La Tournée du Vainqueur touchait à sa fin. Le District Six était l'une des toutes dernières étapes avant la grande soirée au Capitole qui t'attendait. Plus le temps t'en approchait, plus tu t'angoissais. Tu n'aimais pas ces gens. Ils mangeait trop, ils parlaient trop, ils riaient trop. Ils étaient bien trop heureux à ton goût. C'est pourquoi tu profitais des soirées dans les districts, ravie de leur donner une occasion de manger un petit peu plus que d'habitude. Tu aimais rendre service. Tu aimais être utile.

Tout le monde était déjà arrivée à l'hôtel de ville quand tu fus entrée. Il devait rester quelques retardataires parce que les portes ne se sont pas fermées derrière toi. Tu distingue deux ou trois Pacificateurs dans certains coin du hall, mais tu ne daignes pas les regarder plus que ça. Tu n'es pas inquiète. Tu n'es pas dans le plus dangereux des districts, même si tous sont intelligents. Tu sens tous les regards posés sur toi, la présence de ton hôte à ta droite. Tu entends Iris te darder de recommandations, et tu décides de les suivre à la lettre. Tu ne veux pas te faire remarquer, tu es bien assez regardée comme ça. Chaque paire d'yeux se tourne vers toi quand tu passes. La voilà. La nouvelle gagnante.

Tu acceptes chaque petit biscuits, chaque petit verre qu'on te propose. Tu goûte à tout ce que tu ne connais pas, et tu reprend plusieurs tranches du pain spécial du Six. Certaines personnes importantes te furent présentées par le Maire - le chef des Pacificateurs, l'héritier de la plus grosse fortune du District, pour ne citer qu'eux. Tu étais en grande conversation avec Iris afin de savoir quelle boisson elle allait reprendre - vous savez, le Capitole, toujours prêt à tout goûter. Tu avais perdu tes mentors des yeux. Et puis, le Maire te tapota une nouvelle fois l'épaule, une fois le repas terminé, et que la salle commençait à se vider. Tu t'es retournée et as entendu Iris glousser et taper dans ses mains. Le Maire a désigné un homme du doigt, une homme plutôt grand, à l'allure gentille et savante. Il t'expliqua qu'il avait exceptionnellement  pris part à l’organisation de l'édition des Jeux que tu avais remporté puisqu'il avait aidé à conception de certaines des mutations que j'avais pu croiser dans l'arène. L'ourson polaire aux yeux métalliques qui m'avait poursuivi me revint en mémoire. J'hochai la tête, sourit un peu, feignant de m’intéresser un minimum au fait qu'il avait participé à la mise à mort de vingt-trois gamins. Honteux. N'avait-il pas compris qu'on ne cherchait qu'à lui salir les mains ? On lui ressortira, dans quelques temps, quand il commencera à comprendre que cette société ne tournait pas rond. On lui dira "Souvenez vous des mutations, monsieur Chayton." Oui, il te semblait que c'était le nom qu'on avait prononcé. Tu n'écoutais pas ce que lui et le Maire disait. Tu pensais juste à tout ça, essayais de retirer l'image de Quatre et d'oublier le son que ses os avaient fait en craquant, quand une petite voix s'est élevée à côté de toi.

Tu déglutis en entendant cette gamine parler. Elle ne savait rien. La pauvre. Elle avait l'air aussi bornée que son père, aveuglée de tout. Tu lui as tout de même souri, flattée par son compliment. Jamais tu n'aurais imaginé provoquer ce genre de choses. L'admiration. L'inspiration.

« Je suis certaine que tu deviendras très jolie, toi aussi ! Regarde-toi ! » Tu pris une mèche qui sortait de sa queue de cheval, nouée par un ruban qui commençait à se défaire. Tu le resserrais un peu et lui souris de nouveau.