Elle s’était arrêté au district deux avant de retourner chez elle. Elle avait des bijoux à emmener au bijoutier affilié à la bijouterie du district un où elle travaillait. Comme toujours. C’était pour cela qu’on lui permettait de sortir vagabonder de districts en districts, enfin… seulement les moins pauvres. Une grande partie de l’argent amassé pour la vente des bijoux revenait directement au Capitole, alors elle avait cette permission que bien des gens n’avaient pas. Malgré tout, depuis les révoltes des rebelles, ses voyages à travers les districts se faisaient de plus en plus rares, ils se distançaient de plus en plus. Elle savait qu’à un moment, elle ne pourrait tout simplement plus sortir de son district d’origine et cela lui fendait le cœur. Moonshine, au fil de l’année, avait tissé des liens fort avec bien des gens et ne plus les revoir allait être extrêmement dur. Elle en souffrirait beaucoup. Après tout, au District un, elle n’avait que peu d’amis, ses vrais amis étaient à l’extérieur du district où elle habitait.

Soupirant, elle vagabondait près des habitations, ne sachant trop que faire. Elle avait toute la soirée devant elle et, malheureusement, à cette heure, il n’y avait plus beaucoup d’endroits ouverts. Que pourrait-elle bien faire? Se mordillant la lèvre inférieure, la jeune vendeuse s’installa par terre, dans un coin illuminé d’une rue, sortit son gros cahier rassemblant dessins, écrits et chansons, puis un crayon. Quand elle ne savait pas quoi faire, elle dessinait. Elle avait toujours l’inspiration, comme si elle était destinée à ne faire que ça. Créer. Pourquoi n’avait-elle pas été douée pour le combat? Pour le maniement d’armes? La chasse? Elle aurait pu se défendre, elle aurait pu paraitre moins faible aux yeux de tous ces gens. Thybalt, Envy, etc. Tous s’étaient inquiétés pour elle. D’un côté, cela prouvait qu’ils tenaient à elle, mais, tout de même. Cela prouvait aussi qu’ils croyaient qu’elle ne pourrait pas se défendre contre un potentiel ennemi. Fronçant les sourcils, elle sortit un crayon de son grand sac, ouvrit son carnet, retenu quelques feuilles qui tentaient de s’échapper avant de trouver une page vierge où elle pourrait dessiner. Dessiner quoi? Elle ne le savait pas encore, mais déjà, son crayon traçait les premiers traits de quelque chose d’encore inconnu, qui se révélerait plus tard, au fil des minutes. Un animal, peut-être, ou bien une fleur. Elle n’en savait rien. Comme si elle était programmée pour faire cela. Probablement. Moon était si concentrée par ce qu’elle faisait qu’elle sursauta en entendant des voix provenir de l’autre extrémité de la rue. Déposant précipitamment son crayon sur son gros cahier et son cœur s’arrêta de battre. Suite aux attaques rebelles, la sécurité dans les districts s’était renforcée et les pacificateurs étaient bien plus sévères. Du calme, ce n’était peut-être même pas eux. Osant lever la tête pour voir qui se dirigeait lentement vers elle, Moonshine remarqua les habits distincts des pacificateurs au loin et elle dut faire un effort considérable pour s’apercevoir de qui il s’agissait. Lorsqu’elle réalisa qui se dirigeait vers elle – sans pour autant remarquer qu’elle était là-, elle rangea rapidement son cahier et son crayon dans son sac et se releva, avant de partir presqu’à la course vers lui. Un sourire illumina son visage à mesure qu’elle approchait.

«Luuuuuuuuuux!»

Fidèle à elle-même. Gamine, comme toujours. Du haut de ses vingt ans, bientôt vingt-et-un, elle agissait comme une petite fille. Avant même que le jeune homme réalise quoi que ce soit, elle se jeta sur lui, les bras grands ouverts, le serrant contre elle. Comme il lui avait manqué. En espérant qu’il ne soit pas de mauvaise humeur ce soir, sinon elle allait peut-être l’énerver un peu avec sa gaieté naturelle.

«Tu m’as manqué!»

Elle ne le lâchait toujours pas, le serrant dans ses fins bras. En voilà un dont elle allait drôlement s’ennuyer si elle devait rester à jamais au district un.

Bien entourée des deux bras de Lux, Moonshine ne pu qu’enfouir son visage enfantin dans le creux de l’épaule du jeune home. Elle était si heureuse de le revoir en cette soirée monotone. Puis, il fallait l’avouer, cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus. Elle espérait qu’il soit libre pour le reste de la nuit, car il lui faudrait un compagnon pour la supporter jusqu’à l’aube, moment où elle commençait seulement à sentir ce léger signe de fatigue qui ne pointait jamais le bout de son nez la nuit, au moment convenable et normal pour dormir. Souffrir d’insomnie n’avait jamais été aussi pénible, surtout depuis les attaques rebelles. Avant, elle pouvait aller et venir dans les districts sans grand problème, maintenant, c’était une toute autre histoire : elle n’avait plus accès qu’aux districts les plus riches et elle ne devait pas s’aventurer dehors trop longtemps, sous peine de se faire méchamment réprimander par un pacificateur. La jeune femme était donc heureuse d’être tombée sur Lux et pas un autre de ces hommes assez stupides pour croire un seul instant qu’elle pourrait représenter une menace. Moon? Un risque? Vous voulez rire! Elle n’osait même pas faire de mal à une mouche, alors causer des dommages dans un district. D’ailleurs, elle espérait que ce soir, le jeune pacificateur ne lui fasse aucunement part de ses avis sur ses allez-retours «risqués», selon les dires de plusieurs personnes. Tout ce qu’elle désirait, c’était passer du bon temps avec lui. S’étendre sur son lit et observer le plafond en silence, s’enrouler dans les couvertures et raconter n’importe quoi sans se prendre la tête. Rien qu’à cette pensée, le sourire qu’elle affichait après qu’il ait déposé gentiment un baiser sur sa joue s’agrandit de plus belle. Y avait pas photo, Moonshine adorait déjà cette fin de soirée.

« Moon ! Qu'est ce que tu fous là ma belle ? »

Son sourire ne diminua pas en intensité alors qu’elle laissait lentement mourir cette étreinte chaleureuse, passant quand même sa main dans les cheveux du blondinet : il y avait quelques flocons blancs qui s’y étaient lovés, ayant trouvés escale pour terminer la fin de leurs jours en fondant. Belle… comme c’était étrange d’entendre ce mot sortir de la bouche d’un homme. Comme c’était étrange d’y croire pour quelques secondes. C’était pas un secret, Moon avait toujours été quelque peu renfermée et silencieuse, alors elle n’avait jamais vraiment donné l’impression au monde l’entourant qu’elle avait confiance en son physique. Sauf que c’était pas qu’une image, c’était vrai. Plus jeune, elle avait rêvé d’avoir de longs cheveux blonds ainsi que de beaux yeux bleus. Bien vite, elle avait réalisée que ce rêve ne se réaliserait probablement jamais, sauf avec l’aide de bistouri made in Capitole, ce qui n’était pas sa tasse de thé. Encore ce matin, elle s’était levée et quand elle avait croisé son reflet, elle n’avait discerné qu’une fille terne et sans intérêt, ses traits asiatiques ne la différenciant aucunement des autres asiatiques. Tous pareils, comme bien des gens disaient. Peut-être qu’elle se sous-estimait grandement, mais elle n’avait jamais appréciée cette image. Alors, quand elle entendait un homme l’appeler ma belle, elle laissait les autocritiques de côté et y croyait, pour quelques temps.

« Je suis venu vendre des bijoux à la bijouterie près de la Mairie, tu sais, la boutique hyper chic, tout ça. »

Oui, une partie de son job lui permettait de voyager dans quelques districts, ce qui lui plaisait énormément. Dès qu’elle avait su qu’elle se rendait au D2, elle avait souhaité croiser Lux et voilà qui était chose faite!

« Je m’ennuyais de toi gros comme ça! » dit-elle, rigolant et opposant ses bras l’un de l’autre, essayant de montrer à quel point il lui avait manqué d’une façon bien enfantine. Elle échappa pratiquement son épais cahier spirale dans lequel il y avait des tonnes de feuilles vierges, dessins et écrits, alors qu’elle ramenait ses petits bras vers elle. « Non, en fait, gros comme l’Univers, mais mes bras ne sont pas assez longs pour te le montrer correctement. » Elle fit une moue boudeuse quand le jeune homme sortit une cigarette. Elle respectait son choix de fumer, soit, mais elle n’approuvait pas plus.« C’est pas bon pour ta santé mon loup, la cigarette! »

Moon le laissa pourtant faire, ne voulant pas contrôler la vie de quelqu’un. Elle détestait qu’on le fasse toujours avec la sienne, pourquoi le faire aux autres? Le sourire malicieux de Lux la fit sourire de la même façon et elle se plaça à ses côtés, glissant son bras sous le sien, se collant à lui comme une sangsue le ferait.

« Kidnappe-moi pour la nuit. » Voilà, c’était dit. Ces simples mots allaient l’amuser et il accepterait probablement sans rechigner d’être son ravisseur.

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