Et c'était fini. Ma vie était tombée en poussière, mes rêves n'étaient plus que les cendres du feu qui avait naguère été un brasier. En deux heures à peine, on avait balayé toute mon identité, tout ce qui avait fait de moi Claire Wendy Chayton. J'étais maintenant complètement paralysée, autant dans ma tête que pour mes mouvements. Ils étaient secs et désordonnés alors que je montais dans le train, soudaine maladresse qui avait pris la place de la grâce qui accompagnait d'ordinaire tous mes mouvements. Je devais faire pitié à voir, mais je ne voulais pas la pitié de personne. J'aurais voulu que mes parents viennent me voir, j'aurais voulu que River ne soit pas qu'un pauvre con, j'aurais voulu ne jamais être appelée sur cette scène-là, voire plus aucune de toute ma vie s'il le fallait, j'aurais voulu beaucoup de choses. Et j'étais démolie. Sans aucun espoir, sans même aucune pensée à propos du futur. Les prochains jours - non, les prochaines secondes - n'apparaissaient même pas dans mes idées. À vrai dire, il m'était difficile de dire si je réussissais à réfléchir, tout simplement.

Quand le train démarra, je n'avais qu'à peine remarqué que je m'étais dirigée machinalement dans la chambre que notre hôtesse surexcitée m'avait montrée. Elle semblait sympathique, mais malheureusement, je n'étais pas vraiment en état de faire connaissance. Je sentis la motion du wagon alors qu'il quittait la gare devant une poignée de parieurs qui nous envoyaient la main avec hypocrisie, probablement payés par les équipes de tournage pour faire croire que quelqu'un au Six était intéressé par les Hunger Games. Je soupirai. Il ne fallait pas me laisser abattre ; il y avait certains côtés positifs à tout cela. J'allais passer dans une émission de télé-réalité, devenir plus ou moins célèbre pendant une ou deux semaines. Et puis, la nation en entier me regarderait. Ce n'était pas si mal. Ce n'étais pas si mal...

À condition de faire abstraction de tout le reste.

Nouveau soupir de ma part. C'était peine perdue.

Au dehors, l'épaisse forêt de l'Ouest du district commença à s'étaler comme si elle faisait partie d'un tableau et que quelqu'un avait passé un doigt sur la peinture fraîche. Un joli mélange de couleurs, mais bien morne et triste. Rien à voir avec celles que j'étais habituée de voir, les pastels, les chaudes. Puis, on vit quelques entrepôts, usines de montage, pas beaucoup de maisons. Mon quartier était de l'autre côté de la ville, là où il y avait les jolies habitations - un peu comme de petits manoirs historiques -. Je déposai une main contre la vitre, comme si je pouvais toucher une dernière fois le lieu où j'avais toujours été. Parce que je devais avouer que ça me faisait peur, tout ça. Un nouveau monde, un nouveau jeu à jouer - toujours aussi cruel que la course à la survie du lycée, mais auquel je ne connaissais rien. Et j'étais triste, triste parce que je me rendais compte qu'en fait, j'étais bien, ici. Et que je n'aurais jamais ma vie parfaite, je n'épouserais jamais mon prince après le bal de promo, je n'irais jamais aux études supérieures que seuls les plus riches et talentueux élèves pouvaient prétendre atteindre, je n'aurais jamais mes deux enfants, ma carrière stable et ma somptueuse demeure.

À tout cela... Adieu.