J'avais un nom avant. Un nom qui avait une notoriété moindre et qui, du jour au lendemain, était sur toutes les lèvres épaisses et colorées des gens du Capitol. Caleb Rowling, vainqueur des 70th Hunger Games. Une année bien sombre et dire que le jour de la Moisson avait si bien commencé. Une petite partie de jambes en l'air, un moment de plaisir et puis rien d'autre, un nom et une vie qui bascule. Rowling, c'était au départ, le nom d'une pauvre enseignante qui s'était amourachée d'un pacificateur du nom de Zweingerash (oui, un nom à dormir debout.) et qui lui avait donné deux enfants. Caleb et Alice. La pauvre femme se retrouva seule après l'accouchement, le géniteur refusant de reconnaître les deux bâtards et laissa la mère seule, dans une petite maison en ruines. Bref, le bonheur en somme. Il y a toujours deux choses dans ce monde. Les chanceux, les misérables. On passe rarement d'un monde à l'autre, mais moi, j'ai réussi et j'ai entraîné ma soeur avec moi. Les Rowling sont des chanceux, mais ils sont passés par la miséricorde, comme si une quelconque idole, divinité du charbon les avait aidé. Car oui, j'ai oublié de le préciser, mais je suis originaire du douze. Un district assez délabré et où le sol est semblable au charbon dans les mines, où les murs scintent d'une puanteur sans précédent l'été, oui, ce district oublié de tous. J'avais 17 ans quand mon nom a résonné sur la place publique, d'une voix suave, celle de l'hôtesse. Une vieille femme refaite de partout et habillée avec des couleurs qui m'arrachaient la rétine. J'allais en avoir un de plus le jour d'après, à un jour tout aurait pu basculer et pourtant... Aujourd'hui, j'ai 24 ans et je ne suis plus le même. Ce passage du rien au tout m'a détruit car l'arène et le Capitol m'a tout arraché. Ils m'ont vidé de l'essence même de la vie, ils ont fait de moi un autre. Je ne suis qu'une coquille vide qui marche parce qu'il le faut, mais sans aucun sens. Alice est peut-être la seule attache que j'ai et la seule chose qui me permet d'avoir encore la tête hors de cette mer pourpre où je beigne depuis que j'ai posé un pied dans l'arène. La mer du sang de mes propres victimes, de mes propres crimes. Je n'ai pas besoin de m'user à la tâche dans un job quelconque, j'ai tout ce que je veux, au fond. C'est le paradis ça ? Un paradis sombre où les drogues et la morphine sont devenues mes petites passions. Parce que sans ça, je ne peux pas dormir. L'insomnie me guette et si je ferme les yeux, que je m'égare, je revois le visage de ceux que j'ai du tuer pour vivre dans ce paradis. Mais je l'avais promis, à ma soeur. On fait des promesses pour quelles soient tenues, à n'importe quel prix non ? Alice est si fragile, je devais revenir, mais je ne me doutais pa que je n'allais pas revenir en entier. Qu'une partie de moi allait rester dans l'arène, dans cette jungle, sous la cascade. Des stygmates que je ne pourrai jamais effacer, mais que la morphine arrive à éloigner le temps d'un bad trip, le temps d'une dérive de mon esprit. Particulièrement sarcastique et charmeur, les aventures du lendemain, c'est mon dada. Un coup, où on veut, quand on veut, le plaisir de la chair, rien de plus, pas de contrainte et une autre façon de s'évader. Observateur, j'ai toujours été un mec peu bavard, les actes plutôt que les paroles, mais j'aime regarder cet environnement et puis la paranoïa m'a habité depuis mon retour des jeux. Je dors avec un couteau de cuisine sous mon oreiller, quand j'arrive à dormir. Difficile à vivre, je suis certainement le dernier des crétins et un grand agressif et violent. Je ne me contrôle pas toujours sous l'effet de la morphine, des médicaments que je prends. C'est une sorte de débauche dont je suis prisonnier. Alice me voit ainsi et c'est ce qui me blesse le plus. Sincère, je déteste tourner autour du pot. Je crois que le fait d'avoir attendu des jours sous la cascade dans l'arène m'a rendu impatient. La vue du sang est devenue une sorte de phobie aigüe. Dès que j'aperçois une perle vermillion qui serpente sur la peau, pour s'égoutter au sol, je me fige, je tremble, je suis tétanisé et je me revois moi, le corps tâché par le sang d'un autre, du carrière du district 1, Jak. Tout ça, tout ce que j'ai véçu en quelques semaines m'a détruit. Comment pourrais-je aimer le Capitol ? C'est impossible. Je le hais de tout mon être pour m'avoir détruit, pour avoir volé des vies comme celle du petit Nico, innocent que j'ai vu mourir en tombant du pont de bois dans la jungle, dévoré par des pirahnas. Comment pourrais-je aimer le Capitol et le luxe qui l'entoure ? Ca me débecte, ça me donne la nausée et je les hais tous. Ils brûleront un jour, ils mourront tous et je n'aspire qu'à une chose, rejoindre la résistance ou le 13 peu m'importe, pour devenir un des agents de la chute du Capitol, mais quelque chose me retient, m'arrache à ce destin funeste et pourtant si attrayant. Alice. Elle est si innocente, si fragile. Elle veut juste vivre et profiter de cette belle et grande maison. Si je m'engage, je la condamne. Comment le pourrais-je ? Je serai le pire des monstres et j'ai toujours répété à ma soeur que les monstres n'existaient pas, (évidemment, je mentais puisque les monstres étaient à nos portes et que j'en suis devenu un) mais je ne peux pas lui faire subir ça. Alors je me retiens, comme je peux. Alice me permet de tenir, elle m'a déjà sauvé quand je me suis tranché les poignets juste après la tournée du vainqueur. Voir la détresse dans ses yeux, ça m'a donné la force de ne pas plonger, à nouveau. Mes goûts sont fades, ils manquent terriblement de saveur. J'aime les échecs, car ça me rappel mon oncle et ça stimule son cerveau. J'aime m'oublier dans une eau bouillante ou dans de l'herbe fraîche, dans le silence de la nature ou de ce qu'il en reste. J'aimais lire avant maintenant, ça accentue mes migraines quotidiennes. La musique est certainement la passion qui est venue naturellement après ma victoire des jeux. J'ai appris à jouer quelques notes sur le vieux panio que j'ai récupéré et restaurer. Rien de bien fameux et des notes ne sont pas accordées, mais je fais ma propre musique, j'écris quelques notes, quelques mélodies sans avoir des notions de solfège. Je passe ainsi pour Caleb, le vainqueur qui a trouvé la musique comme recueil, mais ils ignorent ce qu'il y a derrière, ces chiens du Capitol. Quelle hypocrisie. On vit dedans, on nage dedans, on se noye dedans. Impuissance qui m'a détruit mentalement, mais physiquement, je n'en suis pas également ressortie indemne. Une cicatrice orne ma cuisse droite, souvenir d'une flèche qui l'a transpercé, ainsi qu'une molaire au moins, quand je m'étais battue, sans oublié mes trois doigts de pied en moins qui ont terminé dans l'estomac d'un poisson carnivore que j'ai tué. Oeil pour oeil, dent pour dent non ? Sous mes traits de garçon sympathique et séduisant, se cache une personne brisée de tous les côtés. Mon corps me plonge dans mes souvenirs et la maison parfaite et complète dans laquelle je dors est le trophée de mes crimes. Je suis un vainqueur des Hunger Games, un survivant et de ce fait, je porte une couronne. Une couronne pourpre, ornée du sang des fantômes qui me hantent.