Memories…

J’étais de retour au district depuis un moment déjà et je ne m’étais toujours pas habituée aux changements survenus dans ma vie. Tout avait été tellement rapidement que j’avais eu beaucoup de difficultés à tout assimiler. J’avais aussi eu beaucoup de difficultés à me remettre de ce qui était arrivé. J’avais été prise pendant l’attaque des pacificateurs ici et j’avais été emmené dans mon district natal, le deuxième, et j’avais été séquestrée pendant des semaines. Mon corps avait été meurtri et était au bout du rouleau quand j’ai enfin pu quitter ma cage. J’étais au bout du rouleau physiquement et mentalement. Je venais à peine de réellement sortir de mon lit. Je n’en pouvais plus de tourner en rond entre mes draps à repenser à ce qui c’était passé. J’entendais encore les bruits de coup de feu, la déflagration, les images défilaient dans mes yeux et l’odeur de chair brûlé me revenait en tête et me donnait envie de vomir. La vie me donnait envie de vomir. La seule chose que je m’étais permis de faire tout au long de ma convalescence était d’aller voir mon frère qui était lui aussi alité à l’infirmerie. Lui aussi avait souffert. Nous avions tous souffert de ce qui était arrivé là-bas. Nous avions eu droit à un cauchemar.

Constance y avait laissé sa peau, Dorian avait une partie du visage de brûlée et moi j’avais été incapable de me lever pour sortir de là. J’avais été beaucoup trop faible pour le faire. Je m’étais déplacée en chaise roulante quelques temps, pour le peu de mouvement que je faisais en dehors de ma chambre. Bref, nous avions tous souffert de cette attaque. Un baril d’explosif avait explosé au visage de mon frère, Constance s’était prise une balle à ma place…nous étions tous brisés. J’étais brisée et mes oreilles ont longtemps bourdonnées. Je ne voulais voir personne et je n’avais vu personne mis à part les médecins qui s’occupaient de mes plaisirs et des médecins qui s’occupaient de mon esprit troublé. Je ne voulais voir personne mis à part mon frère. Lui seul pouvait comprendre ce que nous avions vécu là-bas. Lui aussi avait perdu Constance. Lui aussi était brisé.

Mais bon, je reprenais, lentement, vie. Je m’occupais à l’infirmerie, je m’occupais l’esprit. J’aidais les aides-soignants en leur enlevant une petite charge de travail. Depuis le temps que j’étais à l’infirmerie à me faire soigner, je savais comment bander de petites blessures, faire des points de suture ou bien désinfecter des plaies. J’étais d’ailleurs occupée à désinfecter une blessure au bras d’un homme qui semblait relativement bien. Mauvaise coupure qu’il s’était fait en salle d’entraînement alors qu’il se battait avec des couteaux. Ce sont les risques de l’entraînement après tout. Il semblait plutôt en rire qu’autre chose. C’était tant mieux. Je préférais cela qu’une personne en état de choc, comme je l’avais été. Ça me soulageait de voir quelqu’un de bonne humeur. C’est là que j’ai entendu une voix qui m’était familière, mais qui était plutôt lointaine pour moi. Je me suis retournée doucement et je l’ai vu. Adrian. Je l’avais croisé quelques fois dans le district, mais il semblait toujours très occupé. Qui ne l’étais pas après tout. Il vint s’asseoir à mes côtés et je ne pus que lui sourire.

«Bien sûr. Tu veux bien me passer le fil et l’aiguille sur la table à côté de toi ?»

Je lui ai souris encore une fois alors que je me levais pour aller jeter le mouchoir dont je m’étais servis pour désinfecter la plaie du bougre maladroit avec ses couteaux. Disons plutôt qu’il avait trouvé un adversaire plus habile que lui.

«T’avais l’air plutôt occupé quand je te croisais. T’as trouvé du temps libre pour me voir c’est gentil.»