Il faisait peut-être un peu trop froid, pour sortir simplement en chemise. Sailor grimaça, laissant échapper un tremblement alors qu’un vent frais venait battre sa peau mal protégée par le tissu trop fin en lin. Il aurait regretté son choix vestimentaire… S’il avait seulement eut le choix. Cette chemise était un des seuls vêtements qui lui restait encore en état, et encore, quelques trous d’usures et de mites se trouvaient par-ci par-là. Mais il n’allait pas se plaindre pour autant ; il avait connu pire… Et il connaitrait certainement pire, à n’en point douter. Il se contenta donc de serrer les bras contre son corps, et accéléra le pas pour se réchauffer un peu. Le soleil perçait doucement à travers les nuages, réchauffant à peine l’air du district. La matinée était déjà bien avancée, pourtant peu d’âmes se mouvaient dans les rues, presque désertes.

Et c’était comme cela depuis quelques  jours, depuis l’annonce de la mort de Snow. C’était comme si Panem était en stand-by, vivant dans l’attente de ce qui allait se passer après cet évènement qui promettait d’être lourd de conséquences. Mais pour être honnête, Sailor préférait jouer l’indifférence face à cet évènement : rien de ce qu’il pourrait faire ne pourrait avoir d’influence sur ce qui allait se passer. Alors il continuait de faire sa vie, laissant les gens murmurer leurs appréhensions et théories sur cette mort entre eux. Mais Sailor lui n’avait rien à dire, comme souvent, alors il traçait sa route à travers le district la bouche close, le regard vague.

Du moins jusqu’à ce qu’au détour d’un croisement, son regard capta un visage familier, qui s’éloignait déjà. Certainement en direction des industries, comme la grande majorité des êtres si matinaux. Sailor lui-même s’y rendait ; pas pour y travailler, simplement pour y retrouver un contact. Cela n’était pas vraiment rare, de croiser quelqu’un qu’il connaissait au moins de vue, dans les rues du Trois, qu’il connaissait par cœur. Du moins, ce coin-là. Pourtant, là, c’était relativement différent.

Il fronça les sourcils, comme pour s’assurer que son imagination ne lui jouait pas des tours, qu’il connaissait bien ce visage juvénile de l’autre côté de la route. Il s’arrêta même, en plein milieu du chemin. Le temps de mettre un nom sur ce faciès, cette grande silhouette légèrement androgyne.

« Le gamin Blaink. », Murmura-t-il comme pour lui-même, comme pris d’une illumination. Ou plutôt un flash-back. Il n’avait pas vu Davitt depuis quelques temps déjà, et c’était à cet âge que les êtres changeaient le plus. Il avait grandi, mûri, mais il avait toujours ce visage singulier qui avait réveillé la mémoire  Sailor soupira légèrement, et pressa le pas… Jusqu’à courir, même, pour rattraper le jeune garçon, se souciant assez peu des autres travailleurs qui se mettaient involontairement en travers de son chemin.

« Davitt. », L’appela-t-il presque dans un murmure en arrivant à sa hauteur, posant une main sur son épaule, doucement, simplement pour arrêter sa route. Si Sailor arborait toujours une attitude calme et posée, celle-ci l’était encore plus quand il s’adressait à Davitt, pour une raison qu’il n’expliquait pas vraiment lui-même. Peut-être était-ce la culpabilité qui persistait au fond de lui, malgré qu’elle soit injustifiée.

« Ça fait un moment… Tu vas bien ? », Demanda-t-il d’une petite voix, espérant pouvoir au moins profiter un peu de son temps pour discuter, prendre des nouvelles de l’adolescent pour lequel il avait un attachement singulier. Il avait au moins envie de s’assurer qu’il allait bien, lui et sa famille… Qui devait encore détester la sienne, peut-être autant que Sailor lui-même.