. Je sais donner le premier coup, et bien comme il faut, mais je ne sais pas me battre et suis trop faible pour endurer les coups. Alors la menace et les mots sont mes armes, et ils me suffisent largement.
Je me prépare à la baffe imminente pour mon "insolence". Dans une ou deux secondes, j'en aurais le visage marqué. Mais rien. Rien ne se produit. J'ouvre les yeux, inquiète, et le vois marcher de long en large, me fixant. Ses traits sont tirés par la rage, mais quelque chose ne va pas. "Tu crois que j'te connais pas ? Que j'sais pas c'qui s'passe dans ta putain de tête !?" Il m'attrapa brusquement le poignet, me secouant comme un pommier. Le voilà le problème. Il était parti dans un de ses délires de retour dans le passé. "Ralph est mort, mais tu peux pas me laisser tout seul avec la gamine !!" Il était remonté un peu avant le suicide de maman, quand à travers l'alcool, il arrivait à décelait ses envies de suicide. Et il me prenait pour elle, Zola. "Je te jure, si tu crèves, ni Pearl ni moi n'irons à ton pitoyable enterrement, ou sur ta tombe." Il me plaqua violement contre le mur, se rapprochant pour me chuchoter : "Ce sera comme si tu n'avais jamais existé. Ta fille t'oubliera, et moi,  j'aurais toujours des putes pour te remplacer." Je ne peux plus supporter ses mots, et sa colère va pas tarder à m'éclater à la figure. Je me dégage de son emprise, allant jusqu'à le mordre pour qu'il me lâche, et courrai dans ma chambre. Je m'enfuie par la fenêtre, sachant qu'il se calmera par lui-même. Il va continuer encore quelques minutes à tambouriner contre la porte, puis s'effondrera. Je ne pus m'empêcher de lui gueuler un "Pauvre ordure !" avant de partir.

Vous ne comprenez pas, mais il lui avait dit ses horreurs parce qu'il l'aimait. Il ne voulait pas la voir morte… Ma tête me fait mal et mon poignet me brûle. Y jetant un œil, je le vois rouge, griffé, écorché, saignant légèrement ; je le laissais caché sous mon poncho et retournai au boulot.
Bossons, bossons. L'argent ne tombe pas du ciel… Les détails fini sur une chaise que je devais retaper, je cherchai la commande suivante : sans succès. Rien ne m'avait été parvenu pour le nom inscrit dans le cahier. Trois meubles à rénover, ce n'est vraiment pas celle à perdre ! Une seule fois ce malentendu m'est arrivé… Quelle journée de merde. Tiens c'est marrant, elle ne change pas beaucoup des autres ! J'appelais la ligne d'aide du Capitole, qu'ils me confirment mes soupçons. Elle est arrivée hier à l'atelier où bosse Ambre. Super. Quel bande d'imbécile. C'est le Capitole, et ils sont même pas foutus d'envoyer leurs colis au bon endroit. Pendant une période, quand c'était le grand amour, elle et moi parlions de nous associer. J'avais alors fait rediriger mes commandes à l'adresse de son atelier. Il arrive depuis, comme aujourd'hui, qu'un client n'en est pas été informé, que les agents du Capitol ne vérifient pas correctement, et que je me retrouve dans cette situation.
C’est-à-dire aller me pointer là-bas la bouche en cœur, et demander : "Quelque chose est arrivé à mon nom ?" Je suis entrée sans toquer, sans m'encombrer des conventions du genre "bonjour" ou "je dérange peut être ?". Rien à battre, je veux juste récupérer ce qui m'est destiné, et retourner à mon job. Le mieux, top du top, aurait été que cette pétasse soit pas là. Mais c'est bien trop espérer. Alors je ne m'en préoccupe pas, posant ma question à l'ensemble des travailleurs de l'atelier. J'vous avouerais que j'ai un gros sentiment de fierté en les voyant là, de mépris. J'ai un atelier à moi, à mon nom, des commandes pour moi et l'ancien camarade de mon père, qui nous demande nous et pas n'importe qui. Je ne m'enquiquine pas à cacher cette supériorité que je ressens, je ne pourrais pas le faire même si je le voulais. Mentir n'est pas dans mes cordes, mon visage est un livre ouvert. Autant jouer franc jeu à 200%.