Comme à son habitude, Katelia se perdait dans ses pensées aussi surement qu’elle se perdait dans le district, entre les rues  sales et mal famées, parmi les vieux malades et les enfants épuisés. La partie pauvre du sept, celle dont elle ne faisait pas vraiment partie mais qu’elle comprenait malgré tout. C’était l’inhumanité de cette situation qui lui donnait encore la force de se battre contre le Capitole malgré la défaite cuisante qu’ils avaient du subir. Défaite qui la hanterait jusqu’à la fin de ses jours, certainement. On était mardi, ou alors mercredi ? Les Hunger Games venaient de recommencer et la tension était presque palpable dans le district. Les deux tributs du sept étaient encore en vie et l’espoir habitait encore le cœur des habitants. Mais pour combien de temps encore ? Avec le douze, ce district était le plus enclin à la révolte. Pourtant, même lui avait perdu l’étincelle de rage qui le caractérisait pendant la révolte. Un peu Kate qui, il fallait l’avouer, commençait à douter et à se démotiver. Elle n’avait pas remis les pieds au treize depuis près de deux semaines, d’ailleurs. Ses murs d’un blanc clinique ne lui manquaient pas que ça, à y penser. Tous les moments qu’elle avait vécu là-bas avec les rebelles morts pendant le soulèvement la hanteraient encore longtemps. Leurs rires, leurs regards, leurs inquiétudes, elle avait appris à les connaitre, aussi différents soient-ils. Une même chose les reliait : la haine du Capitole et le désir de le voir s’effondrer, enfin.

Elle avait pensé à se rendre dans les bois mais elle risquait d’y croiser Aidan qu’elle n’avait pas particulièrement envie de voir pour le moment. Elle songea alors à rebrousser chemin et se rendre dans des quartiers plus fréquentables, mais quelle rebelle serait-elle si elle n’aidait pas les plus faibles ? Le bois qui formait les maisons était souvent en mauvais état et laissait rentrer le vent comme la pluie. Tout ce qu’elle éprouvait était de la pitié, elle en avait conscience. Elle choisit donc de rejoindre l’auberge de son oncle pour se reposer un peu de ses vagabondages. Les clients se faisaient rares ces derniers temps, les gens préférant résider au Capitole plutôt que dans le pauvre district sept. La période des jeux apportait par contre son lot d’adeptes –Pacificateurs entre autres- qui venaient chaque soir regarder Caesar Flickerman blablater à la télévision. Un moment de retrouvailles en sommes ! Bande d’inconscients. Elle les détestait, ces brutes qui commentaient sans aucune gêne la mort de l’un ou l’autre tribut, disant que c’était mérité ou aurait pu être pire. Trainant des pieds sur la terre battue de la route, elle finit dans une rue qui lui était familière. Elle abritait l’un des vainqueurs des Hunger Games, l’un des seuls du district sept, son oncle. Il fallait croire qu’elle avait la victoire dans le sang et que sa famille s’en sortait toujours déraisonnablement bien aux jeux. Peut être aurait-elle survécu elle aussi ? Quoi qu’elle n’aurait pas pu tuer, elle aurait attendu que les autres le fasse pour elle, sans doute.

C’est alors qu’elle réfléchissait à ses chances de gagner qu’elle intercepta le regard de quelqu’un depuis le jardin de la maison. Intriguée, elle ralentit et reconnut sans peine son cousin, wash, qu’elle ne voyait que très peu en dehors de leurs escapades dans la forêt. Ils ne se parlaient jamais en public et ils n’allaient sans doute pas faire une exception ce jour-là. Elle choisit donc de continuer sur sa route. C’est donc avec une certaine surprise qu’elle le remarqua à ses côtés, quelques minutes plus tard.

wake me up when it's all over.

La rediffusion des jeux de la journée est terminée. J’éteins la télévision et m’avachis avec entrain sur le canapé. Eden est toujours vivante. J'ai l'impression d'avoir retenu mon souffle pendant plus d'une heure, si bien que je prends une grande inspiration et expire lentement avant de sourire. Elle est décidément surprenante !
Plus les jours passent, plus me je surprends à espérer qu'elle peut revenir. Je sais bien que les chances sont encore faibles, mais chaque secondes, chaque minutes qui passent, chaque tributs adverses qui meurs, me fais penser que j'aurai la chance de pouvoir la revoir. Athos aussi est vivant, c'est bien. Même si je ne suis pas aussi soulagé que pour Eden, je dois avouer que tant qu'il respire, j'ai confiance en lui pour prendre soin d'elle. C'est déjà ça. Ces jeux sont décidément les plus captivants que je n'ai jamais regardé. Je sourie.

J'ai l'impression d'être abruti à force de rester planté devant l'écran. Du coup je me lève, enfile une paire de chaussures et claque la porte. Les rues du village des vainqueurs sont, comme souvent, vides. J'entends au loin les bruits de la grand-place, l'activité y est intense depuis le début des jeux. Enfin surtout depuis la purge, les pacificateurs sont partout, on ne peut pas les manquer. Ce n'est plus calme, jours et nuits ils patrouillent, font le tour de chaque maison, dans l'espoir de dénicher les rebelles. D'ailleurs, plus j'y pense, plus j'ai envie de les rejoindre dans leur quête. Wash, pacificateur. Ça sonne bien ! Mais j'aime trop la forêt et le calme qu'elle me procure. Du coup, j'aide comme je peux, j'essaie de me rendre utile pour le Capitole. J'ouvre les yeux, les oreilles. Je suis très habile dans les bois, et cela m'aide beaucoup, grâce à cela il m'est déjà arrivé de coincer deux trois rebelles qui se croyait plus malin que la loi. J'en reviens toujours pas qu'après la raclée qu'ils se sont pris il y a quelques semaines seulement, ils continuent à penser qu'ils pourront changer quoi que ça soit. Crétins.

Alors que je m’apprête à emprunter la première à droite pour m'enfoncer dans la forêt, comme chaque fois que j'ai du temps libre, j’aperçois au loin une silhouette qui me semble étrangement familière. Je me faufile à travers les buissons qui bordent l'allée. Ça, alors ! Étonné et ravi, je croise le regard de celle qui m'a interpelé. Comme je m'y attendais, elle poursuit sa route sans me prêter aucune attention. Sauf que cette fois, cela fait tellement longtemps que je ne l'ai pas croisé, que je ne peux pas l'ignorer. Du coup, je m'approche en trottinant de l'intéressée et me poste à côté d'elle. « Kate, Kate, Kate...! » Je donne a ma cousine un léger coup de poing sur l'épaule pour lui montrer mon affection. « Non mais sérieux, t'étais passée où ? Ça doit faire genre plus de deux semaines que je t'ai pas vu ! » Je fais semblant de bouder. Elle et moi on est assez proche, et j'avoue que le fait de ne pas avoir de nouvelles si longtemps me chagrine un peu. J'aime nos balades dans la forêt et ne pas la voir est assez... frustrant ! Mais sa présence m’empêche de bouder trop longtemps. « Bon. T'étais où cette fois encore ? Et dis moi la vérité, je sais quand tu mens ! » Je sourie. Ce n'est pas tout à fait vrai. Mais bon, faut pas déconner non plus, elle va où tout ce temps. Elle sort forcément du district, mais elle doit bien avoir une raison.

Je tire le bras de Kate, pour l'entrainer vers la forêt. On sera plus au calme pour parler et puis, c'est un peu notre lieu quoi.

made by pandora.

Wash, wash, wash et sa légendaire beauté. Il fallait dire que les Lightwood n’étaient pas réputés pour leur laideur, loin de là, même. Si lui était franchement avantagé par la nature, on ne pouvait pas dire que Gargaria, bien qu’elle ne soit pas directement liée à eux, ou même Katelia étaient des oubliées dans cette affaire. C’était une bonne chose, par les temps qui courraient. Si on était sélectionné pour les jeux, on avait beaucoup plus de chances de gagner des sponsors avec un joli minois, c’était indéniable. Et une fois adulte, il était plus probable de survivre si on savait s’entourer et c’était connu, les gens dits « beaux » pouvaient se targuer d’être bien vus par la société. Ou en tout cas s’ils n’avaient pas de tares trop importantes pour affecter leur réputation, Gargaria n’avait pas la chance d’être connue pour sa beauté, malheureusement. Wash se tenait donc à ses côtés, un grand sourire imprimé sur ses lèvres rosées. Il était vrai qu’il avait du charme, un sacré charme, même ! Avec son regard limpide et ses pommettes saillantes, il avait du en faire craquer plus d’une, mais était-il célibataire ? Elle n’en savait rien, ils ne parlaient pas de ça, en général. Parce que ce n’était pas si important que ça, on changeait vite de compagnon, pas vrai ? Il était connu pour être un des plus grands charmeurs du district sept sans forcément le vouloir. Elle lui lança un regard en coin, continuant sa route, sans compter sur le fait qu’il s’entêtait à la suivre. Qu’attendait-elle d’autre de toute façon ? S’il était un tombeur que l’on admirait de loin, que l’on trouvait arrogant ou creux, parfois, elle pouvait affirmer qu’elle le connaissait plutôt bien. Ou en tout cas pas trop mal. Et c’était une sacrée tête de mule. Kate, Kate, Kate...! Il lui donna un léger coup au niveau de son épaule, la chambrant gentiment. Si Kate n’avait jamais été habituée aux contacts physiques, affectifs ou non, elle s’était vite habituée à l’attitude intimiste de Wash et ses mimiques gestuelles ne la dérangeaient à présent plus. Il avait donc peu à peu gagné une place spéciale dans les rangs de ses proches, même s’il l’ignorait sans doute. Non mais sérieux, t'étais passée où ? Ça doit faire genre plus de deux semaines que je t'ai pas vu ! La moue qui se dessina sur son visage la fit sourire. En temps normal elle aurait dû éclater de rire, parce qu’elle restait vive, malgré les malheurs. Mais depuis quelques temps, malgré les efforts qu’elle fournissait, plus rien ne pouvait plus masquer la profonde morosité qui l’animait. Bon. T'étais où cette fois encore ? Et dis moi la vérité, je sais quand tu mens ! GENIAL. C’était vrai, il savait qu’elle lui avait menti lorsqu’elle lui avait dit être dans la forêt pendant toute une semaine pour observer le comportement des animaux de Panem –qui croirait un pareil mensonge, après tout ?. Katelia devait donc songer à quelque chose de plus… conséquent cette fois.

Lui avouer qu’elle était au le district treize ? Même dans ses délires les plus fous, elle ne ferait jamais ça ! Wash, tout comme la famille Lightwood étaient connus pour soutenir les Capitole, c’était du suicide d’avouer qu’elle faisait partie des rebelles ! Elle baissa donc les yeux et se laissa entraîner dans la forêt. Parmi les arbres elle était bien plus a même de se confier. C’était ce qu’il voulait ? Des confidences ? Lui lançant un sourire complice, elle le suivit dans les tréfonds des bois, un chemin qu’ils connaissaient par cœur pour l’avoir parcouru un nombre infini de fois l’an passé, avant la purge. C’était ça qui avait tout changé, la mort du père de Katelia, accusé d’être un rebelle. Ils s’arrêtèrent dans un petit terrain plat, pas si éloigné des habitations mais bien à l’abri tout de même, et surtout des oreilles indiscrètes. S’ils connaissaient cet endroit c’était parce qu’il disposait de deux souches bien confortables sur lesquelles ils pouvaient s’asseoir pendant des heures à parler de tout et de rien. Du joli cul d’une Capitolienne arrivée pour les Hunger Games, de l’odeur d’alcool de certaines maisons que l’on sentait jusque dans la rue, des pigeons qui s’étaient perdus dans les forêts… Le silence qui s’installa n’était pas vraiment pesant mais elle devinait sans peine la curiosité qui animait son cousin. Il voulait savoir et il n’ouvrirait pas son bac de bavard avant d’avoir eu des nouvelles croustillantes. Il attendait sans doute du lourd. Elle ne pouvait pas prétexter une grossesse, elle était célibataire… Une illumination se fit dans son esprit. C’était ça ! Qu’est-ce qui ravissait la plupart des colporteurs de ragots ? Les histoires de cœur et du cul ! Bien sûr ! Son expression devait être restée toujours la même depuis qu’ils s’étaient croisés. La gêne. C’était parfait. Mmmmh… Elle sembla hésiter mais finit par marmonner Tu gardes ça pour toi, hein ? Il hocha vigoureusement la tête. Bah, c’est ce mec… Il me … met la tête à l’envers… Un sourire se dessina sur les lèvres de son cousin Mais non ! Pas dans ce sens là, espèce de pervers !