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 Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)

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MessageSujet: Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)   Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre) Icon_minitimeMar 4 Mar - 18:51


Une bien laide épine dans ce beau rosier.  

Un ciel étonnamment bleu, s’étend au-dessus de nos têtes. Le soleil de cette fin de matinée brille à travers les arbres dénudés, réfléchissant sur la neige. L’atmosphère quelque peu humide -à l’origine de la brume qui traverse tout le sept- contraste grandement avec le vent mordant qui fait petit à petit son apparition dans le district. M’acharnant au travail depuis l’aube, je retire soigneusement mes gants, dans l’espoir d’avoir une meilleure prise sur ma hache. Les corbeaux croassent à tour de rôle, s’en donnant à cœur joie. Ils nous narguent, haut perché sur les basses branches de l’arbre mort qui trône à l’entrée des scieries. Excédé par leurs cris incessants, je jette un coup d’œil à mon acolyte de la matinée. Ce dernier me fait alors signe de regarder sa montre quand je croise son regard. 11h24. M’attardant quelques secondes sur son sourire ironique, j’ouvre la bouche, faisant saigner les gerçures que les froid à crée sur mes lèvres, pour lui dire haut et fort : « Ta gueule Conrad. » Ce dernier hausse alors les épaules, content de lui. Il sait pertinemment que le retour d'Ambre ne me laisse pas indifférent, et pourtant ça devrait être le cas. Ne laissant rien paraitre de ma confusion et de ma gêne, je réajuste ma chemise et fixe le tronc en face de moi avant de lui assener un coup de hache. Surpris par le bruit sourd, les corbeaux s’envolent à l’unisson, dans un chœur de croassements stridents. Pendant la demi-heure qui suit, je tente de me concentrer sur ma tâche, en vain, et Conrad ne fait rien pour me faciliter la tâche. « Tu l’as vus danser avec… ». Je le coupe froidement. « Oui. »  Mais il enchaine : « et tu... ? » Je le fusille du regard : « Rien.» Mes poings se serrent d’eux même. J’espère que mon mensonge est convainquant. Les images me reviennent en pleine face sans que j’aie réellement besoin de chercher à m’en souvenir. Elles sont omniprésentes. Et pourtant ce soir-là j’ai bu. J’ai tellement bu que je ne me souviens même pas de la façon dont j’ai réussi à finir dans mon lit avec une fille. Mais je me souviens parfaitement de ce que j’ai vu. De son sourire. Et le sourire d’Ambre est une denrée des plus rares. « On me la fait pas à moi ! T’étais tellement jaloux que t'as passé la nuit avec une fille non ? Laquelle ? Sandy, Carène, Lysa ? Tous le district en parle ! » Pearl. Mais peu importe avec qui j’ai passé la nuit, ça ne concerne que moi. « Ta gueule j’t’ai dit ! » Ma voix résonne dans l’air glacé. Le silence fait place. Légèrement intimidé par mon ton et mon attitude, Conrad se contente de serrer les dents avant de se remettre à bosser.  Heureux qu’il se taise enfin, je ramasse mes affaires et part. Le laissant en plan avec ses racontars -des racontars un peu trop réalistes à mon gout-.

En sortant des scieries, je passe par la cabane. Non pas que je veuille me faire« beau » pour elle, mais il me faut déposer mes affaires avant d’aller jusqu’à la gare. En entrant, je suis  frappé par le silence ; et pourtant il m’est tellement habituel ces derniers temps. Mais ce n’est pas le silence qui me frappe vraiment, c’est le fait qu’il va certainement durer, même après le retour d’ambre. Déposant mon matériel dans ma chambre, je prends le temps de me passer un coup d’eau froide sur le visage avant de donner un coup de rangement, ce dernier n’ayant pas réellement été effectué depuis la nuit avec Pearl ; Laurel n’ayant pas eu plus de temps que moi pour le faire. Délicatement, je remets les coussins des fauteuils en place et passe un coup de balais. Pendant quelques secondes, je m’attarde sur ce moment figé, qui risque de changer d’ici quelques heures. A travers les rayons de lumières qui traversent les fentes des rideaux, j’arrive à voir les particules de poussière voler autour de moi. Elles sont le seul mouvement de la pièce. C’est reposant. Peut-être qu’elle a raison au final : le silence est une bien douce mélodie. Mais je ne m’attarde pas plus longtemps et sort.

L’odeur de la terre mouillée, du petrichor, emplit mes narines dès que j’ouvre la porte. Les quelques rayons de soleil dans mon dos qui jouent sur ma nuque, sont un pur bonheur. C’est à peine si le district ne deviendrait pas, juste à ce moment, un lieu paisible où il fait bon vivre. Mais cette sensation disparaît au moment où je pose pied au sol ; quand mes bottes s’enfoncent dans la neige. Neige. Et quelle neige. Froide, rude, difficile, métaphore de la vie hivernale du district. J’ai toujours aimé la neige. Quand moi je me traîne pour finir chaque journée, elle est là, omniprésente comme une entrave, persistante et survivante. Elle emmerde le monde, un peu comme moi. D’ailleurs, elle me fait penser à Ambre. Innocente, immaculée et lisse de l’extérieur, mais froide, destructrice et éphémère dès qu’on l’approche. C’est tellement frustrant. Et à mesure où j’avance en direction de la gare, j’ai envie de faire demi-tour. Au loin, j’aperçois l’amoncellement de personnes qui attendent déjà l’arrivée du train. Tous silencieux, ils attendent dans le froid le retour de leurs proches.

Quelques regards se tournent vers moi quand j’arrive à leur niveau, s’ensuit des chuchotements peu discrets. Me plaçant légèrement en retraite de la foule, je m’assois sur un des poteaux ronds censés délimiter l’avancée autorisée sur la parcelle. Le vent froid s’acharne. J’écoute d’une oreille discrète la discussion tout juste commencée lors de mon arrivée, de deux femmes de la quarantaine : « Ah le fils Tanner ! Sa pauvre mére se retournerait dans sa tombe si elle le voyait ! » N’ayant pas repris mes gants, je frictionne mes mains l’une contre l’autre, en expirant de temps en temps sur ces dernières, ce qui attire leur attention et les fait parler plus bas : « M’en parle pas ! Hier encore j’ai appris qu’il avait batifolé avec la fille Kavanagh ! Et l’voilà maintenant à attendre l’enfant Galeoni… pauvre fille.» Je m’autorise alors un fort soupir qui les fait taire presque immédiatement. Du bout des doigts, je reboutonne mon manteau et me sens tout à coup plus que stupide. Ambre va descendre de ce train, souriante, folle de joie peut-être même, avec au bras ce vainqueur. Très certainement toujours parée des vêtements offerts par le capitole, accompagnée d’une hôtesse excentrique, et c’est sur moi qu’elle va tomber. Le gars vêtu de ses vêtements de travail sous un manteau trop grand, celui qui porte encore quelques légères marques de coups sur le visage, que tous le district voit comme un moins que rien et qui n’a toujours pas eu la décence de se coiffer. Une bien laide épine dans ce beau rosier. Honteux, je me lève, tenté par l’idée de retourner sur mes pas, mais quelqu’un dans la foule crie : « le train ! Là ! Ils arrivent ! » Me tournant dans la direction indiquée, j’aperçois le convoi et capitule. Pris au dépourvu, je me rassois, et passe une main molle dans ma tignasse, tentant de coiffer tant bien que mal mes cheveux ébouriffés.


Dernière édition par Isaac "Thorn" S. Tanner le Dim 1 Juin - 19:27, édité 1 fois
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Ambre L. Galeoni
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MessageSujet: Re: Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)   Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre) Icon_minitimeMar 4 Mar - 20:19


home sweet home
There is a lot of surprises coming, motherkinder.


Un dernier coup d’œil à ce qui fut sa chambre pour quelques nuits. Une bulle dorée parmi d’autres qui avait le mérite de l’éloigner de l’effervescence maladive du Capitole, à défaut de repousser ses incertitudes. Elle serait bientôt libre de rentrer chez elle, saine et sauve. Ambre ferma les yeux, savourant cette victoire tant appréciée. Elle se laissa piéger par ce faux sentiment de sécurité. Car il était si facile d’y croire, et plus facile encore de courir s’y réfugier. Elle ne se sentirait jamais véritablement chez elle quelque part, et ce peu importe le nombre de districts qu’elle pourrait bien visiter. Une dernière traversée des jardins, de ces effluves savamment étudiées et figées dans le temps. Même la verdure était artificielle au Capitole. Mais c'était à prévoir : s'ils gouvernaient douze districts d'une main de maître, les plantes ne pouvaient que bien se tenir. Retour à l’anonymat, enfin, pas pour tous. Elle est partie sans rien, sans même une pièce de rechange. Et c'est de la même façon qu'elle revient : les mains vides, et bien qu'on supposerait tout le contraire; la tête moins pleine qu'auparavant. Ses idées l'ont vidée de toute énergie. Jouer les petites filles modèles aussi. Mais plus que tout, ce sont les remords qui semblent avoir pris le dessus. Les remords entre ce qu'elle avait fait et ce qu'elle n'avait pas encore eu le loisir de faire. Le moindre petit geste peut être interprété. Des lors, comment les autres pourraient-ils en donner une version correcte si elle-même n'en avait aucune idée ? Comment retourner dans son district et prétendre que rien n'avait changé ?  On lui demanderait des détails, peut être bien qu'un ou deux rebelles tenteraient même  de lui soutirer des infos. De raconter ce qu'elle avait vu, ou ce qu'elle avait cru deviner. L'arène, les vainqueurs, les autres. La nourriture, les couleurs, la fête des morts. Les déguisements, l'arène. La mort de Dav repassée à l'écran quand on lui avait demandé si elle avait connu un tribut, pendant la visite des studios. La certitude des guides lui ayant affirmé qu'il n'avait pas souffert. Les sculptures de glace, la danse avec Ethan. Sa culpabilité grandissante, ce qu'il lui avait susurré entre deux voltes. Non, elle n'avait jamais dansé avec un vainqueur. Elle n'aurait pas eu à le faire dans d'autres circonstances. Elle n'aurait pas dû le faire, ni même l'apprécier. Mais c'était trop tard à présent. Que dirait Laurel, occupée à siroter une tasse de pin quand elle même s'enivrait d'alcool ? Qu'en penserait Isaac, lui qui lui reprochait déjà de fricoter avec l'ennemi ? Et que diraient tous les autres ? Bah, au moins, ses parents pourraient toujours dire qu'ils n'avaient pas eu le temps de l'éduquer. C'était déjà ça de moins sur sa conscience.  Et encore et toujours le même poids. L'arène; celle d'avant et celle à venir. Ambre était bien incapable de faire le tri, de trouver la différence. Une différence mortelle.Elle regardait les paysages rendus flous par la vitesse défiler par la vitre du train, les laissant s’étirer, traîner en longueur. Les éléments qu’elle aurait voulu voir s’effacer de sa mémoire lui revinrent en pleine figure : la maigreur extrême de certains habitants, comme celle de ce petit garçon du onze. L’humiliation directe que le Capitolien lui avait offerte en la rejetant. Ambre n’était peut-être pas la plus appréciée de ses compatriotes de district, mais jamais ils ne l’avaient traitée ainsi. A côté, le surnom de Freaks semblait presque affectueux. L’adolescente n’oublierait pas l’expression de dégoût manifeste qu’elle avait causé, c’était certain. Pourtant, ce n’était pas l’événement le plus traumatisant de la soirée d’hier. C’en était même très loin. Elle se revu aussitôt penchée sur la cuvette des toilettes, éclaboussant à grands jets la porcelaine immaculée. Le visage plus pale encore que la mort qu’on lui promettait. On lui avait dit qu’on espérait la revoir, qu’elle ferait un tribut fantastique. L’idée qu’on puisse désirer l’envoyer au front avec plusieurs mois d’avance, qu’on puisse saliver de prendre les paris aussi tôt l’avait complètement déstabilisée. De toute évidence, ils n’avaient pas la même notion du tact. Ils considéraient qu’être un tribut relevait de la chance. Mais la chance n’avait rien à voir avec ça. Ce n’était pas la chance qui envoyait chaque année 23 gamins à la mort. Ni même un coup du sort. C’était la cupidité de ses ancêtres et l’ignorance des gens qui en était la cause. La peur de l’autre faisait vraiment des dégâts. Bien sûr, c’est un réel privilège que de se battre à mort dans leur réalité. Qu’ils y envoient donc leurs gosses au lieu de détruire les familles des autres. Là encore, elle décida de garder cela secret. Il était inutile d’inquiéter ses proches pour si peu. Ce n’est pas comme si ils avaient tous scandé son nom pour la faire tribut. Ambre. Elle découvrait enfin la réelle signification de son prénom par la même occasion. L’ambre viendrait des conifères et aurait le pouvoir de générer de la chaleur. Pour la chaleur, ils s’étaient gourés : elle n’avait rien d’une fille radieuse ou même solaire. Les règles du jeu n’avaient pas changé. Et elles ne changeraient sûrement pas juste pour elle.  Alors pourquoi avait-elle tant l’impression qu’on avait re-délimité les frontières de sa liberté ? Ambre n’était qu’un oiseau en cage ; allégorie parfaite et vestige des temps futurs. Des cygnes, il y'en avait eu. Elle n'était pas un cygne, pas plus qu'elle n'était un joyau. Elle était-elle même, et c'était déjà bien suffisant.

Le vent lui fit l'effet d'une gifle. Ambre était soulagée de revenir en terrain connu. Elle descendit rapidement les marches du train, adressant un dernier signe de la main à tout ce petit monde en guise d’adieu. C'est là qu'elle le vit, le visage un tantinet contrarié. Cela ne rimait à rien. Isaac l'avait laissée partir sans même un au revoir et voilà qu'il attendait son retour les mains dans les poches. Était-il venu dans l'intention seule de confirmer ses dires, cinq jours plus tôt ? En ce cas, il se trompait lourdement : Ethan était introuvable. Était-elle contente de le revoir ?  D'abord tentée de dire oui, les traits antipathiques d'Isaac l'obligèrent à répondre non. Cet air-là ne présageait rien de bon. Par surcroît, cela signifiait également qu'elle aurait le droit à un interrogatoire complet bien plus tôt que prévu alors qu'elle avait espéré y échapper jusqu'à ce soir. Il n’était pas très difficile de deviner pourquoi il était à l’écart des autres. En revanche, la tâche se révélait moins aisée quand il s’agissait de comprendre pourquoi il n’avait même pas pris la peine de se lever pour l’accueillir. C’était contraire au fait de venir jusque ici, d’affronter le froid et la neige. La neige, déjà ! Elle n’était pourtant partie que depuis cinq jours. L’hiver les avaient rattrapés et à cette pensée, le cœur d’Ambre se serra un peu plus : peu importe le nom qu’on pouvait donner à la visite du Capitole, cette parenthèse était belle et bien terminée. Il suffisait de voir la tête d’Isaac pour le comprendre. Bienvenue à la maison, Ambre. Mais il était venu la chercher, et c’était la preuve même que tout n’était donc pas à jeter dans ce garçon.  Merci d’être venu Isaac, tu attends depuis longtemps ? Ces mots lui paraissaient stupides avant même de les avoir prononcés. Bien sûr qu’il l’attendait depuis longtemps, ils ne s’étaient jamais séparés plus d’une journée depuis qu’ils s’étaient trouvés. Elle ignorait si ce temps-là durerait encore ou s’il s’effilocherait aussi vite que les fils de son manteau. Freaks le prit brièvement dans ses bras en espérant que cela le surprenne suffisamment pour qu’il se taise à jamais. Malheureusement pour elle, cette tactique n’était pas la bonne et lui valut seulement quelques regards courroucés de la part des habitants du district 7. Sentant ces regards comme un poids, Ambre se sentit profondément mal à l’aise. N’avait-elle pas été irréprochable dans son rôle ? « Barrons nous d’ici, j’ai eu ma dose de messes basses pour toute une vie » sembla être une réponse parfaitement adaptée à la situation. Ils prirent le chemin du retour, Isaac toujours un peu en retrait. Elle n’osait pas lui demander un compte rendu de ces derniers jours au cas où il lui prendrait l’envie de faire de même. Pourtant, elle aurait bien aimé être mise au courant ; ne serait-ce que pour savoir dans quel état elle retrouverait la Cabane. Peut-être qu’il s’attendait à ce qu’elle rapporte quelque chose et était déçu de constater que cela n’avait pas été le cas.  « Ça va mieux ? » demanda-t-elle brusquement. Devant son air songeur, elle s’empressa de rajouter : « Ton épaule, je veux dire » C’était une question particulièrement innocente. L’idéal.


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MessageSujet: Re: Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)   Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre) Icon_minitimeVen 7 Mar - 15:17


Une bien laide épine dans ce beau rosier.  

Quand le crieur baisse le bras, le train est déjà là, s’arrêtant net dans un bruit feutré ; donnant la forte impression de flotter au-dessus des rails. La masse argentée du train, perçant la brume, se détache sur la toile du ciel bleuté d’hiver en émettant des petits sifflements mélodieux mais assourdissants. Avec ses lignes fluides et épurées, le convoi contraste grandement avec l’aspect rude et rustique du sept ; s’en est déconcertant et si loin des trains de marchandises auquel le district est habitué. La neige, blanche et lumineuse, donne un aspect irréel à la scène. Les enfants hurlent de joie et d’admiration, ne se rendant pas réellement compte que ce train provient du capitole, et de ce qu’il signifie pour beaucoup d’entre nous ; ce même train qui les enverra peut-être à la mort dans quelques années. Rapidement, quelques employés de la gare aménagent une passerelle pour le débarquement. La foule se presse alors devant le convoi comme un essaim de mouches, bien que les portes ne soient pas encore ouvertes. Je suis le seul à rester en arrière, et ne vois déjà plus devant moi qu’une masse informe de couleur terne allant du marron au beige. Par-dessus le brouhaha, le sifflement mélodieux du train surplombe la foule. Je lève alors les yeux, fixant le ciel étrangement dénué de nuages, l’estomac quelque peu noué. Cloué sur place, je me sens incapable de bouger, redoutant trop l’instant à venir. La porte métallisée du train s’ouvre alors sur l’hôtesse pimpante, habillée d’une tenue excentrique verte, si chère aux coutumes du capitole. Souriante et pleine d’assurance, elle salue la foule de la main, ne se doutant absolument pas que la plupart des parents présents la voient comme la potentielle responsable de la mort à venir de deux enfants du sept, si ce n’est pas déjà fait. Et tandis qu’elle continue son petit numéro, les autres passagers descendent. Les embrassades se font alors fréquentes ; pour certaines familles c’est comme si on leur restituait un défunt, ce qui est assez drôle à voir quand on sait que la majorité des personnes ayant participé à cette « escapade dans la capitale » ont plus de dix-huit ans.

Suivant de près une femme tout juste grisonnante accueillie par trois petites têtes blondes, Ambre sort du train, et quitte l’embarcation en saluant son entourage. Elle descend les marches quatre à quatre, sans se douter de ma présence. Pas de belle robe. Pas de manières du capitole. Pas de vainqueur. Juste freaks. Ses yeux sont partout, comme si elle redécouvrait le district. Le vent jette en arrière sa chevelure blonde. À la voir comme ça, rien en elle n’a changé, juste peut-être la façon dont elle pose les yeux sur moi. Elle me regarde avec des yeux ronds, se demandant sans doute pourquoi je suis là et à vrai dire, même moi je ne suis pas certain de le savoir. Au moment où elle pose pied-à-terre, les regards fusent d’elle à moi. Tout le monde épie la scène d’un œil hagard, ne voulant pas perdre une miette du spectacle. Même l’hôtesse nous jette un coup d’œil intéressé. Et pour ce qui en est de la prestation, ils sont servis : contre toute attente de ma part, ambre me prend dans ses bras, me laissant dans un état de surprise béante. Les regards fusent alors d’autant plus quand je referme légèrement mes bras autour d’elle, lui rendant son étreinte surprenante pour quelques millisecondes. Les deux femmes qui parlaient de moi il y a quelques minutes, usent alors de gestes mêlés à la parole qui montre bien leur avis envers toute cette mise en scène ; elles en sont presque mal à l’aise et ça me fait sourire. « Barrons-nous d’ici, j’ai eu ma dose de messes basses pour toute une vie ». Baissant les yeux vers ambre, je réprimande sauvagement un sourire : au moins sur ça, elle n’a pas changé.

Lui emboitant le pas sur le chemin de la cabane, le silence se fait. Seul le bruit de nos pas dans la neige brise le mutisme qui nous accapare. L’irrésistible tentation de lui parler de sa « visite » et de ce qu’elle y a fait, que ce soit politiquement correct ou non, est immense, mais pour une fois j’arrive à la fermer, me répétant inlassablement : chaque chose en son temps. De toute façon si les « choses » - peu importe de quelle nature elles sont- s’amplifient avec le vainqueur, elle en parlera certainement à Laurel, et je serais mis au courant qu’elle le veuille ou non. Par ailleurs, connaissant un minimum Freaks, je sais qu’elle m’aurait déjà parlé de son expédition si elle en avait eu l’intention, pas la peine donc de m’y risquer pour le moment. Interrompant notre très paisible -et presque ennuyante- marche de retour, elle me demande : « Ça va mieux ? ». Surpris par sa question et ne voyant pas clairement où elle veut en venir, je fronce les sourcils, quelque peu interloqué. « Ton épaule, je veux dire » s’empresse-t-elle de corriger. « Ah. » Palpant inconsciemment mon épaule et épousant au passage la neige qui s’est déposée là, je réprime une très légère grimace. Avec le travail plus rude ces derniers temps, la plaie -bien que diminuant progressivement- n’a fait que de se rouvrir pour se refermer. Aux yeux de mon employeur, il faudrait que j’aie les deux jambes en moins pour ne pas aller travailler, et encore, même comme ça j’aurais toujours mes bras pour couper des buches depuis mon fauteuil roulant, enfin si j’ai trouvé de quoi m’en procurer un. Heureusement, Laurel reste incontestablement doué dans le domaine médical, et a su faire ce qu’il fallait au bon moment après le travail d’ambre ; ça ne me coutera qu’une vilaine cicatrice, mais disons que ce ne sera pas la première. « Ouai, mieux… Merci d’ailleurs. » dis-je en réalisant que je n’ai pas eu l’occasion de la remercier pour ses soins de premiers secours ; bien que ressemblant légèrement à de la charcuterie de premier ordre, vraisemblablement pas trop loupé. De plus, j’ai grâce à elle découvert par la suite la réserve d’alcool à 90° de Laurel, ce qui reste en soi, une belle découverte. Donc, même si c’est quelque chose dont je ne préoccupe habituellement pas –moi et les formules de politesse, c’est comme avec les filles inexpérimentées : c’est bien, mais on peut s’en passer-, je lui adresse là avec une franche sincérité mes remercîments.

Le vent, toujours aussi cinglant, rend notre marche quelque peu plus complexe. Nos pieds s’enfonçant à chaque pas dans la dure neige, nous font redoubler d’efforts. Rapidement, je jette un coup d’œil à Ambre, pas vraiment vêtue d’une tenue adaptée à l’occasion. Habillée assez légèrement, comme le jour de son départ je suppose, elle n’a pas de quoi affronter le froid du sept. Du coin de l’œil, je la vois frissonner, le duvet de sa peau s’hérissant à chaque rafale de vent. Son nez, légèrement rouge sous ses taches de rousseur et ses mains bleuies par le froid, me font quelque peu culpabiliser de la laisser dans cet état comme ça. Réajustant mon écharpe contre mon cou, je retire donc mon manteau pour le lui tendre. « Tiens. » Deux ou trois fois trop grand pour elle, Freaks l’enfile quand même sans se faire prier. Je souris en la voyant comme ça, on dirait une enfant essayant des affaires d’adultes. Mais on est déjà plus des enfants et ça, on le sait pertinemment. Le temps de l’insouciance est révolu depuis bien longtemps déjà, c’est à peine si je me souviens avoir eu une enfance, comme si toute ma vie avait commencé dans la cabane. Cabane que l’on commence tout juste à apercevoir entre les arbres.

Toujours silencieuse, la marche dure encore quelques minutes. Ce mutisme me rend quelque peu mal à l’aise. Sincèrement, je veux savoir à quoi m’attendre. Je veux savoir pourquoi le vainqueur n’était pas à ses cotés lors de la descente du train et si elle compte rester avec nous ici ou partir vivre dans sa belle demeure au village des vainqueurs ? J’imagine déjà une scène pleine d’ironie : « Ambre tirée aux jeux, son beau vainqueur faisant tout pour la faire gagner, leur histoire d’amour dramatique faisant le tour du capitole. Les amants des jeux. Le mentor et sa tribut. » Mais, je lui souhaite tout sauf d’aller aux jeux et regrette presque immédiatement ma pensée cauchemardesque. Plus près à présent, la cabane a quelque chose de chaleureux sous la neige. La fumée s’échappant de la cheminée, son bois brun ternis pas le temps et la sensation de vie qui en émane, me fait presque sourire. Je jette à nouveau un coup d’œil à Ambre, toujours emmitouflée dans mon manteau, fixant devant elle la petite habitation. J’ai envie de lui demander si elle est heureuse d’être de retour, enfin du moins « contente » parce que heureuse est un bien grand mot par les temps qui courent. Mais je me retiens, dans tous les cas, qu’elle soit enchantée d’être rentrée ou non, elle est là pour de bon et ne risque pas de repartir d’ici tôt, et autant ne pas enfoncer le couteau dans la plaie –et je sais de quoi je parle en matière de plaies et de couteaux-, si ce n’est pas le cas. Enfin sur le palier de la porte, je m’arrête. Pendant quelques millièmes de secondes je prends le temps d’inspirer et d’expirer, puis ouvre, laissant passer freaks devant moi. La galanterie n’est pas dans les habitudes non plus, mais j’en fais exception.
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Ambre L. Galeoni
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MessageSujet: Re: Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)   Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre) Icon_minitimeMar 11 Mar - 20:34

« Pourquoi tu souris ? » lui demanda-t-elle assez naïvement, comme s’il était certain qu’il lui raconterait la vérité. Après tout, chacun son jardin secret. L’un comme l’autre ne partageaient leurs émotions que si nécessaire, ce qui avait l’avantage indéniable d’économiser un nombre incalculable de temps de parole. Et puis, Laurel faisait souvent le lien entre eux deux, achevant ainsi de raconter les histoires à leur place. La conséquence indirecte résidait dans le fait qu’il fallait souvent tenir sa langue avec Auri - qui semblait prendre un malin plaisir à partager autant de paroles vides que de rêves brisés – au risque que l’autre soit systématiquement mis au courant. C’était déjà le cas du temps de Dav, inutile donc d’espérer un quelconque changement. Sous prétexte qu’ils agissaient comme une famille, Laurel attendait qu’ils se comportent de la même manière. Fondamentalement, ce sont pourtant deux choses différentes ; et l’idée seule d’imaginer qu’Isaac puisse être son frère de substitution lui apparaissait comme bizarre, déplacée.  La frontière entre amitié et parenté était bien plus mince avec l’aînée, peut-être aussi parce qu’elle endossait son rôle avec bien plus de facilité que les deux autres, maternant à souhait. Secrètement, Ambre était bien contente de laisser Laurel s’occuper d’elle comme elle l’entendait, même si cela occasionnait parfois des malentendus fâcheux. Elle repensa à ce moment-là au quiproquo du foulard, et à ce que ce maudit truc allait peut-être leur coûter au final. Dans tous les cas, ses yeux rieurs étaient d’une meilleure compagnie que la sienne, elle et son silence savamment pesé. Et il était bien plus simple de se livrer aux confidences devant ses airs encourageants que devant la mine renfrognée d’Isaac, à moins qu’il ne se comporte ainsi qu’en sa présence. Comme pour confirmer ses dires il perdit presque instantanément toute trace de facétie, à un tel point qu’Ambre regretta de l’avoir arraché de ses pensées. Quand on se perdait dans des souvenirs heureux, le retour à la réalité n’avait rien d’agréable. La jeune fille en était même la preuve vivante : après avoir vu le sens des réalités chez les uns comme chez les autres, le retour dans son district n’en était que plus brutal. Ceci dit, les quelques jours passés au Capitole ne tenaient pas exactement du rêve non plus.
Comme Isaac ne semblait pas particulièrement pressé de la questionner, la curiosité de Freaks sur ce qu’il avait vu ou non redoubla d’intensité. Il faut dire que le chemin du retour se prêtait fort bien à cet exercice ; les craquements de leurs pas dans la neige ne suffisant pas à troubler sa concentration. Plus surprenant encore, elle se mit à souhaiter très vite une conversation en bonne et due forme avec Laurel, quitte à parler à cœur ouvert pour qu’elle se livre entièrement et sans concessions à son tour. Ambre avait besoin de savoir ce qui c’était passé en son absence, de voir à nouveau à travers les yeux et les oreilles de son district. Et par extension, de savoir ce qu’il adviendrait d’elle. Elle eut presque honte de se l’avouer, mais en cet instant précis elle ne valait pas mieux qu’un concitoyen du Capitole jouant au m’as-tu-vu. Elle aurait dû se préoccuper d’autre chose plutôt que de pareilles sottises, comme l’arrivée de cette neige n’annonçant qu’un nouvel hiver de privation. Un hiver où désormais toute perspective d’échange avec Carter était exclue, et où le matériel disponible à portée de main serait soit gelé soit inutilisable. Cela signifiait qu’elle devrait voler dans les réserves personnelles du Capitole afin de travailler, ce qui ne l’enchantait guère. Pourtant, elle n’aurait bientôt pas le choix et il était tout à fait hors de question qu’elle cède en achetant du bois comme de nombreux malheureux avant elle. Elle se demanda si il avait songé à l’éventualité que l’un d’entre eux se fasse prendre un jour, que ce soit pour braconnage ou pour vol, et à ce qu’ils feraient par la suite. Seraient-ils toujours une famille dès lors ? Ou bien Laurel serait-elle ravie d’avoir enfin sa propre chambre ? Plus d’obligation de rationnement, plus de partage des gains ou des repas. En remontant la pente en luttant contre le vent, elle se mit à penser avec vigueur à son prochain repas. Ce n’était pas très juste compte tenu des quelques kilos qu’elle avait pris cette semaine, mais après avoir été habituée à manger plus que nécessaire elle avait faim. Horriblement faim, même. Isaac lui avait prêté son manteau mais quitte à choisir, elle aurait préféré avoir froid que faim. Le froid pouvait aisément se combattre en accélérant le pas et prendrait fin dès son arrivée à la Cabane, alors que la faim risquait de la tenailler encore longtemps si son compagnon n’avait pas pu chasser à sa guise. Etre aussi dépendante de lui la rendait inconfortable et pour pallier à ça  elle se jura de lui acheter un petit quelque chose à la prochaine occasion, si toutefois il y’en avait une.

Presque irréelle dans la neige, la petite maisonnée se dressait fièrement malgré son côté quelque peu dégradé. Pas si loin devant elle, Isaac venait d’ouvrir la porte et paraissait attendre qu’elle le rejoigne. Bordel, c’est quoi ce nouveau Thorn ? Cette distance polie qu’ils conservaient pour ne pas déranger l’autre devenait franchement insupportable. Elle n’était pas si insensible, si ? Que m’as-tu vu faire, au juste ? Pourquoi ne parles-tu pas ? De ce fait, Freaks traînait un peu plus que prévu. En fait, elle traîna même un peu trop. Je ne veux pas que tu me tiennes la porte Isaac, je veux que tu me parles.  « Aie ! » Quelle imbécile : cinq jours ailleurs et elle en oubliait les pièges à renard dissipés un peu partout dans le périmètre. Ces bêtes-là avaient la sale manie de roder aux alentours dès qu’il y’avait de la nourriture, et en attraper un était souvent considéré comme un événement heureux, leur fourrure se vendant particulièrement bien au marché noir. Ambre enjambait pourtant ces pièges depuis des années sans même y penser, et cet accident coïncidait un peu trop bien avec l’idée qu’elle se faisait d’un cadeau de bienvenue. Pas de doute, entre le froid et la médiocrité, Freaks était bien de retour au district sept. Elle en aurait presque pleuré.
Sa cheville était à peine éraflée mais le piège étant loin d’être stérile ou de premier choix, il était inutile de prendre le risque de ne pas la désinfecter. « Ce n’est rien, je n’ai pas fait attention c’est tout. L’alcool est toujours dans ta chambre ? » lui demanda-t-elle, pénétrant les lieux avant qu’il ne lui en donne l’autorisation. A première vue, l’endroit n’avait pas changé d’un iota depuis son départ. Sa réponse ne se fit pas attendre : « Sous le lit. » Il crut bon d’ajouter « Laurel » en guise d’explication, ce qui laissa supposer qu’il avait trouvé un intérêt tout autre à la petite bouteille. Ambre éclata de rire en se laissant choir sur le lit, cherchant la bouteille à l’aveuglette. S’empressant par la suite d’en ôter le bouchon, elle  en versa une quantité minima sur sa jambe, dévoilant par la même occasion une chair d’ivoire parfaitement nue. La pilosité non plus n’avait pas sa place au Capitole. « Si seulement j’avais pu te ramener un échantillon de ce qu’ils goûtent là-bas, jamais plus tu ne toucherais à ça. » Elle se rappelait encore des délices de l’alcool sirupeux coulant dans sa gorge et de l’impression d’omniscience qui en avait découlé. Avec un peu de chance, peut-être qu’Ethan concéderait à lui fournir quelques bouteilles en échange de je ne sais quoi. Cette perspective la mit  de bonne humeur, et elle s’enfonça un peu plus dans le lit d’Isaac. « J’ai l’impression qu’une latte est cassée. Tu as planqué autre chose en mon absence ou quoi ? » L’atmosphère changea plus subtilement, rendant Isaac plus tendu qu’il ne l’était à l’accoutumée. «Hé, je plaisante. Tu passeras à l’atelier pour que j’y jette un œil ? » Ambre fut toute contente d’avoir un service à lui rendre, de lui être utile. Elle interpréta l’air subitement gêné d’Isaac de la manière la plus chaste qui soit. Et de toute évidence, elle était à des kilomètres d’en imaginer la véritable raison.

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Une bien laide épine dans ce beau rosier. (ambre)

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