« Aliya, reste avec moi s'il te plaît... 
- Tu as encore fait un cauchemar ? 
- Oui...
- Toujours le même ? Celui dans lequel des yeux t'observent ?

Ta sœur te connaît si bien. Vous êtes comme ça, depuis toutes petites. Vous vous comprenez sans même vous parler, un simple regard suffit. Tu aurais pu lui mentir, pour qu'elle ne s'inquiète pas, car tu sais que cette histoire de rêves étranges l'inquiète. Mais tu choisis d'être sincère, et de toute façon, tu ne peux rien lui cacher. 

- Oui. Ne me laisse pas... Dors avec moi, s'il te plaît ?

Ce n'est pas la première fois que tu fais cette requête, mais elle te gêne toujours autant. Papa dort avec maman, aussi, et ça n'a pas la même signification à tes yeux que dans le cas actuel. Tu le sais très bien mais tu ne peux t'empêcher de rougir, tu dissimules du mieux que tu le peux ton visage sous la couette. Elle t'adresse un grand sourire et accepte de rester avec toi pour cette nuit. Elle s'allonge près de toi, te serre dans ses bras pour te rassurer. Tu apprécies ce contact, il n'y a qu'elle qui puisse te faire sentir comme ça. Il n'y a que dans ses bras que tu te sens bien, en sécurité, et tu ne veux pas en partir. Le matin sera rapidement là et tu devras te séparer d'elle pour qu'elle aille pêcher alors que toi, tu pars à l'école. Elle va te manquer, mais tu fais avec. 

Tu entends son souffle devenir plus régulier, elle s'endort enfin et tu es toujours blottie contre elle, profitant de l'instant. Ce que ta sœur ne savait pas, c'est que tu avais menti pour qu'elle reste avec toi. Parce que si tu ne faisais pas semblant d'avoir des cauchemars, parfois, elle resterait dans son lit et tu ne pourrais plus être près d'elle. Peut être qu'elle t'oublierait. Tu ne pouvais pas supporter cette idée, pas même l'envisager, c'est pourquoi tu mentais, pour l'avoir près de toi. Pour qu'elle te câline et te chuchote des mots rassurants. Tu n'as jamais compris pourquoi tu étais comme ça avec elle, tu l'as simplement accepté. Tout ne s'explique pas.

Ce sentiment qu'elle ressentait maintenant en voyant sa sœur avec un garçon, ce sentiment qui était curieux et, dans le cas actuel, totalement déplacé, jamais Lian ne l'avait ressenti auparavant. Maintenant, elle pouvait mettre une sensation au nom de jalousie. Pourtant, la jeune fille n'avait pas une personnalité tendant particulièrement à la jalousie - enfin un peu quand même, mais pour cela soyons honnêtes, nous sommes tous un peu jaloux, au moins une fois dans notre vie, sinon c'est que nous sommes dénués de sentiments et ce n'est pas franchement le must. Quoique dans sa courte vie, elle n'avait pas spécialement été jalouse. Il faut dire qu'elle n'avait pas grandes raisons de l'être. Pourquoi l'aurait elle été, alors qu'il n'y avait aucune raison pour elle de l'être ? 

Maintenant, cette raison elle l'avait trouvée. Trouvée en la personne qu'était le petit ami de sa grande sœur. C'était étrange d'être jaloux du copain de sa sœur, pas vrai ? D'habitude, cela aurait tendu à l'inverse : la gamine jalouse que son aînée ait trouvé quelqu'un de si mignon et craquant alors qu'elle non, ou bien pire, quand les deux s'intéressent au même garçon, et là c'est troisième guerre mondiale au foyer. Ça n'était jamais arrivé à Lian, ce genre de situations. Elle avait certes eu quelques flirts, sa « beauté exotique » ne déplaisant pas à tout les jeunes hommes. En revanche le sentiment d'amour lui était encore inconnu, et de cette manière la possessivité n'était pas de mise. Jamais elle n'aurait pu douter que sa sœur serait la première personne envers laquelle elle montrerait tant de possessivité et de jalousie. 

Maintenant, restait à comprendre d'où ça venait. Depuis toute petite, elle avait tendance à beaucoup aimer sa sœur, à l'admirer. Même à la vanter auprès des autres enfants du district en leur racontant ses exploits. Aliya, c'était son modèle, la personne qu'elle admirait et chérissait le plus en ce monde. Il n'y avait jamais de conflits entre elles deux, une relation très fusionnelle comparée à ce que les camarades de Lian pouvaient dire de leurs aînés ou cadets, comme quoi il y avait toujours plus d'amour parental pour l'un que pour l'autre. Sur ce plan là non plus, les sœurs Keegan n'étaient pas concernées. Toutes deux avaient une relation plutôt normale avec leurs parents, quoiqu'elles n'en étaient pas très proches. Mais le père avait appris à Lian les rudiments de la pêche, de la chasse, du maniement du trident et de plusieurs armes s'y apparentant. C'était le but d'être carrière, avoir un train d'avance sur tous les autres. Espérons que ce train d'avance ne l'emmènera pas au Capitole avec vingt trois autres jeunes. 

Ce que lui avait procuré l'effet de retrouver sa sœur ici, en compagnie d'un type un peu trop détendu et proche d'Aliya à son goût ? Elle avait tout simplement détesté. Ce devrait être à ses côtés, dans ses bras que la plus âgée devrait se trouver à cette heure tellement matinale ! .... Minute, à quoi elle pensait ? Dans ses bras ? Non... Elle avait passé l'âge de dormir à côté de sa sœur. Avait-ce vraiment ce sens dans sa tête ? Non, elle ne voulait pas être rassurée de ses cauchemars. Elle la voulait simplement près d'elle, et... Oh mon dieu, c'était tellement malsain de penser à des choses pareilles ! Est ce que c'était le baiser qui lui faisait ça ? Pourtant ça n'avait pas été son premier et elle ne réagissait pas aussi bizarrement d'habitude... Quoiqu'il en soit, bien vite l'intrus décampa et les deux jeunes filles se retrouvèrent seules pour discuter de ce qui venait de se passer.

« Je sais pas, vu comment tu l'as fait fuir Lian. Je suis même pas sûre qu'il revienne un jour. » 

Oh. Que de cynisme, mademoiselle Keegan était elle donc à ce point furieuse de ne pas pouvoir rencontrer son petit ami à cinq heures du matin devant le lac à l'insu de tout le monde comme elle le faisait depuis quelques semaines ? Eh bien, la cadette était encore plus furieuse qu'elle lui ait caché quelque chose d'aussi important. Pourquoi l'amener là, en plus, alors que c'était un endroit qu'elle pensait que sa sœur ne partagerait qu'avec elle ? Elle aurait pu lui dire qu'elle fréquentait quelqu'un, au moins elle ne se serait pas attachée... Minute. Ça aussi, ça sonnait vraiment étrange dans sa tête. Oh et puis, qu'importe. Et tant mieux s'il ne revenait jamais. Elle faisait peur à ce point ? Soudain confuse, la plus jeune baissa la tête et poursuivit d'un ton plus doux, essayant de paraître sincère en disant qu'il avait intérêt de bien s'occuper d'elle. 

« Qu'il s'occupe bien de moi ? Je n'aimerais pas être dépendante d'un garçon, tu sais. » 

Visiblement sa sœur ne saisissait pas encore où la plus jeune voulait en venir. Cette dernière pensait surtout s'occuper d'elle dans le sens, la chérir comme il le fallait. L'aimer à sa juste valeur. Elle connaissait assez son aînée pour savoir qu'elle ne vivrait jamais au crochet de personne, qu'elle était assez débrouillarde pour survivre toute seule sans dépendre de qui que ce soit. D'un garçon encore moins, fière comme elle l'était. De toute façon elle vivait encore chez les Keegan, pour la simple et bonne raison que le district 4 avait trop investi dans les Pacificateurs ces derniers temps plutôt que de construire des nouvelles maisons. À ce propos, le jour où Aliya emménagerait dans une maison plus proche de la grand-place approchait et Lian le redoutait. Qu'adviendrait il d'elle, toute seule dans cette maison et tellement loin d'elle ? Elles ne se verraient même plus quotidiennement. 

Nouvelle question de la plus jeune, laquelle demanda pourquoi se voir à cette heure du matin. Elle eut pour toute réponse un regard interloqué de la jeune femme. Eh bien quoi ? Est ce qu'elle pensait que Lian croyait qu'ils se retrouvaient au lac pour observer les carassins et les esturgeons !? C'était raté, elle était peut être innocente et un peu candide mais pas assez pour ne pas reconnaître un rendez vous amoureux d'une sortie entre amis. Mais visiblement, encore cette fois elle se méprenait. Elle enchaîna donc avec une nouvelle question, celle qui la taraudait et lui brûlait les lèvres depuis le moment où elle avait interrompu le rancard. Si ils s'étaient embrassés. Si elle n'était plus la seule qui avait eu le droit de goûter à ses lèvres. Rien qu'à cette perspective, la jalousie qui bouillait en elle était à son summum. 

Elle releva la tête vers la plus âgée, laquelle lui offrit un regard doux et bienveillant qui la fît automatiquement sourire. C'était drôle, ces réactions qu'elle avait à chaque sourire d'Aliya. Instinctivement son regard se dirigea vers sa bouche. Et m*rde de m*rde, pourquoi avait elle envie de l'embrasser encore une fois, hein ? Elle se souvenait encore de la texture de ses lèvres, de tout ce qu'elle avait pu ressentir en l'embrassant. C'était la première fois qu'elle avait eu tellement de sentiments si mélangés et confus en elle. Malgré sa promesse d'oublier, elle n'avait pu s'y résoudre. L'épisode restait gravé en elle et maintenant, elle avait envie de le recommencer. Ça aurait pu se passer, si sa sœur n'avait pas pris la parole entretemps :

« Lian. Ce n'est pas mon petit ami.. C'est juste quelqu'un des.. des rebelles. » 

Réponse qui déstabilisa totalement la brunette. Une bonne nouvelle, une mauvaise nouvelle. Commençons par la bonne : ce garçon, donc, n'était vraiment pas le petit ami d'Aliya ? Cette dernière n'était donc pas en couple et elle s'était inquiétée pour rien, avait fait un cirque pas possible alors qu'il n'y avait aucune inquiétude à avoir. Elle avait eu raison au final, sa sœur lui aurait probablement parlé de ça autrement ! mauvaise nouvelle, pourquoi avait elle parlé de rebelles ? Puis n'étaient ils pas tous au district treize à l'heure actuelle ? Qu'est ce qu'ils venaient subitement faire là, eux ? Oh, c'était sûrement un mec qui essayait d'enrôler Aliya...comme un genre de secte... Elle ne releva donc pas et répondit normalement, un grand sourire sur les lèvres :

« Je le savais. J'étais sûre que si un jour tu tombais amoureuse de quelqu'un, tu me le dirais forcément. »

Ce en quoi elle se trompait sans doute un peu, mais chut, elle n'en savait encore rien. Elle était finalement heureuse que sa grande sœur ne soit pas en couple avec cet abruti de tout à l'heure, mais elle s'en voulait aussi un peu de l'avoir chassé comme un malpropre de la sorte, aussi abruti soit-il. Elle aurait bien songé à aller le retrouver histoire qu'ils continuent leur discussion, puisque ce n'était que cela. Non, ça ne lui venait pas à l'esprit que son année puisse lui mentir, depuis qu'elles étaient toutes gosses elle avait toujours été sincère et Lian lui donnait aveuglement sa confiance, sans se méfier et elle savait qu'elle avait raison. Mais ce qui l'empêcha de partir à la recherche du 'rebelle' en question fut sa sœur, qui chuchota à nouveau une phrase sybilline :

« Je n'embrasse que les personnes que j'aime réellement Lian... Pour de vrai. J'embrasse pas pour essayer. » 

Inexplicablement le cœur de la plus jeune se mit à battre à une vitesse folle. Est ce qu'il se pourrait qu'elle l'ait embrassée... Parce qu'elle l'aime réellement ? Non. À quoi elle pensait ? C'était malsain les relations de ce genre, c'était de l'inceste, entre deux femmes en plus, elle le savait très bien. Pourtant à l'idée que Aliya puisse l'aimer d'un amour sincère, elle se réjouissait et avait envie de sautiller sur place. Ce serait mentir que de dire qu'elle n'avait jamais voulu que sa sœur ne soit pas sa sœur et d'être un homme plutôt qu'une femme afin d'essayer d'avoir son cœur. Mais bref, cela ne s'adressait pas à elle. Du moins, elle pensait que non, qu'elle avait dit ça comme ça sans vouloir y placer de sous entendu... Ce n'était pas possible autrement. Pourtant le doute à ce propos la rongeait sans qu'elle puisse y trouver une explication. 

« ...Qu'est ce que tu veux dire ? » 

Et elle, pourquoi est ce qu'elle réagissait comme ça ? N'importe qui à sa place aurait pris la chose à la légère et, surtout pas personnellement. Aliya lui avait demandé d'oublier ce baiser, pourquoi y ferait elle référence maintenant ? Cela n'avait aucun sens, d'évidence elle ne voulait rien dire en rapport avec ce qu'elle pensait. Une fois qu'elle fut convaincue de ce qu'elle se disait mentalement, la demoiselle sortit de son mutisme et atterrit une nouvelle fois, posant son regard sur sa soeur, laquelle souriait, un air moqueur et beaucoup moins tendu qu'a l'arrivée de la fauteuse de troubles qu'avait représenté Lian. Comment ça, un sourire moqueur ? Depuis quand elle se payait sa tête ? Et puis, pourquoi ? Alors qu'elle allait poser la question, fronçant les sourcils, la réponse vint d'elle même : 

« Tu sais quoi Lian, j'ai presque l'impression que tu étais jalouse.. » 

Oups. Le regard de la cadette chercha une issue qu'il trouva dans la contemplation d'un oiseau qui faisait son nid dans un arbre bordant le lac. Il était six heures du matin, ou du moins, pas loin. Les geais moqueurs et autres oiseaux plus communs étaient en train de se réveiller, de même que tout le bois dans lequel se trouvait le lac. Les pêcheurs les plus courageux qui luttaient contre le froid pour se nourrir ne sortiraient cependant pas avant dix heures, moment auquel les poissons affluaient dans les courants et où le soleil dégelait les plans d'eau. Ce qui laissait encore quatre heures de tranquillité. C'était tentant d'esquiver la question mais il lui faudrait bien répondre un jour...comme elle devrait répondre à la sienne, qu'elle avait éludée quelques secondes auparavant. 

« Jalouse ? P...pourquoi je serais jalouse ? J'ai pas de raisons de l'être, en plus, vu que ce n'est pas ton petit ami... »

Avant de continuer, elle plaqua sa main devant sa bouche. Trop tard, elle avait dit une connerie. Laquelle était spontanément sortie de sa bouche, sans réflexion de sa part et c'était encore plus gênant puisque cela reflétait ce qu'elle pensait vraiment. Merde. Merde. Il fallait trouver un moyen de rattraper le coup, car elle avait dit n'importe quoi. Les paroles avaient dépassé la pensée, il fallait croire. Vraiment ? Non, elle ne voulait juste pas croire à ce qu'elle pouvait ressentir. Ce qu'elle venait de dire reflétait exactement ce qu'elle pensait, au contraire. Elle ne pouvait plus nier le fait qu'elle ne ressentait pas que de l'amour fraternel pour sa sœur. Et pourtant, elle continuait à lutter inconsciemment contre cette idée, malgré tout. 

« Enfin, je veux dire... Non, rien, oublie. Y a pas vraiment de sens. »

Au fond d'elle elle espérait que sa sœur comprenne toute seule, elle ne voulait vraiment pas avoir à dire ce qu'elle pensait à haute voix. Ce serait tellement embarrassant. Elle était consciente que c'était lâche mais elle n'y pouvait rien. Innocemment, elle prit la main d'Aliya, qu'elle serra fort dans la sienne, pour la guider jusqu'à un arbre au pied duquel il se trouvait de la mousse en abondance. La cadette s'assit dessus et, en tapotant à côté d'elle, invita sa sœur à en faire de même. Une fois qu'elle fut assise, le silence s'installa, Lian attendait toujours sa réponse. Toujours sans un mot, elle posa sa tête sur l'épaule de son aînée, de façon affectueuse comme ça avait toujours été le cas entre elles. Elle ne fit rien pour l'inciter à parler, elles avaient le temps après tout, non ? Avec le peu d'heures de sommeil qu'elle avait eu, et dans cette position, elle aurait presque pu s'endormir mais elle ne voulait pas ha gâcher ce moment. Un nouveau moment aux côtés de sa sœur. Elle ne pouvait pas laisser perdre le sans doute peu de temps qu'il lui restait à passer avec elle.

Alors quoi ? Venait elle de se trahir, elle même, à ses propres yeux ? Elle avait une idée, depuis toute gosse, qui disait que les mots ne dépassaient pas la pensée, mais qu'ils la reflétaient. Que parfois, on pouvait dire ce que l'on pensait sans même se rendre compte qu'on le pensait, mais jamais l'inverse n'arrivait. Du moins, Lian n'avait jamais dit quelque chose qu'elle ne pensait pas, et surtout pas à sa sœur. Oui, la jeune Keegan pouvait être qualifiable de relativement sincère et franche... Mais là n'était pas le problème. Aujourd'hui, elle venait de se piéger toute seule. Qu'est ce qui lui avait pris de dire qu'elle n'était pas jalouse puisqu'il n'était pas son petit ami ? Comme si elle avait pu l'être si c'était réellement le cas... Eh bien, selon ses propres dires, il fallait croire que oui, elle l'aurait été, et pire, même maintenant qu'elle savait qu'il n'y avait rien entre le garçon et elle, elle l'était. 

Que devait elle en déduire ? Eh bien, qu'elle était très, très méchamment atteinte d'un putain de complexe envers sa sœur. Être dépendante et possessive envers quelqu'un qui nous était lié par le sang, c'était normal...mais jusqu'à un certain point. Et ce point, Lian sentait qu'elle l'excédait d'une certaine manière. Ce qui l'amena à se demander : qu'est ce qu'elle ressentait vraiment pour sa sœur ? C'est vrai que c'était vraiment étrange, comme question, mais elle ne pouvait plus nier que quelque chose entre elles deux n'allait pas. D'abord ce baiser, ensuite cette situation étrange... Aussi gênant que cela pouvait être pour la plus jeune des sœurs de se poser cette question, il fallait qu'elle le fasse. Pourquoi elle se sentait si bien à ses côtés ? Dans ses bras ? Pourquoi elle voulait encore l'embrasser ? Toutes ces questions tournaient dans sa tête, sans trouver de réponse. 

« Lian, essaye de comprendre seule, tu es grande maintenant, non ? »

Eh bien, non. Pas assez pour ce genre de sous entendus. Ou plutôt, si, elle le comprenait mais rejetait ça de sa tête. Si elle n'embrassait que les personnes qu'elle aimait vraiment, alors voulait elle dire qu'elle aimait vraiment sa sœur ? D'un côté, c'était cette dernière qui avait initié le baiser...mais l'aînée n'avait rien fait pour la rejeter, répondant même à ce fameux baiser. Alors...quoi ? Que fallait il comprendre derrière tout ça ? Rien, elle n'en savait absolument rien, et ça la tuait. Pour en revenir au baiser, Lian elle même ne savait pas pourquoi elle avait fait ça. Elle savait que ce n'était pas un simple test, elle aurait pu trouver quelqu'un d'autre pour essayer. Non, elle avait embrassé sa propre sœur, et il y avait une raison à cela. Mais maintenant qu'elles se trouvaient au pied de cet arbre, si proches, elle n'avait pas envie d'y réfléchir mais plutôt de profiter de l'instant présent. 

« Même si c'était mon petit ami, Lian, tu sais que tu resteras toujours la plus importante. Je t'aime et ça, personne ne pourra le changer. Si j'ai un garçon dans ma vie, ce n'est pas pour autant que notre relation changera. »

Sur ces mots, la jeune fille sentit que son aînée lui déposait un baiser sur la joue. Curieusement, le baiser de l'autre jour n'avait pas changé leur proximité physique, même si niveau mental, c'était pas tout à fait ça. Pour en revenir à ce que lui disait Aliya, c'était...étrange. Une réponse qui soufflait le chaud et le froid pour la jeune fille. D'un côté, elle était contente d'être la plus importante. Elle était heureuse d'entendre "je t'aime". Mais ses mots voulaient aussi dire qu'elle aurait un garçon dans sa vie, un jour. Peut être pas maintenant, mais ça arriverait. Et étrangement, Lian ne voulait pas. Même si leur relation ne changeait pas, elle ne voulait pas qu'un garçon entre dans la vie de sa sœur. Elle voulait être la seule. Et, dans un sens, elle voulait que leur relation change. 

« Puis toi aussi Lian, tu vas avoir un petit ami, belle comme tu es, je n'en doute même pas. » 

Si Lian avait envie de sourire, elle ne le fit pas. C'était une bonne chose que sa sœur la trouve belle mais... Comment lui dire qu'elle ne voulait pas de petit ami, qu'elle ne voulait appartenir qu'à Aliya ? C'était une relation fusionnelle qu'elle entretenait déjà avec son aînée, mais elle voulait plus, sans se l'expliquer. La réponse paraissait évidente mais elle se refusait de la comprendre. Peut être à cause du regard des autres, du tabou que c'était, et aussi, sans doute, de la réaction de sa sœur. Pourtant, dans sa tête, bien enfoui, elle savait très bien ce qu'elle ressentait pour Aliya. Elle ne voulait juste pas se l'avouer, car ce serait trop compliqué pour elles deux mais... Après tout, qu'importe, puisqu'elle partirait vraisemblablement aux Jeux, non ? 

« Dis, Aliya... Mon cœur bat vite en la présence de cette personne... Tellement vite que j'ai l'impression parfois qu'il va sortir de ma poitrine... » 

Elle baissa les yeux, gênée par ce soudain discours, et posa sa main contre son cœur. Il battait encore plus vite que d'habitude, en présence de la plus âgée. Il était trop tard pour reculer. C'était avec ce cœur qui battait la chamade qu'elle parlait, et elle ne réfléchissait même pas.

« J'ai...constamment envie d'être avec cette personne. Qu'elle ne voit que moi, qu'elle ne regarde que moi. J'ai envie d'être près d'elle. De la serrer dans mes bras. De...l'embrasser... De ne jamais la lâcher. » 

Elle n'avait, jusque là, jamais exprimé ce qu'elle ressentait à haute voix et elle devait l'admettre...ça faisait très...amour. Était ce seulement possible d'aimer sa sœur ? Elle n'en savait rien. Mais actuellement, elle ne parlait pas à quelqu'un avec laquelle elle avait un lien de sang. Elle parlait à la personne qui était la raison pour elle de redouter la moisson, celle qui la faisait sourire, qui ne quittait jamais sa tête, qui la poussait à faire la conne avec ses sentiments, parce qu'au fond, elle savait. Elle était totalement consciente de pourquoi elle se sentait comme ça envers elle, mais elle n'avait pas voulu y croire. À cause des préjugés. De tout ce qui pourrait les éloigner l'une de l'autre plutôt que les rapprocher. Au dernier moment, elle décida donc de changer de sujet. 

« Mais j'ai peur de lui dire... Et je comptais sur tes conseils de grande sœur, tu vois, puisque je suppose que tu as déjà du être amoureuse..non ? » 

L'art de tout foirer en dix secondes.