Iron fit claquer sa langue contre son palais, esquissant les derniers pas nécessaires à l’accès des appartements de Gold. Il leva quelques instants les yeux vers le plafond, s’arrêtant avant de frapper. Il eut un long bâillement, affichant une adorable bouille de chaton encore tout endormi. De chaton sexy, oui oui. Mais de chaton quand même. Il passa une main sur son visage afin de chasser les dernières traces de fatigue. Nuit quasiment blanche. Super. Pourtant, il n’avait pas particulièrement rempli son temps, ni avec une femme, ni avec une fête. Il avait tout simplement fait une insomnie, tout seul dans son lit. Bordel, c’était terrible. Il n’avait rien eu à faire, durant les six pauvres heures qu’il avait poireauté dans son lit. Et quand finalement il avait réussi à fermer l’œil, le petit matin était déjà là. Il avait pourtant pioncé jusqu’à onze heures. Heure à laquelle il avait reçu la visite d’une jeune femme tout à fait charmante. Qu’il n’avait pas du tout envie de voir, après la nuit horrible qu’elle lui avait fait passer il y avait quelques semaines de cela. Elle avait trouvé ça paradisiaque ; il avait vécu un véritable enfer. Mais ce n’était pas quelque chose qu’elle semblait remarquer, au vu de son état de béatitude lorsqu’elle avait contemplé un Hawksley aux cheveux ébouriffés et complètement désordonnés, torse nu, ayant tout juste enfilé un pantalon dans une texture type jean par-dessus son boxer avant d’ouvrir, histoire de ne pas se faire traiter de nudiste par le monde entier. Enfin bref. Voir les abdos plutôt agréables pour l’œil du bel Iron n’avait fait que réconforter cette fille dans l’idée qu’elle le voulait une nouvelle fois. Et la voir débarquer ainsi, maquillée comme un raton laveur, sapée comme une prostituée à la mode, avait conforté Hawksley dans son idée qu’il ne voulait plus jamais la revoir. Et aussi, lorsqu’elle lui avait demandé avec entrain s’il était disponible pour aller déjeuner au restaurant ce midi, il avait trouvé le plus naturel au monde de lui répondre que, heu… Non. Il avait autre chose à faire. Il avait failli laisser échapper qu’il avait mieux à faire que de se faire inviter à déjeuner par un thon qui allait ensuite lui demander de payer, maiiiiis il s’était retenu, tout bon gentleman qu’il était. Bien entendu, elle avait affiché sa déception, lui demandant ce qu’il avait d’autre de prévu. Il avait répondu par une moue désolée, qu’il avait rendez-vous avec sa sœur, chez celle-ci, afin de manger, justement, et de passer une petite après-midi tranquille en famille. Les yeux de la nana s’étaient illuminés. Et elle avait demandé si c’était avec Silver Flickerman qu’il déjeunait ? Il s’était mis à rire, ce qu’elle n’avait pas trop compris. Puis, il avait lâché d’un ton tout à fait neutre que non, c’était avec Gold. Il avait évité de se moquer de sa cadette la haute juge, môdame la fille prodigue. Pas devant cette traînée capable d’aller tout répéter aux journaux sur leur relation tendue. Ce qui se passait entre lui et Silver devait rester au fin fond des placards noirs des affaires familiales des Flickerman. Ça ne regardait personne d’autre. Et d’ailleurs, en public, ils faisaient comme si de rien n’était. Tout le temps. C’était pour cela qu’il avait expliqué son rire rapidement, insistant sur le fait qu’avec la fin des Jeux, Silver avait mieux à faire que de dîner avec lui. Ça avait semblé suffire à justifier le sourire. Et l’autre avait dit sur un ton tout de même déçu qu’ils se reverraient une autre fois. Iron avait opiné, songeant secrètement qu’il serait également occupé la prochaine fois. Et il avait refermé la porte. Réveillé. Légèrement de mauvais poil. D’autant plus qu’il n’avait absolument pas pour projet d’aller voir Gold aujourd’hui. Mais bon. C’était une bonne idée. Ça allait l’occuper.

Il avait enfilé rapidement un débardeur un peu moulant, et une veste en cuir, avait tout juste ébouriffé ses cheveux avec du gel devant le miroir, et s’était glissé hors de son appartement, direction chez sa petite sœur. Oui. Il aimait les projets de dernière minute. Et débarquer sans prévenir, aussi, il adorait ça. C’était une habitude. Il faisait ce qu’il avait envie, comme il en avait envie. Et il savait de toute manière que Gold ne comptait pas bouger de chez elle aujourd’hui. Alors il avait acheté quelques cookies succulents dans une petite pâtisserie de luxe, histoire de ne pas arriver les mains vides. Il avait pris en photo un couple qui essayait désespérément de se cadrer seul, avant de poser avec eux parce que la jeune femme l’avait reconnu. Et il avait disparu rapidement en direction des appartements de Gold. Et le voici désormais, devant la porte, à regarder le plafond en se demandant s’il était présentable, sans même chercher un miroir pour vérifier. Mouarf. Après tout, Gold était sa sœur. Il se fichait bien de savoir s’il avait une tête présentable ou non. La pauvre avait déjà absolument tout vu, ce n’était pas son frère à moitié réveillé et vêtu plutôt convenablement par rapport à d’autres fois qui allait l’effrayer.

Son petit emballage en carton amélioré contenant les cookies achetés à l’intention de sa sœur, le jeune homme ouvrit finalement doucement la porte, oubliant une fois encore de passer par la case sonnette. Il avait cette fâcheuse tendance à jouer au Monopoly sans passer par la case départ, comme dirait l’autre. Mais il touchait tout de même les vingt mille. Ne vous demandez pas comment ni pourquoi. C’est Iron. Il a de la chance, encore plus que du talent, selon lui. Il n’a jamais vu ce qu’il y avait de bien, jamais remarqué ce qui pouvait le rendre si populaire. Il s’en étonne, et savoure, ni plus ni moins. Il referma la porte derrière lui, ôtant ses chaussures en cuir presque à la mode pour faire quelques pas en chaussettes dans l’entrée. Il faisait comme chez lui. Chez Gold, c’était chez lui. Point final.

« J’t’ai apporté des cookies ! » lâcha-t-il d’une voix chantante, tout en pénétrant dans le petit salon de la suite de la jeune fille. Elle n’y était pas. Il déposa doucement les cookies emballés sur la table, attrapant quelques sublimes croquis qui traînaient là. Wouah. Comme d’hab’, quoi. Goldy avait véritablement un don pour la mode et le dessin, c’était incroyable. Et si elle n’avait pas été sa sœur et qu’il ne l’avait pas aimée autant, il aurait été jaloux. Oui mais voilà. Gold, c’était sa princesse. Il l’aimait, il tenait à elle. Et il l’admirait. Elle était douée, et il protégeait son talent au maximum, tout en l’exposant au monde entier. Elle était styliste. Lui était hôte. Mais en boulot officieux, il était surtout l’agent de Gold. Dans l’ombre. Il la surveillait, la guettait. La protégeait. Comme le frère aimant qu’il était. Il ne faisait pas ça avec Silver, bien entendu. Mais Gold n’était pas Silver. Et Iron n’entretenait clairement pas la même relation avec elle.

« C’est pas terrible, ce que tu nous as fait là, puce. J’suis déçu. » Sourire malicieux. Il ignorait si elle était arrivée dans la même pièce que lui, mais son ton était suffisamment puissant pour qu’elle l’entende, même sous la douche. Bien entendu, il mentait. C’était divinement beau, peut-être même les meilleurs croquis qu’elle n’ait jamais faits. Oui, mais s’il y avait bien une chose qu’il fallait savoir sur Gold, c’était qu’elle détestait les compliments. Alors Iron choyait sa petite poupée de critiques. Parce qu’il savait qu’indirectement, ça la flattait. Et rien ne lui faisait plus plaisir que l’idée de flatter et de rendre heureuse sa sœur.