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 Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda

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Amarinda C. Carter
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Amarinda C. Carter
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MessageSujet: Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda   Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda Icon_minitimeDim 11 Aoû - 14:13

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Do you think you really know me ?


Le décor n’est pas celui d’un film d’horreur. Pas de chambre froide et nue aux murs blancs, pas d’appareils menaçants, pas de chaînes fixées au mur, pas de bourreau qui attend dans l’ombre. Le décor est un salon agréable, décoré avec goût, bien éclairé, avec vue sur le grand parc. En un sens, c’est pire. Une tache de sang est bien plus choquante sur un canapé en velours que sur un sol froid déjà couvert de souillures pareilles. La femme sur le canapé pleure. En silence. Un autre jour peut-être, elle se serait lamentée, elle aurait sangloté bruyamment afin d’attirer l’attention. Aujourd’hui, elle voudrait qu’on l’oublie. Mais l’homme en face d’elle n’oublie jamais.

Les oiseaux se taisent. Depuis plusieurs jours déjà. Est-ce parce que cette bonne à rien de Muette a laissé tomber leur cage ? Ou parce que le petit oiseau bleu est mort ? Je l’ai enterré moi-même, ce petit corps encore chaud et étrangement léger. Il aimait faire des gammes pendant des heures. Il aimait picorer des graines dans ma main. Comme tous les autres oiseaux. Mais cet oiseau-là était toujours triste. Peut-être ne supportait-il pas de vivre en cage.

J’ai renvoyé la servante, et c’est seule que je m’habille et que je me coiffe. J’ai choisi la robe bleue, en mémoire de l’oiseau. Un oiseau parmi tant d’autres. Il n’avait même pas de nom. Pourtant je suis bouleversée. Quelqu’un toque à la porte, mais je crie qu’ils peuvent tous s’en aller, tous. Je ne veux voir personne. Je ne veux pas que quelqu’un me voie. La robe couvre presque tous les hématomes. Sauf ceux sur le haut du bras. Je me drape dans un châle, bien qu’il fasse trop chaud pour ce genre d’accessoire. Je me regarde dans le miroir. Je suis plus pâle que d’habitude. Un peu de poudre rosée sur les joues fera l’affaire. La poupée Célestine fait semblant de regarder ailleurs. Pour une fois, je suis contente qu’elle se taise.

C’est d’un pas raide que j’avance vers le taxi qui m’attend. Je n’aurais pas dû mettre ces talons hauts. J’ai mal partout. Le chauffeur démarre. Plus vite, je lui dis. Plus vite. Je ne suis pas en retard. Mais j’aime la vitesse. C’est grisant. Je suis attendue à l’Hôtel Royal, un lieu très à la mode en ce moment. Leurs salles de réception sont énormes, et les riches y donnent des soirées absolument fabuleuses. Très coûteuses aussi, à moins d'être invité. Ce n'est pas grâce à mes beaux yeux que j'ai reçu un carton d'invitation. C’est le Président Snow qui en a obtenu un. Pas pour me faire plaisir – surtout pas depuis ce faux pas de la semaine dernière. Je suis ici pour mon travail, un travail qui fait partie de mes obligations de Vainqueur. Toute la soirée, je tiendrai compagnie à Arsen. Je le divertirai. Je danserai avec lui. Je le ferai rire. C’est facile, parce qu’Arsen est quelqu’un que j’apprécie sincèrement. Cependant, je ne peux pas oublier qu’il s’agit du conseiller de Snow. Qu’il est donc l’un des hommes les plus puissants de tout Panem. Pas mon ami, mais mon client. Je ne peux pas lui faire honte. Je dois bien me tenir. Et surtout, surtout, je dois continuer à l’amuser. S’il se lasse de ma compagnie, que dira Snow ? Que fera-t-il ?

Les lumières du Capitole défilent à toute vitesse. Je ferme les yeux. Je ne suis rien qu’une femme de plus, dans un taxi de plus, en route pour une fête comme il y en a tant. Mais je ne pense pas à la soirée qui m’attend. Je pense à mon magasin au District 1, et aux marionnettes que je dois terminer. Je les exposerai à l’étalage. Je suis sûre que les enfants les adoreront. Le chauffeur freine un peu trop brusquement, et la douleur dans mon épaule se réveille. Je serre les dents. Cette punition, je la méritais. J’ai empoisonné deux Pacificateurs parce qu’ils m’empêchaient de rendre visite à une amie. Ils disaient qu’elle ne voulait pas me voir, que j’étais dangereuse pour sa santé mentale. Que je devais arrêter de la harceler sans cesse. Mais je ne les ai pas écoutés. Le Président a eu raison de me punir. Il est mon idole et il le sait. Quoi qu’il me demande, je le ferai toujours. J’ai promis d’être sage. Je serai donc sage. Et j’essayerai d’oublier son sourire lorsqu’il a ordonné à son garde du corps de me battre.

En sortant du taxi, je vacille un instant avant de retrouver mon équilibre. Aïe. J’ai l’air d’une vieille. Je redresse fièrement le menton et cherche Arsen du regard. Là. Je m’avance vers lui avec un sourire qui n’est pas entièrement feint. « Arsen, très cher ! Tu m’as manqué. » Je lui chuchote gracieusement. Je lui fais poliment la bise, à la mode du Capitole. Honnêtement, la politesse m’ennuie. Je préfère sauter dans les bras de ceux que j’apprécie et tirer la langue à ceux qui me déplaisent. Mais je ne pense pas qu’Arsen approuverait un tel comportement. « Tu as l’air fatigué… Cela te plairait-il de chercher un endroit plus calme ? Moins bondé ? J’aperçois le Juge Miller. Je suis sûre qu’il voudra encore te parler pendant deux heures de la nécessité d’augmenter le nombre de mutations génétiques pendant les Jeux… Ou de sa collection de cuillères en argent… » Je lève les yeux au ciel. « Nous pourrions peut-être aller au Rosemary Palace ? J’ai entendu dire que les cocktails y sont excellents et que la musique est envoûtante. Ce n’est pas loin d’ici. » Je lance un regard dédaigneux à l’Hôtel Royal. Un endroit que j’adore pourtant. Intérieurement, je prie : S’il te plaît, dis oui. J’ai trop mal pour danser toute la nuit. J’ai envie de calme. S’il te plaît, dis oui. Je resserre mon châle autour de mes épaules, même si j’étouffe déjà. Même la nuit, l’air est lourd, moite. J’offre mon plus beau sourire à Arsen. Le genre de sourire innocent qui peut convaincre n’importe qui. Mais Arsen n’est pas n’importe qui.
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MessageSujet: Re: Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda   Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda Icon_minitimeDim 11 Aoû - 20:08




De l'écran de télévision, on entend le bruit du canon.
Le téléphone s'est soudainement mis a sonné, mais il s'est arrêté après quelques secondes seulement, comme s'il avait senti le regard noir d'Arsen sur lui, et avait soudain craint pour sa vie. Sur l'écran de l'ordinateur, une vidéo muette, un peu vieille, est en marche : il y a des visages pâles qui bougent les lèvres frénétiquement et leurs yeux ne fixent jamais vraiment la caméra.

Toutes ces explosions soudaines et sonores l'ont déstabilisé. Quelqu'un est mort, et cette morbide nouvelle lui fait comprendre qu'il était temps d'arrêter de paresser et de se redresser.
Quand il se relève, il ne voit pas d'abord le ciel zébré de rouge et d'orange, mais simplement le vide obscure que lui offre le plafond. Il ne l'a aperçu que lorsqu'il a tourné la tête. Par ailleurs, il n'y a rien sur les murs, et tout dans cette pièce semblait rappeler sans cesse à lui la solitude : une tasse de café abandonnée, un stylo qui roule encore à terre, une veste qui gît ça, et là. Jamais à la même place il semblerait. Et certainement pas une seule autre chaise ! que celle sur laquelle il est posé : uniquement des rangements plaqués dans des coins qui vomissent des dossiers de personnes qu'il a déjà purifié, ainsi que des vagues d'informations qui éclatent en pixels sur des écrans. Absolument rien, rien, qui invite à rester. Il n'y a rien dans cette pièce. Pas un bruit. Il n'entend pas même son propre souffle : mais il le sent taper sous sa peau, posé, mesuré, mécanique. Il a presque l'étrange impression désormais qu'il se force à inspirer, à expirer, à faire battre le sang dans les veines.
En fait, Arsen se remet lentement en route.

En y pensant posément, il n'y a rien de naturel, dans ce bureau.
Il n'y a rien d'humain.

Arsen avait passé l'après-midi plongé dans les souvenirs d'un autre, dans les paroles, les pensées, les gestes d'un autre. Il avait visité la vie d'un autre de la première mélodie au dernier couplet sanglant et déchirant, étouffé par le feuillage épais du temps et du néant. Et sa tête lourde et engourdie par la même chanson, répétée encore et encore, s'était laissé tomber dans la mer de papiers qui engloutissait le bois sombre du bureau.
Et il avait écouté le silence.
Il n'y avait personne, ici. Juste l'ombre des meubles et de sa propre silhouette qui se dessinait, grandies sur le carrelage, par le soleil se couchant lentement juste derrière. Il entendait à peine les murmures de la ville. Il n'y avait en fait rien à entendre, de toute manière.

Il n'y a rien de bien vivant ici, non plus.

Quand il se relève, de la paperasse reste plaquée contre ses bras, comme des ailes de papier.  Il tente de remettre ses pensées dans l'ordre, et se souvient que, plus tôt dans l'après-midi, il avait entendu les pas peu discrets de son assistant entrer dans le bureau et s'approcher de lui, lentement, persuadé qu'il dormait à point fermés. Il lui avait doucement glissé dans la main une invitation manuscrite pour ce soir. Il avait reconnu la missive tout de suite : l'écriture élégante et penchée ne pouvait appartenir qu'à une personne. En la lisant, pourtant, il avait commencé par sourire, puis comme toutes choses, ses lèvres s'étaient affaissées et son teint avait terni.
Il s'était quand même empressé de quitter la pièce, où l'air, marié avec le silence et toutes les choses muettes qui y régnaient, devenait trop lourd, pour enfin trouver, à l'extérieur, le temps de respirer convenablement. Dans le couloir, le carrelage marmoréen lui fit presque mal aux yeux : c'était comme se réveiller d'un très, très long songe, finalement.
Occupé à fermer la porte à clé, il entend alors des pas qui se rapproche, mais le simple son sourd le fait reconnaître presque tout de suite la marche lourde de responsabilités des Pacificateurs. Quand ils passent près de lui, quand ils le frôle, il leur adresse un signe de tête entendu, pour dire bonjour, ou bien peut-être au revoir, il ne le sait même pas lui même. Il se contente ensuite finalement de les suivre du regard, presque mélancoliquement, avant de les voir disparaître au virage.
Il connaît l'uniforme par coeur : le crissement du cuir qui se plie au moindre au pas, le frottement de la matraque sur la cuisse et la chaleur rassurante du casque sur la tempe. Il soupire, presque, de soulagement, parce que ces souvenirs sont les siens et qu'ils n'appartiennent qu'à lui. Mais il n'a pas véritablement le temps de perdre des secondes à repenser à une autre époque, alors, enfin, il s'en alla.

Dans son ventre, il y a une boule qui se forme au fur et à mesure qu'il se prépare. Il sait qu'il est attendu, il sait qu'il a rendez-vous, alors il tente de faire bonne figure. Ce n'est pas n'importe qui qui vient lui tenir compagnie : c'est indirectement le Président. Une envoyée, plus précisément, mais qu'importe. Il a beau se dire que c'est un merveilleux cadeau venant de Lui, la boule ne part pourtant pas.
Au contraire, son noeud se ressert douloureusement, sa prise plus dure encore, et il la sent s'encrer un peu plus dans le creux de son estomac. Alors il tente de relâcher la prise de sa cravate sur son cou, juste un peu. Peut-être que ça changera quelque chose.
Mais rien ne change.

Plus tard, il est devant les marches qui mènent à un bâtiment prisé de la ville. Les gens passent devant lui sans le voir : d'autres le regardent longuement, avec un léger sourire entendu, parce qu'il reconnaisse son allure.
Et puis une voiture s'arrête.
Son dos se redresse et il attend, toujours nerveux. L'habituel son des talons qu'elle provoque en descendant du véhicule lui réchauffe une seconde le coeur, parce qu'il se souvient de la première fois où l'oiseau s'est posé devant lui. Et ce soir, Amarinda a le pelage bleu : elle est d'ailleurs rayonnante. Pourtant... « Arsen, très cher ! Tu m’as manqué. » Il chasse rapidement son mauvais pressentiment et se met à ricaner tantôt chaleureusement tantôt plus froidement, parce qu'au fond il a l'impression que ce rendez-vous débute par un mensonge. « Bonsoir, Amarinda. » Ses lèvres frôlent ses joues et son parfum embaume l'air aux alentours. « Tu as l’air fatigué… Cela te plairait-il de chercher un endroit plus calme ? Moins bondé ? » Louée soit-elle, pense-t-il, c'est comme si elle avait lu en lui comme dans un livre ouvert. Un sourire un peu plus large s'étale sur son visage, puis il acquiesce d'un air entendu quand elle lui parle du Juge et de son obsession rocambolesque, et continue son monologue. Quand elle parle finalement d'un autre endroit en resserrant son châle, ses sourcils se froncent. « Ah ? Et bien, pourquoi pas ...ce n'est pourtant pas ton genre de changer d'avis comme ça. » C'était plutôt même le contraire, avec Amarinda : elle le tirait partout où l'ambiance serait garantie et où l'alcool coulerait à flots, et garantissait toujours l'amusement dans n'importe quelles fêtes typiques de la capitole, en soit. Mais il se contente de hausser vaguement des épaules, soupirant. « Mais soit, si tu es sûre, tu sais bien que tout me va. » Et alors qu'il lui offre courtoisement son bras, il prend conscience de la chaleur qui règne et du morceau de tissu qu'elle s'évertue à replacer sur ses frêles épaules. « Tu dois étouffer, avec ça ! Je sais bien que la mode reste un mystère pour moi, mais il y a des limites. Passe-le moi, je vais te le tenir. »

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Amarinda C. Carter
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MessageSujet: Re: Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda   Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda Icon_minitimeMar 13 Aoû - 14:03

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Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda W1y

C’est une jeune femme blonde vêtue d’un uniforme gris. Ses cheveux sont attachés à la va-vite. A côté d’elle sur le sol, un seau débordant de déchets. Déchets qu’elle ramasse précautionneusement de ses mains gantées. Une fine pellicule de sueur rend son front luisant. Elle se redresse avec lenteur, les mains sur les reins pour soulager son dos. Peut-être est-elle enceinte. Peut-être a-t-elle simplement vécu trop de journées semblables pour avoir envie de se relever. Elle se tient debout, tout en haut de l’arche du pont. Silhouette frêle battue par le vent. Tentée peut-être par le vide qui s’ouvre à côté d’elle. Une chute dans l’eau noire dont s’élèvent des vapeurs malsaines en cette soirée chaude. Une chute d’une vingtaine de mètres, le temps de comprendre la portée de son acte. Le temps de regretter, peut-être. Mais il sera trop tard. Son regard croise le mien. Je suis la fille dans le taxi noir aux sièges en cuir. La fille parée de bijoux qui se rend à l’une des plus belles fêtes de la ville. Pourtant, je suis la première à détourner le regard. Ce que je vois dans ses yeux bleus, bleus comme le plumage de mon oiseau disparu, est insupportable. Ce n’est pas de l’envie. C’est de la pitié.

Une larme échappe à mes paupières étroitement fermées pour se pendre à mes cils. Je l’essuie en vitesse. Je touche mon genou, hésitante. Sur le tissu immaculé de mon bandage, une fleur rouge s’épanouit. La plaie s’est rouverte. Et je n’y peux rien. On m’a toujours choyée, chouchoutée, dorlotée. On ne m’a jamais appris à me soigner. Mais j’ai renvoyé les servantes. Je leur ai crié de ficher le camp, paralysée à l’idée qu’elles puissent voir mes meurtrissures. Elles perdraient tout respect pour moi, et je ne serais plus rien, plus personne. J’ai jeté un vase par terre, un vase qui vaut sans doute plus que mes bijoux, plus que moi. Plus qu’une pauvre fille qui pleure dans un taxi. En balayant les débris, je me suis coupée sur un éclat de porcelaine. Cette douleur-là était presque agréable. Le parquet lisse était parsemé de taches rouges. J’ai fermé les yeux pour ne plus rien voir, et j’aurais voulu me boucher les oreilles aussi, et cesser de respirer. Ne plus rien voir, ne plus rien entendre, ne plus rien sentir. Ne plus rien éprouver. On ne m’a jamais appris à souffrir.

J’ouvre la porte avant même l'arrêt complet du taxi. J’ai hâte de sortir de cette capsule de métal et de verre, de ce microcosme luxueux où je suis seule, si seule…  Est-ce donc ça, le goût de l’exil, de l’abandon, de la solitude ? Un goût de champagne qu’on boit seul, un goût de douceurs qu’on ne peut partager ? Est-ce cela qu’Arsen ressent tous les jours ? Je suis soudain soulagée de le voir, de repérer son visage parmi tant d’autres. De savoir qu’il m’attend, moi. Qu’il n’est pas peut-être pas trop tard pour le sauver. Qu’il n’est pas trop tard pour me sauver.

Je m’avance vers lui. Tic tac, font mes talons sur les pavés. Comme pour me rappeler que le temps nous est compté. Arsen a beau sourire, je remarque qu’il a l’air nerveux. Il y a quelque chose dans la façon dont il se tient, droit comme un soldat au garde-à-vous, quelque chose dans son regard. Quelque chose qui me met mal à l’aise. « Arsen, très cher ! Tu m’as manqué. » C’est la vérité, mais dans ma bouche, cela devient un mensonge. Je voudrais qu’il croie que c’est un mensonge. Qu’il ignore que je me suis finalement attachée à lui, le conseiller solitaire. Toujours impeccablement habillé, comme s’il attendait le Président en personne. Je prends mentalement note de lui dire plus tard d’enlever cette cravate. Il aura trop chaud. Arsen lâche un ricanement plutôt froid, mais cela ne me déstabilise pas. Je suis habituée à ses sautes d’humeur. « Bonsoir, Amarinda. » Juste bonsoir. Pas de ‘Comment vas-tu ?’, pas de ‘Je suis content de te voir’. Etrangement, cela me plaît. Les choses sont plus simples sans ce tas de politesses hypocrites dont s’encombrent les gens. Et le sourire d'Arsen ne semble pas feint.

« Tu as l’air fatigué… Cela te plairait-il de chercher un endroit plus calme ? Moins bondé ? » Il ne réussit pas à cacher son soulagement. Je l’observe, soupçonneuse. Je n’arrive toujours pas à savoir s’il apprécie les fêtes où je l’entraîne, ou s’il fait semblant de s’amuser pour ne pas me vexer. Essayer de comprendre Arsen, c’est comme essayer de faire rire Snow. Impossible, et dangereux.  « Ah ? Et bien, pourquoi pas ...ce n'est pourtant pas ton genre de changer d'avis comme ça. » Je hausse innocemment les épaules. Intérieurement, je bouillonne. J’ignorais qu’il était aussi observateur. La plupart des gens ne cherchent pas vraiment à me connaître. Arsen soupire. « Mais soit, si tu es sûre, tu sais bien que tout me va. » Je souris, et j’ose enfin le taquiner. « Tout te va toujours. Tu es bien trop sage, Arsen. Il faudra apprendre à te monter plus capricieux, sinon les gens vont commencer à se demander si tu es bien normal. » Tous ces riches fils à papa... Il n'a pas la même attitude qu'eux. Il vaut cent fois mieux qu'eux.

Il me prend le bras, un mouvement qui fait glisser mon châle. Je le rattrape de justesse avant qu’il ne dévoile l’hématome violet sur mon épaule. Je pourrais pleurer de soulagement. Le garde du corps de Snow connaît son affaire. Il m’a battue avec l’efficacité mêlée de lassitude d’un homme qui a trop souvent effectué la même tâche. Cependant, il a bien fait attention à ne pas toucher aux endroits trop visibles. Mais sa botte a dérapé… Je me souviens de tout. Du bruit qu’a fait mon épaule. De mon cri de douleur. Et de la voix de Snow, calme, presque paisible : « Attention, ça se verra. » Ce n’est pas une punition publique. Pas encore.

Je sursaute lorsque la main d’Arsen se pose sur mon châle. « Tu dois étouffer, avec ça ! Je sais bien que la mode reste un mystère pour moi, mais il y a des limites. Passe-le-moi, je vais te le tenir. » Je le regarde. Il y a un mot sur le bout de ma langue, un mot lourd comme du plomb. Non. Je veux lui dire non. Je veux lui dire de ne pas me toucher parce que j’ai mal partout. Parce que j’ai peur de ne pas réussir à tenir mon rôle s’il découvre ce qu’on m’a fait. Ce que son idole, notre idole, m’a fait. Mais je n’y arrive pas. Dire non à Arsen, c’est comme dire non au Président Snow. Je n’oserais jamais dire non à Snow. Au lieu de ça, j'improvise. « Ce n’est pas une question de mode. J’ai froid, c’est tout. Un rhume sans doute. » Je lui souris, mais je sais que ce n’est pas assez. Je le vois dans ses yeux. Un frisson me traverse. Et ma main, ma main traîtresse, lâche le châle.

Il retombe sur le bras d’Arsen, comme le corps brisé d’un oiseau. Je ne cherche pas à le reprendre. Je ne veux pas savoir ce qu’Arsen ferait si j’essayais de le reprendre. Pas d’épreuve de force, de volonté. Je ne sais que trop bien qui gagnerait. Je lâche un petit rire pour cacher ma peur, ma peur affreuse, honteuse. Et je me mets à marcher plus vite, toujours plus vite. Pour entraîner Arsen dans une rue moins éclairée. Pour fuir le moment où il remarquera les meurtrissures sur mon épaule. Pour fuir son regard sombre, tout à l’opposé des prunelles claires de Snow, mais tout aussi transperçant.
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MessageSujet: Re: Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda   Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda Icon_minitimeDim 3 Nov - 22:06




Il n'y a rien de naturel dans ces petites rencontres.

Ils le savent tous les deux. Amarinda n'est pas là de son plein gré, et Arsen ne fait qu'accepter un présent trop précieux pour être ignoré. Elle a revêtu cette robe avec autant de retenue et de lenteur que lui avec son costume, un peu plus tôt, il en est sûr. Et il n'y aura pas d'histoires sympathiques qui conteraient la naissance de leur belle amitié, pas de jolies anecdotes qu'ils pourraient se rappeler ensemble autour d'un verre. Pas de sourires plongés dans la nostalgie ni de yeux qui s'égarent dans le passé. Juste des bras qui se mêlent, des joues qui se touchent et des rires qui s'enlacent, et tout ceci a été décidé dans un bureau et signé au bas d'une missive jaunie.
Amarinda et Arsen, c'est un contrat qui stimulent d'étranges ordres. Qu'ils se côtoient comme s'ils s'étaient toujours connu, pour que l'un et l'autre ne se sentent pas trop seuls, mais surtout l'autre. On a si rarement vu un cas aussi désespéré que Arsen, qu'on lui a envoyé une amie, une confidente. Un faciès qui connaît son nom et son visage, et qui n'est pas sujet à ses combines. Le président lui a envoyé une preuve de sa bienveillance, de sa commisération. Son oiseau a délivré la missive avec la douceur d'une colombe, et elle a déployer ses ailes en descendant de la voiture.

Toute belle, toute fraîche. Un véritable lingot d'or drapé dans un mouchoir de soie. Elle a les mots doux et les gestes plein de tendresses. Des attentions juste pour lui. Et Arsen sait, oh, il le sait. Elle n'est pas vraiment là pour lui, et lui n'est pas vraiment là tout court. Il doit être bien ennuyant pour quelqu'un d'aussi intéressant qu'elle. Il y a ses pensées qui l'empêche de profiter pleinement de la frivolité de ses paroles, de la légèreté qu'apporte la bonne humeur d'Amarinda. Du poids qu'elle semble porter à sa place pendant ces rendez-vous. Elle sent bon, et il l'entend dire qu'il n'est pas assez capricieux, et à dire vrai il ne l'a jamais été. Il n'y a pas à être capricieux lorsque cela concerne la sécurité de Panem. Il se contente juste de courber l'échine à la hauteur qu'il convient devant les traîtres, et à se relever avec assurance pour mieux les faire tomber. Les caprices, les demandes, l'individualité, n'ont rien à faire là-dedans. Arsen n'est pas fait pour penser à lui-même.
Il ne songe qu'à Panem. Il n'a jamais protégé qu'elle, véritablement.

« Ce n'est pas une question de mode. J'ai froid, c'est tout. Un rhume, sans doute. »
Arsen avait un don pour le mensonge. Il avait trop souvent affaire à lui. Il avait trop souvent du le démêler et le tirer vers lui pour le relancer plus terrible encore. Il avait du s'en habiller, comme une seconde peau qui ne le quitterait plus. Et étrangement, à l'entente de cette explication, il s'étonna de voir Amarinda la porter elle aussi. Il la voyait étinceller dans son regard, le sentait dans ses paroles.
Mais il n'y avait pas de raison pour que Amarinda lui mente, pourtant. Bien sûr, elle mentait déjà, en quelque sorte. Sa présence ici même était un mensonge. Mais elle n'en était pas la fondatrice, rien qu'un objet innocent qui n'avait juste pas pu faire autrement. Elle était l'oiseau, et lui la cage. Amarinda n'était pas comme les autres. C'est à la fois l'illusion d'une amie et la présence de celle-ci. Il sait que c'est incohérent, mais c'est comme cela qu'il le ressent.

Mais il n'y avait pas de raison qu'elle lui mente un peu plus encore. Amarinda n'a pas de raison de mentir plus que ce qu'on lui demande de faire.

Il eut le temps de remarquer qu'elle souriait de toutes ses dents bien blanches, avant que le châle ne se dépose par lui-même sur son bras avec un grand silence, comme si pour l'un d'entre eux, la scène se jouait au ralenti et méritait qu'on se taise. Sauf que Arsen ne se tait pas. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il y a quelque chose qui ne colle pas. Une pièce dans le puzzle qui ne va nulle-part. « Je doute que... »

tu puisses être malade, puisque tu sembles en parfaite santé. Je doute que tu sois malade, tu as excellente mine, comme d'habitude, voulut-il dire. Il sait que le maquillage sait faire des merveilles, mais tout de même. Sauf que les mots meurent sur sa langue avant même de franchir le seuil des ses lèvres quand ses yeux dorés se posent sur son épaule. Le ralenti semble plus palpable pour lui, maintenant, mais il meurt aussi vite que ses paroles. Le temps qu'il enregistre, ses talons claquent déjà loin devant lui. L'oiseau s'est envolé, et la cage semble soudain bien vide. Il avait vu : des traces de coups, des blessures qui ne datent pas. Et ce qui l'inquiète, c'est qu'il les connaît. Il connaît quelle arme est capable de ça sur la peau et les muscles, puisqu'il a été souvent la cause de ces séances.

L'oiseau est blessé, et avec des entailles pareilles, le vol sera de courte durée. Il suffit juste qu'il referme la porte à temps.

« Amarinda, attends ! » Il se hâte pour se mettre à sa hauteur, et c'est comme s'il se réveillait, soudainement. Il se tient moins droit, moins officiellement, ses sourcils sont froncés et ses yeux sont comme inquiets. Il a tellement de fois mimé l'inquiétude ! Il connaît toute sa sémiologie. Les lèvres sont entrouvertes et les bras sont presque tendus, comme pour tenter de rattraper l'autre. C'est exactement comme il se tient là, devant elle. Mais au fond de lui, au fond de lui... il sait qu'il ne joue pas. « Qui t'a fait ça ? » Son ton sonne dur alors qu'il voudrait qu'il soit plus doux. Quand il ne joue pas, ses cordes vocales le trahissent. Il se connaît plutôt bien, finalement.

Et le Qui reste en l'air, comme un écho qui ne finirait plus, qui éclate au beau milieu de la rue, là. Il est pendu à ses lèvres, et il attend qu'elle lui réponde. Il l'a rattrapé, maintenant il veut qu'elle chante la vérité.

Finalement, le mensonge est facile à déceler, c'est la sincérité qui est difficile à enregistrer.


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MessageSujet: Re: Locked into loneliness ∞ Arsen & Amarinda   Locked into loneliness  ∞ Arsen & Amarinda Icon_minitimeVen 7 Fév - 18:15

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On dit que les yeux sont les fenêtres de l’âme. Les yeux d’Arsen sont des fenêtres au verre trouble. Des fenêtres froides, opaques. Des fenêtres aux volets fermés. Je sais qu’il est un illusionniste hors pair, qu’il peut feindre la gaieté aussi bien que la peine. Je sais que beaucoup de gens se laissent prendre au jeu alors qu’il endosse une personnalité après l’autre comme il changerait de manteau. Mais je ne suis pas dupe. Je l’observe pendant qu’il badine avec l’un et ignore l’autre, j’observe ses gestes, ses sourires, son attitude. Je l’observe quand nous sommes seuls et que son expression soigneusement composée se fendille, quand un air las et égaré se peint sur son visage. Toujours, ce sont ses yeux qui le trahissent. Ses yeux au regard distant, ses yeux au regard vide. Ses yeux qui restent de glace alors que sa bouche sourit. Comme s’il était un automate. Comme s’il n’était pas vraiment humain. Incompréhensible, dangereux peut-être, mais surtout terriblement seul. Même au beau milieu d’une foule, il dégage une impression de solitude. Peut-être n’est-ce que le fruit de mon imagination. Peut-être ai-je toujours gardé l’espoir secret de trouver quelqu’un d’aussi seul que moi. Qui sait ? Je pense que je ne réussirai jamais à le comprendre, et c’est cette imperfection, cette impossibilité à communiquer qui fait le sel de notre relation.

J’aime penser que je suis sa courtisane, sa Schéhérazade. Pour lui, je me pare de pierres précieuses et de soieries. Pour lui, je prétends toujours être de bonne humeur. Heureuse. Une créature agréable et distrayante, créée pour bannir la solitude. Un petit animal de compagnie, un objet coûteux et désirable, mais pas irremplaçable. Je m’applique à retenir ce qu’il me raconte, à porter des vêtements de sa couleur préférée, à l’amuser. Et par chacun de mes gestes, chacune de mes paroles, je lui narre l’histoire de notre amitié. Une histoire inventée de toutes pièces, une histoire faite de rêves et de vent. Une histoire que nous feignons de croire réelle. Pour nos rendez-vous, j’enfile mes vêtements de conteuse, mon masque de menteuse. Je lui souris, il me sourit. Nous sommes comme deux acrobates, en équilibre sur le fil coupant de la vérité. Un seul faux pas, et notre relation artificielle s’effondre. Mais nous sommes tous deux doués à ce jeu.

Pourquoi le nier ? Je tiens à lui, finalement. Je tiens à lui, cet être bizarre, cet ami qui n’en est pas un. Je tiens à lui, mais je ne le lui avouerai jamais. Mieux vaut qu’il continue à croire que je suis là que parce que Snow me l’ordonne. Que je n’ai pas de volonté propre. Après tout, je ne suis là que pour lui. Mes propres sentiments importent peu.

Nous marchons dans la rue, un couple élégant parmi tant d’autres, devisant de choses et d’autres avec une courtoisie parfaite. « Ce n'est pas une question de mode. J'ai froid, c'est tout. Un rhume, sans doute. » Un empilement de mensonges, aussi inutile et bancal qu’un château en blocs construit par un enfant. Mais nous sommes au Capitole, après tout. La ville de tous les mensonges, de toutes les illusions. Peut-être pensera-t-il que c’est par pure coquetterie que je porte ce châle. Parfois, le mensonge est plus facile à croire que la vérité. Car qui se douterait qu’une gagnante des Jeux, chouchou du Capitole, s’enveloppe ainsi de jolis tissus pour cacher ses blessures ? Qui se douterait que le Président, ce cher Snow, a fait battre l’une de ses colombes ?

Je lui souris, je le regarde bien en face. Une légère brise dérange ses cheveux. Non loin de nous, un homme éclate d’un rire gras, mais Arsen n’a d’yeux que pour moi. Il sait que je mens. Il le sent, comme un prédateur capte l’odeur d’une biche et sait qu’elle est blessée et qu’elle n’ira pas beaucoup plus loin. « Je doute que... » Ne doute pas, je t’en prie. Ne doute pas. Mais le mal est déjà fait ; je le vois dans ses sourcils froncés, dans le pli de sa bouche. Trop tard pour revenir en arrière, pour désamorcer la tension entre nous. Trop tard. Ce que mon cœur ne peut accepter, mon corps le sait déjà, et je vois ma main qui lâche le châle. Il tombe sans un bruit, révélant les meurtrissures sur mon épaule et mon bras.

Cours, Amarinda, cours. Sauve-toi ! Mais nous ne sommes pas dans l’arène et je ne suis plus une fillette de douze ans. Alors, je me contente de m’éloigner à petits pas pressés. Je tourne le dos à ce qui me fait peur, comme je l’ai toujours fait. Mais Arsen n’est pas prêt à me laisser partir comme ça. « Amarinda, attends ! » Je m’arrête net, déchirée par l’indécision. Je ne peux pas me permettre de vexer Arsen. Je me tourne vers lui au moment où il me rattrape. Il se tient à quelques pas de moi, comme s’il avait peur de me faire fuir s’il se rapprochait encore. Son regard est suppliant, ses bras légèrement tendus vers moi. Sincèrement inquiet, du moins en apparence.

« Qui t'a fait ça ? » Son ton est dur. C’est le ton d’un homme habitué à être obéi, le ton d’un conseiller du Président. Je ne réponds pas. Je regarde ses pieds, ses mains, sa cravate légèrement de travers. Je regarde son visage, et soudain je comprends. Je comprends qu’il connaît déjà la réponse à sa propre question. Qu’il la connaît, peut-être pas de façon précise, mais qu’il peut aisément la deviner. Pourquoi ? Parce qu’il a déjà vu ce genre de blessures. Ce n’est pas la nature de mes plaies qui le choque, ni même le fait que quelqu’un ait osé s’en prendre à moi. Peut-être est-il seulement révulsé à l’idée que son jouet puisse être abîmé, que son petit oiseau chanteur reste muet.

« Tu sais qui. Tu sais. » J’ai son nom dans la bouche, lourd comme du plomb, menaçant, corrosif. « Snow. » J’ai beau essayer de me maîtriser, je crache ce nom comme je cracherais du venin. Du bout des doigts, je touche la meurtrissure sur mon épaule. « Pas le Président lui-même. Il a demandé à un Pacificateur de… Et il s’est contenté de me regarder, en souriant paisiblement, presque comme si cela lui faisait plaisir… » Machinalement, je tire sur la croûte qui s’est formée et tressaille lorsque je sens la chaleur du sang qui s’écoule lentement le long de mon bras. Soudain, je réalise que je viens de parler à voix haute. Qu’Arsen a entendu mes paroles irréfléchies, des paroles qui pourraient être interprétées comme un acte de rébellion… Et je réalise qu’Arsen ne peut pas m’aider. Il est l’homme du Président. Il est ses yeux, ses oreilles et sa bouche. Il est sa main. Bien plus qu’un simple conseiller, il est une arme, au même titre que les Pacificateurs ou les Hunger Games. Sur l’échiquier de Panem, il est un roi. Et moi, que suis-je ? Un simple pion, destiné à être sacrifié ? Ou un fou ?

Je comprends qu'Arsen est dangereux. Je comprends que je ne peux pas lui faire confiance, que lui révéler le fond de mes pensées reviendrait à plonger la main dans un nid de vipères. Alors, je bredouille : « Je l’avais mérité, bien entendu. » Piètre mensonge, même pour moi. Je détourne le regard pour qu’Arsen ne voie pas le dégoût au fond de mes yeux, le dégoût de lui, le dégoût de moi. J’aimerais courir, partir, crier. J’aimerais m’envoler comme un oiseau mais je ne suis qu’une pauvre humaine, qu’une pauvre fille au visage crispé à force de retenir ses larmes. Finissons-en.

Je m’avance vers lui à pas comptés, jusqu’à ce que je sois proche à le toucher. Même perchée sur des talons, je reste plus petite que lui. J’hésite, ne sachant pas quoi dire. Je suis désolée d’avoir gâché ta précieuse soirée ? Enfin, je lève le visage vers lui, et mes lèvres effleurent les siennes. C’est un baiser d’adieu. De pardon, aussi. « J’aimerais m’en aller, maintenant. Je t’en prie. » Conservons le souvenir de ces autres soirées, et oublions celle-ci. Laisse-moi partir la tête haute, sans le déshonneur de la dispute. J’espère qu’il comprendra, qu’il acquiescera, qu’il sourira... Mais quelque chose me dit que ce ne sera pas le cas. Finalement, je me suis trompée. Je croyais jouer avec lui, mais je m'aperçois maintenant que c’est lui qui s’est joué de moi.
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