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 harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM

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MessageSujet: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 18:12

La chaleur est étouffante. Je m'essuie le front avec un pan de mon t-shirt et continue mon dur labeur. A vrai dire, ce n'est pas très compliqué, mais cela consume toute l'énergie disponible durant la journée. Récolter, sans cesse. Toujours le même geste machinal, minute après minute, et bientôt heure après heure. Ne pensez pas que le temps passe rapidement. Heureusement que nous n'avons aucun moyen de savoir l'heure au milieu du champ, car cela nous rendrait tout simplement fous. Sans me vanter, je suis une des meilleures de mon équipe, tout simplement parce que je ne perds pas de temps à discuter. Les autres essayent de se divertir en travaillant, et moi, je préfère séparer l'un de l'autre. Ou faire disparaître complètement le premier de ma vie quotidienne. Cela fait un bon bout de temps que je ne m'amuse plus, et que j'aurais même du mal à vous expliquer en quoi cela consiste. A côté de moi, Graham s'active aussi rapidement et avec autant de concentration. S'il y a bien une chose -et une seule- que j'aime à propos de lui, c'est qu'il n'essaie pas de se faire des amis ici. Et qu'il travaille bien. Sur ce point là, nous sommes assez similaires, mais n'essayez pas de me comparer à ce lâche. Je m'autorise quelques secondes de pause quand je suis à bout de souffle et observe un peu le travail qu'il nous reste.

Inutile de dire que nous sommes loin d'avoir terminé. Il doit être le début de l'après midi et cela fait depuis plusieurs heures que nous sommes au travail. Nous continuerons jusqu'au soir. Rien de très spécial dans la vie d'une paysanne comme moi, et je ne m'autorise jamais à rêver à une vie meilleure. Je n'ai pas besoin d'espoir, juste pour qu'il soit écrasé bientôt. Nous serons coincés, moi et ma famille, dans ce district pour l'éternité. A moins que je sois enrôlée dans les hunger games et que je gagne. La première de ces choses est probable, la deuxième, très peu. La seule chose qui me distingue des autres est ma vitesse, et encore, je ne pense pas être la meilleure dans cette catégorie. Je ne pourrais que m'enfuir et au final, quand je me retrouverais au combat corps à corps, je perdrais. Je mourrais. Et je laisserais mon père et mon petit frère à mourir également. Ce dernier n'a pas encore l'âge de travailler, et il ne compterait que sur la ration de mon père pour le nourrir. Mon père qui est trop vieux pour s'inscrire pour le tesserae. Non, ils ne survivraient jamais.

Je recommence à abaisser le grand couteau qui me permet de couper les plantations, en ajustant le seul débardeur qui me sert de haut. Il fait une chaleur terrible. Mes jambes sont couvertes d'un short qui laisse apparaître mes jambes. Je crèverais de chaud avec un grand pantalon. Un bruit me fait tourner la tête. La couleur rouge, plutôt rare dans les champs, attire mon attention et mes pieds me mènent malgré moi vers Graham qui vient de se couper l'intérieur de la main et observe sa blessure comme un débile. Je reprends le travail sans dire un mot et me rend compte après un moment qu'il ne bouge pas, ni pour continuer son travail, ni pour aller se soigner. Il n'y a pas d'infirmerie proche -vous en avez déjà vu une au milieu des champs ?- mais je sais avoir des bandages dans mon sac. Qui ne se trouve pas avec moi. Nous laissons nos affaires dans un coin avant de commencer le travail car cela nous gênerait. Je les cache généralement, pour qu'on ne me vole rien. Je me dirige vers Graham et lui attrape le bras avant de marcher rapidement à travers les champs. « Freya où est-ce que tu vas ? » Je ne retourne même pas la tête. Un quarantenaire dont je ne connais pas le nom vient de m'adresser la parole. « il est blessé, je vais pas le laisser saigner à mort au milieu du champ. » Je soupire et m'éloigne un peu avant de tirer un chiffon de ma poche. J'évite soigneusement de regarder Graham dans les yeux. « Enroule ça autour de ta main et serre fort. On doit marcher un peu. »
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 18:50

    Le soleil me brûle le front. Mes mains glissent sur le manche de mon couteau de fortune et chacun de mes muscles est engourdi. Et pourtant, je continue, machinalement, parce qu'il faut travailler et que l'argent -et par extension la nourriture- ne va pas tomber sur la table facilement. Tirer la tige, placer le couteau à la base, avant, arrière, tirer encore plus fort jusqu'à ce que la plante soit arrachée. En soi, c'est l'une des tâches les plus simples du district onze - je peux l'affirmer, ayant travaillé dans le champ de blé principal - mais sous cette chaleur écrasante et dans ces vêtements trempés de sueur, ces gestes sont épuisants. J'avale ma salive difficilement. La soif me gratte la gorge, mais une seule minute sans travailler est une perte de temps. J'accélère le mouvement pour penser à autre chose. Les discussions des autres me parviennent comme un bruit de fond répétitif et inutile, mais je ne dis rien. J'agrippe de plus en plus fortement les tiges et coupe avec conviction. Je n'arrive même pas à penser à autre chose que le travail qu'il me - qu'il nous - reste à faire. J'ai l'impression que les minutes se transforment en secondes et que les minutes se transforment en heures. Mes muscles me tirent, mon mal de dos s'accentue à chaque mouvement, mais j'ai l'habitude. Les autres m'énervent au fur et à mesure que leur conversation devient de plus en plus audible. Je serre les dents et ouvre soudain la main alors que la lame du couteau fend la tige du plant dont je m'occupe. Je tique lorsque je sens un liquide s'écouler de ma paume et que la douleur engourdit ma main. Je me suis coupé.

    A part des blessures de fatigue, je ne m'étais jamais fait mal en travaillant, bien au contraire. Etant plus jeune que les autres, mes réflexes étaient plus accrus et chacun de mes mouvements était calculé - c'était d'ailleurs pour cela que la majorité des travailleurs dans les champs de coton était des adolescents, plus réactifs que des adultes ou des personnes âgées. Tenant d'une main le couteau qui pesait me sembler devenir de plus en plus lourd, j'observe le sang chaud et brillant qui dégouline de ma main jusqu'à mon avant-bras. Ce sang me rappelle celui versé dans les Jeux et je sens mon estomac se retourner. Par association aux Jeux, je pense à Tate et à ce qu'il a dû enduré. J'avais beau avoir suivi mon meilleur ami par l’intermédiaire de mon écran de télévision, je ne savais pas vraiment qu'est ce qu'il avait pu enduré. Mon expression égale se transforme brutalement en un rictus douloureux. Quel idiot je suis. Et dire que j'essayais de ne plus penser à Tate et d'oublier tout ce qui avait pu se passer dans l'arène... Quel lâche je suis. Il a enduré bien plus que toi, Graham, chuchote une voix dans ma tête que je veux faire taire sans réussir. Je passe ma langue sur mes lèvres exsangues, ne pensant même plus au travail, ni à cette chaleur tuante, ni au fait qu'à moins d'une dizaine de mètres de moi se trouve la soeur de mon meilleur ami. Je ne pense plus qu'à ce qui se serait passer si je m'étais porté volontaire. Et alors que les images de mes derniers instants défilent dans ma tête, je sens une main m'agripper par le bras et m'emmener loin des plantations rapidement.

    Je ne trouve même pas le courage de réprimander la personne qui vient de me sortir de ma torpeur: Freya. Un frisson part de l'emplacement de sa main sur mon bras et remonte le long de ma colonne vertébrale. Elle ralentit la cadence, et me tend un chiffon que j'accepte sans un mot. Je suis ses instructions sans conviction, enroulant le bout de tissu autour de ma main et serrant plus fort que jamais. La douleur commence à se faire ressentir mais j'essaye de ne pas y penser, trouvant soudainement un intérêt au sol sec sur lequel nous marchons. Je ne veux pas la regarder et repenser à Tate. De toute façon, elle doit m'en vouloir. Je ne pourrais jamais oublier le regard qu'elle m'a lancé il y a deux ans, le regard qui me disait "Porte toi volontaire et sauve mon frère". J'aimerais qu'elle sache à quel point je suis désolé, mais le moment est mal choisi et je sais qu'elle se fiche de mes excuses. Et de toute manière, pourquoi devrais-je m'excuser? Je pince les lèvres et serre encore plus fort. Le tissu beige se teinte progressivement de rouge et j'ai peur d'avoir entamer une grosse veine. Nous marchons silencieusement, elle s'adaptant à mon rythme lent, moi tentant de garder un visage neutre. Nous arrivons au bout d'un moment à l'espèce de vestiaire en plein air et j'attends qu'elle prenne de quoi me désinfecter la main ou poser un meilleur bandage. Je n'ai pas de quoi me bander la main dans mon sac. Je n'ai même pas de sac du tout. Ma mère n'a jamais jugé en avoir un important.

    « Tu aurais pu me laisser seul. » je dis, la voix tremblante. « J'aurais très bien m'en sortir moi même. » j'ajoute sans conviction.
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 19:20

Il ne dit rien. Que pourrait-il dire ? Il sait très bien que je le déteste. Il sait très bien que le fait de le voir fait remonter en moi tous les souvenirs que j'ai eu avec Tate. Et bien sûr, ceux que je n'ai pas eu, à cause de lui. Premièrement, parce que Tate ne passait plus tout son temps avec moi comme il en avait l'habitude avant l'arrivée de Graham, deuxièmement, parce qu'il n'avait pas eu le courage d'aller à la place de mon frère dans l'arène. Aussi cruel que cela puisse paraître, je le haïssais pour cela. D'autres pourraient me demander de compatir, mais je ne le ferai probablement jamais. Graham n'a jamais semblé proche de sa famille, pas de la manière dont j'étais proche de Tate. Il n'aurait laissé personne derrière. Il m'aurait rendu une faveur, une énorme faveur. Mais connaissant Tate, il se serait senti trop coupable pour vivre normalement ensuite. Mais j'avais toujours l'espoir que j'aurais pu lui faire oublier ça, rien qu'avec ma présence. Je secoue la tête. Inutile de ressasser de tels souvenirs, cela ne sert absolument à rien. Il ne reviendra pas. Il ne reviendra jamais. Il est l'un des nombreux tués dans l'arène des Hunger Games, et cela me remplit de rage. Rien ne paraît sur mon visage, cependant. J'ai toujours l'air calme. Cela pousse les gens à me parler sans craindre une réponse agressive de ma part, et ils ne pourraient pas plus se tromper. Je n'ai pratiquement aucun tact, et je fais part d'une brutale honnêteté. Que les autres en soient blessés, ce n'est franchement pas mon affaire. Je tourne la tête pour voir le jeune homme encore derrière moi, et je me force à ralentir encore l'allure. De sa part, j'aurais attendu une marche assez rapide. Il est musclé, on ne peut pas le dénier. Je vois la manière dont les filles le regardent quand on rentre des champs, et je ne peux m'empêcher de les trouver stupides intérieurement. S'il se mariait jamais à une fille, il s'enfuirait surement à la première difficulté.

Les champs s'arrêtent enfin et nous arrivons à l'endroit où pratiquement tous les paysans posent leurs affaires. Sauf moi et quelques autres, bien entendu. En général, les gens ici n'ont rien à se faire voler, mais j'ai réussi durant ces années passées ici à récolter quelques choses assez utiles dans certains cas. Je ne vous dis pas que gâcher du bandage pour Graham ne me fasse pas de la peine. Mais je n'ai pas tellement envie qu'on m'accuse de négliger les gens avec qui je travaille. S'il mourait parce que je ne m'étais pas occupé de lui, sa famille me le mettrait sur le dos. Ils n'ont surement pas oublié l'amitié qui existait entre Graham et Tate, qui faisait partie de ma famille. Je sais que Tate aurait bien voulu que je m'occupe d'eux, mais je ne le pouvais pas, et je ne le peux toujours pas aujourd'hui. Ce petit geste sera bien assez. Sa voix me fait m'arrêter, mais je ne le regarde pas pour autant. Ce qu'il dit est absurde, bien entendu. Comme s'il pouvait jouer de sa fierté en ma compagnie, comme si j'étais comme toutes les autres. « Écoute moi. Si tu avais quelque chose pour te soigner, tu l'aurais utilisé depuis longtemps et tu ne m'aurais pas laissé t'emmener ici, non ? Et puis je te vois arriver le matin, les mains vides. Je ne pense pas que tu rentreras chez toi à cette heure là, tu sembles être de ceux qui travaillent du matin au soir sans s'arrêter. Et tu crois vraiment que les Pacificateurs ne chercheront pas à blâmer quelqu'un si tu meurs au milieu des champs ? Étant donné que je travaille à côté de toi, j'aurais très bien pu être accusée. Et cela s'arrête là. Ne crois pas que je m'inquiète pour toi ou que je m'occupe de ta douleur, je fais ça pour ne pas m'attirer de problèmes. »

Après m'avoir arrêté de parler, je continue à marcher à l'écart pendant quelques minutes, en espérant qu'il me suive et ne fasse pas quelque chose de stupide. Caché entre une pierre et un buisson, je sors mon sac et fouille dedans quelques instants avant de ressortir un rouleau de bandage en mauvais état. Mais c'est tout ce que j'ai. Cela ne me plait pas particulièrement de toucher Graham mais si je veux le soigner, il le faut bien. Ce n'est pas comme s'il pouvait se soigner la main, avec la seule autre qu'il lui reste. « Ne bouge pas » Je sors un petit flacon rempli de liquide transparent, et je le laisse couler sur la blessure de Graham pour la désinfecter. De l'alcool à haut degré, je ne regarde même pas son visage pour voir s'il a mal. Je tend le bandage et commence à l'enrouler autour de sa main et arrache la fin avec mes dents, avant de le coincer. « Ce n'est qu'en attendant, je suis sur que ton père pourra faire mieux que moi pour te soigner. » Je me baisse en soupirant et range mon sac, le ferme et le range. « S'il manque ne serait-ce qu'une chose dans mon sac à l'avenir, je saurai que c'est toi qui l'a volé. Ne t'attend pas à ce que je ne fasse pas de bruit pour le récupérer. »
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 20:32

    Je ne réponds à son monologue. Je sais qu'elle a raison, et ça me fait mal au coeur de l'admettre. Non, en faite, ce n'est pas que quelqu'un ait raison qui me dérange, c'est que ce soit elle. Parce que son ton est plein de rancoeur, parce que j'ai l'impression d'entendre Tate me dire ça et parce que ce sont à présent tous les souvenirs de mon enfance qui remontent, avec en bonus mes soeurs. Maintenant que j'y pense, c'est un peu aussi le fait que ce soit une fille qui ait raison qui me rend malade. J'ai toujours détesté mes soeurs et ma mère, et par extension, toutes les filles qui m'entourent. Ca me dégoûte que ce soit Freya qui s'occupe de moi, et que ce soit elle qui ait de quoi me soigner. Je ne veux rien lui devoir. Je ne veux rien devoir à personne. Je relève la tête avec rancune et la suis un peu plus loin, tentant de trouver une faille à exploiter pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Aucun être vivant n'aime être traité de cette façon, d'autant plus que je ne lui ai rien fait. Du moins, pas directement. Je la regarde fouiller dans son sac alors que ma main me pique de plus en plus. Ca va s'infecter, avec ce chiffon sale par dessus la plaie. Je ne dis rien alors que j'envisage de m'excuser. Mais m'excuser par rapport à quoi? Voulait-elle que je me sacrifie pour que Tate reste en vie? Je me devais de rester en vie pour mon père. Tate l'avait compris, alors pourquoi pas Freya? Je ne dis pas qu'elle devrait m'enlacer en me disant que c'est normal d'avoir laisser son frère courir droit au massacre, mais elle pourrait afficher un peu plus de compassion envers moi. J'étais le meilleur ami de Tate, et toutes les promesses que l'on s'était faites avaient disparu. Elle devrait comprendre. Et puis, pourquoi me blâmer moi? Tate avait des tonnes d'amis. Eux aussi auraient pu se porter volontaire. Alors pourquoi me tenir moi comme responsable de la mort de son frère? J'hausse un sourcil alors qu'elle se retourne vers moi et commence à traiter ma plaie.

    L'alcool qu'elle verse modestement sur ma paume m'arrache un juron que je tente d'étouffer en vain. Elle bande ma main et je m'étonne qu'elle ne tente pas de me faire mal. Ses mains sont légères et fines par rapport aux miennes, lourdes et calleuses. Ses doigts agiles déroulent le rouleau légèrement sale autour de ma paume. Je la regarde couper le tissu avec ses dents et je me demande pourquoi elle ne peut pas me pardonner. Je soupire, m'habituant peu à peu à la brûlure de ma main. J’acquiesce lorsqu'elle me parle de mon père. Ce dernier est l'un des rares à pouvoir soigner une plaie convenablement, mais son manque de fermeté par rapport au payement des soins, ce qui l'empêche de prospérer. Et puis elle me dit cette phrase qui me déboussole et qui me met en colère en même temps: lui voler quoi que ce soit? Est-ce qu'elle pense vraiment que je suis du genre à voler quelqu'un envers qui je suis redevable? Est-ce que j'ai une tête de voleur? La réponse est non et rien que de savoir qu'elle pense que oui me met hors de moi. Je ne dis cependant rien et ferme mon poing. Si je réponds, elle va me répondre et le ton va monter, mais je ne supporte plus son air hautain, et cela ne fait que quelques minutes que je suis en sa présence. Je l'observe, les mâchoires serrées. Je ne volerais jamais personne. Je ne sais pas comment elle a pu arriver à cette supposition. Sa colère envers moi doit l'aveugler, ou quelque chose du genre.

    « Je suis désolé. »

    Ces trois petits mots tombent de ma bouche sans que je puisse y faire grand chose, comme un cri du coeur que j'ai tenté de contenir. J'ai l'estomac noué, et ce n'est pas à cause de la faim, de la chaleur ou de la soif. Je suis sincèrement désolé pour elle, mais pour les raisons qu'elle pense.

    « Je suis désolé que tu sois tellement frustrée que tu doives te venger sur les innocents. Quelle preuve de maturité! Je suis sûr que Tate aurait adoré que tu agisses comme ça envers son meilleur ami, non? Ca doit être exactement comme ça qu'il t'a éduqué, hein? Tu lui rends tellement hommage! »

    Je retire le bandage de ma main et je lui jette à la figure. Je ne veux pas lui être redevable, parce qu'elle ne le mérite pas. Il faut qu'elle grandisse, qu'elle mûrisse et qu'elle comprenne, à moins qu'elle ne s'entête dans sa bêtise. Le contact de l'air sur ma plaie est insupportable, mais la colère que je ressens envers elle prend le pas et je finis par vite oublier ma paume. J'ai l'impression que toute la pression, tout le désespoir, tout ce que j'ai accumulé depuis l'enrôlement de Tate dans les Jeux de la Faim ressortent et explosent. Trop, c'est trop, et pendant un instant, je suis désolé pour Freya de devoir essuyer ma colère, parce qu'elle n'est pas la seule fautive. Sur ma liste des personnes à blâmer figurent également mes soeurs, ma mère et tous ceux qui ont regretté que ce soit Tate qui soit parti au combat plutôt que moi, et la liste est longue. Brusquement, j'ai envie de tout envoyer valser et d'arrêter de prendre sur moi et d'excuser les autres. J'ai envie de lui hurler tout ce que je retiens, mais les mots s'arrêtent dans ma gorge et mes hurlements pourraient avertir les autres paysans, ce dont je n'ai aucune envie. Je suis bouleversé, et les autres prendraient un malin plaisir à déformer ce qu'ils auraient vu. Je serre les dents et je la regarde, tentant de déchiffrer son expression, mais je ne sais pas trop quoi voir. Et les seuls mots qui franchissent le seuil de mes lèvres sont:

    « Tu n'es pas la seule à avoir souffert. Tu es juste... égoïste. »
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 21:26

Je ne pense pas qu'il prendra mal ce que je lui dis. Je suis comme ça avec tout le monde. Oui, je lui en veux plus qu'aux autres, mais si cela avait été un autre paysan qui avait été blessé, je lui aurais dit exactement la même chose. Je ne suis pas douée avec les gens, et je n'ai pas envie de l'être. Je le préviens. Mieux vaut prévenir que guérir non ? Mais puisqu'il est tellement égocentrique, il croit que je me comporte spécialement pour lui. Eh bien, tant mieux pour lui, si cela lui fait se sentir important. Mais il peut garder ses pensées pour lui au lieu de me les délivrer avec un tel ton. Au début, je crus qu'il allait sincèrement s'excuser pour tout ce qu'il m'avait fait subir, avec Tate. Mais il prit un ton mauvais et maintenant, il était carrément en train de m'insulter indirectement. Et d'essayer de me rendre coupable de ne pas me comporter assez bien pour Tate. Qu'en savait-il, de toute façon ? Il ne le connaissait pas comme moi je le connaissais. J'avais passé 15 ans à ses côtés, et lui ? Juste 6 ans ! Même pas la moitié. Je le regarde avec l'air le plus neutre possible alors qu'il délivre son petit discours. J'ai pratiquement envie de rire tellement il est ridicule. Tate me connaissait très bien, et il savait que si je demandais à quelqu'un de ne pas me voler, ce n'était pas parce que je le détestais. J'étais prudente, et cela avec tout le monde. J'étais presque agressive, mais dans ce cas là, il n'avait pas de raison de penser que j'avais été méchante avec lui. Alors que je suis prête à lui rire à la figure, il arrache violemment le bandage que je viens de lui faire et me le jette à la figure. Je reste immobile, et neutre. Mais ce n'est pas exactement ce qu'il se passe à l'intérieur de moi. Est-il sérieux ? Vient-il de me jeter un bandage que je lui ai gentiment fait avec des matériaux que j'ai acheté ? J'ai raison, au final. Il ne mérite rien. Sa dernière phrase finit de m'achever. Pendant un milliseconde, je parais sonnée. Mais ayant parfait contrôle de mes expressions, je me reprends et essaies de paraître la plus neutre possible. Je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas quoi faire. Je reste simplement sur mes deux pieds en essayant de ne pas exploser. Je n'insulte pas les gens, la plupart du temps. Et je n'allai pas faire une exception à la règle.

Comment ose-t-il même s'appeler un innocent ? Il ne pense pas qu'il a une petite part dans ma douleur ? Je l'observe, pour la première fois depuis une éternité, dans les yeux. Des yeux noisette qui n'ont pas l'air une seconde d'être en train de mentir. Il pense vraiment ce qu'il dit. J'ouvre ma bouche quelques instants mais rien ne sort. Alors je détourne le regard car cela me distrait trop et commence à réfléchir. Que lui dire ? Tant de pensées s'entrechoquent dans ma tête. Maturité. C'est exactement ce qu'il a dit. Je suis sure qu'il sait exactement ce que ça veut dire, la maturité, lui. Lui qui évite toujours de parler aux gens et qui fait tout pour n'avoir aucuns contacts sociaux. Moi, je ne parle pas, mais quand on m'adresse la parole, je réponds. Le fait qu'il amène Tate dans la conversation me fait le haïr encore plus. Qu'il puisse essayer de changer mon comportement en pensant que mon frère ne serait pas content que j'agisse de cette façon. Selon lui, je dois vivre ma vie pour lui rendre hommage ? Chose impossible. A mes yeux, mon frère était tellement au dessus de tout le monde. Parfait. Il était tout ce que j'aurais aimé être, mais puisque je n'étais arrivé à l'égaler, j'avais préféré aller dans l'autre direction. Oui, c'est vrai, je suis une honte par rapport à mon défunt frère. Est-ce que c'est cela qu'il veut que j'avoue ? Je me mords la lèvre en regardant sur le côté. Je n'aime pas quand le nom de mon frère arrive dans les conversations. Cela me rend émotive et je déteste que l'on puisse même imaginer que je sois capable de ressentir quelque chose. Je serre les poings et me reprends. Ce n'est pas ce petit gars qui va me perturber.

Lentement, je me baisse et rattrape le bandage qui après avoir touché mon front, était tombé par terre. Tâché de sang. Inutilisable, à présent. Je serre la mâchoire et fixe mon regard dans le sien, avant de m'avancer sans quitter son regard, prendre sa main, l'ouvrir, mettre le bandage dedans et la refermer.

« Tu peux me dire ce que tu veux, tu sais. Cela ne me fait rien. Mais ne gaspille pas ce que j'ai durement gagné, car tu sais autant que moi la valeur qu'ont les biens dans ce district. »

Je commence à sourire, légèrement. Je déteste la proximité avec les gens, mais dans ce cas là, cela lui montre que je n'ai vraiment pas peur de lui. Que ces mots ne m'ont vraiment pas touché .. Même si c'est faux. Mais il me fait rire, un peu. Cette manière dont il a peut-être cru, pour un instant, qu'avec ces mots, il pourrait me blesser. Ou croire qu'il avait raison. Non, il n'a pas raison, puisque je suis toujours celle dans cette position. Qu'il ose parler de Tate comme s'il le connaissait mieux que moi m'afflige déjà assez. Ensuite, qu'il puisse parler de moi comme s'il me connaissait ne serait-ce qu'un peu est encore plus incroyable. Combien de mots nous avions échangé depuis que nous nous connaissions, je ne les avais pas comptés, mais surement qu'ils ne feraient pas plus que les doigts de la main. Je ne m'étais jamais intéressée à lui, autrement que pour le haïr de me voler l'être le plus précieux sur terre à mes yeux. Être égoïste dans la situation dans laquelle je suis n'est pas un défaut, mais une nécessité. Oui, je pense à moi plus qu'à tout autre. Et encore même, je ne suis pas si égoïste que ça, avec tout ce que je fais pour ma famille que je n'aime même pas. Travailler dans les champs, m'inscrire pour le tesserae. Je pourrais tout garder pour moi, me construire un abri de fortune et vivre seule. Mieux encore, je pourrais partir de ce district et rejoindre le district 13. Oui, je pourrais faire tout ça. Mais je ne le fais pas. Essentiellement parce que je tiens à ma famille, et que dans ce cas là, je crois que Tate serait fier de moi. Je pense à mon frère. Tous les jours. Et il ne sera pas celui qui me fera culpabiliser d'agir comme je le fais.

« Si j'étais vraiment égoïste, crois-tu que je mènerai cette vie ? Tu me fais rire, Graham. Vraiment. Et en reprenant ton mode de fonctionnement, crois-tu vraiment que Tate serait content que tu t'adresses à sa sœur de cette manière ? Tu ne me connais pas, n'essaie pas de prétendre le contraire. Tate me connaissait, et il était le seul. Ne crois pas qu'à cause de ta relation avec lui, cela te donne un certain droit sur ma personne. »

Je soupire.

« Tu dois te sentir important, tout de même. Pour penser que je suis comme ça parce que tu es .. tout simplement toi. Mais surprise ! Je suis comme ça avec tout le monde. Ce n'est pas un crime de s'assurer que quelqu'un que tu ne connais pas ne te volera pas tes affaires. »
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 22:19

    Je la regarde et je ne comprends pas. Ou bien je n'ai pas envie de comprendre. Je n'aurais pas pensé qu'elle me retourne ma phrase. Est ce que Tate serait fier de moi? Non. Même si notre amitié était plus forte que tout, les liens du sang ont toujours passé d'abord pour lui. Si il était vivant, il ne m'aurait jamais laissé me comporter ainsi avec sa petite soeur. Mais elle ne comprend rien, elle non plus, alors mon esprit s'emmêle et mon coeur fait un triste bond dans ma cage thoracique. Il y a comme une tension dans l'air. Elle vient de moi, je le sens. Freya, elle, semble juste... juste normale. Alors que ces mots viennent de détruire mon monde. Son égoïsme me désespère et me rend nerveux en même temps. Je me sens brusquement las, l'adrénaline qui s'était infiltrée dans mes veines s'étant dissipée. Je ne peux plus me cacher derrière ma colère et cela me frustre. Je me mords la langue avec fureur, et le goût salé du sang se répand lentement dans ma bouche. Je tente de dire quelque chose, mais mes dents s'entrechoquent et aucun son ne franchit le seuil de mes lèvres. Elle non plus ne me connaît pas, que je sache. Elle ne sait rien de moi. Elle fait des déductions alors qu'elle n'envisage même pas le plus simple. Je ne me sens pas important. Je ne me suis jamais senti important: comment aurais-je pu? Ma propre famille me traite mal, alors que je sue sang et eau pour eux et que je suis celui qui a pris le plus de tesserae. Je suis tout simplement dégoûté, et pendant un instant, j'ai envie que ce soit mon nom qui soit sorti deux ans auparavant. Rien que pour ne pas à devoir supporter des reproches qui ne sont pas mérités.

    Je resserre le poing encore plus fort sur le bandage taché de sang, les mâchoires serrées, livide. Il faut que je m'éloigne d'elle. J'ai non seulement l'impression d'entendre Tate me parler, mais c'est trop dur de voir ce que les gens pensent vraiment de moi. Est-ce que j'ai l'air si... si égoïste? Je ne dis jamais rien. Je travaille dur. Il est vrai que je semble hautain, mais je ne fais de mal à personne. Même lorsque mon dos me fait mal, je ne le dis pas à mon père. Je ne me plains jamais. Depuis la mort de Tate, je passe mon temps à aider les autres. Je ne garde rien pour moi. Je ne suis ni égoïste, ni mauvais. C'est injuste. J'ouvre lentement ma paume et laisse le bandage tomber à terre. Pas de redevance. Je la regarde et mon expression est indéchiffrable. Je la déteste. Je déteste Tate. Je me déteste. J'ai la gorge serrée et mes joues me brûlent. Je la fixe sans émotion. Je devrais peut-être mourir, pour lui faire plaisir? Nous ne nous sommes parler que très peu mais l'impact qu'elle a sur moi est dévastateur. Je sens mes poils se hérisser et l'écorchure de ma langue s'ouvre un peu plus. Tu es quelqu'un de bon, Graham. Je tente en vain de m'en convaincre, mais je ne suis plus sûr de rien. Les larmes me montent aux yeux. Freya n'a pas dit grand chose, mais le sentiment que je sens affluer est similaire à ce que je ressentais lorsque ma mère m'a puni, le jour où Tate a été choisi pour les Jeux. J'ai envie de fermer les yeux et de me convaincre que ce n'est qu'un mauvais rêve. Je secoue la tête de droite à gauche avec lenteur.

    « Tu crois vraiment que je pourrais voler, ou faire du mal ou quoi que ce soit à la soeur de mon meilleur ami? Je ne suis pas comme ça. »

    J'essuie mon front en sueur d'une main.

    « Je ne me crois pas important. Toi non plus tu ne sais rien de moi, et Tate était aussi le seule à me connaître réellement. Arrête de croire que ça ne s'applique qu'à toi. » j'ajoute en reniflant avec dédain. « De toute façon, tu ne m'en veux que parce que c'est ton frère, et pas moi, qui est mort pendant les Jeux de la Faim. Mais tu t'en prends à la mauvaise personne, Freya. Déteste le Capitole, mais pas moi. Quoi que, fais ce que tu veux. Ca ne sera que le comportement d'une gamine qui pense qu'elle doit tout prendre en charge, alors qu'elle ne sait rien de la vie des autres et qui se croit la seule à souffrir. » A chacun de mes mots, je m'avance vers elle, la pointant de l'index. « Si tu dois me haïr, haïs moi pour des raisons valables et solides. » Je me retourne brusquement, remonte mon pantalon trop grand pour moi et mets de côté une mèche de cheveux qui pendouille sur mon front. « On devrait retourner au travail. Ca fait longtemps pour une simple pose de bandage et il nous reste beaucoup à faire avant la tombée de la nuit. » je dis comme si rien ne s'était passé à l'instant même.

    Je regarde le bandage que j'ai laissé tombé par terre, plein de regrets. Tant pis. « Merci pour le désinfectant quand même. Passe au bureau de mon père après le travail. Il t'offrira des nouveaux bandages et des désinfectants dignes de ce nom. » Je retrousse mes manches et repars vers le champ à une allure bien plus énergique qu'à l'aller. Je veux mettre le maximum de distance entre elle et moi, parce que c'est trop difficile de me contenir, de ne pas exploser, soit en sanglots, soit en hurlements. Elle a ouvert une faille et j'ai bien peur de ne pas pouvoir lui rendre la pareille.
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 22:57

Je sens que j'ai touché quelque chose en lui .. Et malgré ce que j'aurais pu penser, cela ne me plait pas particulièrement. Je suis peut-être agressive et dure à approcher, mais je ne suis pas fondamentalement méchante. Ou en tout cas, c'est ce que j'ai toujours pensé. Je n'aime pas faire du mal aux autres, et j'ai maintenant bien l'impression que c'est ce que j'ai fait. Et tout cela avait commencé avec une moyennement bonne intention de ma part. J'ai envie de soupirer mais je reste stoïque en observant chacun de ses mouvements, et des changements dans son expression faciale. Il a l'air de réfléchir intensément, et de retenir beaucoup de choses. C'est bizarre. Je ne l'ai jamais vu dans cet état là et je me demande si j'ai vraiment ce pouvoir, de créer ce genre d'émotions chez les gens. En général, je ne regarde pas vraiment ce que provoquent mes paroles chez les autres, mais dans ce cas présent, je suis obligée. Détester quelqu'un, c'est quand même s'occuper de lui. Sinon, je l'ignorerais tout simplement. Il m'affirme qu'il n'est pas voleur, d'accord, je le crois. Après tout, mon frère m'en aurait parlé, même s'il ne me disait pas grand chose à propos de Graham. J'imagine qu'il ne disait pas à Graham beaucoup de choses à propos de moi. Gardant ces deux relations les plus séparées possibles. Il avait cette qualité, mon frère, de pouvoir faire sentir à chaque personne qu'il fréquentait qu'elle était importante à ses yeux. Je me suis toujours demandé de qui il avait hérité ça, et je pense que c'est de ma mère. Mon père a toujours été très détaché. Je respire toujours de manière très calme, alors que les paroles de Graham m'atteignent beaucoup plus que je ne le laisse paraître. Oui, généralement, je me fiche bien de ce que les autres peuvent penser de moi. Je n'ai pas besoin d'eux. Mais d'un autre côté, savoir que Graham, le meilleur ami de mon frère lorsqu'il était vivant, pense cela de moi, cela me rend triste. Ou en colère. Ou .. Je ne sais pas vraiment. Je n'ai jamais été bonne pour analyser mes sentiments. J'essaie de me convaincre qu'il faut que je laisse ça passer et ne pas m'en préoccuper, mais je n'y arrive pas. Moi, Freya. C'en est presque amusant.

Dans un sens, c'est vrai, ce qu'il dit. Ce n'est pas vraiment de sa faute. Mais je n'arrive pas à l'avouer, car c'est plus facile. Plus facile de blâmer la faute sur une seule personne, une seule personne qui peut facilement disparaître d'un jour à l'autre, plutôt que sur tout un système. Un système qui semble inébranlable. J'essaie de ne pas y penser et passe rapidement à quelque chose d'autre. Je hais qu'il puisse me juger comme ça. Je n'ai jamais prétendu toutes ces choses qu'il me balance, et pourtant, je ne réplique pas. Sans savoir si c'est parce que je suis d'accord avec lui, inconsciemment, ou parce qu'il est trop loin de la vérité pour que je m'en préoccupe. Je le laisse parler. Je feins de regarder les quelques arbres aux alentours en attendant patiemment que cette conversation se termine. En réalité, j'examine et j'entends chacun de ses mots, et ils me touchent. Je déteste ça, il faut le dire. J'ai l'impression de me sentir nue. Il se retourne et j'ose l'observer à nouveau, sa tenue, sa posture, son corps. N'importe qui le voyant pourrait définir son statut social et sa profession, et pourrait essayer de définir sa personnalité sur ce modèle. Sauf que je sais très bien, à présent, que c'est impossible de déduire ce qu'il se passe à l'intérieur d'une personne dont on ne voit, tous les jours, que la carapace. Il balaye la conversation comme si rien de tout cela ne s'était passé, et cela me convient. J'essaie de me ressaisir et n'entends pas ses dernières paroles. Je le regarde juste s'éloigner et réfléchis. Je n'ai pas tellement envie de retourner dans les champs, mais j'y suis obligée. Je commence à marcher, rapidement, comme à mon habitude, et bientôt, sa silhouette reparait dans mon chemin. Mon visage se contracte. De toute façon, personne ne peut me voir, aucune raison de retenir mes expressions.

J'avais de l'espoir, à l'époque. Quand Tate était mort. Je m'étais dit qu'il restait Graham, qu'il ne m'abandonnerait pas, qu'il s'occuperait de moi. Étant plus âgé. Qu'il veillerait sur moi, même si nous ne nous parlions jamais et que nous étions même en mauvais termes. Mais jamais il n'était venu. Même pas pour présenter ses condoléances. Rien. J'avais plus de haine à son égard à cause de cela que du moment de la Moisson, à vrai dire. J'avais l'impression qu'il avait effacé Tate de son esprit, comme ça. A vrai dire, j'avais eu besoin de lui. Il aurait dû le deviner. C'est à ce moment là que j'ai commencé à ne plus compter sur les autres, et à ne penser qu'à moi même. Personne ne pensait à moi, pourquoi est-ce que j'aurais dû me préoccuper d'eux ? A y penser il ne m'avait jamais donné d'explication. Il ne s'était jamais excusé pour ça. Rien. A vrai dire, je crois qu'aujourd'hui est la première fois que je l'ai entendu prononcer le nom de Tate depuis les jeux. Rapidement, je me rends compte que je ne suis que quelques pas derrière lui et sans penser, je lui lance des mots.

« Tu veux vraiment que je te donne une raison valable, solide ? Tu veux savoir pourquoi je te hais, plus que tout ? Peut-être que tu crois que c'est parce que tu ne t'es pas proposé d'aller dans l'arène à la place de mon frère. Mais je pense que tu sais que ce n'est pas ça la vraie raison. C'est plus facile de penser ça, non ? Tout le monde peut te rassurer. Te dire que tu as fait le bon choix. »

Je m'arrête quelques secondes et reprends. Je ne sais même pas s'il m'écoute, mais je marche toujours derrière lui.

« Le jour où nous avons vu la mort de Tate à la télévision, je suis restée à côté de la porte à attendre. Et j'ai vu une procession de gens venir présenter leurs condoléances, apporter quelques cadeaux pour la famille malgré la pauvreté du district. Tate était aimé. Il avait tellement de gens qui tenaient à lui. Mais je connaissais la seule personne, à part moi, à qui il tenait de manière inconsidérée »

Ma voix me surprend, à craquer sur le dernier mot. Je me reprends rapidement.

« Ce soir là, j'ai dormi sur le pas de la porte. Parce que j'étais convaincue que cette personne viendrait. Que je ne serais pas toute seule, parce qu'il y avait quelqu'un d'autre qui connaissait la valeur de Tate autant que moi, qui pourrait m'aider, que je pourrais aider également. Mais elle n'est jamais venue, tu sais. Alors j'ai cru qu'elle avait déjà oublié Tate, et je le détestais pour ça. »

Je m'arrête, m'attendant à ce qu'il le fasse aussi.

« Pourquoi ? » un seul mot, car je savais qu'il comprendrait exactement.
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeSam 19 Nov - 23:56

Elle insiste. Elle n'est que quelques mètres derrière moi et le vent frais qui calme mon front brûlant porte ses paroles. Mon coeur se serre. Elle touche la corde sensible. Merci. Chacun de ses mots me fait l'effet d'une claque et je me retrouve avec le souffle coupé alors que je ne marche pas tellement vite. Je ferme mes paupières un instant, hésitant à couvrir mes oreilles pour me protéger de ce qu'elle dit. Finalement, je laisse mes oreilles nues et je tente d’accélérer encore plus mais je n'arrive pas. Peut-être que Freya a raison? Non. Elle ne peut pas avoir raison. Pas encore une fois. Et pourtant, alors qu'elle me parle du jour de la mort de Tate, je comprends où elle veut en venir et ma gorge se serre. Les derniers remparts de mes émotions s'écroulent et alors que j'entends qu'elle s'arrête, laissant en suspens sa simple question - pourquoi?- les larmes affluent et perlent sur mes joues blêmes. Je n'ai jamais oublié Tate, et rien que l'idée que quelqu'un ait pu penser cela de moi me fait mal au coeur. Comment aurais-je pu oublier Tate? Je m'arrête à mon tour et je reste planté en plein milieu du chemin, me sentant comme un gamin qui vient de perdre toute dignité. Je renifle péniblement, tentant de me calmer, mais mes pleurs redoublent d'intensité et je crains qu'elle ne l'entende. Mes mains s'agitent. On dirait des mains de vieillard: calleuses, fortes, tremblantes. J'essuie sans conviction les larmes alors que d'autres coulent sur mes joues. Toute la tristesse de ces deux ans remonte et je me sens à nu. A vif. Je me mords la lèvre inférieure pour arrêter de pleurer mais sans succès. Mes épaules sont secouées par de longs sanglots et je me sens stupide. Je ne dois pas pleurer. Je suis trop fort pour pleurer comme un gosse. Et pourtant je ne m'arrête pas, et je pleure jusqu'à ce que mes yeux soient secs. Derrière moi, elle ne bouge pas. J'efface les dernières traces de ma tristesse et je tente de garder une contenance alors que je me retourne vers elle.

« Parce que c'est plus simple d'oublier que de devoir supporter les autres et leur besoin incessant de te rappeler qu'il est mort. » Mes yeux me piquent. « Ce n'est pas de l'égoïsme. Je voulais juste me protéger. C'est déjà assez pénible comme ça. Tu devrais comprendre. C'est une manière comme une autre de se rassurer. » Je tente de marcher mais mes jambes ne me portent plus. Je m'assois lourdement sur le sol, remonte les genoux et place la tête entre mes deux mains. Je reprends ma respiration. « Je n'avais pas le courage d'affronter les autres. » je résume simplement. Et c'est la pure vérité.

Je ne me suis jamais considéré comme un lâche. Loin de là. A ma façon, je suis brave, ou du moins, je pense que je le suis. J'intériorise tout. Et je protège donc mes proches de ma propre tristesse. C'est encore un peu confus dans ma tête, et je ne suis pas sûr de pouvoir mettre des mots là dessus, mais je sens que si je tente d'oublier, si j'arrive à ne plus y penser, la peine s'arrêtera nette et je retrouverais la personne que j'étais avant. Freya devrait aussi comprendre ça. Je n'ai pas toujours été comme ça. Même plus jeune, en étant réservé, j'étais quelqu'un d'assez normal. Pas particulièrement sociable, mais j'avais encore une étincelle qui attirait les autres. Et maintenant que cette étincelle est morte en même temps que Tate, je n'ai plus le courage de la retrouver. Je voulais juste que la peine s'arrête. Juste ça. Est-ce que cela fait de moi quelqu'un d'égoïste? J'espère de toutes mes forces que non, mais à vrai dire, je sais au fond de moi que je le suis. Et c'est douloureux. Parce que Tate était si généreux, si lumineux, si chaleureux que je ne me sens pas à la hauteur. Je me sens si inférieur, si ridicule que j'ai envie de vomir. Que quelqu'un m'achève et que cette vie de regrets s'arrête. Je relève doucement la tête et je laisse mon regard se voiler en observant les champs de coton qui s'étendent à perte de vue. Je n'étais qu'un gamin de seize ans à l'époque. Un gamin déboussolé. Elle devrait comprendre. Non, elle ne devrait pas comprendre, elle devrait juste accepter que l'on ne peut pas être fort, courageux et honnête en tout temps. Que c'est humain de laisser tomber.

« Le lendemain du jour où Tate est mort, j'ai été trop sonné pour faire quoi que ce soit. Alors je suis allé aux champs. Tate travaillait dans la plantation de blé. J'ai essayé de comprendre. Je n'ai pas réussi, et encore aujourd'hui je ne comprends pas. Je me suis allongé dans l'herbe et j'ai pleuré. C'était en été, mais il faisait froid et il pleuvait. » Je renifle difficilement. « Je n'avais plus rien. On m'avait enlevé ce qui ressemblait le plus à une famille. Comment j'aurais pu croire que quelqu'un aurait pu m'aider à surmonter cette épreuve et vice-versa? J'étais désespéré et je croyais que cette douleur ne s'appliquait qu'à moi. Tu m'as entendu? Pas pas égoïsme. Mais par désespoir, principalement. »

Les idées fusent pêle-mêle dans ma tête sans que j'arrive à les exprimer. J'espère que Freya a compris le sens général, mais moi même je ne comprends rien. Je pense que c'est la chaleur, ou le manque de nourriture qui me rend si stupide. Je me relève. « Je suis désolé. » je dis en reprenant ma marche, tentant d'oublier qu'il y a quelques instants j'étais en train de pleurer comme un enfant.
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeDim 20 Nov - 10:49

J'essaie d'analyser ses mouvements, de dos. Je n'arrive pas à voir grand chose, mais j'ai bien l'impression que mes mots l'ont touché .. particulièrement. Je vois ses épaules remuer et je m'arrête de respirer un instant, pensant que j'aurais pu le faire pleurer. Non. Une des raisons pour laquelle je ne montre pas mes sentiments, c'est surtout que je déteste quand les autres le font. C'est inutile. Je ne suis pas insensible, même si j'essaie de m'en donner le genre, et imaginer que je puisse causer une telle peine chez Graham me donne mal au cœur. Ma poitrine se serre mais j'essaie de garder une respiration normale, constante. Et encore, il n'est que de dos .. Je n'ose même pas imaginer ma réaction si je pouvais voir son visage. Il reste longtemps comme ça, et je m'efforce de serrer les dents et les mains pour ne pas réagir à son état. Même si d'un côté, cela devrait me donner de la satisfaction, je n'arrive pas à ressentir même un minime soulagement. Il souffre, évidemment. Autant que moi, surement. Je ne m'en veux pas, bien évidemment, puisque je n'ai fait que poser la question qui me taraude depuis deux ans. J'ai juste besoin de connaître la réponse, même si inconsciemment, je la connais très bien. L'entendre le dire me soulagerait, ou en tout cas, je l'espère. Il se décide enfin à se retourner et je le regarde, avec un peu de peine dans le regard. Même s'il a fait du mieux qu'il a pu pour effacer ses larmes, il est évident en voyant ses yeux et son visage qu'il était en train de pleurer. Je détourne le regard un instant puis me reporte sur lui. Il commence à parler. Je m'attendais à ce qu'il me dise qu'il ne l'avait jamais oublié, mais ce n'est pas ce qu'il dit. La peine que je ressens pour lui s'efface immédiatement et je me remets à le haïr. Lâche. Oui, c'est exactement ce mot qui se répète inlassablement dans ma tête. Mais d'un côté, je le comprends. Combien j'ai haï les gens qui, tout au long de l'année suivant sa mort, m'ont présenté leurs excuses et le reste ? Même s'il aurait été plus facile d'oublier Tate, j'ai fait l'effort. De penser à lui, tous les jours. Mais pas à sa mort, juste des bons moments que nous av ions passés ensemble, parce que je lui dois bien ça. S'il était venu me voir, je n'aurais probablement pas parlé de Tate du tout, à vrai dire. Rien qu'une présence m'aurait suffi. Maintenant, j'ai appris à vivre totalement seule, cela ne fait plus vraiment de différence.

Je croise les bras et m'efforce de regarder vers le ciel. Beaucoup plus facile de réfléchir sans avoir à observer ses traits. J'ai envie de rire, en entendant ses paroles. Exactement en train de s'expliquer en utilisant des choses dont il m'accusait quelques minutes auparavant. Il ne cesse de se contredire. En tout cas, il n'est pas complètement froid et renfermé, et je me demande si cela le dérange, que je sois comme ça. On peut très facilement penser que je m'en fiche, de Tate, après tout. Je ne pleure jamais, je ne montre jamais même un signe de tristesse. J'ai toujours pensé que c'était plus facile pour les autres, mais peut-être que ça les met mal à l'aise, et que cela leur donne des fausses idées sur moi. Je ne pourrais pas blâmer Graham d'avoir pensé que je préférais être seule, puisque j'adoptais cette attitude tout à fait naturellement. Mais je déteste penser que j'ai une faute à avoir dans cette histoire, beaucoup plus facile de mettre la faute sur le dos des autres. Je l'entends se relever et s'excuser. Pourquoi, je ne sais pas. Pour son comportement, il y a deux ans ? Pour son explication ? Pour sa fuite ? Je le regarde s'éloigner et le laisse prendre un peu d'avance, sachant que je pourrais le rattraper facilement.

Et puis ça reprend, je le rattrape et je marche derrière lui quelques instants avant de me mettre à parler. J'ai l'impression que ça va réellement être comme ça durant tout le trajet. Mais c'est vrai que c'est plus facile, de parler à un dos, plutôt qu'à un visage. Est-ce que cela fait de moi une lâche ? J'attrape son épaule, l'obligeant à s'arrêter et me plante devant lui. Je ne suis pas un lâche, je peux le regarder sans perdre ma contenance.

« Je t'ai entendu, et .. je peux comprendre. Mais cela ne veut pas dire que je l'accepte. C'est vrai que ça ne sert à rien de s'abandonner à des « et si » mais tu aurais pu faire quelque chose. Aussi bizarre que cela puisse paraître, j'en attendais plus de toi, mais au moins, maintenant, je ne me fais plus de faux espoirs par rapport aux gens. Peut-être que je peux te remercier pour ça. »

Je soupire et replace une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille. Ils sont coiffés en une simple queue de cheval, comme tous les jours. Beaucoup plus pratique que n'importe quoi.

« Tate était vraiment un être exceptionnel. Je n'ai pas envie de l'oublier, mais je suis sûr qu'il n'aimerait pas qu'on se rende triste pour lui. Je préfère me rappeler de nos bons moments que de sa mort. Il avait tellement de confiance en l'humanité, tellement de joie et d'entrain, et regarde nous. »

Je baisse la tête.

« Tu pourrais avoir des amis, je veux dire, je vois la façon dont les gens .. te regardent. Enfin, je veux dire, les filles. Je suppose que le côté mystérieux et torturé a son lot de popularité. »
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeDim 20 Nov - 14:55

Chacune de ses phrases en rapport avec Tate me met mal à l'aise à présent, si ce n'est encore plus qu'auparavant. J'ai envie de m'enfuir, mais Freya est bien droite devant moins, et ça serait impoli de la contourner alors qu'elle me parle. J'essaye de me concentrer sur les arbres environnants, mais elle me regarde dans les yeux et pour la première fois, je m'autorise à regarder son visage avec précision. Et c'est un spectacle étonnant qui s'offre à moi, sans que je puisse y faire grand chose. Je détaille ses cils étonnement longs et ses traits fins, n'écoutant même plus ses mots, absorbé à la contemplation de Freya. Elle a dans les yeux une lueur intelligente que je ne retrouve que dans les yeux de très peu de gens. Malgré moi, je me retrouve à vouloir la serrer dans mes bras jusqu'à l'en étouffer. J'ai besoin d'un contact, de retrouver une espèce de chaleur. Cela fait bien longtemps que j'évite les démonstrations d'affection - mais est ce que j'en ai vraiment pour Freya?- et je ne sais pas si j'en ai envie ou besoin à présent. Je détourne les yeux alors qu'elle prononce ses dernières phrases et j'en ai le souffle coupé. Mais de quoi parle-t-elle? Premièrement, je n'ai aucune envie, aucun besoin d'avoir des amis. Je me suis très bien débrouillé seul depuis deux ans. Deuxièmement, je voue une sorte de haine pour toute personne féminine. L'expérience m'a prouvé que toutes les femmes sont cruelles et sans coeur. En haut de la liste des pires femmes du district, je place instantanément ma soeur aînée et son besoin incessant de me rappeler que je ne suis rien. Heureusement qu'elle s'est mariée - je plains son mari - et qu'elle soit partie du domicile familial. Devoir supporter ses regards, ses murmures, ça aurait été bien trop difficile pour moi. Et troisièmement, la manière dont Freya traite mon attitude me dégoûte, et je n'ai jamais été le gamin populaire qu'était Tate. Est-il utile de préciser que je n'ai aucune envie d'être entouré d'une cour gloussante. Et puis de toute façon, je ne suis pas attirant, et je m'en fiche royalement. J'hausse un sourcil en tentant de me calmer.

« Tu sais aussi bien que moi que je ne veux rien de tout ça. Et puis, après avoir été ami avec ton frère, ça me semblerait bien fade et futile de développer une amitié ou que ce soit avec quelqu'un. Personne ne pourra le remplacer. » Au loin je vois les autres relâcher la pression. Vu que Freya et moi - les deux plus travailleurs du groupe - ne sommes pas là, ils pensent pouvoir continuer le travail à leur rythme et bavarder encore plus. « Tu sais aussi bien que moi que les autres ne comprennent pas. Ils sont déjà oublié Tate, et ça je ne peux pas le pardonner, même si tu penses que moi aussi je ne pense plus à lui. » Je redirige mon regard vers Freya et je le plante dans ses yeux. « Ce qui est bien évidemment faux. » Je frotte mon front qui est devenu douloureux. Je n'ai plus l'habitude de me confronter à tant d'émotions d'un seul coup, et cela se ressent. « Je pourrais aussi bien te retourner la question. Contrairement à moi, quand on te parle, tu réponds. Avec peu de tact, mais tu réponds. Tu pourrais très bien avoir une cour de prétendants, et l'apprécier, même juste en apparence. Ca rassurerait tout le monde. »

J'avale difficilement ma salive. Depuis la mort de Tate et depuis mon changement d'attitude, toute ma famille - ou du moins mon père - a voulu que je devienne plus proche des Brisbane, sans succès. C'était trop douloureux, et la plaie était encore à vif. Chaque soir, après le travail, mon père me demandait - et me demande toujours - comme Freya allait. Au fur et à mesure, cette unique phrase est devenue une espèce de blague pour mon père, qui a cru que le sort des Brisbane ne m'importait plus et que j'avais fait mon deuil de Tate. Comme quoi, si j'arrive à faire avaler n'importe quoi à mon père sans ciller, je dois bien réussir à donner l'impression que tout va bien aux autres. Si mon paternel prend désormais la mort de Tate comme une blague de mauvais goût, ma mère ne cesse de vouloir prendre des nouvelles que Freya et de s'inquiéter pour elle. Elles ne se sont jamais rencontrées, mais ma mère la préfère largement à moi. Je sais qu'elle aurait préféré avoir une fille comme Freya qu'un garçon comme moi, même si nous sommes assez similaires sur certains points.

[MEGA COURT. pas de ma faute. 'dois y aller.]
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MessageSujet: Re: harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM   harder to look in your eyes →FREYA&GRAHAM Icon_minitimeDim 20 Nov - 15:46

Même si je n'aime pas l'avouer, je partage certaines opinions de Graham. Moi non plus, je ne veux plus aucun contact depuis la mort de Tate. Tout me semble tellement futile, et j'ai l'habitude de juger les gens comme automatiquement moins importants que mon frère. Comment pourraient-ils l'être ? Tate était parfait à mes yeux. Il avait tout, et je ne lui trouvais aucuns défauts, à part peut-être celui d'être trop gentil. J'étais loin d'être comme lui, et pourtant, j'étais sure qu'il m'aimait. Je n'en avais jamais douté. Il aimait un être imparfait et misérable comme moi, et j'avais l'impression que c'était une bénédiction divine. Maintenant, c'est parti, et dans un sens, je me sens un peu au dessus de tout. Je n'ai pas les mêmes préoccupations que les filles de mon âge, et même si je pourrais partager certains intérêts avec des garçons, ils me semblent toujours trop stupides et superficiels. Graham n'est pas comme tout le monde sur ce cas là, mais cela ne me donne pas envie de le fréquenter pour autant. Dois-je vous rappeler que je suis censée le haïr ? Mais plus cette conversation avance, plus je trouve cette tâche ardue. Il n'est pas méchant. Même s'il ne cesse de me juger sur des choses qu'il essaie de deviner, il n'a pas l'air d'avoir un mauvais fond. Je l'ai toujours su, mais le voir dans cet état en pensant à Tate, cela ne fait que le confirmer. J'aurais pensé que depuis le temps -deux ans tout de même- la douleur se serait atténuée. Peut-être que c'est le cas, et qu'il était encore plus bouleversé à l'époque. Je ne sais pas, je ne lui demanderai pas. Mes dernières paroles semblent l'étonner un peu, ou je ne sais pas, je n'arrive pas vraiment à savoir ce qu'il se passe dans sa tête. Pratiquement tout le monde travaille au champ dans ce district alors il n'y a pas vraiment des gars avec un physique du Capitole. Selon les critères des adolescentes d'ici, Graham fait partie des top des partis potentiels. Je doute qu'une arrive à le pousser à l'épouser de toute façon, il a l'air totalement désintéressé de ce côté là. Je ne sais pas si c'est un genre qu'il se donne ou s'il le pense réellement.

Moi, une cour de prétendants ? Je m'autorise un demi sourire. Le pire, c'est que ce n'est pas totalement faux. Au début, disons. Quand je n'avais pas encore cette réputation dans le district, il arrivait assez souvent que des garçons m'abordent avec des phrases plus ou moins clichés. Autant dire que je les rembarrais assez rapidement. Certains masochistes s'y essayent encore mais je ne pense pas pouvoir être capable un jour d'aimer et de me laisser tomber à la vie d'une fille « normale ». J'ai l'impression que les femmes amoureuses deviennent si stupides que cela ne m'intéresse pas. Tate était plutôt populaire auprès des filles, mais cela n'était pas étonnant, il était gentil avec tout le monde. Il ne me semble pas qu'il ait jamais eu de relation, par contre. Tant mieux pour moi, j'aurais été jalouse.

« Ce n'est pas mon affaire si les autres sont rassurés ou pas. Je ne tiens à personne assez pour m'occuper de ce qu'ils puissent penser de moi, de mon comportement ou de ma vie. Je dois avouer que les relations me semblent dénuées de tout intérêt, après Tate, comme toi. Je n'en ai pas besoin, de toute façon. Cela ne ferait que rendre ma vie plus difficile. J'ai déjà à m'inquiéter pour le bien être de ma famille et cela me suffit amplement, surtout en ces temps-ci. »

Je l'observe quelques instants, en silence. Je peux voir, objectivement, comment il peut plaire, n'ayant pas particulièrement de tare physique. Être avec des garçons, ça ne me gêne pas, encore moins qu'être avec des filles. En général, ils se prennent moins la tête et sont plus concentrés pour travailler. Sans savoir pourquoi cependant, je n'arrive pas à soutenir son regard bien longtemps et me retourne pour commencer à marcher. Je crains sérieusement que nous nous fassions réprimander pour le temps que nous avons passé à ne pas travailler, et j'espère qu'il n'y eut pas de tour de Pacificateur en notre absence.

« Nous devrions retourner travailler. Je n'ai pas envie de subir les foudres des Pacificateurs, ainsi que les chuchotements des autres. »

Je ne l'attends pas et marche rapidement vers l'endroit ou nous travaillions tout à l'heure. Marchant bien vite que lui, je me remet au travail avant et ne l'observe pas. J'essaie avec tant de bien que de mal d'oublier totalement ce qu'il vient de se passer. Sans que je ne sache pourquoi cependant, tout ce qu'il a pu me dire me reste dans l'esprit. Cela se ressent dans mon travail. Je ne suis pas habituée à ressentir autant et je me sens plus fatiguée, physiquement, que d'habitude. Mes gestes sont plus lents et je n'arrive pas à tenir aussi longtemps. Moi qui aurait pensé que trouver la réponse à mes questions me ferait me sentir mieux, c'était exactement l'inverse.

Le jour décline rapidement et nous finissons notre travail en silence. J'essaie de ne pas rester proche de lui et rentre des champs en courant pour récupérer mon sac et rentrer chez moi. Ses mots, son expression, surtout le moment où les sanglots agitaient ses épaules, résonnaient à l'intérieur de ma tête. S'il y a une chose dont je me persuade à ce moment là, c'est que je n'essaierai plus de lui parler, pour aussi longtemps que je le pourrai.
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