Déjà quelques temps que j'étais arrivée avec ma chère amie Lavinia et j'avais déjà abusé comme il fallait des cocktails et des petits amuse-bouches. Après tout, c'était pour cela qu'on avait été invités non ? A moins que ce ne soit pour célébrer le voyage prochain de quelqu'un... Je ne me souvenais plus, et on s'en fichait ! Rien ne valait une belle réception de ce genre pour profiter du meilleur que le Capitole pouvait offrir. Musique à vous rendre sourd, lumière à voir rendre aveugle et même de la nourriture à profusion pour le plaisir de nos papilles ! Ah comme cette fête était parfaite.  Parfaite, parfaite, parfaite. Elle était pour quoi déjà ?

« Delysia ! » entendis-je avec le plus grand des bonheurs alors que je vis un jeune homme très agréable poser sa main sur moi.  « Vous êtes plus ravissante d’année en année ! Et laissez-moi vous dire, cette robe vous sied à merveille.» Comme il était mignon. Une petite tête blonde avec tant d'élégance que l'on trouvait uniquement chez les vainqueurs... Il surpassait sans doute une bonne partie des jeunes hommes de la capitale. Dommage qu'il soit si jeune et originaire d'un district. Je me voyais mal l'inviter pour une soirée plus intimiste – si vous voyez ce que je veux dire – sans avoir l'impression de l'exploiter. Ahah exploiter, drôle non ? Comme s'il pouvait trouver désagréable d'être en compagnie de dames du Capitole aussi belles, ou même messieurs... pourquoi pas.

« Elyas Chesterfield ! Mon vainqueur préféré ! » dis-je d'une voix suave à peine dissimulée. Je voulus atteindre son bras avec délicatesse, ce qui aurait été de circonstances, mais malheureusement je ne réussis qu'à m'agripper sur lui pour ne pas perdre l'équilibre. Je me rattrapai avec le plus grand des sourires en blaguant de manière tout aussi maladroite. Mais après tout, on était au Capitole, on s'en fichait non ?  « Dommage que tu ne sois encore qu'un bébé, sinon je t'aurais bien invité ce soir !» réussis-je à articuler avec difficulté à cause des nombreux, très nombreux cocktails que j'avais pu prendre dès mon arrivée dans la résidence du Président Snow. Mais je fus coupée dans mes magnifiques compliments par une jeune demoiselle à la chevelure de feu. Elle allait tout gâcher ! « Bonsoir, j'espère que je ne vous dérange pas. » Maiiis non bien sûr qu'elle ne nous dérangeait pas. Plus on est de fous plus on rit, c'est bien ça le proverbe ? « Prudence ! Ma vainqueur préférée ! Très jolie robe ma chérie ! » Je ne pus m'empêcher de remarquer une proximité étrange entre les deux vainqueurs... Alors comme ça on ne disait pas tout à Delysia ? « On dirait que les deux tourtereaux se sont trouvés... vous pensiez que je ne le verrais pas peut-être ? » lançai-je avec un clin d’œil ridicule tout en gloussant à moitié.

Il tire sur la manche de son smoking acheté, spécialement pour l'occasion, auprès de l'un des stylistes les plus en vogue dans la capitale. D'habitude Oswald ne se fait pas prier pour participer a ce genre d'événement, tout le gratin de Panem se retrouve au même endroit, s'empiffre de petits fours et ajuste leur masque de tolérance et de reconnaissance le temps de la soirée. De sa main factice il positionne ses boutons de manchettes, ornées de ses initiales, pour qu'elles soit parfaitement en accord avec le reste de sa tenue. Il n'y en aura pas d'autres, des occasions comme celle-ci, du moins pas avant un certain temps, alors Oswald fait de son mieux pour paraître le moins ridicule possible. Si seulement il pouvait avoir une véritable main a la place de cet objet robotisé. Elle est a la pointe de la technologie, sa prothèse, et pourtant il est persuadé que tout les yeux seront rivés sur cette main qu'il ne cesse de dissimuler. Oz relève le menton, appliquant une dernière fumée de parfum sur son coup et ses poignets, lisant d'un revers de bras les plis de sa veste. Il faut que tout le monde le remarque, non pas pour sa main, mais parce qu'il a gagné les jeux et qu'il voudrait que tout le monde s'en souvienne.

Il ne connait pas le nom de la nouvelle, cette adolescente qui a réussi a tromper la mort dans l'arène, tuant et trahissant les autres concurrents. Il ne connait pas son nom non pas parce qu'il ne suit plus les jeux, simplement parce que les nouveaux vainqueurs l'énerve au plus haut point. Tout le monde les idolâtre, ils passent tout leur temps a enchaînes les interviews et les repas, le pays n'a d'yeux que pour eux et en oublie tous les autres qui ont participé a l'effort de guerre. Tout ces vainqueurs devenus trop vieux, trop aigri, ceux qui ne veulent plus se montrer, ceux qui préfèrent la compagnie d'une bouteille a celle des gens, ceux qui sont tout simplement morts de vieillesse et dont tout le monde se fiche. Oswald refuse d'être rangé dans l'une de ces catégories. Il existe, il a remporté les jeux, tout comme cette petite ingrate qui sert des mains et souris a tout bout de champ.

Accoudé au buffet l'ancien vainqueur ose un regard vers l'assemblé, devinant des visages qui lui sont familiers et d'autres dont il ignore tout. La plupart des stylistes sont présent, affublés de tenues remarquables au loin, mais aussi des vainqueurs, tous bien plus jeune que lui. Le rouge commence a lui monter aux joues, il ne se sent pas a sa place dans cet univers, parce qu'il n'est pas le centre de l'attention, parce que personne ne le reconnait ou bien les personnes qui savent qui il est évitent tout simplement de le croiser. Trop vieux, dépassé, remplacé. D'une traite Oz avale le reste de son verre, se frayant un chemin au milieu des convives, bien décidé a se faire remarqué d'une façon ou d'une autre. Il a gagné les jeux lui-aussi, et tout le monde semble l'oublier.

Cette soirée était la meilleure depuis bien longtemps. Tous ces vainqueurs réunis au même endroit pour le plaisir de nos yeux... Dommage que je me sois promis de ne jamais sortir avec l'un d'eux. Une copine m'avait raconté tous les problèmes qu'ils apportaient... non merci. J'étais bien mieux toute seule ou avec un homme rencontré lors d'une soirée. Mais ce n'était pas pour autant que je détestais leur compagnie, loin de  là. « Je suis peut-être jeune, mais croyez-moi, j’en sais bien plus que beaucoup d’autres. » Ce charmant Elyas savait comment s'y prendre avec les demoiselles du Capitole. Je ne pus m'empêcher de laisser échapper un rire stupide bien que timidement intéressé. Il fallait vraiment que je m'essaie à sortir avec un vainqueur un jour !

Quelle fut ma surprise quand je vis la belle Prudence arriver vers nous et se tenir aussi proche d'Elyas ! Delysia n'était pas encore au courant de ça ?! Pas possible ! Tywin m'avait caché cette histoire... Ou alors...  j'avais l'exclusivité ! C'était tellement excitant ! « Merci pour le compliment je le retourne.. tu es sublime.. je t'ai toujours admiré.. » Voilà des vainqueurs très bien éduqués. Je la remerciai avec un grand sourire, soucieuse de ne pas perdre une seconde avec des mots superflus avant de me réjouir pour eux. « Et bien, c’est ça aussi la magie des Jeux ! Ils nous permettent aussi parfois de trouver l’âme sœur. Et vous Delysia, charmante comme vous êtes, il y a sûrement un homme dans votre vie ? »  Oooh comme c'était mignon. Et en plus, il s'inquiétait pour moi. « Je suis d'accord avec Elyas.. un homme doit vous admirer en secret ! Et puis l'amour vous tombe dessus sans qu'on puisse s'y attendre. » On ne pouvait pas faire plus chou que c'est deux là. « C'est bien gentil de vous soucier de moi les chéris, mais je suis seule et faire de l'être ! » A vrai dire, au Capitole la plupart des gens se disaient célibataires même si ce n'était pas vrai. Mais cette fois-ci, ils pouvaient être certains que c'était la vérité. " Sinon je crois qu'il y a de beaux spécimens.. par là, si ce n'est que pour ce soir.. " Prudence entremetteuse... Quelle idée géniale ! Mais je n'étais pas persuadée que c'était le bon soir pour moi. D'autant plus que je venais de voir un visage familier qui me donnait envie de fuir la soirée tout de suite. Et puis, me proposer un vainqueur ? Elle lisait dans mes pensées ou quoi... " Tu devrais tenter ta chance. " Non, je ne pouvais pas. Il ne fallait pas que je donne cette image à ces petits jeunes quand même... Je n'étais pas si désespérée. Non ? J'avais encore un assez beau visage pour ne pas dépérir dans mon coin j'espère. « Je vais plutôt prendre un autre verre, c'est une bien meilleure compagnie ! Vous devriez essayer. Bye bye ! » dis-je en un clin d'oeil avant de partir au bar me dégoter un cocktail et un homme. Sur le chemin, je me trouvai à croiser un certain Oswald, vainqueur depuis... un siècle peut-être ! « Coucou Oswald » sortis-je en passant à côté de lui et en lui envoyant un baiser avec la main. Qu'est-ce qui me prenait ? Les cocktails m'étaient vraiment montés à la tête... Je pris le bras du premier homme dont j'avais déjà partagé une nuit et nous partîmes de cette soirée sans attendre.