Assise sur une rampe dans les quartiers plus pauvres du district, je regardais le monde se renverser. Depuis la fin des hunger games, les choses avaient changé, radicalement, ici. Ça commencé avec cette sensation étrange, ces rumeurs comme quoi le district 13 était toujours actif. Papa savait déjà; Grand-papa aussi. Ils n’ont pas tenté de nous le cacher. Ils ne nous cachent jamais la vérité, à ma cousine et à moi. Ils savent trop bien que, de toute façon, nous allions la lire dans leurs expressions. Ils nous avaient entrainés pour cela. Ces rumeurs se propagèrent, et ce fut comme si le monde se teintait soudainement de gris. Comme si des nuages s’amenaient devant le soleil. Comme si de la poussière,
des cendres , c’était mélangé a l’air. Puis, la révolte a éclaté dans les districts mal-aimés par le capitole. Ils voulaient que leurs enfants leur reviennent, alors ils s’associaient avec le treize, ne pensant pas aux conséquences, oubliant toute logique. Ça eut l’effet d’une tornade dans le district deux. Les riches ont verrouillé leurs portes, de peur qu’on s’en prenne à leurs biens, à leur famille, ou pire, qu’on les amène à la guerre. Les moins bien nantis, eux, se sont précipités dans les rues pour écouter les rumeurs, pour se préparer, et acheter le plus possible avant que le rationnement commence. Chez les Skenandores, ce fut bien différent. Dès les premiers rapports d’émeute, toutes les pièces furent rangées, des festins préparés, et des cigares commandés. Recrutements de masse, réunions à toute heure du jour et paperasse éparpillée. Ma maison était tout à coup devenue un centre d’opération. Plusieurs
wannabe tribut arrêtèrent leur entrainement quand la révolte prit de l’ampleur. Les Skenandores mirent les bouchées doubles. Aspen avait gagné au lendemain des jours sombres. Ça avait été facile. Les autres tributs avaient été affaiblis. Une autre victoire familiale au lendemain de jours plus gris serait symbolique, et prouverait la force du nom, m’avait dit mon grand-père. Je devais donc m’appliquer d’avantage. Je devais comprendre l’importance de mes actions. Malheureusement pour lui, je m’en fichais. Je m’en plus que fichais.
Sous mes yeux, deux hommes s’obstinaient. L’un deux disait que la révolte avait déjà gagnée; que l’on devait s’allier avec le treize, pour garder une bonne qualité de vie. L’autre parlait de loyauté envers nos ancêtres, qui s’étaient battus pour le capitole;
il ne fallait pas oublier leur sacrifice . D’autres les écoutaient, certains que je voyais souvent s’engueuler au même endroit, des extrémistes, qui ne mirent pas de temps à s’incruster dans le débat. Un homme assez jeune – il avait été tribut de carrière, mais c’était fait volé sa place aux jeux à sa dernière moisson – parlait du fait que le deux serait perdant sous un gouvernement mené par le treize; Il disait que le capitole était en place depuis longtemps, qu’il était stable, et qu’on devait avoir confiance. Personne d’autre que le président Snow ne pourrait diriger un pays comme Panem, et réussir. Une femme dans la quarantaine lui répondit, parlant des jeux, de son enfant qui y était resté. Je roulai les yeux. Elle continuait, parlant du treize, de la liberté, de la possibilité de vivre la vie qu’on entend sans être effrayé par la famine. Ça me fit presque sourire. Je penchai la tête sur le côté et regardai mon cousin qui, lui, était assis par terre. Il semblait rire un peu.
« On pense à la même chose, hein? »
Il leva les yeux vers moi au son de ma voix. Il sourit un sourire triste.
« Socrate. »
J’eu un petit rire nerveux. Oui, Socrate. Nous l’étudions à la maison ; Les dimanches, tous se rassemblaient dans le grand salon et nous écoutions grand-père lire ce que Platon en disait. C’était une tradition qu’Aspen avait commencé. Après avoir gagné les jeux, il son passe-temps premier était devenu la philosophie. Il voulait comprendre pourquoi. Il voulait savoir combien de générations auraient à tomber avant que le système ne crashe encore. Bien sûr, il n’en parlait pas publiquement. Quand son fils unique naquit, il lui lut ses recueils tous les dimanches. Il continua quand son fils grandit, quand il se maria, quand il eut lui-même des enfants, et quand eux en eurent. Il le fit jusqu’à son dernier dimanche, où il demanda à son fils de poursuivre la tradition, ce qu’il fit. Nous tentions donc de l’écouter relire des textes que l’on avait entendus cent fois. Le seul qui était intéressé, vraiment, c’était Zeb. Il adorait les dimanches, les discussions qui suivaient la lecture, et venir ici, dans les bas quartiers, écouter les débats et détruire les arguments de chacun. Devant nous, l’engueulade se poursuivait. Un homme criait que l’on devait abattre les traites au plus vite. Certains se ralliaient à lui. Il y avait même des enfants qui pleuraient. Falken les regardait intéressé. Moi, je m’énervais devant tant de connerie.
« Je crois, en fait, que je comprends pas le truc, Falky. »
Je l’entendais déjà me dire que je ne comprenais jamais rien, de toute façon. Je nous revoyais, le quatuor fantastique, rire dans la chambre de Reeven au manoir. Ça ne faisait pas un an, mais ça me semblait incroyablement loi.
« Les gens ne voient que deux options. Le capitole, ou le treize. C’est comme s’ils pensaient qu’ils devaient donner leur voix à un ou à l’autre, et qu’ils ne pouvaient pas l’utiliser pour leur propre bien. »
Je me levai pour aller m’asseoir plus près de lui.
« Ils ne s’imaginent même pas qu’ils pourraient, eux, devenir le gouvernement. Qu’ils n’ont pas à se laisser dire quoi faire par un groupe qui n’a aucune idée de la vraie vie dans les districts. »
J’étais surprise par mon raisonnement. Falken passa son bras autour de mes épaules. C’était moins confortable qu’avant; il avait perdu du poids depuis son départ.
« démocratie? »
Je hochai la tête. Oui, la démocratie, mais non, pas maintenant.
« hun-hun. Un peuple qui ne se rend même pas compte qu’il pourrait être autonome n’est pas prêt pour se gouverner lui-même. »
Il sourit.
« Zebiche aurait dit : il faut donner le pouvoir à celui qui n’en veut pas »
Je souris à mon tour; je fus un peu surprise d’en être capable, vu qu’on venait de dire le nom de mon frère.
« à celui qui n’en veut pas, certes, mais tout ce même pas à un idiot. »
Je le fixai, pour qu’il réalise que je le visais un peu par cette phrase, avant de retomber dans mes pensées. Non, Panem n’était pas prêt pour la démocratie. Ils souhaitaient échanger un gouvernement sourd pour un aveugle. Les habitants méritaient mieux. Ils méritaient un nouveau départ. Ils méritaient un incendie.