Il n’y avait rien à fêter. Mais ce n’était pas cela qui allait empêcher le Capitole d’organiser une réception aussi luxueuse que celles à l’honneur des vainqueurs. En réalité, il y avait bel et bien une raison, même si celle-ci n’était pas explicitement écrite sur papier. Et tout le monde connaissait cette raison. Simplement montrer que le Capitole était toujours aussi riche. Que la Rébellion n’a pas d’impact sur leurs modes en vies. Que des centaines de personnes peuvent mourir pour leur liberté en dehors de ces murs, mais qu’eux peuvent toujours célébrer à se faire vomir. Et aussi répugnantes que soient ces fêtes, elles avaient quelque chose de rassurant. Parce qu’entre ces murs, la Rébellion n’existait que dans des sous-entendus abordés au détour d’une phrase. Et que l’espace de quelques heures, je n’avais pas à entendre parler des combats, ou à savoir les noms des victimes du jour. Ainsi, cette mission, même si elle ressemblait à de nombreuses autres, avait un petit quelque chose en plus. C’était une sorte de pause, mais si nos rôles ne changeaient pas. Nous étions là pour le district treize, pour tenter de recruter des gens fortunés, de les avoir de notre côté.

L'alcool manquait cruellement au district treize. Les moyens de ce district étaient clairement au-dessous de celui des autres, et cela s'en ressentait par certaines pénuries. Alcool compris. Et ces temps-ci, j'en avais besoin. Si je m'écoutais, je descendrais verre sur verre. Mais à la différence de Marvel, j'avais un peu plus de tenue. Et puis, je supportais bien moins l'alcool que lui. Autant y aller doucement. Je venais à peine de finir ma première coupe de champagne quand je sursautais suite à la main baladeuse du jeune homme. Je grimaçais légèrement, ce qu'il ne manqua pas de remarquer. « Ais pas l'air si dégoutée, tu vas tout foutre en l'air sinon... » « Si tu savais te tenir, je n'aurai pas l'air dégoutée. » répliquai-je avec un léger sourire. C'était un débat qui faisait date entre nous. Je n'aimais pas sa façon de se tenir, il le savait bien et en jouait. Et s'il y a bien quelque chose que je détestais, c'était les contacts trop tactiles. Autant dire que pour cette mission qui durait depuis quelques années maintenant, je serrais souvent le poing dans ma poche. Nous ne serions pas crédibles en tant que couple si je lui faisais tout le temps la morale à propos de ses mains légèrement baladeuses. Et il semblait en profiter.

Je me laissais embraquer sur la piste de danse, et chose étonnante, sans râler. « Avoues que je danse comme un chef. » « Tu te débrouilles. » Il dansait mieux que moi, mais jamais je ne le lui avouerais. Sa fierté risquerait de ne pas s'en remettre. Je me laissais conduire quelques minutes en silence, profitant simplement de la musique, de la tranquillité qui régnait sur cette piste de danse tout en observant les citoyens du Capitole en train de danser, trinquer ou rire. Comme si rien n'était en train de changer. « Je les déteste et les envie à la fois. » murmurai-je doucement, pour être sûre que personne mise à part Marvel ne puisse m'entendre. Je n'avais pas précisé de qui je parlais, mais cela était plutôt évident. Je les envie, de prétendre ne pas être au courant de tout ce qui se passe dehors. D'être tranquille.

Spoiler:

on the right side .

of the wrong bed

Les lumières virevoltaient au dessus de leurs têtes. Ils s’échappaient dans une ronde au rythme de la musique, Marvel guidant les pas de la demoiselle. Il aimait ce genre de soirée. Ce genre de moment où il n’était pas vraiment obligé de penser à sa mission, de penser à la Révolte, à ce qui se passait dans le monde extérieur tout simplement. Ces moments de calme. Un calme bien reconnaissable. Le calme avant la tempête. Il la sentait venir, mais ne voulait pas se l’avouer. Il ne voulait pas se dire que les choses allaient changer. Quelles étaient déjà en train de changer, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. Ou peut-être faisait-il l’autruche ? Il ne voulait pas ouvrir les yeux. Il voulait juste vivre l’instant présent, ici, à cette fête, en sa compagnie. En cet instant, le monde pouvait s’écrouler, il s’en moquait éperdument. Il serra la jeune fille contre lui. Cela faisait trois ans qu’ils se connaissaient. Trois ans qu’ils se côtoyaient, travaillaient ensemble. Trois qu’ils se détestaient, qu’ils se vannaient. Mais au fond, il savait qu’il tenait à elle. Elle était peut-être même la personne la plus importante dans sa vie. Elle avait pris trois ans de son existence tout de même, ce n’était pas rien. Il se disait que ça avait valut le coup. Ca avait valut le coup de se faire torturer, maltraiter, puisque cela lui avait permis de la rencontrer. Mais il ne lui dirait probablement jamais. Non, il était bien trop fier pour ça. Il ne voulait pas dévoiler ses sentiments. Ce n’était pas son genre, il préférait amplement jouer le garçon désinvolte, insouciant. Le garçon qu’il avait toujours été, avant de tomber sur elle. Avant de tomber sur cette mission, qui l’avait changé profondément. Plus qu’il ne voulait le croire. Il avait pris parti, désormais. Contre son grès certes, mais pris parti quand même. Il ne pouvait plus faire marche arrière. La machine était lancée, et il avait peur de se faire écraser par celle-ci. De ne pas avoir les épaules pour supporter tout ce…. Changement. Lui le petit gosse de riche du Un. Le fils d’un vainqueur, le chouchou du Capitole qui ne manquait de rien. Tout cela allait surement bientôt disparaitre. Il ne serait plus personne, chez les Rebelles. Il ne sera plus considéré comme une icône, une personne d’importance.

Elle approcha sa tête de la sienne. Son parfum était si particulier, il le reconnaitrait entre mille. « Je les déteste et les envie à la fois. » Il n’eut pas besoin de plus de précision. Il savait pertinemment de quoi, de qui, elle voulait parler. Son regard se posa sur ces hommes et ces femmes aux allures extravagantes. Ces personnes totalement déconnectées de la réalité. Il avait été comme eux, autre fois. Il savait ce qu’ils ressentaient, ce qu’ils vivaient. Et il les enviait également. Il enviait leur choix. Car oui, ils avaient le choix. Le choix de voir ce qu’il se passait autour d’eux, ou au contraire, le choix de fermer les yeux, et de ne pas s’en préoccuper. On lui avait enlevé, arraché ce choix. Il ne pouvait plus le faire désormais. Il ne pouvait plus choisir de fermer les yeux, de passer son chemin. « Je te comprends. » Il la regarda dans les yeux. Il voulait s’imprégner de son visage. Il avait peur. Peur pour lui. Peur pour elle. Peur de ne plus jamais la revoir, de ne plus jamais lui parler, lui balancer des blagues pourries à la figure. Ils s’étaient installés dans une sorte de routine. Routine qui lui convenait parfaitement. « Nous aussi on peut prétendre que rien n’est en train de se passer. Rien que pour une soirée. Rien que pour maintenant. » Il continuait de la faire tourner, de la faire danser. « Pis faut bien avouer qu’avec mes supers pas de danse, on est O-BLI-GE de passer une bonne soirée. » Il lui sourit. Son sourire habituel. Son sourire qui lui servait à se protéger, à cacher ses sentiments.

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