Nous sommes le troisième jour. C’est ça ; voici trois jours que la salle des entraînements est ouverte, que les ateliers voient passer professeurs et tributs, que les conversations fusent, que les alliances commencent déjà se préparer. Il ne faut pas être aveugle pour les voir. Dès le premier jour, les grandes têtes se sont regardées entre elles, les plus petites se sont rapprochées de leurs congénères d’hiérarchie. Autant dire que les alliances semblent se faire par niveau ; par ordre de faiblesse, d’ennemis, à la tête – au faciès. Joshua n’avait approché personne depuis le début. On avait beau lui dire, là-haut, dans les habitations des districts, ou dans les entrechoquements de neurones, qu’il devait marcher, bouger, courir, frapper à la porte des autres, prendre de sympathie, de stratégie – chercher des liens – il ne l’avait pas fait.

Mais cet enfant de chance, d’irrespectueuse fortune, s’était laissé approcher.
Il y a eu Candice
Il y a eu la jolie blonde du Sept. Eurydice ; folie, naïveté maladive, candeur expressive, angélisme excessif. Un corps de belle, un esprit de simplicité, d’innocence ; la peur d’une malice cachée derrière les boucles blondes, d’une crédulité fausse, c’étaient fait ressentir. Elles étaient là, dans un coin de la tête du gamin du Neuf, enfouies quelque part, à un droit où il pourra retrouver ces quelques idées au milieu de l’arène, lorsqu’il lui parlera, s’alliera – peut-être – à elle, et décidera de rester la nuit à ses côtés, à lui faire confiance devant un feu de bois, à fermer les yeux, lui donner la garde de sa garde, de sa vie, en fait.
Il y a eu la brune du Douze. Ev ; un nom rallonge, une fille grande d’esprit, mystérieuse, ayant choquée dès le premier jour. Oui, elle a choqué le Capitole, mais aussi Joshua. « A surveiller », apposé d’une marque à la cire rouge, chauffée, tamponnée, sur une feuille de papier, là, présente, elle aussi sur ce « quelque part ».
Il y a eu la Quatre, au défilé.
La Neuf, sur les chars, dans le train.

Il y a eu « elles », oui, toutes des femmes. Le garçon du Neuf n’en est pas mécontent. En fait, il n’avait pas prévu de faire équipe avec quelqu’un. Et ne le prévoit toujours pas. Pas parce qu’il n’aimerait pas. Non ; parce que les alliances ne se sont pas présentées à lui avec le mot qu’il faut, le mot qui les décrit, simplement, sûrement, telles qu’elles sont et proprement : « allions-nous ». Il avait besoin de cette propreté, de cette expression sûre et franche.
Mais quelque chose inquiète Joshua, à côté. S’il fait équipe, avec elles, toutes, voire deux d’entre elles. Le jour où il faudra se séparer d’un membre. Qui passera le premier à la trappe ? Il est prudent – ou imbécile – pour penser qu’il s’agira de celui qui sera en nombre inférieur : l’homme.

Plus que quelques heures avant le passage devant les juges. Le tribut du Neuf avance sur le prochain atelier : la survie. Il a toujours ces quelques pensées, idées, stratégies, alliances, en tête. Puis là, lorsqu’il lève la tête, il tombe sur un mur. Joshua s’arrête à quelques centimètres alors qu’il allait lui rentrer dedans avec maladresse. Ce mur, c’est celui du Un : Ivory Edenthaw. « Excuse-moi » sèchement. Mais il ne bouge pas, maintient un échange de regard, plongé dans celui de son voisin, sachant – ou espérant – sans doute que la conversation débutera avec le premier tribut masculin, le premier petit espoir d’un carnet d’adresse mixte et sécurisé qui s’offre au volontaire du neuvième district de Panem.

Pourtant, jouer sécurité sur des carrières relève d’une imbécilité aussi maladive que la douce naïveté d’Eurydice Rowenark.