J'ai peur.
Je me suis levée avec une boule au ventre, et rien ne semble vouloir ôter le stress qui s'est insinué en moi. Il fait beau dehors, c'est un soleil brillant et chaleureux qui illumine le Capitole. Mais je ne peux pas réfléchir normalement. Demain après-midi je partirai pour le district quatre, et durant deux mois je ferai le tour de Panem. A moins que je ne décide de profiter de mes retrouvailles avec la mer. Cependant, je ne peux pas m'empêcher d'être terrifiée. Et s'il était là ? Que ferais-je ? Serais-je capable de supporter son regard, d'entendre sa voix, ou de simplement me tenir face à lui en toute indifférence ? J'ai encore rêvé de Lui cette nuit. Son regard était dur, mais sa beau intact. Il m'a offert ce sourire carnassier, a levé son bras, et a logé une balle dans ma tête.
Horreur.

Silayan rangea son journal dans le double fond de son sac alors que son véhicule s'immobilisait. Elle regarda par la fenêtre et sourit à la vue de la magnifique demeure de la famille Snow. Elle avait reçu une invitation, qui était considéré comme une autorisation à venir dans la demeure du Président. A 15 heures elle devait être devant leur porte, et c'était le cas. Il était 14 heures 58 et elle sortait à peine un pied de sa voiture, alors que son portier lui offrait la portière. Elle était venue avec un assistant, qui devait l'aider à porter les affaires qu'elle avait apporté pour la fille du Président : la jeune Alix Snow. La demoiselle était un modèle de choix pour la styliste qui ne se lassait pas de lui offrir les tenues le plus en vogue du Capitole. Silayan crée la mode, et elle le faisait mieux que personne. C'est pourquoi elle était souvent sollicité par la famille du Président afin de vêtir ses membres. Elle ne s'occupait du Président Snow, mais il lui était arrivé de confectionner quelques robes pour sa femme. Mais le membre de la famille qui était le plus proche de Silayan était Alix.

Elles se connaissaient depuis un petit moment à présent. On ne pouvait pas dire que ce fut toujours rose entre elles, loin de là. Au début, Alix arborait un caractère froid envers la styliste, qui ne le prit cependant pas pour elle. Elle devait uniquement faire son travail du mieux qu'elle le put, elle ne devait pas attendre de la gentillesse de la part de ses clients. Cependant, à force de calme, de patience et de professionnalisme, Silayan sembla monter dans l'estime de la fillette. Il arriva alors un temps où Alix s'ouvrit à elle. Au départ cela se traduisait par des conversations sur le temps, les dernières rumeurs qui couraient au Capitole, ou sur les dernières tendances de la mode. Mais petit à petit, la jeune femme s'ouvrit à Silayan, qui prenait soin de l'écouter sans la juger. Elle n'aimait pas l'idée de juger les gens, et elle n'avait pas la prétention de le faire. Elle devait simplement être présente, à l'écoute, et les conseiller. Alix, la styliste le comprendra bien assez tôt, était une enfant délaissée. Silayan ne se doutait pas que ses parents devaient être très pris. Elle apprit également que la jeune femme voyait son frère s'éloigner d'elle, à mesure du temps, et que cette solitude qu'elle n'avait pas choisit, la blessait.

Silayan prenait soin alors de sortir la jeune femme de sa solitude du mieux qu'elle pouvait. Son principal projet consistait à l'emmener un jour prochain avec elle dans les district. Elle était sur qu'Alix adorerait voyager dans Panem. Elle doutait que le Président soit consciliant, et adorerait l'idée, mais Silayan se battait depuis déjà un an pour la faire valoir. Le combat n'était pas gagné d'avance, mais peut être que d'ici quelques mois Alix pourra partir sur les routes avec elle. Elle n'en parlait pas à la jeune femme pour ne pas lui offrir de faux espoirs, et se contenter d'être présente pour elle, comme elle l'avait toujours été.
Une autre chose qu'elle évitait de lui dire c'est qu'elle était l'amante passagère de son meilleur ami : Kyle. Silayan avait couché avec le jeune homme à certaines occasions spéciales, et n'en gardait en outre aucun souvenir, mais cela ne comptait pas. Elle avait vite compris qu'il était plus qu'un très bon ami aux yeux d'Alix, même si la jeune fille n'osait pas vraiment l'avouer. Alors il serait mal venu de la part de Silayan d'avouer avec coucher avec lui. Surtout qu'elle préférait l'oublier.

Elle donna à son assistant une partie des robes qu'elle avait apporté, et elle s'empara des trois sacs de chaussures, de bijoux, et d'accessoires en tout genre. Elle s'arrêta devant le pallier, posa les sacs et appuya sur le bouton qui se trouvait à la gauche de la porte. Une voix fluette exigea qu'elle donne son nom : “ Silayan Nausicaa Storm. Mademoiselle Alix Snow m'attend.” Elle entendit un son strident, et la porte s'ouvrit devant elle. Récupérant les sacs, elle fit signe à son assistant et entra. Elle fut accueilli par un des domestiques des Snow. Une muette qui lui fit signe de la suivre. Silayan sourit et lui emboita le pas. La muette l'emmena à l'étage et la fit sillonner les couloirs jusqu'à la mener dans une pièce presque vide. De de grands miroirs étaient éparpillés dans la pièce. Au milieu se trouvait un podium ovale. Autour des fauteuils et ailleurs des cintres, des armoires, des dressings. Vides. “ Bien, mettons nous au travail. ” Dit Silayan en regardant son assistant.

Durant une trentaine de minutes, ils se mirent au travail, sortant les robes, les dépliants, les lissant, les rangeant sur les cintres. Elle posa les chaussures sur un présentoirs, et les différents colliers, bracelets, et bijoux qu'elle avait ramené de son dernier voyage dans le district un, sur une table qui se trouvait dans un coin. La pièce était éclairé par une immense fenêtre où perçait les lumières du soleil et réchauffait l'atmosphère. Silayan travailla en sifflotant des mélodies qu'elle avait entendu au district onze l'année passée. Elle ne voulait pas quitter son esprit. Étrangement, lorsqu'elle posa la dernière pierre sur un coussin de présentation, la porte s'ouvrit de nouveau laissant entrer Alix. Silayan lui sourit, et regarda son assistant. “ Vous pouvez nous laisser. Revenez plus tard. ” Il sortie, et Silayan fondit sur Alix pour la prendre dans ses bras et lui posait deux baisers mouillés sur les joues. “ C'est une joie de vous voir très chère Alix. Comment allez-vous ?” Cela faisait des années qu'elles se connaissaient, et elles avaient beau être presque intime, Silayan ne perdait pas de vue qu'elle était sa cliente, et pire encore, qu'elle faisait partie de la famille présidentielle. En cela elle lui devait un minimum de respect, et ne pouvait pas s'empêcher de la vouvoyer à chacune de leur entrevue. Tant qu'Alix ne lui demandait pas de la tutoyer.

C'était une matinée des plus normales, la routine s'étant à nouveau installée depuis la dernière altercation entre le père Snow et sa rebelle de fille. Alix s'était levée de bonne heure, mettant toute les chances de son côté en prenant une bonne douche chaude et en faisant quelques masques pour la peau. Même sans tous ces rituels de beauté la jeune femme resplendissait, mais il fallait bien occuper ses journées. Voilà déjà quatre semaines qu'elle n'avait pas touché à une seule dose de drogue, et le manque qui frémissait dans son corps avait perdu de son intensité. Son sevrage était sur la bonne voie et la belle envisageait de bientôt en parler à son meilleur ami, Kyle. Elle partageait tout avec lui, les beaux jours ainsi que les coups durs. Elle lui devait tout... Sa guérison, son envie d'évasion, de liberté, son bonheur tout simplement.

Alix leva les yeux et vit son reflet dans le miroir. Elle s'autorisa même un sourire et pour la première fois depuis longtemps elle se trouva belle, resplendissante. Enfin elle avait trouvé son équilibre, sa place dans ce monde de brutes. Bien que ses rapports, de plus en plus rares, avec son frère ainé Nox devenaient de plus en plus conflictuels; il lui restait toujours Kyle, le beau Ichabod et Silayan. Alix et la styliste se fréquentaient depuis bientôt un an et leur histoire revenait de loin. Bien sur son naturel méfiant et hautain avait d'abord prit le dessus sur sa curiosité, mais au fil du temps la jeune Snow prit la décision d'apprendre à connaître la nouvelle venue et découvrit une facette qu'elle recherchait chez de nombreuses personnes au Capitole. La sincérité, le vrai. La bonté naturelle qui émane de chez les gens qui ont vu la vie, qui ont peur de la mort et qui rêvent en secret de jours meilleurs. Silayan et Alix sont très vite devenues amies, malgré leur différence d'âge. La belle brune faisait preuve d'une maturité affligeante pour son âge. Elle lui confia tout. Ses envies de fuite, son désir pour Ichabod mais aussi son malaise vis à vis de Kyle et des sentiments impérieux qui la déchiraient de jour en jour. Alix n'avait qu'un grand frère, qu'elle aimait certes de tout son cœur mais qui n'aspirait pas au même avenir qu'elle. Silayan venait d'un District, elle avait connu l'horreur et la précarité. Avec elle, la fille du président se sentie immédiatement moins seule, plus forte face à l'adversité. Il y avait enfin une chance pour elle de vivre. Ou du moins c'est ce qu'elle pensait à ce moment là....

Quand un Muet vint la chercher à 15h, Alix se dirigea vers la salle d'essayage d'une démarche légère et joyeuse. Le soleil brillait dehors et la chaleur de celui-ci perçait même à travers les immenses baies vitrées. Rien à ce moment n'aurait pu troubler la quiétude qui régnait dans la demeure des Snow.
Alix se dirigea vers Silayan, qui arborait un immense sourire sur son visage fin et magnifique.

- C'est une joie de vous voir très chère Alix. Comment allez-vous ?

Deux bises claquèrent sur ses joues, elle lâcha un rire clair.

- Bonjour Silayan, j'espère que la route n'était pas trop longue... Je vais... bien. Bizarrement bien. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il m'arrive ce matin! J'ai l'estomac en compote et je suis dans l'incapacité d'avaler quelque chose mais j'ai envie de crier tellement je me sens bien... Et vous?

Alix s'était mise à tournoyer joyeusement sur place, laissant les mains expertes de la styliste dérouler quelques fils et mètres afin d'ajuster ses nouvelles tenues. D'ordinaire elle n'était pas aussi mielleuse et niaise, et cette constatation l'interpella. Était-ce le gala organisé par le père de Kyle ce soir qui l'excitait autant? Ou le fait que peut-être cette fois-ci elle aurait enfin l'occasion de partager le lit du jeune homme et de goûter aux plaisirs de la chair? Qu'importe! Si tout se passait comme prévu, Alix ferait le premier pas et tenterait d'avouer "ses sentiments" au jeune Esperranza. La jeune fille sentit une boule se former dans son ventre et une aiguille lui transperça furtivement le bras. Elle lâcha une petite plainte et se tourna vers son amie et styliste favorite. Celle-ci ne semblait pas dans son assiette, plus pâle que d'habitude et aussi plus silencieuse. Instinctivement, Alix sentit que quelque chose ne tournait pas rond.

- Il y a un problème Silayan? On dirait que vous êtes sur le point de vomir... Dit-elle en grimaçant.

Silayan appréciait vraiment la jeune Alix Snow. C’était une demoiselle très intéressante. Le fait qu’elle soit la fille du Président Snow la rendait littéralement intouchable, et parfois la styliste avait du mal à croire qu’elle travaillait pour elle. C’était une très bonne cliente, car elle n’était pas très difficile. Silayan avait des clients très exigeants, qui désiraient la voir créer des tenues usant de la dernière technologie du Capitole. Sa dernière création était une robe très courte, qui changeait de couleurs selon les émotions de son porteur. Silayan n’avait pas compris l’intérêt de cette requête, mais elle n’était pas là pour poser des questions, et en travaillant aux Jeux durant des années, elle avait appris à cacher ses émotions, à simplement faire son travail et du mieux possible. Quand il s’agissait des tributs, il ne fallait pas montrer la moindre joie, un ravissement quelconque, ou de la colère. Il ne fallait pas les considérer comme des jouets, ou des divertissements. Ils étaient des êtres humains, des enfants qui devaient simplement avoir le droit à un dernier instant de gloire. Silayan révélait la beauté de ces jeunes qui le plus souvent avait grandi dans la sueur et les larmes. Apparemment elle était douée pour cela, car son travail était apprécié et reconnu dans le Capitole. Cela expliquait sans doute le fait qu’elle travaille à présent pour Alix.

Lorsque cette dernière arriva, Silayan l’accueillit avec deux baisers qui claquèrent sur ses joues. Elle demanda à la demoiselle comment elle allait. C’était une marque de politesse, mais aussi la preuve d’un réel intérêt pour la santé de la jeune demoiselle. Silayan savait, pour être une amie proche d’Alix, qu’elle était souvent prise de saute d’humeur et que les jours n’étaient pas toujours roses pour elle. Silayan avait craint une dépression pendant un temps, mais il semblait qu’avec le soutien de Kyle la jeune femme se sente mieux. Elle avait les mêmes problèmes que toutes les adolescentes de son âge. Les adolescentes au Capitole. Elle aimait un garçon qui ne la voyait sans doute que comme une amie. Silayan n’avait jamais eu le problème de l’amitié fille/garçon, principalement parce que les gens la voyait souvent comme la simple fille d’une ancienne gagnante des jeux. Peu des gagnants avaient une véritable vie de famille. La mère de Silayan était très appréciée dans leur district. Silayan était une enfant aimée, de ce fait. Et elle était sensible à la beauté. C’était une sorte de don qu’elle avait développé en regardant les joyaux de confectionner les gens de son district. Le district des diamants et des bijoux, des pierres précieuses. Les plus pierres se trouvaient dans le regard des enfants, lorsqu’ils voyaient leur frère ou leur sœur revenir des jeux. Rien ne valait cela.

Elle aimait la lumière, le mouvement des tissus, les jeux des couleurs. Les sourires des jeunes femmes quand elles se sentaient belles. C’était un sourire ravi, merveilleux, fier. Combien de tribut pouvait être fier d’être belle au moins une fois dans sa vie ? Silayan voulait leur offrir cela. Alix n’avait pas ce problème. Elle était naturellement belle, et en outre, elle n’appréciait pas de porter des tenues trop extravagantes. Silayan l’avait très vite appris, la demoiselle différenciait en cela de son frère et de sa mère. Ou de la majorité des citoyens de Panem. Cependant, alors qu’elle faisait porter à la demoiselle des robes qui semblaient à première vue très simples, elles cachaient bien souvent des particularités qui faisaient le ravissement des gens autour d’Alix. Elle allait à la réception du père de Kyle ce soir. Silayan le savait parfaitement. Elle avait pour cela préparer une tenue toute particulière pour la demoiselle. « - Bonjour Silayan, j'espère que la route n'était pas trop longue... Je vais... bien. Bizarrement bien. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il m'arrive ce matin! J'ai l'estomac en compote et je suis dans l'incapacité d'avaler quelque chose mais j'ai envie de crier tellement je me sens bien... Et vous? » La styliste avait presque oublié la question qu’elle avait posé à la jeune fille. Elle pensait bien trop, et trop vite surtout.

Elle sourit, et se mit au travail. Elle sortie trois sacs contenant trois robes différentes. Elle ne voulait pas montrer tout de suite sa création pour la jeune fille. Elle voulait vraiment faire des essais pour, peut-être, faire quelques cadeaux à la demoiselle. Silayan, après avoir appris que la soirée du père de Kyle allait avoir lieux avait dessiné pendant une nuit entière. Trois modèles sur lesquels elle avait travaillé pendant une semaine. Elle voulait donner les trois à la demoiselle. Les trois pour le prix d’une. Elle ouvrit le premier sac et fit signe à la demoiselle de se délester de ses habits afin de pouvoir la lui enfiler. Elle en profita pour lui répondre. « Je sais me divertir sur la route, je n’ai pas vu le voyage passer. Et je suis ravie d’apprendre que vous vous sentez bien. Cela aurait-il à voir avec la soirée qui vous attend ? » demanda la styliste en laissant glisser un regard entendu à la demoiselle. Elle lui fit enfiler le premier modèle. C’était une robe qui rappelait les tenues des anciennes danseuses. Cependant au lieu d’un blanc maculé, la robe était d’un bleu-nuit brillant. Le tissu était particulier au Capitole, sans être totalement fluide, elle pouvait garder les plis particuliers qu’on lui conférait. Le haut dessinait les courbes de sa poitrine, la mettant joliment en valeur. Cependant, le décolleté était rehaussé par un nœud en flanelle qui ressemblait presque à un papillon de nuit. La jupe descendait en un jupon duveteux. Elle avait une doublure, en dessus, qui lui permettait de prendre du volume. Pour l’accompagner, la styliste déposa devant la jeune fille une paire de talons compensé noirs, avec des lacets bleus.

Silayan faisait quelque perfectionnements sur les bretelles fines de la robe, quand elle se laissa emporter par ses pensées. Elle était stressée, elle prenait conscience du fait qu’elle tremblait, et que ces pensées de dispersaient. Elle n’avait pas même remarqué qu’elle ne parlait quasiment pas, alors qu’en règle générale elle prenait soin de divertir la jeune Alix. Mais là, le visage d’un bel étalon ne pouvait pas quitter son esprit. Il avait les traits durs, mais anguleux, un regard profond, et brillant. Un sourire à mourir. Elle savait parfaitement de qui il s’agissait, et plus elle y pensait plus elle sentait le stress lui prendre les tripes. Elle devenait nauséeuse, et sa main glissa, piquant la peau d’Alix qui s’en plaint. Silayan sursauta, et arrêta tout mouvement. Elle reprenait son souffle. « - Il y a un problème Silayan? On dirait que vous êtes sur le point de vomir...» Elle s’obligea à sourire. Mais le visage d’Hunter la regardant de la sorte la faisait frémir. Elle ne se rendait pas compte de la peur qui lui tordait le ventre. Elle secoua la tête et regarda Alix dans les yeux. « Ce n’est rien. Je … Je pars pour le district quatre demain. Cela fait longtemps que … je n’y ai pas été. Et je crois que… c’est le stress du voyage. » C’était sans doute une des raisons pour lesquelles elle se sentait aussi mal. Mais la culpabilité qu’elle ressentit en regardant Alix dans les yeux n’avait pas de pareil. Elle s’en voulait, et elle savait pertinemment pourquoi. Pourtant elle ne devrait pas se sentir aussi mal. Elle n’aimait pas Kyle, et elle n’avait pas couché avec lui en toute conscience. Elle l’avait fait sous l’effet de l’alcool, et ne se souvenait de rien, à part de s’être réveillée, nue, au côté du garçon de dix ans son cadet. Écoeurant, bien que le jeune homme ne soit pas désagréable à regarder. Sauf que Silayan était obsédée par un homme cruel et sanglait. Sauf qu’elle était incapable d’oublier Hunter. Mais n’était-ce pas justement par désespoir qu’elle cherchait dans ses amants un moyen de réchapper à cette douleur intense qui lui mordait la poitrine quand elle pensait à Hunter. A son amour, à son mensonge, à sa trahison. La trahison…

« Mais dites-moi plutôt ce que vous pensez de votre tenue. » dit Silayan en laissant à Alix la possibilité de se mirer dans le miroir à pied qui se trouvait devant elle. Silayan se mit autour d’elle, et plissa son jupon, lui montrant ainsi la caractéristique de cette tenue. « Je vous la conseille avec un maquillage sombre. Cela soulignera la brillance de vos yeux. Et une coiffure relevait. Sauvage. Vous n’en serez que plus… Attirante. » Dit la styliste en murmurant à l’oreille de la demoiselle. Elle sourit. « Et je ne doute pas que cela plaira à Kyle. » Finit par lâcher Silayan, sans se défaire de son sourire.

Silayan n’avait pas levé les yeux vers elle durant tout l’essayage. Les tenues étaient magnifiques mais Alix sentait au fond d’elle-même que quelque chose clochait, que la bonne ambiance habituelle avait laissé place à une froideur palpable. Au bout de quelques minutes de silence, les yeux humides de la styliste se levèrent vers la jeune Snow.

- Ce n’est rien. Je… Je pars pour le District quatre demain. Cela fait longtemps que… je n’y ai pas été. Et je crois que… c’est le stress du voyage.

Alix hocha la tête. Silayan ne s’était pas autant confié que ça mais la jeune fille avait aisément compris que quelque chose ou quelqu’un appartenant au passé de la belle, l’attendait là-bas. Peut-être était-ce un homme, un mari, un frère, un amant… Tout était possible. Cependant, la jeune brune avait appris avec le temps que forcer les gens à se confier sur des sujets qu’ils gardaient secret ne valait parfois pas mieux que de confronter une douloureuse vérité. Elle s’en était rapidement rendue compte quand Kyle lui avait annoncé sa maladie. Elle avait voulu partir en courant, pleurer, crier, se coucher en travers de son lit et ne jamais se relever… Mais elle était restée forte, les poings et mâchoires serrés.
Malgré tout, la façon dont Silayan se comportait aujourd’hui relevait du mystère et la fille du président se sentait de plus en plus mal à l’aise. Comment afficher sa surprenante bonne humeur quand une des seules personnes vous ayant toujours écouté blêmie de plus en plus chaque seconde ? Elle joua nerveusement avec ses doigts ; se mordilla la lèvre, tout en regardant dans le miroir le reflet d’une magnifique robe bleu nuit qui habillait son corps à la perfection. Elle ressemblait à une parfaite princesse, belle et innocente. Rien à voir avec la sophistication du Capitole et les peaux pailletées tirées à l’extrême. Elle était irréelle.

- Mais dîtes-moi plutôt ce que vous pensez de votre tenue. Je vous la conseille avec un maquillage sombre. Cela soulignera la brillance de vos yeux. Et une coiffure relevée. Sauvage. Vous n’en serez que plus… Attirante. Lui murmura Silayan au creux de l’oreille.

La jeune fille attrapa les longues mèches brunes qui lui pendaient dans le dos et les attacha en un chignon négligé. Le résultat était fabuleux, elle ne pouvait exprimer sa satisfaction et sa joie. Elle se retourna simplement vers sa styliste et lui adressa un sourire radieux.

- Et je ne doute pas que cela plaira à Kyle. Ajouta celle-ci.

Son cœur se serra instantanément quand elle entendit son amie prononcer le prénom de Kyle. Il était la principale raison de sa nouvelle addiction aux tenues resplendissantes de Silayan, mais aussi le déclencheur de son bonheur si particulier. Trois jours plus tôt, il était venu chez elle pour y passer la nuit après avoir lâchement abandonné une de ses nombreuses conquêtes; comme à son habitude, et il lui avait avoué son amour. Alix avait beaucoup souffert de cette révélation au début, puis elle avait longuement réfléchis et s’était finalement dit que si Kyle avait fait le premier pas, ce n’était certainement pas pour la faire souffrir impunément. Leur relation était spéciale, dépassait toutes les attentes et les mythes. Elle avait toujours été folle de lui, cultivant en secret le doux rêve qu’un jour elle aussi aurait la chance de se mouvoir contre son corps sublime et de le griffer comme celles avec qui il avait déjà eu une aventure. Elle avait décidé de laisser tomber les dernières gardes et de rendre les armes. Ce soir, au gala, elle lui avouerait son amour elle aussi. Et envers et contre tous, ils s’aimeront et vivront heureux, libres. Ensemble, sans aucune ombre au tableau.

- Merci Silayan… Je ne sais pas comment vous remercier ! Votre travail est irréprochable, comme d’habitude ! Vous me surprenez de jour en jour… Merci pour tout. Si vous saviez ! Sans votre soutient et votre amitié je crois que j’aurais perdu la tête depuis des mois… Il faut que je vous dise… Kyle m’a annoncé qu’il m’aimait… et vous savez pertinemment que je l’aime aussi. Je… je suis sûre qu’il va changer... pour moi, pour nous. J’ai décidé de lui déclarer ma flamme en retour ce soir, au gala ! Annonça Alix avec un petit sourire timide.

Elle n’était pas habituée à ressentir autant de bonheur et d’excitation à la fois. Son cœur lui faisait terriblement mal dans sa cage thoracique, et sa tête cognait affreusement. Les palpitations augmentaient dangereusement mais la jeune femme n’en perdit pas pour autant son sourire. Au contraire, celui-ci s’agrandit.

- J’ai décidé d’abandonner mon projet d’escapade vers les Districts… Je vais rester ici. Kyle a besoin de moi ! … Peut-être que finalement, j’ai trouvé ma place au Capitole ! Le temps sera long et la route difficile mais je pense que si il m’aime autant que je l’aime depuis ces deux années… Nous y arriverons. J’espère que vous pouvez comprendre Silayan… Je ne peux pas me permettre de faire passer mes rêves avant celui qui peut-être est…

Alix prit une grande inspiration, sentant que les larmes lui montaient doucement aux yeux. Elle paniquait à présent, elle avait peur de la vie, de la vérité. Du bonheur qui lui rongeait le corps tout entier et de ses sentiments envers Kyle qui lui retournaient le ventre. Elle avait une peur bleue mais son courage l’emporta comme toujours.

- … l’Amour de ma vie ! murmura-t-elle d’une voix quasi éteinte.

La jeune femme attendait un minimum d’enthousiasme ou au moins une réaction après sa longue tirade, mais l’expression qui ornait le visage de la styliste était une expression d’horreur, de dégout et d’angoisse. Alix descendit de l’estrade et s’approcha de son amie. Celle-ci eut un mouvement de recul puis finalement, secoua la tête. « Ce n’est pas normal… rien de tout ça est normal… » Pensa-t-elle avec effroi. Elle attrapa la main de sa styliste favorite et la dirigea avec douceur vers un petit canapé moelleux. Une fois assise, Alix se tourna vers elle et lui dit :

- Silayan, je n’aime pas beaucoup la façon dont réagissez… (elle serra sa main un peu plus fort contre les siennes) Vous êtes mon amie -une de mes plus proches amies d’ailleurs, je ne vous le cache pas… - … mais j’ai l’impression que quelque chose ne va pas, que vous êtes en train de me cacher une information importante et qui apparemment vous fait souffrir sans égal… S’il vous plait… J’ai confiance en vous, je pourrais vous confier ma vie ! Soyez honnête avec moi…

Les mains de la fille du président se mirent à trembler, toute trace de bonheur avait déserté son beau visage. Elle sentait que l’équilibre qu’elle avait trouvé ne tenait plus qu’à un minuscule fil ; lequel étant sur le point de se briser. Ses yeux transpercèrent ceux de la blonde.

- Dîtes-moi ce qu’il se passe.

Silayan n'aimait pas repenser à ce qu'il était advenu au district quatre, des années auparavant. Elle se donnait corps et âme à son travail afin de ne pas avoir l'esprit libre et se laissait aller à des divagations sur le sujet. Mais elle ne pouvait rien contre la force des sentiments qui l'assaillaient toujours lorsqu'elle voyait sur les écrans de son téléviseurs, parfois, le bleu cristallin de la mer du District quatre, ou l'immense lac quasi-désert. Depuis longtemps elle avait compris qu'elle ne pourrait pas oublier ce qu'il s'était passé dans ce district, les sentiments qui l'avaient tourmentée durant des mois après son retour au Capitole. D'ailleurs, elle n'avait pas même eu la force de revenir directement au Capitole, et elle avait passé quelques jours au district un, après son départ subit. Elle avait dormi dans sa chambre d'enfant, au village des vainqueurs du district un, aux côtés de sa mère, sous sa bienveillance et ses regards inquiets. Silayan admirait sa mère, et pas seulement parce qu'elle était une gagnante des jeux de la faim. Mais surtout parce qu'elle avait réussi à se reconstruire. Au départ, Silayan avait pensé que c'était dans l'ordre naturel des choses, cependant après avoir travaillé durant huit ans auprès de ces jeunes, elle avait appris que cela n'était pas si simple. Aucun de ces enfants ne revenaient inchangés. Nombreux étaient les stylistes qui laissaient tomber les Jeux. Beaucoup ne faisaient pas plus de quatre ou cinq Jeux. Cela faisait huit ans que Silayan faisait ce métier. Elle ne comprenait pas elle même comment elle pouvait le supporter.

Chaque année, elle avait une enfant, une jeune fille ou un jeune garçon, qui venait au Capitole pour être entrainé. Entrainé à tuer, ou à être tué. Les tributs de carrière du un étaient souvent très bien portants, et habitués à l'idée de se battre jusqu'à la mort dans l'arène. Pour le mérite et la gloire. Elle-même avait été élevé dans cette idée centrale : devenir un héros pour son district en revenant de l'arène couvert de gloire. En huit ans, Silayan n'avait vu qu'un seul de ses tributs revenir vainqueur. Cela ne signifiait pas qu'elle faisait mal son travail, et en général, ses tenues assurés l'attraction de quelques sponsors à son tribut. Mais cela ne les sauvait pas de la mort. Pas toujours. Certaine année, un tribut était foncièrement plus intelligent que les autres, plus doués, talentueux. Les stylistes le remarquaient sans doute plus vite que les autres. C'est pour cela qu'ils n'avaient pas le droit de parier. Ils ne connaissaient les tributs que trop bien. Ils en apprenaient plus en habillant ces jeunes que les juges ne les cernaient en les regardant s'entrainer. Même le public ne savait pas qui étaient les jeunes qui se déchainaient sur les écrans. Les Stylistes le savaient. Ils apprenaient beaucoup en habillant les gens. Ce qu'ils aimaient, ou non, leurs caractères, leurs espoirs, leurs rêves... C'était tout aussi vrai pour les tributs que pour les gens en général. C'était sans doute pour ce fait que Silayan comprenait Alix mieux que quiconque.

Cependant, Silayan n'était pas là pour pousser les gens à se confier. Il lui suffisait d'observer, de les interroger sur ce qu'ils attendaient d'elle pour en apprendre plus sur eux. Alix n'aimait pas être mise sur le devant de la rampe. Elle n'aimait pas être sous les feux des projecteurs. Pourtant, elle se sentait seule, profondément seule. Elle était prudente, peut-être trop prudente, et pour ce fait, elle n'avait pas beaucoup d'amis. Elle ne se confiant pas facilement, et pourtant, lorsqu'elle le faisait cela prouver d'une grande confiance, quasi-aveugle. Alix avait une confiance aveugle envers Silayan. Cette dernière avait gagné cette confiance à force de temps. Elle ne s'attendait à ce que leur relation aille aussi loin. Car elle était de dix ans son ainé, parce qu'elles avaient surtout une relation professionnelle. Silayan travaillait pour Alix, elle n'était pas chez elle en tant qu'amie. Elle était sa styliste. Malheureusement, les deux étaient souvent liés. Silayan s'entendait très bien avec tous ces clients habitués. Elle était devenue très proche de la majorité d'entre eux. Parce que les gens se sentaient bien, en sécurité, quand elle les habillait. Silayan avait compris depuis longtemps que c'était dû au fait qu'ils savaient. Ils savaient, par rapport aux habits qu'elle leur apportait, qu'elle les comprenait.

Alors, lors qu'elle habilla Alix, elle sut que la jeune fille lui faisait entièrement confiance. Elle souriait tristement, cependant, parce qu'elle avait le sentiment désagréable de ne pas mériter la confiance de la jeune fille. Toute cette histoire était allée trop loin. Silayan se sentait mal, infiniment mal. Tout ca à cause de ce qu'il s'était passé dans le district quatre, il y a quatre ans... Quel gâchis. “Merci Silayan… Je ne sais pas comment vous remercier ! Votre travail est irréprochable, comme d’habitude ! Vous me surprenez de jour en jour… Merci pour tout. Si vous saviez ! Sans votre soutient et votre amitié je crois que j’aurais perdu la tête depuis des mois… Il faut que je vous dise… Kyle m’a annoncé qu’il m’aimait… et vous savez pertinemment que je l’aime aussi. Je… je suis sûre qu’il va changer... pour moi, pour nous. J’ai décidé de lui déclarer ma flamme en retour ce soir, au gala !” La styliste regardait la jeune femme devant elle, en tâchant de garder un masque de neutralité. Elle n'arrivait pas à paraitre joyeuse. Certes, elle connaissait les sentiments d'Alix au sujet du jeune homme, mais entendre de la bouche de la jeune fille qu'il lui avait sa déclaration, cela blessa Silayan. Non pas parce qu'elle espérait que le jeune homme aurait un sentiment quelconque pour elle, elle n'en avait cure. Mais parce qu'elle ne voulait pas le voir tenir Alix dans ses bras. Elle était apeurée pour la jeune fille, qui se trouvait sur son petit nuage, alors que Kyle n'était qu'un dom juan invétéré. Un jeune homme qui aimait s'amuser. La jeune fille, adolescente, se laissait aveuglée par ses sentiments. Silayan se sentait le devoir de la prévenir contre Kyle. Contre la dureté de ces sentiments. C'était dangereux d'être ainsi aveuglée par l'amour. Cependant, pour le moment, les mots lui manquaient pour en parler avec diplomatie. “Ravie que mon travail vous plaise toujours autant, Alix.” Répondit-elle simplement avec un petit sourire, attendri, amusé.

Alix avait aussi ce petit sourire, mais bientôt, elle se laissa emporter par son élan de passion, et Silayan, impuissante la regardait. “J’ai décidé d’abandonner mon projet d’escapade vers les Districts… Je vais rester ici. Kyle a besoin de moi ! … Peut-être que finalement, j’ai trouvé ma place au Capitole ! Le temps sera long et la route difficile mais je pense que si il m’aime autant que je l’aime depuis ces deux années… Nous y arriverons. J’espère que vous pouvez comprendre Silayan… Je ne peux pas me permettre de faire passer mes rêves avant celui qui peut-être est… ” Silayan fronça les sourcils, en suivant le discours de la jeune fille. S'il y a bien un conseil que Silayan gardait de sa mère était celui-ci : n'abandonne jamais tes rêves pour un homme. L'amour reste, les possibilités d'accomplir ses rêves disparaissent. L'amour était souvent blessé par la rancoeur. Mais lorsque l'on est adolescent, l'amour prenait souvent le dessus. Surtout lorsqu'on se sentait aussi seule que l'était Alix. Silayan pouvait le comprendre, mais elle doutait qu'Alix devait pour autant rester prostrée au Capitole. Partir, ne serait-ce que quelques jours, pour les districts ferait sens doute du bien à la jeune fille. Mais Silayan ne put pas lui parler, car la jeune femme reprenait son souffle, alors que les larmes risquaient de la submerger. Silayan se mordit la lèvre inférieure. Elle sentait ce qui allait nécessairement suivre, et elle n'attendit pas longtemps. … l’Amour de ma vie ! .... Foutaises.

Silayan regarda la jeune fille, décomposé, oubliant un instant de retenir le masque d'horreur qui se dessina sur son visage. L'amour de sa vie ? A dix-huit ans ? C'était une erreur. Une terrible erreur que de croire cela. Surtout pas Kyle. Kyle ! Cet homme couchait avec tout le beau monde du Capitole.... Silayan comprit. Elle sentit une boule d'angoisse lui enserrer le ventre. Ce secret, cette révélation, lui pesait bien trop lourd sur la conscience. Certes, elle n'avait pas décidé sciemment de coucher avec le jeune homme, mais elle l'avait fait. Sous le coup de l'alcool, du souvenir du district quatre, et de la tristesse. De cette solitude qui la rendait folle. De son incapacité à aimer à un homme que... Bref....
Elle se lassait submerger, et la jeune fille s'en rendit compte. Son sourire tomba, et l'inquiétude se dessina sur son beau visage. Elle descendit et conduisit Silayan jusqu'au canapé où elles s'assirent toutes les deux. Alors seulement Alix prit la parole : “ - Silayan, je n’aime pas beaucoup la façon dont réagissez… Vous êtes mon amie -une de mes plus proches amies d’ailleurs, je ne vous le cache pas… - … mais j’ai l’impression que quelque chose ne va pas, que vous êtes en train de me cacher une information importante et qui apparemment vous fait souffrir sans égal… S’il vous plait… J’ai confiance en vous, je pourrais vous confier ma vie ! Soyez honnête avec moi… ” Silayan la regardait dans les yeux, mais cela ne dura pas. Elle les ferma, et tâchait de se reconstituer un masque de joie, ou tout du moins, de neutralité. Elle n'y parvint pas cependant, car elle sentait qu'elle était piégée. Elle était obligée de tout lui dire. MAis n'en avait aucune envie. Elle savait qu'Alix, avec toute la force de son amour adolescent pour Kyle, ne pourrait pas l'écouter sans s'énerver. Elle rouvrit les yeux, et croisa le regard d'Alix. “- Dîtes-moi ce qu’il se passe. ” Silayan avait un regard plus dur à présent.

Elle inspira profondément, et se leva. Elle se tourna vers la demoiselle, et tâchait de parler avec le plus de calme et de douceur qu'elle le put. “ Vous êtes ... Amoureuse. De cet amour adolescent qui vous fait perdre la tête. Nous sommes toutes, sans doute, passées par là. C'est adorable, sans doute. Mais je me sens ... l'obligation, de vous dire que ... Kyle. Kyle n'est pas fait pour vous. Vous ne pouvez pas simplement lui succomber alors qu'il a cette réputation au vu et au su de tous.” Silayan était injuste, et elle sentait qu'elle avait fait une erreur. Sa faute et ses paroles seraient sans doute mal interprétés. Mais c'était trop tard à présent, elle devait aller jusqu'au bout. “Avant que je ne continue.... faites moi la promesse que vous ne laisserez pas vos rêves vous échappez pour un homme, qui qu'il fut pour vous.” Elle regardait la jeune fille avec une tendresse presque fraternel. Elle se sentait presque responsable du bonheur d'Alix, et pourtant elle ne s'expliquait pas cette tendresse et cet amour pour elle. Elle ne méritait pas sa confiance. Elle l'avait trahit.

“ Kyle est un joueur, et un homme qui aime les femmes. C'est un homme qui connait le pouvoir des mots, et qui sait comment ... attirer ses proies.” Silayan baissa les yeux, honteuse. Puis dans un dernier élan de courage elle inspira, et regarda Alix droit dans les yeux. “ Ne vous laissez pas prendre dans ses filets. Ne le laissez pas se jouer de vous. N'entrez pas dans son jeu comme.... comme j'ai pu le faire.” C'était dit. Elle attendit alors. En espérant ne pas avoir à expliciter plus la chose que cela, ce serait bien trop honteux pour elle.

---

Silayan s’était levée et la regardait durement à présent. L’estomac d’Alix se tordit une nouvelle fois, une boule d’angoisse lui noua la gorge. Jamais encore elle n’avait vu la styliste dans un état pareil ; elle qui d’habitude était si calme, voir impassible. Bien entendu il lui arrivait de sourire et de rire avec la jeune femme mais leur relation restait très cordiale, du fait de son statut social si « important ». Mais là, elle sentait bien que les mots qui s’apprêtaient à sortir de la bouche de la belle blonde allaient être durs et n’allaient certainement pas lui plaire. Tout de même, Alix appréciait la franchise de son amie et détestait les gens qui prenaient des gants pour lui dire les choses. Certes il fallait avoir le cœur solide et le dos large, mais la vérité sonnait toujours mieux dans ses oreilles.

- Vous êtes ... Amoureuse. De cet amour adolescent qui vous fait perdre la tête. Nous sommes toutes, sans doute, passées par là. C'est adorable, sans doute. Mais je me sens ... l'obligation, de vous dire que ... Kyle. Kyle n'est pas fait pour vous. Vous ne pouvez pas simplement lui succomber alors qu'il a cette réputation au vu et au su de tous.

Alix ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Était-elle vraiment en train de lui faire la leçon ? Impossible, cela n’était jamais encore arrivé auparavant. Pourtant la fille du président Snow savait parfaitement que son comportement n’était pas toujours exemplaire, qu’elle faisait des erreurs comme tous les jeunes de son âge… Après tout, l’erreur était humaine ! Pourquoi lui reprocher la seule chose qui lui permettait encore de se différencier de la bestialité de son père? Cependant, lui jeter ainsi les quatre vérités de Kyle à la figure… c’était cruel et surtout très facile. Elle avait toujours méprisé le côté volage de son meilleur ami. Avant de le rencontrer elle était toujours vierge, même s’il lui arrivait de séduire un homme par ci et par là ; mais jamais encore elle n’en avait conduit un jusqu’à son lit. Quand un jour, elle l’avait surpris en train de lécher la glotte d’une pouffe blonde platine dans une boite de nuit, tout avait changé. Une telle colère s’était emparée d’elle cette nuit là… Une jalousie sans pareille. Une déception immense. Finalement avec le temps elle s’était faite une raison. Kyle aimait les filles et elles le lui rendaient bien; après tout que pouvait-il faire d’autre ? Ici, au Capitole, la jeunesse dorée est condamnée à moisir derrière des baies vitrées immense, des boissons de toutes sortes et des drogues toujours plus élaborées à portée de main. Les parents absents, les mauvaises fréquentations, tout se prêtait à merveille à la décadence et à l'oubli.
Mais au fond d’elle-même, Alix voulait y croire. Le Kyle qui lui avait fait sa déclaration trois jours plus tôt était différent. Ils avaient lutté pendant deux ans, ils s’étaient apprivoisés doucement comme deux animaux sauvages. Ils ne ressemblaient en rien à tous les jeunes couples du Capitole, ils étaient spéciaux. Ce n’était pas une simple amourette de jeunesse ! Leurs âmes étaient liées et le resteraient jusqu’à la mort, qu’ils le veuillent ou non… Avant qu’Alix ne puisse répondre quoi que ce soit, Silayan reprit la parole.

- Avant que je ne continue.... faites moi la promesse que vous ne laisserez pas vos rêves vous échappez pour un homme, qui qu'il fut pour vous.

- Mais… oui … oui... Vous ne comprenez pas… Ma place est ici avec celui que j’aime ! Je ne peux pas le laisser derrière moi ainsi… Commença nerveusement Alix.

Pourquoi ne comprenait-elle pas ? Elle qui avait été là depuis le début, elle qui d’habitude était de si bon conseil et dont les sages paroles ne quittaient jamais l’esprit de la jeune fille. Pourquoi fallait-il qu’aujourd’hui tout soit si discordant ? Les larmes lui montèrent une nouvelle fois aux yeux, un malaise s’était installé en elle. Elle perçut à travers les paroles de son amie que quelque chose de bien pire que le comportement libertin de Kyle était en jeu. Quelque chose qui bouleverserait le cours des choses à jamais. Alix retint sa respiration au moment où Silayan s’apprêta une nouvelle fois à parler. Les yeux de la femme se rouvrirent et la jeune brune serra les poings, comme pour se protéger avant un coup violent.

- Kyle est un joueur, et un homme qui aime les femmes. C'est un homme qui connait le pouvoir des mots, et qui sait comment ... attirer ses proies.

Alix sentit son souffle se couper instantanément, ses membres se raidirent. Elle avait peur de comprendre où son amie voulait en venir; celle en qui elle avait eu tellement confiance pendant ces longs mois, la seule à qui elle avait confié sa vie et ses sentiments, ses rêves d’évasion, son amour secret pour Kyle… Kyle. Elle le connaissait. Ils s’étaient déjà rencontrés. Elle parlait toujours de lui avec une certaine distance, une sorte de retenue comme si… Comme si leur relation allait au-delà de la simple courtoisie. Quand Alix se confiait à elle, elle réagissait toujours comme si elle le connaissait. « Mon Dieu… ». Les larmes se mirent à couler avant que la jeune fille ne puisse réagir. Les tremblements secouaient son corps, ses yeux bleus suppliants cherchèrent ceux de Silayan pour y déceler la vérité.

- Ne vous laissez pas prendre dans ses filets. Ne le laissez pas se jouer de vous. N'entrez pas dans son jeu comme.... comme j'ai pu le faire.

Le coup avait atteint sa cible, la sentence était tombée. Un silence de mort s’installa entre les deux jeunes femmes. « Non… »Alix se leva subitement sans un mot et se dirigea vers celle qu’elle considérait encore comme son amie deux minutes plus tôt. Sa démarche était droite et brusque, rien à voir avec la souplesse et la grâce habituelle avec laquelle elle se déplaçait. Ses yeux bleus ne pleuraient plus, ils lançaient des éclairs, ne lâchant pas ceux de sa rivale. Elle s’arrêta à quelques centimètres de la blonde et lui lança un sourire sadique.

- Je me demande comment vous avez pu me regarder dans les yeux pendant tout ce temps… Vous saviez que je vous faisais confiance. Vous m’avez trahie de la pire manière et rien ni personne ne pourra pardonner cela… Vous saviez PAR-FAI-TEMENT quelle était la nature de mes sentiments envers Kyle, vous étiez d’ailleurs la seule à le savoir… et même ça, vous n’avez pas pu le respecter. Vous ne valez pas mieux que toutes les autres trainées qu’il a déjà eues dans son lit.

Alix reprit calmement son souffle, ses mains tremblaient toujours affreusement. Le manque refit surface. Au bout de pratiquement trois semaines d’abstention, elle allait replonger; et ce avec un malin plaisir. Elle allait se défoncer à en mourir, pour sûr.

- Je n’arrive même pas à croire que j’ai pu être aussi naïve et sotte pour boire toutes vos belles paroles… Vous savez où vous pouvez vous la mettre votre morale n’est-ce pas ? Maintenant, je vous conseille de prendre vos affaires, de prévenir vos assistants et de déguerpir de chez moi aussi vite que possible… Sinon je vous sortirai par la force et rien ne pourrait plus me faire plaisir à l'instant, croyez-moi. Maintenant sortez d’ici (elle enleva sans précaution la robe à tulle que Silayan lui avait confectionné, déchirant au passage un bout de tissu qui tomba négligemment sur le sol) et gardez votre robe.

Sa voix était plate et froide à l’extrême. Ses paroles explosaient dans la pièce silencieuse et elle mourrait d’envie d’attraper les cheveux blonds et luisants de la traitresse, pour les lui arracher et projeter son visage si chaleureux et parfait contre le mur. Elle imagina le sang couler de ses narines blessées et cette pensé la réconforta. Alix pointa un doigt menaçant vers la styliste qui n’avait pas bougé d’un cil.

- J’espère ne plus jamais vous croiser et dans le cas contraire… Comptez sur moi pour ruiner votre réputation au Capitole! Vous savez à quel point ma famille est influente ici bas. (Elle eut un rire mauvais, ses yeux brillaient de colère) Il serait d’ailleurs bon de commencer à chercher un nouvel emploi… ou un endroit plus sûr ! Mon père est assez colérique… J’ai hérité ça de lui. (son sourire s'effaça, laissant place à un rictus abominable, effrayant.) Vous êtes un monstre Silayan, j’espère que vous n’en trouverez plus le sommeil et que vous n’arriverez plus à vous regarder dans une glace, sincèrement.

Sans un mot de plus, la fille du président s’éloigna. Elle sentait qu’un sanglot incalculable montait en elle et que si elle ne s’allongeait pas bientôt, ses jambes tremblotantes lâcheraient sous le poids de la tristesse. Elle entra dans sa chambre, se laissa tomber sur son lit qui lui semblait bien vide et froid. Plus jamais le corps de Kyle ne viendrait se nicher contre le sien dans la noirceur de la nuit. Plus jamais ses lèvres ne se poseraient sur ses épaules nues. Elle se sentait trahie, souillée, abandonnée de toute part. Comment avaient-ils osé tous les deux ? Kyle savait mieux que personne qu’Alix n’accordait pas facilement sa confiance, alors comment ce faisait-il qu’il ait si facilement pu négliger ses sentiments ? Il l’aime, l’a toujours aimé ? Depuis le premier jour ? A d’autres… S’il l’avait seulement aimé, jamais il n’aurait pu coucher avec toutes ces infâmes créatures, jamais il n’aurait eu l’idée de séduire une de ses rares amies.
Foutaises ! Il l’avait complètement détruite. Il avait aspiré le peu de lumière qui essayait chaque jour de percer l’immense carapace de solitude et de froideur qu’elle s’était construite depuis des années. Il lui avait fait miroiter des choses, lui avait fait des promesses… Et elle, stupide adolescente ingénue, niaise à en crever… Elle y avait cru.
Alix se releva doucement et se massa la tête. La salle d’essayage était vide à présent et elle n’entendait plus un bruit dans l’appartement colossal qui lui servait de maison. Y était-elle au moins chez elle ? Avait-elle une place dans ce monde d’hypocrites et de faux ? Ses mains se portèrent presque automatiquement au premier tiroir de sa commode noire laquée. Elle prit délicatement la seringue qui s’y trouvait et s’injecta le liquide rose en pleurant. La douleur qu’elle ressentait au fond d’elle était destructrice. Elle enclencha un bouton et la musique commença. D’abord douce et mélodieuse puis elle monta en puissance, devint dure et rapide ; agressive. Son pouls s’accéléra au rythme de la musique, ses yeux se fermèrent... Elle aurait voulu qu’ils ne se rouvrent plus jamais.





Babe when you try to feel all the little things I feel
You never can understand, You say that's in my head, oh darling
Oh, I'll never trust in you.
When, when I try to speak and you always shut me up, you say that's all bullshit and you go back to the pub, darling
oh I'll never trust in you.

so I never know when I'll be Back In Town
I never know when I'll be back
I never know when I'll be Back In Town
I never know...

and when you say you love me, it's just because you're sorry by everything you did and everything you're going to do
oh I'll never trust in you.
and now you're running after me 'cause you, thought you are blessed you say, that was in my head, but you know you will definitely go

oh I'll never trust in you.