elanor amarylla maslany

❝ WHO AM I LIVING FOR? ❞

about games and relative.

➺ COMMENT VOIS-TU TA MORT ?

Un jour peut-être, les gens du 13 en auront assez de voir mon visage de poupée à chaque moisson et leur colère l'emportera sur leur peur. Ils pousseront les peacekeepers et me jeteront des pierres. Comme ma mère, je mourrai quelques mois plus tard, le cerveau endommagé et à l'écart de la société. C'est une mort indolore, je suppose.

➺ APPRÉCIES-TU LE VISIONNAGE DES JEUX ?

Je le supporte, mais je n'apprécie pas spécialement de le voir. Non pas que je ne comprenne pas l'excitation qu'on peut ressentir pour un tel évènement, mais je ne sais pas, ça m'a toujours dérangé que ce soit des enfants. Petite, je craignais toujours d'être choisie même si mes parents me répétaient que c'était impossible. Cette drôle de peur est plus ou moins restée accrochée à mes pensées. Chaque année, je crains de devoir faire monter un enfant sur l'estrade du 12.

➺ QUE PENSES-TU DE LA REVOLTE ECHOUEE ET DES REBELLES ?

Dans un sens, je hais les rebelles pour m'avoir pris mon frère. Mais maintenant que je commence à réaliser pourquoi ils se battent, c'est un peu plus dur de vouloir qu'ils continuent d'échouer. D'autant que cela signifierait que Silk est mort en vain... Et je ne l'accepterais pas, même si pour l'instant je me vois très mal combattre à leur coté. Ma férocité est morte avec lui.

➺ QUE PENSES-TU DES VAINQUEURS DES JEUX ?

Je les admire grandement, et je les crains. Parfois, je regrette que nous autres du Capitole n'aient pas reçu une formation au combat. Je me sens si vulnérable face aux gagnants, et même face à ces foules qui portent en leur rang de futurs gagnants. Moi la menue habitante du Capitole, qui se briserait comme une brindille entre leurs mains...

➺ CROIS-TU AU BONHEUR ?

Bien sûr. Je ne sais ni où il est, ni comment l'atteindre, mais il existe probablement. À quoi bon vivre, si le bonheur n'existe pas ? Ne me traitez pas de naïve. C'est vous qui ne voyez que le coté sombre des choses. D'autant que je vis une bonne partie de l'année dans une ville sublime. Pourquoi serais-je malheureuse ? Ha...

➺ QUE PENSES-TU DE L'ORGANISATION DE PANEM ?

Elle est plutôt bien pensée. Vous ne trouvez pas ? J'ai lu quelque part que de tout temps, le seul moyen que la paix perdure est par le contrôle absolu d'un pays par une tête pensante. Le Capitole, c'est la tête pensante, en quelque sorte. Les districts, ma foi... Je ne comprend pas vraiment pourquoi ils sont si pauvres. Où y a-t-il eut une erreur pour que cela finisse ainsi ?

➺ COMMENT TE SENS-TU QUAND LE TEMPS DE LA MOISSON ARRIVE ?

Infiniment nerveuse, parfois même angoissée. J'ai beau m'améliorer chaque année dans la présentation de la moisson, cela reste un moment intense pour moi. La bonne chose, c'est ce que presque tout le reste de l'année, je suis tranquille. Il y a juste cette épreuve à passer, plutôt courte en soit, puis le trajet en compagnie des sacrifiés à endurer.

tell us your story.

Moi aussi, j'ai vu le visage de Silk. C'était un autre homme, plus âgé, qui se faisait battre devant nous. Pourtant quand j'ai su qu'il s'agissait d'un rebelle qui s'était infiltré chez nous, j'ai imaginé Silk à sa place. Maman a fait la même chose, et ça lui a valu un bon coup de matraque sur la tempe quand elle a voulu s'interposer.

C'était stupide, de vouloir protéger un inconnu. Mais maintenant, je comprend mieux pourquoi elle l'a fait. C'était une femme naïve, plus encore que moi, et pour la première fois elle voyait de près la violence que les Jeux cachaient derrière une caméra. Sa réaction fut à l'égale de son étonnement.

Après ça, elle est devenue folle. Et moi aussi. Silk n'était toujours pas revenu, et tous les soirs je rêvais de lui se faisant battre à mort par les peacekeepers. Jusqu'au matin, je suais et criais entre mes draps de soie comme si la répression était à mes trousses.

La différence entre ma folie et la sienne, c'est que celle de maman était causée par des tissus déchirés à l'intérieur de son cerveau. Ou quelque chose comme ça, le docteur a été plutôt vague. Il avait l'air dégoûté par ce qu'il disait, et les gens qui nous croisèrent ensuite l'étaient tout autant. Une femme qui s'arrête soudain, le regard vide et ayant oublié ce qu'elle faisait là, ou encore qui se met à crier des choses incompréhensibles, ce n'est pas exactement ce que le Capitole apprécie.

Je suppose que j'aurais dû me douter de ce qui allait arriver. Il n'y a jamais eut de marginaux chez nous, et ça n'allait pas commencer avec ma mère, aussi aimée et brillante qu'elle eut été auparavant. Au moins, elle n'a pas été tuée comme le rebelle. Elle s'est juste éteinte tout doucement, enfermée par la honte chez nous, ignorée de son mari, sous mon regard impuissant et apeuré.

Avant que Silk ne parte et que maman ne meurt, je n'avais connu la peur qu'une seule fois. Une peur complètement différente. Le cheval s'était emballé, malgré son dressage impeccable, et j'avais fini avec une jambe dans le plâtre. Pas grand chose, mais assez pour me dissuader de remonter un jour sur les montures immenses et parfaites du Capitole. Maman en fut si déçue qu'elle se débrouilla pour faire abattre la bête. Ce que je n'appris que des années plus tard. Je la détestai pour cela, mais pas autant que je me détestai.

Ma mère et ce cheval avait pourtant beaucoup en commun. Ils n'avaient pas su être à la hauteur.

Le reste de mon enfance, je l'ai oublié. À part Silk me promettant que j'allais devenir une grande actrice, rien n'est resté. Il était mon héros et je le croyais aveuglément. Mais il avait tord. Mon père n'a jamais voulu que je fasse autre chose que le meilleur. Le théâtre, le cinéma, c'est pour les artistes, et les artistes sont pauvres. J'ai donc commencé des études de journalisme et de photographie. J'avoue apprécier la photographie, mais pas autant que la scène.

Vivre seule avec lui s'avéra être une véritable épreuve. Il était déjà occupé comme Juge des Jeux pendant une bonne partie de l'année, mais lorsqu'il était là, j'avais l'impression que Silk et mère n'avaient jamais existé. C'est un homme aussi égocentrique qu'on peut l'être. Sa seule personne lui importe, et rien n'est aussi étouffant que de tenir une conversation avec lui. Je ne me décrirais pas comme charitable non plus, d'autant que déjà à l'époque j'étais si froide qu'on aurait pu me confondre avec une porte, mais il y a des limites à l'indifférence... n'est-ce pas ?

Quand il m'a dit qu'il m'avait dégoté la place de présentatrice des Jeux dans le douze, j'ai compris que je n'avais pas le droit de refuser, et qu'il avait finalement trouvé un moyen de m'utiliser tout en m'écartant. Je ne collais pas du tout à un tel poste, comment pouvait-il ne serait-ce qu'imaginer que ce travail me conviendrait ?

Et pourtant, il a bel et bien convenu.

La première fois que je me suis retrouvée face aux habitants du douze, c'est à dire il y a trois ans, j'ai vécu une sorte de terreur profonde et je me suis demandée si c'était ce que ressentaient les gens dont le nom est tiré pour monter sur l'estrade. Puis j'ai réalisé que ce n'était pas une estrade mais une scène, et que j'en étais la tête d'affiche. J'ai laissé la sérénité m'envahir, prit une bonne inspiration et mit mon masque, comme aux soirées du Capitole, comme Silk me l'avait conseillé des années auparavant. J'ai oublié qui j'étais pour quelques minutes, et j'ai joué comme je n'avais jamais joué. Les regards ne se sont pas éclairés dans la foule, les visages sont restés de marbre et l'hésitation m'a envahi. Mais j'ai tenu jusqu'au bout.

L'année d'après, ce fut plus facile à faire car je réalisais lentement la vérité des districts et les faibles chances que quelqu'un du douze gagne. Je commençai à comprendre d'où venait la colère de Silk, ce qui l'avait fait naître et grandir dans son coeur.

Je ne sais toujours pas comment il a pu découvrir une telle chose sans être en contact avec ces gens. Je ne sais d'ailleurs toujours pas que penser de ceux-ci ; les yeux accusateurs des adultes et le visage crispé par l'angoisse des jeunes. D'une certaine façon, j'ai l'impression d'avoir trahi mon frère en ayant accepté ce rôle. Mais il doit me connaître assez pour voir à travers mon masque.

Contrairement à ce que tout le monde vous dira, je ne suis ni folle ni excentrique. Malheureusement, les Jeux ne m'excitent pas. Ils ne sont faits que d'apparences et de mensonges, choses déjà trop présentes dans ma vie.

Un jour je voudrais être forte comme Silk, et peut-être mourir comme lui - j'ai accepté depuis longtemps qu'il soit mort, ce qui a rendu mes nuits tellement plus paisibles. Mais il y a encore beaucoup trop de questions auxquelles je n'ai pas de réponse.

Et pour commencer, j'aimerais savoir s'il y a quelqu'un sous le masque, ou si je suis bel et bien une vulgaire créature de porcelaine aux ficelles attachées au Capitole.