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2 years ago...

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Une heure plus tard cependant, elle s'est résignée à ouvrir à sa mère; rouge de colère et de honte - mais elle ne dit rien à sa fille devant toute l'assemblée, cela ne serait pas convenable - qui entre en trombe dans la chambre de sa fille.

- Désolée mère, je ne vous avais pas entendu... marmonne simplement la jeune brune, feignant à peine l'indifférence la plus totale.

Elle se retrouve alors assise devant son immense coiffeuse, assaillie de toutes parts par des stylistes complètement barges et à ses plus petits soins. Mais Alix n'est pas satisfaite. Elle aurait voulu que ce soit son frère, Nox qui s'occupe d'elle ce soir là, mais il est trop occupé à discuter affaires avec son petit papa chéri qui lui donne enfin la chance de montrer son talent devant la ville toute entière. Cette remarque la dérange tout particulièrement. Non pas qu'elle soit jalouse... mais elle aurait aimé le soutient de son grand frère, celui qui l'encourageait avant chaque évènement ou gala et lui donnait la force d'apparaître tout sourire, comme si de rien n'était. Mais cette fois-ci, il n'eut pas le temps pour elle... Comme tous les autres.
Une fois maquillée et préparée pour la grande soirée, Alix se retrouve l'esprit embrumé de toutes les recommandations de sa mère et les rappels à l'ordre; certes doux mais autoritaires, de son père: le grand Président Snow. Elle se retrouve flashée de tous les côtés, ses yeux lui piquant à présent et son estomac au bord des lèvres. « Rapelle-toi de sourire Alix » se dit-elle intérieurement. Et ses lèvres s'ouvrent dans un immense sourire, radieux, où ses dents blanches et parfaitement alignées apparaissent enfin, tels de fins morceaux de porcelaine dans la bouche d'un Ange envoyé du ciel. Un ange envoyé en Enfer, pour vendre son âme au diable.

Alix s'était finalement dirigée vers un des nombreux buffets, attrapant sans un regard un petit canapé enduit d'une substance encore inconnue à ce jour. Toutes ces courbettes, ces formules de politesse et les présentations à tout va... C'était trop pour elle. Il lui fallait un verre, le plus rapidement possible. Mais son père n'était pas très loin et ses yeux métalliques la fixaient d'un air fort mécontent et réprobateur. Nox, son frère passait de temps en temps à ses côtés, une fille au bras et les yeux déjà brillants d'alcool:

- Pas de bêtises petite sœur! Lui glissait-il sur le ton de la confidence.

Alix lui répondait à chaque fois d'un petit sourire entendu, pensant dans le fond que son frère avait beau être un confident fantastique et le meilleur ami rêvé... Il était un sacrément mauvais donneur de leçons.
Les gens dansaient et s'esclaffaient devant elle, mais elle ne les entendait déjà plus. Elle prit une deuxième puis une troisième coupe de champagne rouge et or quand un jeune homme d'une vingtaine d'années environs s'avança vers elle. Son costume noir et fluide s'accordait parfaitement avec sa longue robe noire, ouverte jusqu'à l'aine sur le côté droit. Elle avait beau n'avoir que dix-sept ans, elle avait déjà l'allure d'une grande. Il était grand et mince, les cheveux aussi sombres que ses yeux, électrisant de désir. Il avait un charme fou pour être honnête. Quand il ouvrit la bouche, Alix fut immédiatement ramenée à la réalité comme si les beaux yeux bruns de son nouveau camarade l'avaient réveillée d'entre les morts. Sa voix suave n'avait aucune intonation suraiguë ou l'accent du Capitole, ce qui fit sourire la jeune fille de plus belle.

- Je trouve ce genre d'évènements particulièrement ennuyeux et sans intérêt. Devrais-je me réjouir de boire à la santé de centaines de cadavres d'à peu près mon âge? Santé! Répondit-elle d'une voix morte, attrapant une énième coupe de cet alcool pétillant.

Le jeune inconnu se mit à rire. Alix se tourna vers lui et lui adressa un sourire charmeur et amusé. Il n'était vraiment pas comme les autres en y regardant à deux fois. Sa peau avait une couleur naturelle, légèrement hâlée; couleur caramel, elle semblait délicieuse au toucher. Ses yeux allaient et venaient, le déshabillant discrètement.

- Qui êtes-vous et d'où venez vous cher anticonformiste? Lâcha-t-elle au bout d'un moment.

Alix ne pouvait s'empêcher de sourire à présent car son étrange camarade d'infortune avait cette lueur dans les yeux, celle qu'ont tous les jeunes gens des districts et les rebelles. Une flamme de provocation qui dansait doucement dans ces yeux. Une telle créature ne pouvait venir que du ciel, envoyée parmi les simples mortels pour l'emmener avec elle, loin de toute cette mascarade.

- Je suis Kyle, le fils de l'hooonorable juge Kyle Nestor Esperanzza.

Une grimace vint remplacer son sourire en quelques secondes. Esperanzza, il était connu pour être un des juges les plus cruels et sévère des Jeux. Lors de nombreux cauchemars - toujours les mêmes - où Alix se voyait participer aux Hunger Games, elle s'imaginait poursuivie par un bourreau masqué... qui s'avérait être le juge Esperanzza. Elle se reprit immédiatement et arbora son visage candide d'un sourire faussement impressionné. Cependant quand le jeune homme lui demanda plus d'informations sur sa propre identité, Alix hésita.

- Mon prénom est Alix. Juste Alix, c'est tout ce que tu as besoin de savoir. Répondit-elle d'un ton de défi.

Si le fils était aussi insensible et arrogant que son père, elle ne tarderait pas bientôt à retourner dans sa chambre pour finir la soirée à prendre quelques cachets pour s'endormir paisiblement. Mais il semblait différent en tous points. D'ailleurs, différent de tous. Elle pouvait entendre les battements de son cœur à travers la musique et ses yeux bruns la pétrifiaient sur place, la laissant sans défenses, totalement conquise. Un lien invisible et impérieux la relier à ce mystérieux jeune homme du Capitole.
Quand quelques minutes plus tard il prit sa main, Alix n'opposa aucune résistance.

-Emmène-moi loin... Lui murmura-t-elle, un soupçon d’inquiétude et d'excitation dans la voix.

Ils se dirigèrent tous les deux vers les escaliers de service, servant aux nombreux Muets travaillant pour sa famille. Sa mère lui jeta un regard affolé mais ne fit rien. Le regard froid de serpent de son père était, lui, plein de menaces mais Alix ne contrôlait plus son corps et ses agissements. Elle suivait ce fameux Kyle comme si sa propre vie en dépendait. Ils arrivèrent sur le toit de l'immense immeuble, face à la ville toute entière brillant de milles feux. Ils se tenaient toujours la main, quand Alix se dirigea vers le bord du toit sans hésitation. Elle sentit le jeune homme bouger derrière elle et elle se dépêcha de préciser:

- Ne t'en fais pas, je ne vais pas sauter. Je tiens trop à la vie pour ça... Et puis, le champ magnétique m'en empêcherait aussitôt... Lui dit-elle dans un soupir.

Alix s'assit sur le rebord, ses yeux parcourant le Capitole et ses environs. Quand elle voyait les dizaines de mètres entre elles et le sol, son cœur se mit à battre à la chamade. L'adrénaline montait en elle, dangereusement, tel un poison. Elle secoua doucement la tête et se tourna vers Kyle.

- Pourquoi tu es là si tu n'apprécies pas la soirée? Lui demanda-t-elle avec un petit sourire moqueur.

- De toute façon, c'est simple, tu sautes, je saute.

Alix n'avait pas pu s'empêcher de sourire. Son cœur lui faisait mal tellement il battait fort et de temps en temps elle jetait un regard inquiet en direction de Kyle pour voir s'il soupçonnait l'effet que son regard ou que quelques mots avaient sur elle. Cependant elle secoua la tête. Elle avait bien vu où tant de sentimentalité et la faiblesse des sentiments emportait les gens. A la dérive, à l'abandon de la raison; comme ses parents et son frère. Elle se refusait à éprouver telle faiblesse et dérision, car après tant d'années à vaincre ses pires démons et à affronter de telles horreurs, elle était enfin devenue celle qu'elle voulait être: libre. Il ne lui manquait plus qu'un plan d'évasion pour partir loin de l'emprise maléfique de sa famille et du Capitole... même si cela signifiait également laisser son frère adoré et ses parents derrière elle. Elle avancerait seule, comme toujours.

- Et toi donc Juste-Alix ? Avait-il renchérit.

Alix cligna des yeux. Elle avait à peine écouté la réponse de son nouvel acolyte, plus occupée à l'observer se mouvoir en équilibre sur le muret. Il était d'une grâce infinie, indestructible face à l'immensité du vide sous leurs pieds. Cette question l'avait prise au dépourvue, ainsi, pour cacher sa gêne et son visage s'empourprant dangereusement elle tourna la tête.

- Hum, c'est à peu près la même chose... Répondit-elle calmement.

Elle était habituée à mentir sur sa vraie identité, à cacher aux yeux du monde sans paillettes des districts; où elle rejoignait de temps à autres une amie de longue date, sa vraie nature. Avec le temps, elle avait même trouvé cela distrayant que de s'inventer une nouvelle identité. Comment dire à de pauvres gens que vous êtes un des deux monstres engendrés par celui qui ruine leurs vie? Comment leur dire que vous vivez dans le luxe chaque jour et que de toute votre existence vous n'avez jamais ressenti la faim ou le besoin? Que la seule perte que vous ayez pleuré est celle d'un inconnu devant votre téléviseur ou celle d'un poison rouge? La simple existence d'un tel être relevait de l'abomination. Alix se détestait pour être cela. Avouer à Kyle qu'elle n'était autre que la jeune progéniture du noble président Snow? Plutôt sauter de l'immeuble.
Se rendant compte qu'elle se perdait dans ses pensées, la jeune fille se tourna vers le beau rebelle. Elle le vit ranger une boite de cachets dans une poche de sa veste mais se contenta de faire comme si elle n'avait rien vu. La vie comporte des tas de secrets, les uns plus moches que les autres, elle le savait mieux que personne. Elle se rapprocha simplement de lui et prit sa main.

- N'as-tu eu jamais envie de faire quelque chose de fou? D'excitant et... d'interdit... lui susurra-t-elle au coin de l'oreille.

Elle croisa son regard et rencontra la flamme du désir qu'elle adorait voir dans les yeux d'un homme. Elle aimait les séduire puis les jeter, se rendant compte de la tragique situation dans laquelle elle se mettait. Mais ce qu'elle ressentait en voyant cette flamme lui réchauffait le corps et l'âme toute entière. Alix la jeune fille prude. Alix Snow, la magnifique et chaste fille du président. La fille qui adorait faire tourner les têtes dans son dos, mais surtout jouer avec le feu.

Alix n'avait absolument pas anticipé la réaction du jeune homme. Quand leurs corps entremêlés percutèrent le champ de force magnétique, son estomac tout entier lui remonta jusqu'à la gorge et son cœur s'arrêta de battre. Le sang irriguant son cerveau lui faisait mal, tellement mal. Il lui semblait que quelqu'un enfonçait des couteaux pointus et affinés à l'extrême dans toutes les parties de son corps. L'adrénaline lui procurait la pire et la meilleure des sensations à la fois. Blottie contre le torse de Kyle, elle pouvait sentir son odeur virile et fraiche, mêlant sueur et parfum de qualité. Quand il avait posé ses lèvres sur les siennes, elle avait cru mourir de plaisir. Jamais encore son pouls n'avait battu aussi fort dans ses tempes. Elle avait senti le goût du champagne modifié sur sa bouche. L'alcool, voilà ce qui avait poussé le beau et mystérieux Kyle à l'embrasser et à venir ici avec elle.
Quand ils atterrirent à nouveau sur leurs pieds, seuls sur le toit, Alix se défit de l'étreinte du jeune Esperanzza et lui jeta un regard pénétrant.
Les deux jeunes gens restèrent ainsi, l'un face à l'autre pendant de longues minutes. Alix se dirigea vers la bouteille et la vida d'une traite. Elle voulait sentir les lèvres du garçon sur les siennes une nouvelle fois, mais c'était interdit. Pourquoi prendre le risque de s'atacher à cet étranger alors que la seconde d'après, elle risquait de tout perdre.

- Tu es si.... Commença-t-elle en se rapprochant de lui, attirée comme un aimant.

Comme si quelqu'un avait entendu ses réticences intérieures, la porte menant au toit s'ouvrit. La mère d'Alice; Madame Snow, y apparut. Elle arqua un sourcil et jeta un regard mauvais à Kyle puis fixa sa fille sans sourciller. La déception et le dégout se lisaient parfaitement dans ses yeux, ce qui fit frissonner la jeune brune.

- Alix, ton père t'attend pour porter un toast final. Il aimerait commencer. Dit-elle d'une voix plate.

La porte se referma rapidement sur la femme du président. Dans un seul geste Alix se retourna vers Kyle, l'incitant à la suivre, le cœur meurtri. Puis elle se dirigea vers les escaliers, qu'elle dévala quatre par quatre bien qu'elle portait des talons aiguilles. Elle était reconnaissante d'avoir pu passer un moment si agréable et intense avec le jeune homme mais son heure était arrivée. Les masques devaient tomber ce soir et fatalement, emporter la jeune Snow dans une chute infernale et terrible.

Une fois dans le grand salon, Kyle essaya de la rattraper par le bras mais elle se déroba à lui, attrapant sa main au passage, qu'elle sentit trembler un court instant. Elle leva des yeux interrogateurs et souffrants vers lui, essayant tant bien que mal d'implorer son indulgence et son pardon. "Si tu savais Kyle, si tu savais qui je suis" se mit-elle à penser. Alix déposa discrètement un baiser sur la joue droite de son nouvel ami puis se dirigea vers ses parents et son grand frère le cœur lourd. Elle sentait déjà le regard du fils Esperanzza sur elle et certains invités applaudirent même son arrivée. Un véritable désastre.

Pourquoi avait-il fallu que ce moment s'interrompe aussi vite? Pourquoi sa mère avait-elle ressenti une fois de plus le besoin de gâcher sa vie en la ramenant à la réalité aussi vite et en lui balançant ses origines en pleine figure de la sorte? Elle avait vu Kyle se frayer un chemin parmi la foule quasi hystérique et se dresser sur une chaise pour admirer le spectacle au loin. Un éclair de dégout traversa ses pupilles endiablées. Alix n'avait qu'une seule envie, vomir et s'éloigner de toute cette supercherie le plus vite possible.

- Le Capitole est grand... Le Capitole est puissant. Il assure la protection de Panem et de ses habitants mais aussi la prospérité et la sécurité de ceux-ci... Claironna fièrement son père.

Impossible de mentir plus. Alix le savait car au plus profond d'elle-même, elle avait toujours réalisé que son père et ses collègues étaient de piètres acteurs et de réels tyrans. En somme, son père n'était donc pas Président du Capitole, protecteur de Panem; mais plutôt le roi de la tyrannie et de l'horreur. Grandir à son image? Autant mourir... Et ça, Alix l'avait déjà tenté, à plusieurs et vaines reprises.
Quand il eut finit son petit discours, sous les larmes et les applaudissement de la foule, Snow attrapa fermement sa femme et ses deux "enfants rois" dans ses bras, et tous les quatre posèrent pour une énième photo. Heureusement la jeune fille pouvait encore sentir les effets de l'alcool dans son organisme, ainsi elle releva la tête et se mit à fixer une partie de la foule. Là où Kyle se trouvait la dernière fois que ses yeux avaient rencontrés les siens. Et il était toujours là, un timide sourire aux lèvres, il l'attendait. Elle comprit immédiatement qu'il lui avait pardonné son mensonge et qu'il ne lui en tenait ainsi pas rigueur. Cette pensée réchauffa immédiatement son cœur et elle lui sourit en retour.

Une fois le flash enclenché, Alix s'échappa sans scrupules de ses parents et se dirigea vers le beau brun. Elle ignorait encore à ce moment pourquoi ce garçon lui plaisait tellement et pourquoi son sourire et sa proximité lui semblaient à ce point indispensables. Elle savait que leur relation était différente en tous points avec celles qu'elle avait pu avoir avec d'autres hommes dans sa vie et que la bulle dans laquelle elle se trouvait quand ils étaient ensemble lui procurait cette sérénité et cette impression de sécurité. Sentiments qu'elle n'avait pas ressentit depuis des années.
Ils se tenaient à présent à quelques mètres l'un de l'autre se rapprochant tels deux aimants attirés par un fil invisible. Ils étaient seuls au milieu de l'attroupement de Capitoliens. Kyle attrapa sa main et planta son regard dans le sien.

- On ne choisit pas sa famille.

Alix avait envie de se blottir dans ses bras et de pleurer comme une petite fille, mais elle se ressaisit en pensant à la proximité de son père qui lui interdisait tout contact avec n'importe qui d'autre que la haute société Capitolienne. Quel bel hypocrite! Kyle avait entièrement raison et son souffle chaud contre son visage l'embauma paisiblement. Elle lui jeta un regard contrit.

- Je n'aurai pas pu dire mieux... Tu veux t'éloigner un peu? Dit-elle doucement sans le quitter une seule seconde des yeux, de peur qu'un tel être s'envole et disparaisse à jamais.

Kyle regarda de droite à gauche. Les invités s'étaient dispersés aussi vites qu'ils ne s'étaient rassemblés pour le toast. Malgré ce sentiment de gravité, de fragilité qui l'avait assaillit en voyant Alix se placer aux côtés de sa famille, le garçon avait eut du mal à ne pas rire, ou plus ou moins sourire en écoutant le discourt de son très cher président. Certaines phrases sonnaient si faux... Pourtant, il paraissait le seul à voir cette situation comme telle. Les gens semblaient boire chacune de ses phrases, persuadés de leur véracité. Lui, se concentrait uniquement sur les expressions d'Alix.
Le dégoût, la honte. Kyle se demanda si elle partageait ses propres idées, si comme lui elle trouvait amusant la manière dont Snow manipulait les gens autour de lui. La persuasion. Kyle n'appréciait pas le président, le gouvernement mis en place tenant plus de la tyrannie qu'autre chose, mais il devait reconnaître que sur ce point là, Snow excellait. Il avait réussit à mettre les habitants du Capitole dans sa poche, à les convaincre que toutes ses actions avaient pour but de les protéger, eux et leur petite vie. Les gens sont crédules, au Capitole les rebelles se font rare, ils sont majoritairement tous satisfaits du système, voir des enfants mourir ne les dérangent pas, au contraire. Et dans le cas où l'on se poserait des questions, où l'on exprimerait son inquiétude et ses doutes, une conférence de presse envoie une horde d'excuses et de raisons. C'est comme ça. Snow dirige Panem avec une main de fer, la justice ne fait pas partie de son vocabulaire, et pourtant, on l’acclame, on partage sa table et on le félicite pour son travail. Tout le monde trouve ça normal. Cherchez l'erreur ? C'est si comique.


Les flash crépitaient autour de lui, aveuglants, les bruits, les chuchotements, les cris, les sourires béats, c'est à se demander dans quel monde ils vivent. Il boit un verre, puis un second, regarde au loin son père lui jeter un regard mauvais, lève son verre à son attention. Alix revient, il lui parle, la regarde. C'est un peu cotonneux autour de lui, sûrement à cause de l'alcool. Tout est trouble, et lucide à la fois.

- Je n'aurai pas pu dire mieux... Tu veux t'éloigner un peu?

Son regard le touche, elle n'a plus rien à voir avec l'Alix sur le toit. Il ne lâche pas sa main, ne dévie pas le regard. C'est un peu perdu qu'il acquiesce, qu'il sourit et la suis. Le brouahaha de la foule ne fait qu'empirer son sentiment de malaise. Les derniers verres étaient une mauvaise idée. Nerveusement il ferme les yeux, sa tête tourne, tourne, tourne.

"On peut sortir, s'il te plaît ?" [code]

- On peut sortir, s'il te plaît ?

Alix sentit dans sa voix que quelque chose n'allait pas. Il était affreusement pâle et beaucoup trop calme pour quelqu'un de presque ivre. D'accord l'ambiance n'était pas à la fête et il venait de découvrir son identité, mais quand même, quelque chose n'allait pas. La jeune fille prit la main de son nouvel ami et le dirigea d'une allure lente et sereine.

- Fais-moi confiance. Lui dit-elle doucement, les yeux dans les yeux.

Ils marchèrent sans bruits, s'éloignant petit à petit de l'énorme salon et de la foule hystérique, de la musique trop forte et des petits fours trop colorés. Ce monde entier était une imposture, un faux. Seule dans sa bulle Alix avait souvent cherché un moyen pour se sentir plus vraie, plus vivante... Mais jamais aucune drogue, aucun alcool, aucune scarification, rien n'avait réussi à la faire respirer suffisamment. Rien, sauf ces courts et intenses moments avec Kyle. Ce fameux et mystérieux Kyle. Quand enfin ils s'arrêtèrent, Alix vérifia derrière elle que personne ne les avait suivis. Une fois rassurée, elle ouvrit la porte.
Ils entrèrent dans une pièce grande et lumineuse; en effet une immense baie vitrée donnait sur la ville brillant de milles feux. Un lit à baldaquins trônait au centre de la pièce, les draps ainsi que les rideaux qui l'ornaient étaient d'une blancheur parfaite. Sur la droite, près de la baie vitrée se trouvait un canapé imposant, en cuir noir, tranchant à merveille avec la pureté du lit. Une pile de livres trainait par ci et là, souvent renversée. A gauche, contre le mur, se trouvait une douche; simplement grandiose, dans les tons noir et violet foncé, et surplombée d'une rangée de spots colorés. Il n'y avait aucune photo, aucun poster dans cette chambre. Un parfait inconnu aurait pu s'y sentir comme chez lui. Seule l'armoire renfermait des tenues magnifiques et personnelles. Alix lâcha sans prévenir la main de Kyle et se dirigea vers le lit, tandis que la porte se verrouillait automatiquement derrière eux. L’inquiétante brune se laissa tomber sur le lit, fixant le plafond le regard vide. Sa robe remonta dangereusement, offrant la vision de sa hanche dénudée et de ses longues jambes blanches.

- Bienvenue dans mon antre. Murmura-t-elle soudainement. Fais comme chez toi... Au moins ici, personne ne viendra nous déranger...

Alix lança un regard en direction de Kyle qui n'avait pas bougé et qui la fixait étrangement. Une tension particulièrement palpable régnait dans la pièce. Si elle avait pu, elle aurait même ouvert les fenêtres mais celles-ci étaient condamnées. Son père et sa mère craignaient trop de la voir sauter un jour ou l'autre dans le vide. La chute serait terrible mais rapide, son corps s'écraserait mollement contre le sol en béton. Ainsi, pour combler le silence insupportable la jeune Snow fouilla sous ses oreillers et sorti un petit flacon au liquide délicieusement rose, accompagné d'une seringue. Elle ouvrit l'emballage au fur et à mesure que Kyle approchait, introduisit l'aiguille dans l'ouverture prévue et aspira le contenu. Après quelques minutes, Alix leva les yeux vers son accompagnateur, l'invitant silencieusement à venir prendre place à côté d'elle. Elle avait conscience de jouer une fois de plus avec le feu et de peut-être répugner à jamais le seul être de sexe masculin à entrer dans cette pièce, - mis à part son cher grand-frère - dans son petit jardin secret dont peu de gens connaissaient l'existence. Alix avait toujours intrigué. Son regard profond et son expression de jeune vierge effarouchement torturée mettait mal à l'aise autant que son corps de femme excitait tous les sens. Elle se sentait souillée, rongée des os à la moelle par un mal qu'elle ne parvenait pas à guérir. Elle était en mal d'amour, en mal de liberté. Elle voulait simplement vivre, vraiment. Remplir ses poumons d'un air frais et nouveau et crier à s'en rompre les cordes vocales. Mais là, tout de suite, elle voulait planer et pourquoi pas avec Kyle à ses côtés puisqu'il avait l'air si différent des autres, qu'il était si attirant. La petite brune planta sans attendre l'aiguille dans son bras, d'un geste précis qui semblait affreusement régulier, s'injecta doucement le poison et lâcha un petit gémissement appréciatif.

- Tu veux te joindre à moi? Demanda-t-elle, approchant ses lèvres de celles de Kyle, le dévorant du regard.

Elle voulait absolument s'évader. Faire comme s'ils n'étaient pas de ce monde tous les deux. Comme si son père n'était pas à l'origine des pires horreurs produites sur cette planète et que son acolyte venait juste de le découvrir grâce à l'action fantastique de son ignorante de mère. C'était un coup monté, sûrement une idée de Snow père. Ils voulaient tous l'empêcher de vivre, d'être heureuse et d'évoluer par ses propres moyens. Elles aurait du rester docile, aimante, fière de son rang social particulier comme son frère Nox... Mais tout ici la répugnait au plus haut point.

Le dernier souvenir réel qu'Alix pu garder en mémoire fut le sourire euphorique de Kyle et son remerciement. Après quoi, ils s'étaient tous les deux écroulés dans les bras l'un de l'autre, grisés par les effets de la drogue. Quand elle ne trouvait pas le sommeil, la jeune Snow avait l'habitude de prendre de telles substances. Cela lui permettait de prendre l'air, de s'évader et d'imaginer un monde dans lequel elle pourrait enfin être heureuse.
La pièce s'était mise à tourner subitement, les murs tremblaient et une sensation de froid monstrueuse s’immisça en elle. Son premier réflexe fut de se blottir dans les bras de Kyle qui tremblait lui aussi. Des lumières roses et jaunes vinrent caresser ses pupilles, une odeur de chocolat effleura ses narines. Était-ce le paradis? Elle entendait au loin une musique de fête foraine, ce genre d'endroit que l'on ne voyait plus que dans les films anciens. Kyle lui faisait de grands signes, il resplendissait dans la lumière; dans un costume blanc et gris. Il était si lumineux, si beau. Elle essaya de faire un pas dans sa direction mais elle restait bloquée en retrait, comme s'il lui était impossible d'avancer et de le rejoindre. Son cœur battait à la chamade, elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. Ses mains se heurtèrent à une vitre translucide et infranchissable. Petit à petit la mélodie se fit plus lointaine et le visage souriant de Kyle s'effaça, laissant place à un immense vide, dénudé de toute vie et de toute couleur. Elle se retrouvait seule et brisée une fois de plus, cherchant en vain le moyen de se sortir de cet enfer. Mais il n'y avait aucune solution. Son cri déchira l'espace, perturbant le calme inaccoutumé de la chambre.

Quand le jour se leva, Alix remarqua que son nouvel ami; le jeune Kyle Esperanzza, n'avait pas déserté comme un voleur au petit matin. Les deux jeunes gens étaient toujours intimement entremêlés et respiraient à l'unisson. Ce genre de situation l'aurait d'habitude mise mal à l'aise, voir même passablement embêtée, mais ce matin fut différent. Kyle n'était pas comme les autres garçons de son âge, et Alix voyait en lui l'âme sœur qu'elle avait toujours recherché. Elle l'avait bien sur désiré toute la soirée, mais un simple regard, de simples mots accompagnés de gestes lui avaient fait baisser toutes les gardes. Leurs esprits étaient maintenant liés à tout jamais et leurs corps s'attiraient tels deux aimants.
Alix se décida enfin à bouger, s'extirpa de l'étreinte du bel endormi; remettant au passage une de ses mèches folle en place. Il dormait paisiblement, comme si un tel sommeil ne lui avait pas été accordé depuis des mois. Voir des années. La jeune brune se dirigea lentement vers sa douche, laissant tomber au passage l'unique vêtement qu'elle avait porté de toute la soirée. Le jet d'eau s'alluma, d'abord froid, puis la température se régla automatiquement. Elle aurait du être gênée d'offrir la vue de son corps nu au premier venu mais bizarrement il lui était impossible de considérer Kyle comme n'importe qui d'autre. Son cœur se serra. Elle accordait rarement son amitié et son intérêt à n'importe qui; qu'importe son rang social.

Quand enfin son corps fut rassasié d'eau et de chaleur, Alix entreprit de sortir de la douche. Sans surprise elle découvrit Kyle, confortablement installé sur le lit, un livre à la main. Ses lèvres se levèrent en un immense sourire quand il remarqua à nouveau sa présence et la jeune fille ne put s'empêcher de lui en adresser un en retour. Une amitié particulière, ambiguë à l'extrême, s'installa entre eux et pendant deux ans ils partagèrent tout. Les pires folies; les quatre-cent coups comme disent les plus vieux, mais aussi les bagarres, les coups de gueule, les premières fois -sexuellement non parlant-, les déprimes, les joies et les disputes avec les parents. Pourtant à aucun moment il ne fut question de mettre sur le tapis une quelconque attirance ou les sentiments de chacun. Pourquoi gâcher un telle alchimie par de simples mots, de simples distinctions. Alix savait que tous les soirs son meilleur ami; son âme sœur par excellence, ramenait une fille différente chez lui. Pourtant tous les matins c'est dans son lit qu'il se réveillait. Cet évènement si particulier devint une routine agréable, une habitude dont aucun d'eux ne pouvait se passer. Leurs mains restaient entremêlées pendant la nuit, comme une promesse scellée jusqu'à la nuit des temps. Alix tenta de lutter, mais elle s'accrocha. Elle se méprisait pour cela, sachant que l'unique récompense qui l'attendait en retour serait la souffrance ou le refus, mais son cœur ne s'était mis à battre que pour les instants qu'ils passaient ensemble. Elle l'aimait; son unique, son jumeaux, son amour, à mourir.

2 ans plus tard....