- Pitié !
- Oh mais ferme-là !

Sur la scène de l’Hôtel de Ville du District Onze, un observateur aurait facilement pu apercevoir deux hommes dont un en grande supériorité et l’autre, logiquement, je vous laisse deviner. Mon fouet en main, je ne dose pas mes coups. Plus ou moins forts, je distingue facilement les marques sur le dos du garçon face à moi, attaché à son poteau qu’il enlace assez crispé. Je dois en être au dixième désormais, je laisse alors retomber mon bras et sort un torchon de ma poche me servant à nettoyer rapidement mon arme, si l’on peut la considérer de telle. Deux collègues détachent alors l’adolescent de dix-sept ans pour le reconduire chez lui.

- Que ça vous serve de leçon, peuple du Onzième District de Panem !

Affichant un sourire satisfait de mon jeu, je me couvre de mon manteau gris-blanc typique des Pacificateurs et saute de l’estrade avant de rattacher mon fouet à ma ceinture. Cette journée fut épuisante… Oh je ne vais pas m’en plaindre, j’ai fouetter deux personnes aujourd’hui, un petit record qui fut vite rapporté à mon supérieur qui m’accorda un week-end de repos, parfait pour regarder les Jeux. Oui, le week-end on a le droit à des épisodes en direct, et c’est plutôt bien formé.

Contournant la foule, je ne tiens absolument pas compte des regards dégoûtés que me lancent les habitants et en ris plus qu’autre chose. Ma première victime aujourd’hui avait tout simplement voulu quitter le District, on ne m’a pas autorisé à le tuer alors que ce n’est pas interdit dans ce cas là, je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas voulu. Mais bon, ce n’est pas grave, au moins il a écopé de vingt bons coups. Puis, ce garçon âgé de deux ans de plus que le premier, avait volé dans la journée, en croyant que je ne le voyais pas, trois pommes destinées d’après lui à sa mère, à sa sœur et à lui. Bien sûr.

Je rentre donc chez moi le cœur léger. Refermant tranquillement ma porte à double tour, je me déchausse et m’installe devant mon poste de télévision que j’allume avec excitation. Sur quoi je tombe ? Les Jeux ! Quel bonheur. Sous mes yeux, une fille dans un arbre, plutôt jeune, je dirais treize ans, qui tente d’attraper un parachute argenté entre les feuilles. Hilarant.

Mais je ne m’attarde pas. Laissant la télévision allumée, je ressors au dehors en réajustant les sangles de mon manteau. Je ne sais plus quoi faire en ce moment. Les Jeux sont une bonne occupation, tout comme les punitions, mais à part ça ma vie est routinière. Enfin je trouve.

J’avance d’un pas léger tout droit vers les vergers dans cette nuit qui commence à s’épaissir au fur et à mesure que je m’enfonce dans ce District. Cela fait un bon bout de temps que j’y suis. Dix ans ? Environ oui.

Puis face à moi, je remarque quelque chose qui bouge à travers les fourrés. Sûrement un lapin ou un animal quelconque. Je dis lapin parce-que les lapins ça a plutôt bon goût avec des pommes de terres. C’est ça l’avantage d’être dans un District agricole et en plus d’être au service du Capitole. Nous, on mange du lapin et eux se prennent des tesserae. Une certaine logique.

Mais ce qui bouge dans les fourrés n’est pas un lapin. Je distingue désormais parfaitement de dos une jolie demoiselle d’un lapin. Elle tient dans l’une de ses petites mains un petit bouquet d’herbe que j’ai tout de même du mal à distinguer dans cette nuit bientôt totalement noire. Elle doit avoir quinze ou seize ans, et elle se promène seule dans les alentours de son District, elle veut mourir ? Elle doit pourtant savoir qu’elle ne doit pas faire ça… Des fois je ne comprends jamais ces jeunes. J’ai l’impression qu’ils sont quelques fois suicidaires. En plus des Jeux, ils prennent des risques en se promettant à un avenir cerné par le Capitole et les Pacificateurs. Voire avec pas d’avenir du tout en fait.

Amusé par la situation qui s’offre à moi, je m’approche tranquillement et silencieusement d’elle puis passe rapidement mon bras autour de son cou, lui bloquant ainsi la respiration.

- Que fait… une belle créature comme vous au dehors à cette heure de la soirée ?

Je dirige alors mon regard vers sa main dans laquelle elle tient fermement ces herbes qui sont sûrement médicinales, je doute qu’elle n’entreprenne de les manger. Je lui saisi alors le poignet sans desserrer mon emprise au niveau de son cou. D’une poigne assez forte mais pas encore assez pour lui briser quelque chose, je laisse échapper un rire presque inaudible.

- Je vous conseillerais de lâcher ceci.

Encore une journée des plus monotones au district onze en cette journée ensoleillée. Pas le temps de traîner : mon travail tant adoré - ouh, quel sarcasme - m'attendait. Encore une journée qui s'annonçait longue et laborieuse. Quoi que, j'avais plutôt de la chance par rapport à d'autres jeunes de mon âge. L'école m'occupait la plupart des jours, et je venais travailler aux champs que lorsque j'avais fini les cours. En l'occurrence, en ce week-end, n'ayant pas école, c'était la routine de me rendre aux champs. Habituellement, mon poste consistait à travailler dans les arbres, mais cela n'allait pas être le cas aujourd'hui. Je restai à terre, sous une chaleur considérable, à effectuer les mêmes mouvements tels une machine d'usine. Il n'y avait absolument rien à signaler, l'ennui me guettait. Ce qui était plutôt agréable venant de mon district, souvent cible de grands malheurs. Soudain, des bruits étouffés me firent sursauter. Entendant des cris lointains qui attisaient ma curiosité, je me dirigeai vers l'hôtel de ville, comme la plupart de mes collègues. Ces bruits ne pouvaient pas venir d'ailleurs, j'en étais sûre et certaine. Quelque chose de peu réjouissant se déroulait en ce moment-même. Je précipitai le pas, curieuse et dégoutée. Les cris provenaient vraisemblablement d'un jeune homme. Je compris rapidement la situation : les Pacificateurs s'en donnaient à coeur-joie sur la grande place. Ou plutôt, un seul Pacificateur s'en donnait à coeur-joie. Un homme que je connaissais seulement de visage. Il vivait dans ce district depuis une bonne dizaine d'années et son visage était craint par la plupart des habitants du onze. Fouettant le jeune homme que je voyais que de dos, il semblait y prendre un intense plaisir. Je restai pétrifiée durant quelques instants, avant de tenter de faire demi-tour. Malheureusement, un de ses collègues me bloquaient la route. J'allais être contrainte d'assister à ses tortures jusqu'à la fin. Quand les cris du jeune homme s'arrêtèrent enfin, ce dernier se retourna et j'en restai stupéfiante. Ce garçon qui venait de se faire torturer à la vue de tous n'était autre qu'un de mes camarades et collègue dans les vergers. Harvey. Je le connaissais suffisamment pour envisager qu'il était puni suite à un vol. Le Pacificateur responsable de ses maux redescendit de l'estrade, et je ne pus m'empêcher de lui lancer un regard furtif avant de quitter la grande place pour repartir au travail.

Une fois ma journée aux champs terminée, je me précipitai à mes buissons de plantes préférés, là où j'étais sûre de trouver quelques plantes médicales. La vision du corps meurtri d'Harvey me hantait depuis que je l'avais aperçu, et il était de mon devoir de remédier à ses souffrances. Je n'allais pas l'aider beaucoup, mais j'espérai qu'il puisse au moins trouver le sommeil cette nuit-ci. Etant donné ma connaissance des plantes, je faisais parfois office de guérisseuse à mes heures perdues. Je savais Harvey trop fier pour me demander la moindre aide, c'est pourquoi je pris l'initiative de le soigner. Je ne mis pas longtemps avant de trouver mon bonheur, à savoir une plante qui alliait antidouleur et calmant. Une fois ma récolte ayant atteint un niveau satisfaisant, je pressai le pas afin d'atteindre la maison de Harvey en évitant d'être vue. La tombée de la nuit aidant, cela allait être une tâche réalisable. Surtout que ce n'était pas la première fois que je me glissai ainsi en dehors de ma maison pour errer dans le district. J'avançai avec ma discrétion légendaire, mais je ne pouvais guère empêcher les buissons d'effectuer des petits mouvements. Je m'apprêtai à regarder autour de moi quand je sentis une pression sur ma gorge et ma respiration se couper. Ma surprise fut grande et je fus vite à bout de souffle, me débattant de toutes mes forces afin de me libérer de cette étouffante pression, provenant d'un inconnu. « Que fait... une belle créature comme vous au dehors à cette heure de la soirée ? » Cette voix me semblait familière, mais j'étais incapable d'en savoir la raison. C'était la voix d'un homme mur, ce qui me dégoûtait encore plus suite à ses paroles. Je tentai péniblement de lui répondre, mais seules quelques sons à demi-étouffé sortaient de ma bouche. Après quelques minutes d'étouffement, je parvins enfin à reprendre de l'air. Me retournant, je n'ai pas le temps de fuir que ma main est saisie par l'homme, prête à me la briser au moindre mouvement. Je reconnus immédiatement le visage de mon bourreau. Il s'agissait du Pacificateur qui avait sévi sur Harvey en début de journée. « Je vous conseillerais de lâcher ceci. » En temps normal, j'aurai obéi afin de renter plus vite chez moi. Cependant, j'étais tellement révoltée par ce qui s'était passé quelques heures auparavant, que je resserrai ma prise autour de mes plantes. « Depuis quand est-il interdit de cueillir des herbes aromatiques ? » dis-je sur un ton que je surpris être désinvolte. Le mal était fait, je me contentai donc de rester immobile et silencieuse, guettant une quelconque réaction du Pacificateur qui me faisait face.

Depuis mon plus jeune âge j'aime être le premier. Le premier dans n'importe quel domaine. Que ce soit lors de mon ancien entraînement de carrière avec d'autres enfants de mon âge jusqu'aux Jeux, j'ai toujours eu ce sentiment et cette envie de gagner. Je suis comme mon père, c'est vrai. Enfin du moins question mentale car il n'est pas devenu pacificateur. Non, il a tout simplement souhaité rester au District 1 à travailler pour le Capitole, je n'ai jamais compris sa décision. Pourquoi rester dans l'infériorité lorsqu'on peut se démarquer des autres en montant dans la Société ? Être pacificateur vous garanti respect et pouvoir. Et ça, ça me plaît, vous devez sûrement vous en doutez. Et actuellement, ce soir-là, je suis comblé.

Debout derrière cette adolescente, je ne relâche pas mes forces que ce soit au niveau de ses articulations qu'au niveau de ses cervicales. En affichant un petit sourire satisfait et rempli de plaisir, je sais que personne d'autre que moi ne peut le remarquer mais ceci est plus un réflexe qu'autre chose. Je sens qu'elle demeure immobile malgré sa respiration complexe donc saccadée.

- Depuis quand est-il interdit de cueillir des herbes aromatiques ? »



Ces mots qui sortirent de la bouche de cette jeune demoiselle m'échappent un petit rire rapide qui contribue à resserrer mon emprise autour de son poignet. Je ne serre pas encore très fort mais je pense que cela suffira à lui faire ressentir une quelconque douleur, du moins je l'espère.

Je retire alors mon bras de son cou pour l'empoigner d'une forte poigne par ses cheveux. Cueillir des herbes aromatiques, certes cela n'est pas une interdiction formelle mais la nuit, après le couvre-feu, c'en est une.

- Ne me prenez pas pour un idiot, mademoiselle. Quel est votre nom ?

Je doute qu'elle puisse me le donner de son plein gré. Les herbes qui s'écrase sont la pression engendrée par sa main ne sont pas, je le sais très bien, des herbes pour la cuisine. A quoi bon les habitants de ce District auraient-ils besoin d'herbes aromatiques pour concocter leurs plats si... basiques en fait ?

Lui arrachant presque les cheveux de son crâne, je la fixe droit dans les yeux attendant une quelconque réponse de la jeune fille.

[HJ : désolée du retard de ma réponse ! Et encore désolée pour la longueur honteuse de mon RP...]

Cette nuit-là, j'étais loin d'être à ma première excursion nocturne. Et pourtant, c'était bien la première fois que je me faisais remarquer. Pile le jour où j'avais justement le plus besoin d'être discrète, pour amener au plus vite les herbes médicinales chez Harvey, qui souffrait probablement le martyr. Et ce, grâce à ce même Pacificateur qui se jouait de moi. À croire qu'il aimait être actif au sein du onze. Et bien évidemment, être le bourreau de bien des gens, j'en faisais l'amère expérience à ce moment précis. Il était fort. Très fort. À tel point que je pensais mon poignet cassé, étant donné la douleur qu'il m'infligeait. Mais ce n'était pas le cas, ce serait m'offrir une souffrance trop rapide à disparaitre. Dans sa tête, cela devait être bien plus amusant de resserrer petit à petit sa prise, que je souffre le plus longtemps possible. Et malgré tout, je le provoque. J'aurai dû me taire, baisser la tête, m'excuser et partir en courant. Oh, mais non, c'est bien plus drôle de lui balancer un sarcasme en pleine poire et de rester vers lui, attendant mon châtiment. Ce que je peux être stupide parfois. Comme je m'en doutais, il resserre une nouvelle fois sa main autour de mon poignet, et je ne peux m'empêcher de laisser échapper un sifflement d'entre mes lèvres. Je parviens à nouveau à respirer correctement quand il libère enfin son emprise autour de mon cou. J'espérai être tranquille, mais c'est raté. Je titube légèrement en arrière quand il m'empoigne les cheveux. Bordel, ça fait bien plus mal que le poignet, en fin de compte. Je ne tente même pas de me débattre, sachant que je n'aurais aucune chance, et que la seule chose que cela m'apporterait serait d'autres souffrances.

« Ne me prenez pas pour un idiot, mademoiselle. Quel est votre nom ? » Je cachai ma surprise à l'entente de cette question. Etait-il sérieux ou me prenait-il pour une ignorante et naïve demoiselle ? J'étais bien consciente que je devais éviter à tout prix de lui révéler mon nom. Avery pourrait sans doute avoir de gros problèmes suite à mon manque de discrétions. Je respirais profondément, avant de fixer mon tortionnaire dans les yeux. « Seren. Seren Eidan-Blythe. » répondis-je d'une voix calme et sûre. C'était le premier nom qui m'était venu en tête. Quelle meilleure amie je faisais ! Utiliser le prénom de la personne qui m'est le plus proche. Quoi qu'il en soit, si ce Pacificateur ignorait qui était Seren, cela m'arrangerait bien. C'est une ancienne gagnante des jeux, il est fort probable qu'il connaisse cette identité, mais qu'il soit incapable de mettre un visage dessus. Nous verrons bien. Quitte à jouer avec le feu, autant s'y brûler les ailes. Ma confiance en moi fut renversée dès l'instant où il tire à nouveau sur mes cheveux. Dans le district onze, nous ne pouvons pas nous payer des soins comme les habitants du Capitole. Inutile de vous dire qu'ils sont dans un état plus que déplorable et fragiles, il est donc aisé de m'en arracher une poignée. Ce qu'il a probablement fait, j'en suis certaine. « Alors, content ? » dis-je en guise d'ultime provocation.