Esther Lily Summer

❝ WHO AM I LIVING FOR? ❞

about games and relative.

➺ QUEL(S) PETIT(S) PLUS T'AIDE(NT) DANS LA VIE (OU LES JEUX) ?

 Ma discrétion naturelle, ma capacité à me fondre dans le décor, c'est sans doute ma meilleure arme. Je sais me faire oublier et puis je suis plutôt maline ainsi que rapide. J'ai l'habitude de l'effort physique puisque je passe mes journées à trimbaler des trucs et d'autres d'un bout à l'autre de la centrale où je travailles. Du coup je pense pas trop compter sur ma force brute, plutôt sur l'agilité, vous voyez ?

➺ AS-TU DES PROCHES QUI ONT PARTICIPÉ AUX JEUX ?

Mon frère jumeau, lors des soixante-quatorzièmes Hunger Games. Il est mort le second jour en direct. C'était terrible à voir, il n'avait que douze ans et c'était comme une partie de moi. Je me souviens toujours de cette scène épouvantable où un tribut, je ne sais même pas lequel, je m'en souviens plus, lui a planté cette machette dans le ventre. Tout ce sang et pouf, j'étais seule au monde...

➺ COMMENT QUALIFIERAIS-TU TA VIE DANS TON DISTRICT ? EN ES-TU SATISFAIT ?

Ma vie, c'est pas trop un soucis, mais le manque de mon frère est devenu intolérable. Vivre dans ce district, où que ce soit, même au Capitole, serait intolérable de toute façon. Cependant on ne m'enquiquine pas trop, généralement je passe inaperçue des hautes instances. Je fais mon boulot et c'est tout.

➺ CROIS-TU AU BONHEUR ?

Non. Vraiment pas. On me l'a enlevé à douze ans, mon bonheur. Comment est-ce que je pourrais penser qu'il puisse y avoir encore de l'espoir ? Un avenir radieux ? J'ai perdu mes croyances, mes rêves, mes aspirations en même temps que Max mourrait. Depuis je survis.

➺ COMMENT TE SENS-TU QUAND LE TEMPS DE LA MOISSON ARRIVE ?

Pleine de rancune et de rage. Pleine de désespoir et du désir que ce soit mon tour. Je veux en finir, avec ces années de solitude. Paradoxalement j'ai très peur que ce soit mon tour, d'être là bas, dans l'arène. Mais je veux mourir là-bas ou nulle part : parce que c'est là-bas qu'est mort Max. J'ai fait plein de tesserae ces dernières années : j'aimerais être tirée au sort et qu'on en finisse.

JE VIENS D'UN MILIEU plutôt correct, AINSI, POUR MOI, LA NOURRITURE est convenable et peu rationnée. DU COUP, MON NOM A 15 CHANCES D'ÊTRE TIRE AU SORT. J'EXERCE LE MÉTIER DE femme à tout faire dans une centrale électrique ET POUR TOUT VOUS DIRE, J'aime pas le système en place. JE SUIS DANS LE 5ÈME DISTRICT. AYANT 16 ans JE peux PARTICIPE(R) AUX HUNGER GAMES ET j'attends la prochaine moisson avec impatience. ENFIN, J'ATTESTE QU'EN CRÉANT CE PERSONNAGE, J'ACCEPTE DE LE LIVRER À LA BARBARIE DES JEUX S'IL EST TIRÉ AU SORT.

tell us your story.

J'ai cru ce jour là qu'on m'arrachait le cœur. J'étais là, pétrifiée dans la foule, à regarder Max être amené sur l'estrade. J'ai voulu courir, m'accrocher à lui. Mais c'est mon père qui m'a retenu. Je m'en souviens comme si c'était hier : il me tint si fort qu'il me laissa un bleu sur le bras. J'avais douze ans et j'ai bien cru que le monde venait de sombrer. Je voyait les yeux bleus de Max, écarquillés par la peur, là si loin de moi, derrière toute cette marée humaine sagement rangée. Je crois que j'ai hurlé. Je n'en suis même plus sûre. Ils emportaient mon jumeau, pourtant papa avait dit qu'il n'y avait que peu de risques pour nous : nous n'avions que douze ans et un seul nom chacun au milieu de ces centaines de petits papiers. Pourtant ce fut lui qui dû rejoindre l'estrade.

Ce n'était qu'un enfant et moi aussi. J'ai suivi à la télévision chaque seconde de son calvaire. Je lui avait donné mon bracelet en plastique rose préféré. Celui que je portais tout le temps. Celui qui était un cadeau de maman avant qu'elle meure lorsque nous étions tous petits.
Nous étions très fusionnels, Max et moi. On se complétaient parfaitement, et nous nous ressemblions comme deux gouttes d'eau. Il avait douze ans, et cela tournait dans ma tête comme une supplique : il était bien trop petit pour survivre face à tous les autres. C'était qu'un gamin et moi aussi.

C'est en direct que j'ai vu mourir mon frère alors que j'aidais mon père à la centrale. Je me suis effondrée devant l'écran de retransmission. J'ai eu l'impression que c'était moi qui baignait dans mon sang. Et j'aurais voulu que ce soit le cas : fermer les yeux et savoir qu'il était toujours en vie, en sécurité. J'aurais dû me porter volontaire en même temps que lui, je l'aurais protégé. Autant d'illusions, de scénarios contradictoires.

Mon père s'est plongé dans le travail et cela nous a éloigné, tous les deux, sans que l'on sache vraiment si cela venait de lui ou de moi. Cela s'est fait naturellement et j'ai dû devenir encore plus débrouillarde. Papa se plongeait dans son chagrin et moi aussi. Nous ne parlions plus vraiment et la maison était plus que souvent silencieuse. J'aurais voulu être morte. Si j'avais des amis avant mes douze ans, je les éloignaient de moi, je repoussais tous les témoignages de sympathie ou de gentillesse. Je ne voulais juste plus entendre le monde, disparaître comme mon frère. J'étais amputée et personne ne comprendrait jamais.
Je suis devenue solitaire, si j'avais jamais été entourée, je ne m'en souvenais plus. Nous n'étions pas dans un district défavorisé, mais j'ai commencé l'année de mes treize ans à prendre des tesseraes. Je voulais rejoindre Max. Mourir moi aussi. Comme je n'avais pas particulièrement besoin de tout ce que je récupérais par ce biais, je le cédais à certaines familles moins aisées. Je voulais être choisie. Mais je ne le fus pas cette année là. Ni les suivantes. Et si j'avais pensé à me porter volontaire, je dois bien avouer que l'angoisse et la peur me paralysaient toujours au moment fatidique. Finalement, pour le moment je n'ai toujours pas été prise. Mais j'ai continué les tesseraes.

Les années sont passées jusqu'à celle de mes seize ans. Je travaille toujours à la centrale électrique, je répare des petites choses, je transporte d'autres trucs, je fais des vérifications... Bref un peu de tout. La plupart des gens me connaissent. Mon père et moi n'avons pas communiqué depuis mes douze ans, nous nous contentons du minimum lorsque nous devons parler et je ne saurais dire si c'est lui ou moi qui évitons l'autre. Je crois qu'il ne se remettra jamais. Je m'estime pourtant heureuse : il n'a jamais été violent, mauvais, alcoolique... Il est juste comme moi. Vide.
Cette année encore vont s'ouvrir les Hunger Games. Le Capitole va encore envoyer des enfants à la mort. Et moi j'espère autant que je redoute de rejoindre l'arène. Je veux mourir là où Max est mort. A quoi bon vivre dans ce monde qui vous enlève tous ceux que vous aimez sans même sourciller ? A quoi bon vivre quand des inconnus enfarinés ovationnent celui qui tue un enfant de douze ans ? Je veux mourir une arme dans la main, et verser autant de sang que je pourrais avant de rejoindre mon jumeau...