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 Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre)

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Ambre L. Galeoni
DISTRICT 7
Ambre L. Galeoni
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MessageSujet: Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre)   Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre) Icon_minitimeSam 5 Oct - 13:34


Don't you really wanna fall from a star?

On y était. L’aube pointait à peine qu’Ambre se levait déjà, pleinement réveillée. Après tout, n’avait pas attendu comme le messie ce jour sacré ? Aujourd’hui était un jour de fête, et elle ne voulait pas manquer une miette des préparatifs. Et avec un peu de chance, elle serait l’une des premières à en profiter si elle se dépêchait un peu. Elle en était tellement excitée qu’elle essaya ses chaussures à deux reprises avant de s’apercevoir qu’elle rentrait le pied dans la mauvaise bottine. Fallait-il mettre une tenue spéciale ? En un sens, il s’agissait de rendre la pareille, de faire un effort. La jeune fille était persuadée que cela ne pouvait que lui attirer des bonnes faveurs, que cela contribuerait à l’entente Capitole/District si tout le monde agissait de la même façon. Aussi, ce fut la raison pour laquelle elle renonça à prendre quelques objets avec elle. Ne serait-ce pas déplacé que de chercher à vendre des figurines maintenant, alors que le Capitole accordait un jour de bienveillance à chacun ? Pendant un instant, elle froissa le tissu satiné d’un foulard de Carter, un franc sourire s’affichant sur ses lèvres minces. L’étoffe douce paraissait si déplacée entre ses doigts qu’elle la laissa retomber mollement sur ses genoux. Elle ne voulait pas faire dépareillée. Et elle aurait tout le temps d’arranger sa tignasse emmêlée d’ici la distribution des cadeaux. Sans attendre davantage, elle sortit de sa chambre sur la pointe des pieds, fourra l’écharpe dans son sac de cueillette au cuir terni, attrapa dans le fourre-tout l’une des pommes sauvages qu’elle avait ramassé la veille, et quitta la cabane sans faire un bruit. Elle mangerait en marchant.

Elle attendait tellement de cette journée. C’était au tour du district 7 de profiter de la générosité du président Snow. C’était comme fêter Noël en avance. La nourriture en plus. Freaks avait suivi avec délice la retransmission en direct des premiers districts. De la danse, des discours, des promesses. Des mets raffinés qui fondaient surement sur la langue. De la joie sur tous les visages. De belles choses, en sorte. Les mauvaises langues pouvaient bien parler de propagande, mais il fallait être sacrement bon acteur pour mimer la joie et l’émerveillement qui illuminaient les traits des visages filmés. Personne ne peut mimer ça en aussi grand nombre : il était bien plus facile de jouer l’indifférence que le bonheur. Après quoi, elle ne pouvait plus se contenter des images. Adoptant un pas rapide, elle prit la décision de passer vers les boutiques de son quartier. De là, elle espérait entrevoir les grandes tables entreposées sur la grande place qui promettraient ce soir un repas copieux. Impossible de s’approcher davantage car l’endroit était barricadé, mais il lui semblait entendre des gens s’activer. Ils tenaient sans doute à l’effet de surprise. L’horloge lui informait qu’il était huit heures du matin. Déjà ? Ambre avait l’impression de n’être là que depuis quelques dizaines de minutes pourtant. Sa marche, contrairement à l’accoutumée, ne lui avait pas paru si longue. Le Temps était décidément bien trompeur. Enfin, c’était une bonne chose. Cela signifiait des heures en moins passées à attendre. A quoi pourrait-elle bien occuper sa journée ? Il y’avait bien du travail à l’atelier, mais quelque chose lui disait qu’elle n’arriverait pas à se concentrer. Et maintenant qu’elle était ici, elle comptait bien rester aux alentours. Pas question de perdre de l’énergie inutilement en aller-retour. Elle n’avait pas non plus d’argent à dépenser. « Ambre… Chérie, qu’est-ce que tu fais ici ? ». Pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait cette voix. C’était celle de sa mère. Elle eut soudainement un sourire crispé : Ambre ne s’attendait pas à la voir, et n’en avait pas besoin. Mais elle sentit que sa mère en avait besoin, et elle consentit à la prendre dans ses bras, à la manière d’un proche qu’on ne revoit pas avant le lendemain. Comme si de rien n’était. N’était-ce pas la journée des efforts ?

Salut Maman. Tu as bonne mine.

Des banalités d’usages. Fausses, par surcroît. Sa mère avait l’air aussi en forme qu’un insomniaque. Et c’était en partie de sa faute. S’en suivit un échange plus ou moins marqué de blancs. Comment se portaient Isaac et Laurel ? Bien. Avait-elle aimé les figues qu’elle lui avait apportées un jour ? Oui. Et désolée pour la lettre, plus d’encre. Jusqu’à ce que… « Je t’avais faite une robe pour… une occasion spéciale. Veux-tu passer la voir ? Tu serais tellement jolie dedans. » Une occasion spéciale, tu parles. Dans le jargon commun, occasion spéciale rimait avec Moisson. Mais derrière cette maladresse, elle savait que sa mère tentait de resserrer des liens qui étaient défaits depuis trop longtemps. Et puis, elle avait effectivement besoin d’habits pour ce soir. Ce serait l’occasion de s’apprêter pour autre chose qu’un jour triste. D'échapper un peu plus au quotidien. Bien sûr qu'elle irait la voir.

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MessageSujet: Re: Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre)   Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre) Icon_minitimeDim 10 Nov - 21:34

Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre) Tumblr_mc5y4q1GFi1qanpzp
Je marche sans jamais m’arrêter, toujours tout droit. La forêt m’entoure, verte et vivante. Un merle appelle la pluie, des écureuils se pourchassent dans les arbres, les fleurs vivent et meurent sans un bruit. Les quelques rayons de soleil qui ont réussi à traverser les frondaisons pointent vers le sol comme des doigts lumineux. J’ai de la boue sur mes chaussures, une boue qui porte l’odeur des feuilles mortes et de la fin de l’été. Ce n’est pas un parfum désagréable. J’essaye de me mouvoir comme ma mère savait le faire, sans bruit, en écartant soigneusement les fougères et les branches ronceuses des mûriers. Au lieu de tracer mon propre chemin à travers la végétation, je suis celui que la forêt m’impose. J’ai presque l’impression de faire partie du monde qui m’entoure, de la terre légèrement chaude, des animaux qui vivent dans la pénombre perpétuelle, des fourmis qui agrandissent sans relâche leur fourmilière. J’ai presque l’impression d’entendre respirer les arbres, de surprendre leurs conversations avec le vent qui les caresse. Presque.

Quelqu’un marche derrière moi, cherche à me rattraper. J’entends sa respiration bruyante et l’impact de ses pieds sur le sol spongieux. Je ferme les yeux pour mieux écouter, même si je sais que c’est stupide, que je pourrais facilement faire une mauvaise chute. Quand je les rouvre, le quelqu’un marche à côté de moi, et je sais que c’est Dav, même si une autre partie de moi sait que Dav est mort et que ceci n’est qu’un rêve. Dav ne sourit pas, mais il ne souriait jamais beaucoup de son vivant non plus. « Tu sais où nous sommes, n’est-ce pas ? » Me demande-t-il aimablement. Je hoche la tête, me penche pour éviter une branche. « Nous sommes dans l’Arène. » Je réponds. Ma voix ne tremble pas ; je ne fais qu’énoncer un fait, un fait que toute la peur du monde ne pourrait changer. Je regarde autour de moi. La forêt n’est pas celle du District 7, c’est une forêt artificielle, remplie de pièges mortels, mais elle me donne quand même l’impression d’être chez moi. Une impression trompeuse de sécurité.

Je m’arrête un instant pour chasser une abeille de mon épaule. « Attention ! » Crie Dav, mais il est déjà trop tard. Mes pieds disparaissent dans le sol, dans le sol qui m’aspire irrésistiblement. Un marécage. Un marécage conçu pour offrir une mort lente et spectaculaire. J’aurais dû le savoir. Que puis-je faire ? On dit que bouger rend les choses pires, que la boue nous engloutit moins vite si on reste calme. Mais pourquoi retarder l’inévitable ? Mon instinct me crie de me débattre, alors je me débats en hurlant. Dav me regarde sans rien faire. Je m’enfonce jusqu’aux genoux. Je lâche des jurons que je ne croyais même pas connaître. Je me débats avec l’énergie du désespoir, une énergie brute, violente, inutile. Je m’enfonce jusqu’à la taille. « Aide-moi ! » Dav secoue tristement la tête. « Je suis mort, Laurel, je ne peux pas t’aider. » Lui ne s’enfonce pas dans la boue mortelle. Ce n’est qu’un fantôme. Il n’est pas vraiment là. « Je veux retourner à la maison ! » La maison, ce n’est pas ma cabane vide et froide au District 7, pas cette cabane au toit qui fuit, au foyer sans feu. C’est auprès de mon petit frère. Auprès d’Isaac. « Il n’y a qu’un seul Vainqueur. » Me rappelle gravement Dav. Je me fige.
Qu’un seul Vainqueur.

Après ça, je me laisse engloutir sans bouger, parce que je sais qu’Isaac est dans l’Arène aussi et qu’il ne peut pas gagner si je survis.
Qu’un seul Vainqueur, et ce sera lui.

La boue grasse et froide me caresse le visage, le marécage raffermit son emprise mortelle. Je pleurs. Mes larmes sont des larmes de rage, des larmes de regret. Je pleurs pendant que je me sacrifie pour mon petit frère. J’aspire une dernière goulée d’air avant d’être entièrement submergée.

J’ouvre les yeux, et je vois un monde brun et flou. Ambre s’approche de moi en nageant avec une aisance stupéfiante. « Tu vois ? » Me dit-elle. « Ce n’est pas si difficile que ça. » Elle rit, ses dents brillent, ses yeux sont grands ouverts, ses cheveux blonds flottent autour de son visage. « Tu es morte, toi aussi ? » Je redoute la réponse. Ambre exécute une sorte de salto dans la boue qui ressemble plus à de l’eau, maintenant. « Tu ne sais pas ? On est tous morts, tous. » Elle rit de nouveau, mais cette fois son rire ressemble plus à un cri de douleur. « Tous. »


***

Quand je me réveille, Ambre est déjà partie. Ça ne m’étonne pas ; elle est indépendante, après tout, et elle ne me doit rien. Je ressens néanmoins une pointe de déception. J’aurais voulu être la première réveillée, afin de préparer un bon petit déjeuner pour Ambre et Isaac. J’aurais voulu être la première réveillée pour pouvoir leur donner les cadeaux que j’ai soigneusement empaquetés et rangés sous mon lit. Tant pis. Je me lève, frissonnante dans ma chemise de nuit trop légère. Je n’en ai pas d’autre ; cet hiver, je devrai dormir toute habillée pour ne pas mourir de froid. C’est drôle, quand on y pense, que les Capitoliens considèrent mourir de froid comme une simple expression. Dans le District 7, le froid tue aussi efficacement que la faim.

Je décide d’enfiler ma robe verte. Celle que je mets toujours à l’occasion de la Moisson. Tant pis si elle me rappelle des mauvais souvenirs. C’est la seule robe réellement belle que j’aie, et il serait stupide de ne pas la mettre. Il y aura peut-être des caméras sur la grand-place. Je ne veux pas donner une mauvaise image de mon District. C’est pour cette raison aussi que je prends le temps de me regarder dans le miroir. Je suis pâle, comme d’habitude. Le manque de sommeil et de lumière a laissé une marque permanente sur mon visage. J’ai l’air de tout le monde et de n’importe qui. L’air immatériel d’un fantôme. Comme dans mon rêve… Je secoue la tête, rectifie ma coiffure. Mon regard tombe sur une tache de couleur vive, incongrue au milieu de ce décor sobre. C’est un foulard chiffonné, tombé par terre à côté du lit d’Ambre. Je me penche précautionneusement pour le ramasser. Mes doigts s’enfoncent dans l’étoffe douce, si douce. Je déplie le foulard sur le lit, le lisse du plat de la main. Les larmes me viennent aux yeux, parce que je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. A la télévision peut-être, mais jamais ici, dans ma chambre miteuse. C’est un foulard du Capitole, un foulard de styliste. J’ai déjà vu d’autres articles du Capitole, des articles qu’Ambre reçoit d’une pauvre folle du District 1 en échange de ses figurines. J’ai déjà vu ses rideaux, ses robes de nuit, ses coussins à fanfreluches. Mais je n’ai jamais rien vu d’aussi beau que ce foulard, dont je ne reconnais pas l’étoffe. Impulsivement, j’enfouis mon visage dedans. Il sent la lavande. Que faisait-il par terre ? Ambre l’a-t-elle oublié ? Je le replie soigneusement et le pose sur son oreiller, vaguement honteuse d’être émue par un simple carré de tissu. Peut-être est-ce à cause de la couleur, si gaie. Peut-être est-ce à cause de l’odeur, qui me rappelle maman. Je comprends pourquoi Ambre ne met jamais ce foulard. Il est trop beau, trop irréel au cou d’une fille vivant dans la misère. Il vaut sans doute plus que ce que je gagne en un an de dur labeur à l’usine, ou même en dix ans. Si Ambre le vendait, si elle arrivait à trouver quelqu’un d’assez stupide pour l’acheter, nous serions riches. Pas riches comme au Capitole, mais riche à la façon du District 7 : nous aurions toujours un garde-manger rempli et une réserve de bûches pour nous chauffer l’hiver. Encore faut-il trouver un acquéreur fortuné. Ces gens-là sont rares au District 7. Je secoue la tête. Je suis stupide de penser que ce foulard pourrait changer notre vie. Stupide de penser au nombre de médicaments que je pourrais acheter si je le vendais, au nombre d’enfants que je pourrais rendre heureux. Stupide, idéaliste… Mais tant pis. Presque sans y réfléchir, je glisse le foulard dans ma sacoche. Ambre sera peut-être d’accord pour qu’on le vende.

Comme tous les mardis, je passe d’abord voir les malades. Mes malades, comme je les appelle. La petite Mary me montre fièrement sa poupée. Son frère n’arrête pas de ronchonner pendant que j’inspecte son poignet, qui va déjà beaucoup mieux. Tous deux ne parlent que de la fête à venir, de la nourriture, de la musique. Il y a aura des bonbons, prétend Mary. Non, du chocolat. Ou des gâteaux… Je souris en les regardant. J'espère que nous recevrons quelque chose de plus solide que des friandises. De la viande, du poisson, des légumes. Quelque chose qui donnera à ces enfants les protéines et les vitamines dont ils manquent cruellement. Mon prochain patient est le vieux Walter. Aujourd’hui, il est d’humeur exubérante et n’arrête pas de parler. « Dis, Auri… Je peux voir ce que tu as là, dans ton sac ? » Le foulard d’Ambre dépasse de ma sacoche. Je ne songe même pas à refuser. Je le sors, le tends à Walter. « Viens voir, Lily ! » Sa femme s’approche de nous, un vague sourire aux lèvres. « Magnifique, n’est-ce pas ? » Elle hoche la tête avec enthousiasme. Walter tient le carré de tissu contre ma robe. « Ça te va bien. » Constate-il gentiment. « Tu devrais le porter. » Je sais que je devrais protester, mais Walter a l’air tellement heureux, oublieux de la douleur, que je le laisse nouer le foulard autour de mon cou.

***

« Vous ! » Je connais ce ton. Je m’arrête, me retourne. Je n’essaye même pas de sourire. Le Pacificateur qui me fait face m’est inconnu. Sans doute a-t-il été engagé pour surveiller l’évolution des préparatifs et veiller à ce que personne ne vole de nourriture avant le banquet de ce soir. Mais je ne fais rien de mal ; je cherche juste Ambre. « Où avez-vous volé ça ? » Son regard est dur, accusateur. Je me rends compte que j’ai oublié d’enlever le foulard en sortant de chez Walter.  « Je… Je l’ai emprunté à une amie. » Je sais aussitôt qu’il ne me croira pas. Qu’il ne veut pas me croire. « Une amie ? » Il ricane. Bien sûr. Il sait que nous ne saurions jamais payer un foulard pareil. Sans compter le fait qu’on ne vend pas d’objets aussi jolis, au District 7.  « Pensez-vous vraiment que je me promènerais avec un objet volé autour du cou ? » Mon ton est neutre, mais le Pacificateur fronce les sourcils d’un air mécontent. Stupide, stupide, stupide. Je cherche Ambre du regard. Elle saura me sortir de cette galère.
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Ambre L. Galeoni
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MessageSujet: Re: Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre)   Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre) Icon_minitimeMar 12 Nov - 18:21

Après avoir faussé compagnie à sa mère en lui promettant de passer tantôt, Ambre repris le cours de sa journée qui consistait à récolter le plus d’informations possibles vis-à-vis du banquet de ce soir. Pas après pas, elle remonta tranquillement les pavés de la grande place jusqu’à faire un tour complet : c’était peine perdue ; l’endroit était complètement barricadé. Rien ne filtrait, pas même un son. Profondément déçue, elle s’apprêtait à faire chemin inverse lorsqu’une scène attira son attention. De loin, cela ressemblait à s’y méprendre à une prise sur le fait et mieux valait ne pas rester dans les parages.  Pourtant, la silhouette lui était étrangement familière, et elle ne put s’empêcher de s’approcher d’avantage, juste pour voir.  C’est avec stupéfaction qu’elle reconnut Laurel. Laurel, la douce Laurel… Que pouvait-on donc bien lui reprocher, si ce n’est le fait de passer un peu trop de temps à prêcher la bonne parole ? Enfin, elle vu l’écharpe nouée autour de son cou fragile, et l’air fut instinctivement chassé de ses poumons.  Ambra resta bien plantée là trente bonne secondes avant de raisonner à une quelconque issue : elle était pourtant persuadée de l’avoir prise. Ses doigts tremblèrent un peu lorsqu’elle ouvrit son sac, avant de le trouver naturellement vide.  Son instinct de survie lui criait de fuir de ce méli-mélo d’angoisses, et de fuir maintenant, abandonnant Laurel à son triste sort. Sauf qu’elle ne pourrait indéfiniment pas porter les coups à sa place. Tachant de combattre la main invisible qui lui enserrait la gorge, elle prit son courage à deux mains, et fit ce qu’elle savait le mieux faire ; ce pour quoi elle était connue pour : y aller au culot.

***
« Excusez-moi, est-ce que le nom Fawks-Williams vous dit quelque chose ? » dit-elle, s’adressant directement au Pacificateur d’un ton plein d’orgueil qui annonçait généralement rien de bon. « Princesse, je t’avais bien dit de ne pas le porter avant ce soir… Regardez-là, ne dirait-on pas qu’elle est malade avec ? »  L’homme cligna des yeux à deux reprises. A l’évidence, il avait totalement saisi qu’il était face à une problématique délicate, même s’il ne pouvait en deviner la source.  Comme partout ailleurs le vol était monnaie courante dans le district 7, et même s’il ne venait pas du milieu, il avait dû juger une multitude d’affaires semblables. Le vol était condamnable et leur vaudrait toutes deux une place réservée sur l’échafaud ; mais il l’était moins que le fait de commercer directement avec un autre district. Le Capitole se donnait trop de mal pour garder chaque chose à sa place, et Ambre se demanda soudainement si Laurel avait conscience des retombées que cela pouvait avoir, non seulement pour elle mais également pour l’ensemble de la population. Il avait déjà été démontré que quelques rares actions individuelles pouvaient causer du tort à chacun, et c’était précisément la raison pour laquelle Ambre ne portait pas les rebelles dans son cœur.  Et comme la jeune fille n’avait aucune envie de finir muette et de se faire plus détestée par son district qu’elle ne l’était déjà,  l’accord qu’elle avait passé avec Amarinda Carter devrait mourir avec elle. Preuve qu’entre Isaac et Laurel, trop de monde était déjà au courant de cet arrangement. Côtoyer des vainqueurs n’avait pas que des avantages et les pactes avec le Diable, c’était ce qui la faisait vivre. Et quand le Diable se déciderait à prendre son dû, nul doute qu’il frapperait fort, marquant les esprits avec la même facilité qu’un fer chauffé à blanc. Elle eut toute la difficulté du monde à dénouer le foulard du cou de Laurel ; bout de tissu apparaissant tout à coup bien sordide malgré sa magnificence, et à le faire glisser entre les doigts du Pacificateur. « On n’aimerait pas trop que ça s’ébruite. Vous savez comment sont les gens… » Tandis qu’il l’étudiait d’un air qui ne trompait personne, Ambre ajouta mentalement ce geste à sa liste personnelle de méfaits.  Il lui semblait qu’elle atteignait chaque jour des sommets un peu plus hauts, mais qu’il restait encore suffisamment de place et d’encre pour la combler, à la manière d’une montagne infranchissable. Il semblait peser le pour et le contre : quelle était la procédure pour une tentative de corruption déjà ?  La sueur lui collait au dos, et une fois de plus, elle eut la désagréable impression que son cœur venait de rater une marche. Il tenait à présent un droit de vie ou de mort entre ses mains. Littéralement.

« Vous avez bien de la chance d’avoir un ami si généreux. N’ayez crainte, votre secret sera bien gardé. » Ainsi c’était vrai, tout homme avait un prix. Foutue planète, il y’ en avait décidément pas un  pour rattraper l’autre. Ceci dit, elle en était bien contente. Son regard croisa enfin celui de la jeune femme, pas résolue pour un sou pour confirmer ses dires. Durant toute sa tirade, elle avait soigneusement évité de la regarder. Le Pacificateur les invita à prendre congé, ce qu’Ambre se fit un plaisir d’appliquer aussitôt. A grandes enjambées.
En un sens, elle était furieuse car ce petit tour de passe-passe aurait pu lui couter très cher. Des sentiments contradictoires allaient et venaient en elle aussi sûrement qu’inévitables.  « Bon sang, Auri ! Tu m’as habituée à te montrer plus futée ! Comme si on n’attirait pas suffisamment l’attention comme ça. Je n’ai pas vu Ethan se balader depuis des lustres, et je ne suis même pas sûre qu’il se souvienne de mon nom. Alors le tien… Comme si tu pouvais entretenir une liaison avec un vainqueur ! » Ce constat stupide la fit éclater de rire. Un rire tout aussi faux que désagréable. Elle y prit même un certain plaisir. C’était là, dit-on, une des faces cachées d’Ambre. Laurel était bourrée de qualités et pas vilaine fille du tout. Seulement, après l’avoir mise dans pareille situation, elle éprouvait un besoin vital de se défouler sur elle.  « J’avais vraiment pas mieux pour nous tirer d’affaire. J’espère qu’il n’ira pas jusqu’à aller vérifier l’info. M’est avis qu’il n’en fera rien : l’étoffe a été le prix à payer pour son silence. »

Elle n’avait aucune idée de sa valeur, si ce n’est qu’elle n’aurait jamais réussi à le vendre. Mais d’une manière comme une autre, elle l’avait gagné. Il avait représenté une sorte de paiement pour son labeur. Un paiement inhabituel, certes. Maintenant, elle avait l’impression d’avoir travaillé pour rien. Aussi, ses derniers mots eurent des airs de remarque assassine.
Tu n’avais pas le droit de toucher à ce foulard.

En d’autres occasions, elle se serait fait une joie de la voir. Mais après cette bourde monstrueuse, sa présence la pesait plus qu’autre chose. Elle n’arrivait même pas à lui en vouloir : si la naïveté avait un nom, elle aurait porté celui de Laurel.
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MessageSujet: Re: Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre)   Christmas in advance, death angel and gingerbread (libre) Icon_minitimeLun 10 Fév - 9:49

Je n’ai jamais été douée pour mentir. Même pour sauver ma peau. J’invente des histoires trop invraisemblables, je ne regarde pas mon interlocuteur dans les yeux, je rougis. A chaque fois, quelque chose me trahit. Je suis trop sincère, m’a-t-on dit. Je suis trop naïve, m’a-t-on dit, car le monde est plein de filous qui ne se feront pas prier pour escroquer, voler, tromper. Autant les imiter, œil pour œil, dent pour dent. Pour une ferme saccagée par les Pacificateurs, que quelqu’un leur tende une embuscade et leur vole leurs biens. Pour un acte isolé de rébellion, que tout le District paie. Cette guerre incessante a rendu les hommes violents, les femmes hargneuses et les enfants silencieux. Chaque fois que j’ouvre la bouche pour leur faire comprendre que ça ne sert à rien, qu’ils feraient mieux d’arrêter cette spirale infernale d'attaques et de représailles, on me lance des regards noirs. Une poignée d’hommes a même osé me menacer pour avoir apporté mon aide à un Pacificateur blessé. Leurs femmes les ont calmés, mais elles aussi maugréent que je gâche de bons médicaments en les donnant aux gardiens de paix. Peu importe ce qu’elles pensent ; c’est ainsi que je fonctionne. Pour moi, il n’y a pas de différence entre un jeune bûcheron au pied entaillé, un riche commerçant qui souffre de bronchite et un Pacificateur à l’épaule disloquée. Ils crient, ils saignent, ils souffrent tous de la même façon. Et tant pis s’ils ne me donnent rien en retour. Tant pis si on me surnomme Sainte Auri, l’oie blanche, la crédule. Les malades me respectent, les guéris me sourient, et je sais que j’ai ma place dans ce monde cruel. Je le sais, même si le Pacificateur en face de moi l’ignore. Il ne voit qu’une voleuse, qu’un problème supplémentaire, qu’un chiot galeux qu’on noie vite fait avant de retourner à des occupations plus intéressantes.

« Je… » Je n’y arrive pas. Bon sang, qu’est-ce qui cloche chez moi ? Ma langue est collée à mon palais et mon cerveau a beau travailler à toute vitesse, je ne parviens pas à articuler la moindre parole sensée. C’est alors qu’Ambre vole à mon secours. « Excusez-moi, est-ce que le nom Fawks-Williams vous dit quelque chose ? » Demande-t-elle au Pacificateur, l’air parfaitement sûre d’elle. L’homme réfléchit, et j’en fais de même. Fawks-Williams… Bien sûr, c’est l’un de nos rares Vainqueurs. Ethan, je pense. Je ne crois pas l’avoir rencontré en personne. « Princesse, je t’avais bien dit de ne pas le porter avant ce soir… Regardez-là, ne dirait-on pas qu’elle est malade avec ? » Ambre ne me parle jamais comme ça ; d’ailleurs, je ne l’ai jamais entendu appeler qui que ce soit « princesse ». Je reste saisie devant l’aisance avec laquelle elle se glisse dans son rôle. De mon côté, j’essaie de jouer celui qu’elle m’a attribué. Je hoche la tête d’un air contrit et souris faiblement. J’ai envie d’ôter ce foulard de malheur, mais je crains que le tremblement de mes doigts ne me trahisse. Alors, je laisse faire Ambre. Ses ongles me griffent la peau dans sa hâte pour dénouer le carré de tissu, qu’elle glisse ensuite dans la main du Pacificateur. « On n’aimerait pas trop que ça s’ébruite. Vous savez comment sont les gens… » Le Pacificateur m’étudie avec un intérêt nouveau, un sourire légèrement incrédule aux lèvres. Je n’aime pas son regard. Et soudain, je comprends… Elle insinue que c’est Ethan qui m’a donné ce foulard ? Que je suis sa maîtresse ? Cette idée ridicule m’aurait fait éclater de rire en toute autre circonstance, mais maintenant je me contente de piquer un fard en regardant mes chaussures. Le Pacificateur examine le foulard d'un air de connaisseur. Je croise les doigts derrière mon dos, espérant qu’il se laissera acheter. Sinon, c’est le fouet pour moi et sans doute aussi pour Ambre, parce qu’elle a essayé de m’aider. Ou une balle dans la tête s’il se rend compte que le foulard vient du District 1 et qu’Ambre a des accords commerciaux avec une folle de ce District. L’échange de petites figurines en bois contre un joli carré de tissu passerait pour un acte de rébellion. Les Pacificateurs n’ont jamais compris que beaucoup de soi-disant rebelles sont en réalité de pauvres diables prêts à tout pour survivre. Et ce Pacificateur-là n’a pas l’air très compréhensif. Pas sûr que le nom d’Ethan nous protègera…

Espérant faire pencher la balance en notre faveur, je lui souris d’un air que j’espère être séducteur. Ou du moins charmant. Le genre d’air qu’une maîtresse prise en faute se doit d’arborer. Je joue mon rôle. Ambre joue le sien. Et le Pacificateur ?  « Vous avez bien de la chance d’avoir un ami si généreux. N’ayez crainte, votre secret sera bien gardé. » Le soulagement m’envahit, et pour une fois, je songe que la corruption légendaire des Pacificateurs a des avantages. Le Pacificateur nous fait signe de décamper. C’est alors que je me rends compte que je n’ai pas dit un mot, laissant parler Ambre à ma place. C’était sans doute la meilleure chose à faire ; mes tristes mensonges n’auraient fait qu’attiser les soupçons du Pacificateur. Je m’apprête à remercier Ambre lorsqu’elle explose : « Bon sang, Auri ! Tu m’as habituée à te montrer plus futée ! Comme si on n’attirait pas suffisamment l’attention comme ça. Je n’ai pas vu Ethan se balader depuis des lustres, et je ne suis même pas sûre qu’il se souvienne de mon nom. Alors le tien… Comme si tu pouvais entretenir une liaison avec un Vainqueur ! » Elle éclate de rire, ce qui me blesse bien plus que ses paroles. Je fais un effort pour ne rien répondre de désagréable. Après tout, elle m’a sortie de ce pétrin, alors qu’elle n’y était pas obligée. En plus, elle a raison : je me suis comportée comme une idiote. Alors, je me contente de dire : « Désolée. Je suis horriblement distraite, ces derniers temps… » Distraite certes, mais avec raison… Je n’arrête pas de m’inquiéter pour Isaac et pour la prochaine Moisson, et ces ruminations occupent toutes mes pensées. Sans parler de ces crises de tremblements dont je souffre et que j’essaye de cacher à tout le monde… « Je pourrais peut-être passer chez Ethan. Je pourrais lui proposer des remèdes pour bien dormir. Il connaîtrait au moins mon nom… » Mais je secoue aussitôt la tête, car je sais que cette idée est stupide. Un tel comportement de ma part ferait jaser les gens et entacherait ma réputation. Parfois, seule cette image de sainte qui me colle à la peau empêche mes patients mâles de me mettre la main aux fesses. « J’avais vraiment pas mieux pour nous tirer de l’affaire. J’espère qu’il n’ira pas jusqu’à aller vérifier l’info. M’est d’avis qu’il n’en fera rien : l’étoffe a été le prix à payer pour son silence. » Elle a raison, sans doute. Ce foulard hors de prix assurera le silence du Pacificateur. Il peut le revendre à bon prix dans un District plus riche, ou même au Capitole.

« Tu n’avais pas le droit de toucher à ce foulard. » Elle a l’air sincèrement fâchée, ou au moins vexée. Mal à l’aise, j’entortille une mèche de cheveux autour de mes doigts pour ne pas être obligée de regarder Ambre. « C’est vrai. Mais… Je l’ai trouvé par terre à côté de ton lit, et je pensais que tu serais d'accord pour le vendre. En s’adressant à la bonne personne et avec un peu de diplomatie, on aurait pu en tirer un bon prix. » Ambre connaît toutes sortes de gens, dont quelques individus peu recommandables mais qui l’auraient peut-être aidée à obtenir un bon prix pour cette soie du Capitole.  « Nous aurions été moins pauvres, et je n’aurais pas dû vivre sans cesse dans la crainte de ne rien avoir à manger. Et j’aurais pu acheter des médicaments, aider quelques amis… » C’est là quelque chose qu’Ambre me reproche fréquemment. Elle ne comprend pas pourquoi je m’acharne à toujours aider les autres… Je soupire intérieurement. « Mais rien de tout cela ne serait arrivé si tu n’avais pas traficoté avec Carter. Nous ferions mieux de trouver une cachette pour entreposer les objets qu’elle te donne, au lieu de les laisser traîner dans notre maison, là où n’importe quel Pacificateur peut les trouver. Et tu devrais peut-être aussi couper les ponts avec Carter. C’est une folle et une étourdie, et elle parle tant que je suis étonnée qu’elle ne nous ait pas déjà malencontreusement dénoncés ! » Je n’ai pas le droit de la sermonner comme ça, pas le droit de critiquer cette pauvre gagnante des Jeux, pas le droit d’être fâchée. Mais je suis fatiguée, mon estomac est désespérément vide et l’accord passé avec Amarinda Carter a toujours été un sujet de discorde entre Ambre et moi. Même si je profite des activités illégales d’Ambre, je préfèrerais qu’elle abandonne tout commerce avec un autre District. Les risques sont trop grands, les profits peu élevés, et je crains tous les jours de voir des Pacificateurs à notre porte. Je suis sûre qu’ils n’hésiteraient pas à nous exécuter aussi, Isaac et moi, pour des crimes que nous n’avons même pas commis. Le Pacificateur en chef a toujours vu d’un mauvais œil l’existence de notre petite communauté de jeunes. « Je ne veux pas qu’ils viennent nous arrêter. S’il le faut, je travaillerai plus, je ferai tout ce qu’il faut pour nous garder en vie. » Je me suis toujours vue comme l’adulte de nous trois, pas parce que je suis la plus âgée, mais parce que je suis prête à n’importe quel sacrifice pour assurer la survie de notre famille. Notre famille… « Ils ont besoin d’une serveuse, au Chêne fendu. Je pourrais peut-être y travailler quelques soirs par semaine. Mais je suis si fatiguée… » Soudain, la tête me tourne à l’idée de tout ce que je dois encore faire. Réparer le toit, qui fuit légèrement dans la cuisine. Passer voir Jaques et Charline et la petite Myrtille. Refaire mes provisions de plantes. Cuisiner un repas avec les provisions que le Capitole nous donnera. Ravauder les chemises d’Isaac. Et puis peut-être, si j’ai le temps, m’asseoir dans notre vieux fauteuil pour me masser les pieds, qui font un mal de chien à cause de mes chaussures devenues trop petites. Tant à faire et si peu de temps…

La voix d’Ambre me distrait de mes rêveries. Je l’entends mal, comme si elle se tenait de l’autre côté d’un tunnel. Je marmonne : « Quoi ? » La voix se tait un instant, puis reprend plus fort, plus rapidement. « Je n'y comprends rien. » Je suis agacée. Il fait noir. Pourquoi fait-il noir ? Vlan. Une main atterrit avec force sur ma joue droite. Je me redresse avec une exclamation indignée et ouvre les yeux. Ambre est là, en face de moi, l’air à la fois furieuse et inquiète. Je regarde autour de moi, désorientée. Je suis assise par terre, ma belle robe est sale. Qu’est-ce que je fais là ? Soudain, tout me revient : la fatigue, l’étourdissement, la faim… Je me suis évanouie. Mes joues me cuisent, signe qu’Ambre a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour me faire revenir à moi. Aussitôt, je me sens envahie par la honte : honte d’apparaître comme quelqu’un de faible, honte d’être faible alors que je devrais être forte. Je bredouille vaguement: « Parfois, j’en ai marre d’être forte. »  Je n’ai pas les idées en place. Heureusement, je n'ai pas fait de crise de tremblements. Mon regard revient sur Ambre. Ça fait deux fois qu’elle me sauve, aujourd’hui. Quelque chose me dit que ce rôle ne doit pas lui plaire.
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