Il aimait la mort, elle aimait la vie. Il vivait pour elle et elle est morte pour lui. il ferme son livre, silencieux, pensif. Ce gamin-là, c'est Rowan, Rowan Lancaster. Particulièrement friand de lecture, il aime la bonne littérature, alors quand son frère aîné, Blade lui a ramené un vieux bouquin de l'artificiel marché de la Veine, il est aux anges. Depuis, il ne lâche plus ce livre, il le dévore et se dit que l'enfer, ce sont les autres. Rowan est bien là, sur son lit, allongé. Il n'aime pas être dehors. Il est un peu chétif et depuis ses dix ans, sa mère, Isobel, médecin, lui a décelé une insuffisance cardiaque. Alors Rowan se préserve. Il est dopé aux médicaments et ne sort pas. Son frère Blade le protège, il fait de son mieux, mais chez les Lancaster, il faut dire qu'on ne manque de rien. La famille est aisée et ne manque de nourriture, même ici, dans le district 12. Les parents de Rowan ont un bon travail, très bon même. Médecin pour la maman, tandis que le père, Fletcher, est boulanger. Alors ils n'ont pas à s'en faire pour le lendemain. Rowan lui, il ne s'en fait jamais. Il dort le soir, l'esprit tranquille. Son frère est là, son frère le protège depuis toujours, depuis sa naissance, un certain dix décembre pendant un hiver particulièrement rude. Blade a toujours été là et il le sera toujours. Ils ont beau avoir quelques années de différence, du haut de ses treize ans, l'aîné protège son cadet, ce gosse qui vit dans un monde rose et qui ignore le danger qui rôde derrière la porte de sa maison.

J'ai aimé jusqu'à attendre la folie, mais ce que certains appellent la folie est pour moi, la seule façon d'aimer. Rowan sourit un peu. Damaris est là, elle lui tient la main. Ils ont l'air profondément stupides et la scène est guimauve à souhait, mais ils s'en fichent. Ils ne connaissent rien à la vie, surtout lui, mais il ne se pose pas de question, le petit blondinet. Il vient poser ses lèvres d'un adolescent qui veut tout découvrir sur celle de sa petite-amie. Le baiser se prolonge et timidement, leurs langues se mélangent. Le coeur battant, Rowan se sent fort. Il glisse une main dans le dos de Damaris pour la caresser, effleurer sa peau. Damaris Blacktorn, 13 ans comme celui qu'elle embrasse, fille d'un mineur, orpheline de mère, vivant avec ses deux petites-soeurs, son petit-frère et son chien Tobey. Une vie dure, dans le besoin de la fin et celle de faire des demandes de Tessare pour survivre. Rowan l'écoute, mais au fond, il ne comprend pas ce qu'elle vit. Damaris s'en fiche, le garçon blond est mignon, il lui plaît et il lui permet d'oublier sa vie minable un instant, alors dans l'inconscience, elle s'allonge, le laisse venir sur lui, écarte les cuisses pour l'accueillir. Treize ans et la folie d'un instant. Rowan ferme les yeux pour apprécier l'instant présent. Plus tard, il sait qu'il ne sera pas mineur, mais qu'il pourra reprendre la boulangerie de papa. Il aura une belle vie. Bien sûr, Damaris ne sera pas sa femme, mais elle peut, pendant ce moment, ces minutes qui vont suivre, être sa première fois ? Pourquoi attendre ! Pourquoi avoir toujours des pourquoi ? Rowan a envie d'exploser. Il entend encore les interdictions de sa mère. Depuis tout petit, il ne doit pas faire ça, ceci et encore ça. Là, il se laisse aller. Pas de barrière, pas de limite, seulement l'envie, une envie profonde, presque vitale de braver l'interdit avec Damaris qui est plutôt belle, avec sa chevelure rousse. Mais au loin, Blade rôde, comme un prédateur qui cherche une proie, il voit la scène, s'approche et arrête tout ça. Finalement, l'interdit c'est lui et Rowan silencieux, ne souhaite qu'une chose, que son aîné disparaisse pour pouvoir vivre.

Les monstres et les fantômes existent. Ils vivent en nous et parfois, ils gagnent. Rowan s'entraîne. Fini l'enfance, fini l'âge des bêtises et des envies débiles. C'est un homme de vingt-huit années désormais. Seul, son nom lui porte préjudice, mais il le porte fièrement face à ces gens du Capitole. Oh oui, Rowan les méprise, déteste de tout son âme. Le Capitole lui a tout prit. Son frère aux jeux, ses parents dans l'incendie et Damaris. Il n'a plus personne et c'est un survivant, un écorché qui n'est plus le petit charmeur de quatorze ans qui veut essayer des choses coquines derrière un arbre. Non. Rowan a mûri, Rowan est quelqu'un de complexe désormais. Sa maladie et les médicaments sont toujours là, ils l'ont toujours été, mais il passe outre. Il sait que sa vie n'ira pas plus loin que quarante ans, mais il lutte. Avant de tomber, il veut emporter dans sa tombe, le Capitole. C'est sa raison de vivre, son ambition, détruire ce monstre. C'est ainsi et Rowan ne vit que pour ça, dans l'attente de cet évènement. Il ignore le reste, au point d'être devenu quelqu'un de froid, mais aussi un beau parleur car il reconnait volontiers qu'une aventure d'un soir au creux d'un lit, c'est bon pour oublier puis après, reprendre la quête de destruction. Rowan n'est pas comme Blade. Il n'a jamais pu égaler son frère qui s'est porté volontaire pour lui. Non, il n'est pas gentil et généreux, il est plutôt vaniteux et terriblement égoïste. C'est Rowan. C'est une lune sans soleil, sans vie. Un esprit qui ne vit que pour la vengeance et rien d'autre. Il est mort, mais vie pour ce combat. Il a la rage et la détermination, l'envie et la passion, la patience et la force. Rowan veut vaincre, Rowan vaincra car il a confiance en lui et derrière cette allure de solitaire, de grand blond au corps légèrement... Hm, tentant ? Se cache quelqu'un d’écorché, de blessé et rien ne peut le guérir, que d'accomplir sa soif de vengeance et encore, il serait vide et n'aura plus qu'à se tirer une balle après ça. Rowan, il n'est pas juste cassé, il est brisé.