Un soupir s'échappe doucement de mes lèvres alors que je tente vainement de m'habituer à la lumière du soleil. Il me faut d'ailleurs encore quelques minutes, même si cela n'a rien d'évident. La tenue de garde forestier flotte sur moi, le miroir ne m'envoie rien de très rassurant, ni de très jolie. Mais bon, c'est surtout parce que je ne peux pas manger à ma faim, à la base, ces vêtements sont à ma taille hein. Ou en tout cas, ils l'ont été, il y a quelques temps déjà. Maintenant, je m'en moque plutôt bien. Je préfère donner ma part à ma mère alors que je devrais sans doute garder un peu plus de choses pour moi. Mais non, les choses ne sont pas comme on aimerait qu'elles le soient, ou en tout cas, c'est souvent comme ça que les choses se passent. Bref. M'étirant doucement, je salue à peine ma mère avant de sortir. J'ai juste envie de profiter du fait que les gens dorment encore presque tous, ou presque, pour partir dans la forêt et mener une petite enquête pour la rébellion. Ma mission ? Analyser les postes des Pacificateurs et les endroits par où les rebelles peuvent traverser notre District. Par mon poste, les choses sont plus simples, mais pas tant que ça non plus. Je ne m'attarde pas pour saluer ma mère, elle n'est pas très bien depuis la mort de mon père et elle est un peu.. A côté de la plaque. Je ne peux pas lui en vouloir, l'amour qu'elle ressentait pour lui était si grand.. Mais les choses sont comme elles sont, et il faudrait vraiment qu'elle se décide à retourner bosser. Notre réserve de nourriture s'épuise de plus en plus et nous n'avons plus beaucoup d'argent pour tout remplir à nouveau. Les choses deviennent compliquées pour nous. Mais notre situation n'importe que peu aux yeux des autres, ils s'en foutent de savoir que l'on meurt de faim. Et ce n'est pas le maire qui viendra nous aider. Foutu système. Faut croire que quoi qu'on fasse, on ne pourra jamais être tranquille.

D'une marche féline, je me glisse dans la forêt, arborant mon badge afin que l'on ne vienne pas croire que je suis une rebelle ! Ironie quand tu nous tiens.. Enfin bref, en tout cas, je suis là, à tenter de voir par où ils pourraient passer, un calepin et un crayon de papier entre les doigts pour noter tout ce qu'il faut. Je ne peux évidemment rien oublier, dans la situation qui s'offre à moi. Comment le pourrais-je, sinon, les choses ne pourraient qu'être beaucoup trop compliquées, de toute façon. C'est tellement chiant.. Je dois passer pour une tarée, à regarder dans tous les sens pour être sûre que je ne suis pas suivie, mais en même temps, je n'y peux rien, si je me fais coincer.. Autant le dire, je ne peux pas me retrouver entre les mains des pacificateurs. Je crains qu'ils tuent ma mère pour être sûre qu'elle ne soit pas rebelle, elle aussi. Elle qui ne fait rien. Certes, elle nous a toujours caché mais ça ne veut pas dire que la situation a vraiment été très simple. Loin de là, même.

Une fois, dans mon dos, me fait sursauter. Je ne parviens même pas à voir d'où elle vient au début, mais je ne réfléchis pas vraiment, je planque aussitôt le bloc là où je peux et je me retourne, méfiante. Un collègue. Il bosse avec moi mais là, impossible de me souvenir de son nom. Je ne suis même pas sûre de l'avoir un jour connu, de m'y être un jour intéressé, d'ailleurs. Je me fous pas mal de savoir qui il est hein. Là, tout de suite, il m'empêche de faire ce que j'ai à faire et pour moi, c'est bien plus important que le reste.  « Quoi ?! ». Méfiante, un peu froide et distante, on ne peut pas dire que je me montre très accueillante et très agréable mais je m'en fous pas mal et ce n'est certainement pas moi qui vais m'attarder là dessus. Je m'en moque. Il me rejoint et je n'en ai pas envie, il semble à tout prix vouloir faire la conversation pourtant, après tout le temps où on a été amenés à se côtoyer, nous n'avons jamais eu à parler ensemble hein. Pourquoi tient-il à le faire maintenant ?  « Sam. Et j'aime bosser seule. Pourquoi avoir besoin de compagnie, aujourd'hui ? ». Bien sûr que je m'en fous, mais lui tourner le dos et partir dans une autre direction ne serait pas forcément le meilleur plan. Je ne peux me confier à personne, je ne peux dire à personne ce que je fais, pour la simple et bonne raison que ça serait courir un bien trop grand risque, même si je connais la plupart des rebelles du coin, je ne les connais pas tous. Prétendre en être un ne veut pas dire qu'on en est un.  « Je croyais être la seule à travailler ce matin. ». J'avais même fait en sorte d'être seule mais non, il fallait qu'un abruti traîne ici, avec moi. Qu'est-ce que je lui ai demandé à celui-là ?