Sa montre indiquait seize heures quarante-huit. Il n'était toujours pas rentré au District 13 et d'ailleurs, il n'aurait même pas du le quitter. Mais parfois, souvent même, vivre dans les souterrains lui pesait. Bien entendu, il avait laissé derrière lui l'uniforme infecte et déprimant du D13 au profit de vêtements davantage passe-partout et anodin. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi tous les résidents de la montagne devait à tout prix porter cette combinaison horrible. C'était complètement stupide, surtout que la plupart d'entre eux ne sortaient absolument jamais des couloirs sombres. Donovan avait parfaitement conscience qu'il n'était pas suffisamment obéissant aux yeux de Coin et de quelques autres membres du Commandement mais il aurait quand même voulu avoir la possibilité de sortir quand bon lui semblait. Après tout, il était doué pour se cacher, s'enfuir et passer inaperçu et, en plus, il ne sortait jamais sans une ou deux pilules de sureaux. Mais on le lui avait refusé.
Du coup, il se l'était autorisé tout seul. Et ce jour là, il était partis pour avoir de très très gros ennuis. Parce qu'il ne s'était pas contenté de prendre la tangente, non, il avait également cassé le nez au gas qui surveillait l'une des sorties et avait emprunté (d'autres diraient très certainement subtiliser ou voler) un arc et une sarbacane. Oui, il allait avoir de sérieux problèmes et s'il ne finissait pas en cellule, privé de tout les maigres privilèges qu'il avait jusqu’à présent, il était indéniablement chanceux.

La forêt était plutôt silencieuse, un peu trop même mais Donovan se dit que se propre présence devait déjà faire fuir de nombreux animaux, tout particulièrement en prenant en compte qu'il avait déjà autour de la ceinture deux lapins et une oie. Il marchait lentement, faisant bien attention à chaque centimètre carré où il posait ses pieds, respirant à une lenteur presque inconcevable, les oreilles aux aguets. Il espérait pouvoir attraper une autre petite proie avant de se décider à rentrer et subir les foudres de l'autorité. Ça ne l'effrayait pas, loin de là mais il en avait déjà raz le bol rien qu'à l'idée. Il arma d'une nouvelle fléchette empoisonnée au sureau sur sa sarbacane et l'approcha de ses lèvres. Il avait entendu un léger bruit au raz du sol, un ou deux mètres devant lui... Il était sur le point de souffler sa flèche après avoir perçu un léger mouvement d'un buisson lorsqu'un autre bruit, un bruit auquel il ne s'attendait pas du tout, le fit sursauté. Presque instinctivement, il posa sa main libre sur son arc. Ce son n'était pas anodin, il ressemblait étrangement à un cri de douleur. Donovan pivota lentement dans sa direction, sa main toujours posé sur son arc et entreprit d'avancer sans bruit. Peut-être n'était-ce encore qu'un geai moqueur mais même une bête de ce genre n'était pas inoffensive.
Il ne dit rien, se contentant d'avancer avec prudence et silence, prêt à tirer s'il le fallait...

Alexander regardait le plafond de sa couchette. Il s’était enfermé dans sa chambre qu’il partageait avec un autre homme du District. Leur rapport se limitaient aux simples bonjour et au revoir que l’on s’autorise lorsque l’on est poli. Il soupira et se plongea dans les nervures du plafond. Enfin les nervures … Plutôt les fissures de la pierre se trouvant au-dessus de sa tête. Ses pensées se perdirent alors dans les abysses de ces chemins sinueux. Il se revit quelques mois voir quelques années auparavant avec sa bien-aimée, Azure. Elle qu’il aimait tant mais elle qui l’avait repoussé lorsque qu’il l’avait demandé en fiançailles. Il était alors Pacificateur et sa seule amie se résumait à cette jolie rousse. Qu’était-elle devenue ? Le Capitole l’avait arraché à ses mains et à son cœur. Parfois, il se prend à regarder les Jeux juste pour voir si le Capitole mentionnera son nom dans les stylistes ou les Juges. Cependant, il espère juste qu’elle n’ait pas changé à ce point pour pouvoir participer à cette barbarie. Toutes ces émulsions de sang, tous ces combats qui ne mènent à rien sauf à la mort.
La colère gronda en lui, ravageant toute part de clarté dans son cerveau. Il cogna furieusement dans le plafond et réussit à s’ouvrir le poing. Tant pis, ça ne laissera qu’une petite cicatrice. Aveuglé par sa haine contre le Capitole, Alex sauta au bas de la couchette et ouvrit furieusement la porte. La mâchoire serrée, il fusilla du regard toutes les personnes qui osaient regarder de trop près sa main ensanglantée. Il passa dans les couloirs, dévalant des escaliers. Il n’avait qu’une envie, fuir cet isolement. Fuir ce District qui l’éloignerait à jamais d’Azure. C’est ainsi qu’il se retrouva devant les gardes qu’il jaugea avant de les pousser brutalement pour sortir. Il ne s’arrêta pas lorsque qu’ils le rappelèrent, remis de leur surprise. Un sourire narquois s’afficha alors sur les lèvres du jeune homme. Il n’avait rien à leur envier. Son entraînement de Pacificateur valait n’importe quel entraînement au District 13.

Quelques minutes plus tard à marcher d’un pas décidé, le jeune homme se retrouva très vite dans la forêt. Il huma l’air qui embaumait la sève et se laissa tomber au bas d’un arbre. Ses yeux rougis ne pleureraient pas cependant. Depuis tout petit, on lui avait appris qu’un homme devait être fier et ne jamais montrer ses faiblesses. Pour orienter ses pensées ailleurs, il regarda sa main et constata les dégâts. Pas grand-chose. Deux petits points de suture et ce serait réglé.
Calmé, l’ancien Pacificateur se releva et marcha doucement pour aller droit au Capitol. Il serait prêt à tout, aujourd’hui, pour récupérer sa femme. Car oui, un jour, elle le serait. C’est ainsi qu’il se retrouva à la limite de se faire prendre. Bien sûr, le jeune homme ne constata pas le danger, pas de suite. C’est lorsqu’il entendit une branche craquer derrière lui qu’il se retourna, dégainant déjà le couteau qu’il avait à sa ceinture.

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