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 endlessly cold within. ✩ (raven)

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endlessly cold within. ✩ (raven) Vide
MessageSujet: endlessly cold within. ✩ (raven)   endlessly cold within. ✩ (raven) Icon_minitimeDim 12 Jan - 11:40


put on the fire.


It's bugging me, grating me, and twisting me around. Yes, I'm endlessly caving in, and turning inside out.

Il n’y avait pas de raison de s’effondrer. Et pourtant, à cette seconde précise, le jeune soldat n’en avait plus été aussi près. Pas depuis des semaines. Pas depuis sa dernière crise de colère et de larmes, des mois de cela. Il ne pleurait plus, arrêtait de courber l’échine. Il ne supportait pas qu’on le prenne pour un faible, et s’acharnait de ce fait à garder les dents serrées et le menton haut. Mais ses genoux tremblaient. Sa haine face au manque de reconnaissance qu’on lui octroyait dissipait parfois toute trace de son sang-froid ou de sa maturité. Il était coincé. Coincé entre deux âges, coincé entre deux chaises, entre deux camps. Entre lui-même et un autre, entre ce qu’il avait été et ce qu’on était en train de faire de lui. Un rôle qu’il ne savait parfois plus comment jouer, ou comment interpréter. Un mauvais rôle, éreintant et désespérant, sans aucun mérite, sans rien au bout du compte. Rien d’autre que la vie. Et quelle vie.

Il tressaillit. Un bond sur lui-même, presque, qui fit reculer la jeune médecin qui s’occupait de lui. Il pinçait les lèvres, se retenait de critiquer le manque d’assurance avec lequel elle appliquait des bandes sur sa plaie. Elle n’y était pour rien. Elle n’y pouvait rien. Elle se contentait d’essayer de lui sauver la vie, de l’empêcher de se vider de son sang à cause d’une blessure à la con, ou de voir celle-ci tourner en infection. Il aurait été incapable de faire les choses lui-même. Il restait assis sur ce lit d’infirmerie de fortune, ses mains crispées sur ses genoux, se tenant presque les rotules. S’il avait pu se les arracher de colère, peut-être l’aurait-il fait. Son pantalon d’uniforme protégeait sa peau de ses ongles. « Je … Je suis désol … » « C’est rien. » la coupa-t-il. Elle déglutit lentement, hochant la tête. « J’ai presque terminé, ne bougez pas. » Il reporta son regard sur le carrelage. Ne répondit pas. Son sang bouillait dans ses veines. Il aurait voulu hurler. Se redresser, et frapper le mur face à lui de toutes ses forces. S’en briser les phalanges, et souffrir pour oublier. Mais il n’en ferait rien. Il le savait. Il se contenterait de s’allonger sur ce lit d’infirmerie, comme elle allait sûrement le lui demander. Il ne désobéirait pas ; animal docile, brave petit soldat. Il demanderait probablement ses médicaments, et les laisserait agir. Laisserait la drogue douce apaiser ses maux, clore ses paupières et le forcer à se détendre. Il oublierait ses soucis, l’espace de quelques secondes. Ou tout du moins, ceux-ci deviendraient brumeux, supportables. Le temps de reprendre une grande inspiration, et de passer à autre chose. Le temps de retrouver comment vivre.

Elle cessa finalement ses soins, rangea les quelques outils qu’elle avait sortis pour s’occuper de son cas. « Je reviens, ne bougez pas. » Il secoua doucement la tête. Non, il ne bougerait pas. Elle n’avait pas le moindre souci à se faire là-dessus. Ses côtes le faisaient souffrir, la douleur le long de son abdomen refaisait lentement surface. Il tirait trop sur son corps, en oubliait parfois ses limites. Résistant, mais affaibli. Il se força à lâcher ses genoux, glissa ses mains l’une dans l’autre, se torturant quelques secondes les doigts. Ses paumes éraflées et douloureuses lui tirèrent un léger spasme au niveau des maxillaires. Mais il ne pipa pas le moindre mot, le regard toujours braqué sur ce carrelage. Trop blanc, trop propre. Une tache de sang, là-bas. Et sa colère restait palpable, son désespoir l’agitait. Inlassablement. Il lui semblait parfois qu’il était devenu insensible à tout autre sentiment.

Il avait fallu que ça foire. Ce n’était pas faute d’obéir aux règles, pourtant. D’obéir à ton supérieur. De suivre ses directives et de te plier au moindre de ses ordres. Et quand ça avait foiré, il y avait eu un instant de flottement. Il avait à peine réfléchi, et il avait eu une idée. Vif d’esprit, comme d’ordinaire. Mais le Lieutenant-Colonel Abernathy ne l’avait pas écouté. Le Lieutenant-Colonel Abernathy ne l’écoutait pas. Le Lieutenant-Colonel Abernathy ne l’écoutait jamais. Il aurait voulu le détester. Et une partie de lui le haïssait d’ailleurs, sans le moindre scrupule. Mais c’était son supérieur. Son chef. Et un bon chef. Aujourd’hui encore, il les avait tirés de ce mauvais pas. À sa manière. Refusant de suivre le plan que l’ancien Pacificateur avait proposé. Et qui aurait peut-être pu éviter de devoir porter un Donowitz à moitié inconscient jusqu’à l’hovercraft. Il ne pouvait pas prévoir ce que ce genre de situation leur réservait, mais l’idée de son chef ne leur avait pas permis de sortir indemnes. Comme d’ordinaire, il avait entendu quelques conseils. Mais pas ceux du Leews-Raine. Ce n’étaient jamais les siens. Et il le savait. Avec le temps, il n’essayait plus. Avec le temps, l’eau coulait sous les ponts, charriant autant de rage que de chagrin ou d’incompréhension. Mais il ne se battait plus. Tous ses combats contre l’indifférence durant ses jeunes années s’étaient soldés d’échecs ; pourquoi cela aurait-il changé maintenant, face à un homme aussi droit que le Lieutenant-Colonel Abernathy ?

Mais le mépris le consumait à petit feu. Il entendait la méfiance à son égard, comprenait que l’on puisse parfois douter, en raison de son ancienne allégeance. Mais n’était-ce pas terminé ? N’avait-il pas risqué sa vie contre le Capitole, durant la révolte ? Il considérait à juste titre avoir prouvé ses intérêts. Mais on continuait de le détester. On continuait de faire comme s’il ne connaissait rien à cet univers, comme s’il n’avait jamais fait partie d’une quelconque armée. En plus de le mépriser, on ôtait à César ce qui lui appartenait. Sang-froid, esprit fin et vif, adaptable. Pourquoi ne pas le lui accorder ? Rien que ça, juste ça. Un simple « beau boulot. », un de ces quatre. Trois fois rien. Mais tellement.

Ses mâchoires se serrèrent encore davantage, ses paupières se fermèrent quelques secondes. Il se les massa, avant de pousser un long soupir, contrôlée et rageur. Instinctivement, une de ses mains se porta contre ses côtes. Souffle coupé l’espace d’une demi-seconde, il laissa la douleur refluer. Et merde. Talons qui claquent sur le foutu carrelage. C’est pas la médecin. Il aurait reconnu son pas plus léger. Un coup d’œil sur les chaussures. Le regard qui remonte, et qui se pose sur le Lieutenant-Colonel Abernathy. Les dents qui se serrent une nouvelle demi-seconde, et les prunelles qui vont vagabonder un peu plus bas. « Colonel. » Pas vraiment sec. Loin d’être franchement amical. Mais respectueux. Déçu, aussi. Las. Triste. Pour changer.

Son supérieur aurait pu l’écouter. Ils le savaient.  
Qu’il aille au diable, cette fois.
Et qu’il n’en revienne pas.


code (c) about today.


Dernière édition par J. Siegfried Leews-Raine le Jeu 31 Juil - 10:36, édité 1 fois
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Raven H. Abernathy
DISTRICT 13
Raven H. Abernathy
△ correspondances : 2104
△ points : 1
△ multicomptes : thybalt, gwendal, eurydice (denahi)
△ à Panem depuis le : 22/01/2012
△ humeur : la mort de Coin, dont les idées commençaient à lui déplaire, a donné un nouvel élan à son implication dans la lutte contre le Capitole
△ âge du personnage : trente-six ans
△ occupation : lieutenant-colonel dans l'armée du 13 (chef de section, tireur d'élite) ~ membre du conseil de décision post-Coin


can you save me?
statut: veuf & père célibataire
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MessageSujet: Re: endlessly cold within. ✩ (raven)   endlessly cold within. ✩ (raven) Icon_minitimeVen 31 Jan - 5:24


{ get out your gun, are you a saint or a sinner }

they say before you start a war
you better know what you're fighting for


✼ ✼ ✼


Toujours ce même silence tandis qu'elle pansait mes blessures. C'était presque ironique, comme cette affirmation pouvait être prise au sens propre comme au sens figuré, et comme c'était pratiquement à cette seule chose que se résumait désormais notre relation. J'avais l'impression de connaître Vanya depuis toujours, et c'était pratiquement le cas ; Après seize années à se côtoyer je pouvais affirmer sans aucune hésitation qu'elle était avec mon père la personne qui me connaissait le mieux. Je pense que c'était pour cette raison que Miléna l'avait toujours jalousée, tout en sachant pourtant qu'il n'y avait aucune raison … Parce que ce n'était plus que ça. Elle pansait mes blessures, en silence, et quelque part au fond d'elle je savais que Vanya en avait assez. De devoir le faire si souvent, de me regarder tandis que je me laissais faire sans broncher, comme si je ne sentais rien, comme si je ne voyais rien. Elle n'avait pas besoin de le dire, il y avait bien longtemps que nous n'avions plus besoin de mots pour nous comprendre ; C'était sa façon de bouger, c'était le regard qu'elle posait sur moi, c'était la manière dont ses doigts glissaient contre mon bras comme si elle hésitait entre me soigner et l'écorcher un peu plus, juste pour voir, juste pour me faire réagir. Au lieu de ça elle se contentait de faire ce qu'elle faisait ce qu'elle faisait de mieux, ce pour quoi elle semblait toujours avoir été destinée. Elle suturait, elle posait des pansements. Sur mes plaies, sur mes doutes, et sur mon existence toute entière ces derniers mois à vrai dire. « Oublie pas de nettoyer avant d'aller te coucher. Reviens me voir demain. » Sa voix me semblait lointaine, comme si elle était à l'autre bout du couloir et non pas juste à côté de moi, et pourtant j'avais vaguement secoué la tête comme pour lui signifier que j'avais entendu, avant de remettre mon tee-shirt tel un automate, et en gardant mon bras gauche plié et collé contre mon torse. Je sentais ses yeux posés sur moi comme on sentait le soleil brûler une peau trop blanche, je n'avais pas besoin de relever la tête vers elle pour connaître l'expression sur son visage, et je n'avais pas besoin qu'elle me dise qu'elle s'inquiétait pour le savoir. Tout cela je le savais parce que c'était ainsi, parce que depuis bien longtemps nous avions cessé de nous servir des mots pour nous comprendre et communiquer. Je n'avais pas besoin de l'entendre me dire qu'elle m'en voulait pour le savoir, et je n'avais pas besoin de lui dire que j'étais désolé. Même si je ne savais pas si je l'étais réellement. Marchant jusqu'à la porte je m'étais arrêté un instant, comme si j'allais dire quelque chose … et puis finalement non. L'entendant soupirer légèrement derrière moi j'avais quitté la pièce sans un mot ni un regard supplémentaire vers elle, l'esprit déjà entièrement ailleurs.

Il était toujours au district trois. Qu'est-ce que j'avais loupé ? Qu'est-ce que je n'avais pas bien fait ? Parce qu'à chaque mission qui ne se passait pas comme prévu il y avait une explication. Parfois il s'agissait d'une erreur de jugement, parfois il s'agissait d'un événement indépendant de notre volonté … Souvent il était question de malchance, en tout cas. Mais n'était-ce pas sur ça que reposait tout le système de Panem, de toute manière ? Les moissons jouaient sur ce principe, les jeux en eux-même également … Il n'y avait rien de pire que la chance, parce qu'elle amenait l'espoir. Et l'espoir amenait lui la déception. La déception, un sentiment que nous ne connaissions que trop bien dans les souterrains du district treize. Lourd de ce sentiment j'avais parcouru les couloirs de l'aile médicale jusqu'à trouver la chambre de Wayland ; Il dormait. Paisiblement semblait-il, à moins que ce ne soit que le contraste entre sa situation actuelle et celle dans laquelle il se trouvait lorsque nous avions rejoint – tant bien que mal autant l'avouer – l'hovercraft. Parce qu'il avait du me voir hésiter, et effectivement j'hésitais entre rentrer et m'installer sur la chaise vide près du lit, ou le laisser tranquille et repasser un peu plus tard, le médecin que j'avais vaguement entendu arriver derrière moi m'avait adressé un signe de tête lorsqu'il avait pénétré dans la pièce « Il ne se réveillera pas avant au moins demain, on lui a donné de quoi dormir. Vous devriez repasser plus tard. » Toujours sans un mot, j'avais adressé un signe de tête en guise d'approbation, et après avoir posé un dernier regard sur le sergent j'avais fait demi-tour. Je connaissais Wayland depuis qu'il avait commencé sa formation militaire, cela faisait donc pas loin de dix ans … Dix ans, et aujourd'hui il avait bien failli y passer. Aujourd'hui je n'avais pas réussi à ramener tous mes hommes sains et sauf chez eux, et je le prenais comme un échec personnel. Un échec auquel je chercherais des heures durant une solution, une explication, n'importe quoi … Je le savais, je n'avais pas fini d'y repenser, ce n'était que le début. Et peut-être ne trouverais-je jamais l'explication, parce que parfois il n'y en avait pas. Il n'y avait pas d'explication à ce qui était arrivé à Miléna, et pourtant c'était arrivé, et pourtant cela avait radicalement changé mon existence quoi que je puisse en dire. Et ça me tuais bon dieu, je ne pouvais pas commettre une seconde fois une erreur de cette ampleur, je ne pouvais pas infliger à quelqu'un d'autre cette douleur qui me broyait de l'intérieur depuis des mois.

J'avançais à nouveau au milieu des couloirs, et comme à chaque fois je réalisais que je connaissais cet endroit comme ma poche, comme n'importe quelle autre zone du district. Alors que c'était celle que personne ne rêvait de connaître, celle où personne n'avait envie de devoir un jour mettre les pieds. Se décalant sur le côté pour laisser passer une infirmière qui lui adressa un bref signe de tête et un « Colonel. » il s'arrêta devant la porte par laquelle elle venait de sortir, et passant une main sur son visage comme pour tenter d'en chasser toute trace éventuelle de fatigue. Relevant le menton et redressant les épaules j'avais fini par entrer, mes yeux se posaient presque instantanément sur Raine. Les yeux clos il ne semblait pas m'avoir entendu, mais le bruit de mes chaussures sur le carrelage immaculé de la pièce avait fini par trahir ma présence et le surprendre assez pour que sa douleur à lui le trahisse, l'espace d'un instant. « Colonel. » m'avait-il enfin adressé lorsqu'il avait relevé les yeux vers moi, de cette voix plus lasse qu'autre chose, et quand bien même il y avait nombre de choses que je pouvais reprocher au jeune homme, la liste serait à vrai dire bien trop longue pour que je vous la cite maintenant, je ne pouvais pas lui reprocher son ton. J'étais las, moi aussi. Mais ça aucun de mes hommes n'aurait l'occasion de le savoir. « Je passais simplement voir comment vous alliez. » avais-je enfin répondu en guise d'explication à ma présence, une présence qu'il aurait sans doute souhaité s'éviter. Mais il était de ces devoirs que je n'avais aucunement l'intention de trahir, et celui d'aller en personne constater de l'état de mes hommes en était un. « Vous êtes dispensé d'entraînement physique pour les prochaines soixante-douze heures, vous aurez donc quartier libre pour vos matinées et vos fin de soirée, profitez-en pour vous ménager. En revanche je veux vous voir au debriefing de la mission demain midi avec les autres, tâchez de ne pas être en retard. » Raine était le seul de mes hommes que je continuais de vouvoyer. Il était le dernier arrivé alors dans un certain sens il n'y avait rien de véritablement anormal, mais la vérité c'était que si je continuais à le faire c'était pour une toute autre raison. Je n'avais aucune confiance en ce bonhomme. Je comprenais bien que la révolte que nous avions perdu nous avait surtout fait perdre un grand nombre de soldats, des soldats qu'il avait bien fallut remplacer … Mais tout de même, il y avait des éléments qui avaient leur place dans notre armée, et d'autres qui ne l'avaient pas. Coin nous forçait, pas seulement moi mais d'autres également, à travailler avec des hommes en qui nous ne pouvions pas décemment avoir confiance, hors la confiance était un outil de cohésion indispensable au fonctionnement d'une unité. De là à dire que Raine était indirectement responsable de ce qui venait de nous arriver … Peut-être pas, je n'irais pas jusque-là du moins, mais il était clair qu'il représentait à mes yeux le maillon faible de l'équipe.
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MessageSujet: Re: endlessly cold within. ✩ (raven)   endlessly cold within. ✩ (raven) Icon_minitimeDim 9 Fév - 16:28

Du respect. C’était tout ce qu’il demandait, ou presque. Le lieutenant-colonel Abernathy lui en donnait presque trop, sur certains points ; il le traitait comme un soldat, certes, mais pas comme les autres soldats. Pourquoi être vouvoyé, tandis que les autres, eux, ne l’étaient pas ? Pourquoi être mis à l’écart de la sorte, rien que par la manière dont on lui adressait la parole ? Siegfried était le cul entre deux chaises. Une partie de lui comprenait cette retenue, ce doute qu’il pouvait amener dans les cœurs. Une autre par de lui, cependant, restait persuadée qu’il aurait dû être traité d’égal à égal avec les autres. À sa juste valeur, aurait-il aimé insister. Malheureusement, c’était bien là toute la difficulté de la chose. Sa juste valeur était bien différente de celle des autres. Il n’était pas dans l’armée du district 13 par choix, de base. Il avait été enrôlé de force, bien plus que de gré. C’était ça, ou crever dans les cellules de ces souterrains moisis. Pourtant, il n’avait aucunement l’intention de retourner sa veste. Et les longs entretiens auxquels il avait été soumis avaient fini par le convaincre du bienfait des actions rebelles. Et, désormais, il était à leur service. Désormais, il était dans leur camp, et que l’on puisse douter de son investissement, depuis deux ans qu’il était là, commençait littéralement à lui peser. Il tentait de tout faire bien, de s’accrocher. De ne pas se laisser distancer lorsqu’on l’oubliait sur le banc de touche, et qu’on l’ignorait totalement. On filait, loin devant, et tant pis s’il ne suivait pas. Il serait bon à se faire engueuler lorsque l’on rentrerait. Mais il n’était pas indispensable, et on le lui avait fait plus d’une fois comprendre, sans aucun scrupule. Il était même la cinquième roue du carrosse, cette pièce rapportée que personne ne voulait avoir à supporter. S’il se perdait en cours de route, tant pis. Tant mieux. Un poids de moins à traîner, n’est-ce pas ?

Et c’était tout ce que ce vouvoiement lui faisait ressentir, à cette seconde précise. Il serrait les dents, comme un gosse que l’on aurait engueulé, et il se contentait de garder les yeux fixés sur un point de carrelage, sans oser relever le regard de son supérieur. Il savait que s’il le regardait, il n’aurait pas le courage de se taire. Il n’aurait pas la présence d’esprit de se la fermer, de rester amorphe à ces attaques dissimulées. Alors il se contentait de porter toute son attention à ces rainures noires au sol. « Je vais bien, merci. » Ce n’était pas sec, ni mauvais. C’était peut-être même trop renfrogné, trop dans sa barbe. Il aurait aimé avoir un sourire, une parole moins formelle. Et lorsque son supérieur reprit la parole, il songea qu’il avait été bien naïf, l’espace d’un instant, de vouloir croire que cette fois-là changerait des autres. Il n’y avait rien de différent. Il était toujours le rebus de l’équipe. Le vilain petit canard du lot. Le mouton noir du troupeau. Celui qui n’engendrait que la haine et le mépris. Celui qui avait retroussé sa veste pour sa survie, et parce qu’on ne lui avait pas laissé le choix, mais qui s’était battu pour essayer d’avoir une place respectable, et de se frayer un chemin parmi les autres. En vain. Pas de place pour les traîtres, pas de place pour ceux qui n’honorent pas tous les bons principes de la société. Pas de place pour les pas de travers et pour les erreurs. L’on en paye le prix, quoi qu’il puisse s’être passé d’ici là. Et vous, Lieutenant-Colonel, payerez-vous le prix de ce qui avait failli s’être révélé aujourd’hui comme une perte humaine ?

Débriefing demain. Et en attendant, il était dispensé d’entraînement physique. Encore heureux. Si on lui avait annoncé que tout ceci était du chiqué et qu’il lui fallait reprendre dès demain, la colère serait montée bien trop vite pour pouvoir être refluée ravageant toutes les digues qu’il s’acharnait chaque jour à maintenir élevées, dans le simple but de ne pas y gagner un aller simple pour les cellules du treize. Il ne s’énervait jamais, craquait lorsqu’il était seul. Il s’autorisait alors à prendre sa tête dans ses mains et hurler, ou à frapper le premier objet ou mur qui lui tombait sous la main. Mais là, il était hors de lui, volcan anormalement calme, et qui n’attendait que la goutte d’eau supplémentaire pour entrer en éruption. Et ce furent les derniers mots qui en firent à merveille office. Tâchez de ne pas être en retard. Pardon ?

Ses prunelles brunes se voilèrent, tandis qu’il les posait sur le visage de son supérieur, cette fois. Il n’y avait, en soi, aucune raison réelle pour s’énerver. Cependant, c’était trop. Il n’était jamais en retard. Il se pliait à toutes les règles, et respectait sans cesse le moindre ordre que l’on pouvait lui énoncer, dicter, donner, distribuer, voire aboyer. Il fermait les yeux sur le manque de respect que certains pouvaient avoir à son égard, et faisait tout pour être le soldat parfait. Et on doutait encore de sa ponctualité, deux ans après ? On doutait de ça, de la même manière dont l’on doutait du reste. Et c’était en cela qu’il n’en pouvait vraiment plus. « Je ne serai pas en retard. Pas plus qu’au dernier débriefing, qu’à la dernière mission, ni que jamais. » Ce n’était pas le moment de parler mal à Abernathy. Mais cette fois, il ne pouvait s’en empêcher. Ses nerfs lâchaient. La cicatrice qui courait le long de son abdomen le faisait plus souffrir qu’elle n’avait pu le faire depuis quelques semaines, et ses côtes alimentaient les vagues de douleur successives, dont il n’avait pourtant que faire, désormais. « Sauf votre respect, je ne suis pas le moins réglo de l’unité, je crois. » Il avait un esprit militaire, cadré et formé. Il n’était pas le plus mauvais soldat, mais n’était probablement pas le meilleur non plus. Il était simplement considéré comme le maillon faible. Et il n’en pouvait plus. « J’espère que Wayland va bien. » Là, par contre, c’était rempli d’une dose d’acide, qu’il ne pouvait décemment contrôler. Il l’aurait fallu. Mais il considérait le Colonel debout face à lui comme le responsable de tout cela. Ses plans étaient certes bon, mais il arrivait que Siegfried ait certaines idées pouvant être envisageable. Simplement, parce qu’il était lui-même, celles-ci n’étaient jamais écoutées. Jamais.

Cependant, il se tut. Battant des cils quelques instants, il détourna le regard, forçant les commissures de ses lèvres à remonter pour aborder une moue moins coléreuse. Il ne voulait pas craquer. Mais il avait déjà commencé. Il avait balancé la bombe. Parlé de Wayland. Il s’inquiétait réellement. Mais il y avait bien plus de sous-entendus que ce qu’il ne pouvait laisser paraître dans ces simples mots. Et ça, Abernathy le saurait. Le savait.

Arrêtez de vous foutre de moi, semblaient hurler ses yeux. Je vaux autant que les autres.
Même si vous n’en avez pas envie.
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Raven H. Abernathy
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Raven H. Abernathy
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△ à Panem depuis le : 22/01/2012
△ humeur : la mort de Coin, dont les idées commençaient à lui déplaire, a donné un nouvel élan à son implication dans la lutte contre le Capitole
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△ occupation : lieutenant-colonel dans l'armée du 13 (chef de section, tireur d'élite) ~ membre du conseil de décision post-Coin


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MessageSujet: Re: endlessly cold within. ✩ (raven)   endlessly cold within. ✩ (raven) Icon_minitimeMar 20 Mai - 17:32

On pourrait croire que sans ce principe je n'aurais pas bronché, pas sourcillé, pas pris la peine de venir me rendre compte en personne de l'état du dernier arrivé de l'unité parce qu'il m'était affreusement antipathique. Je n'allais pas chercher à le nier, il l'était, et je ne pouvais pas garantir qu'il n'en serait pas toujours ainsi, pour tout un tas de raisons. Mais principe ou non je serais venu, pas uniquement parce que je me faisais un devoir de me renseigner sur l'état de mes hommes après chaque retour au bercail, mais parce que j'avais encore ce respect de la vie humaine, contre toute attente. Certains trouveraient ça ironique, au fond, parce que de par ma profession j'avais déjà attenté à la vie d'inconnus, et j'en avais pris un certain nombre, dans diverses circonstances … Mais je n'étais pas un animal. Et de toute façon quand bien même je rêvais de le voir affecté ailleurs pour ne plus l'avoir dans mes pattes, Raine avait le droit au minimum syndical venant de ma part, celui que recevait chaque nouvel arrivant au sein de l'unité en attendant d'avoir fait ses preuves. Voilà pourquoi j'étais là à cet instant, parce que me renseigner sur son état était le minimum que je lui devais, pour le simplement fait de faire partie de mes hommes. « Je vais bien, merci. » Parfait, c'était tout ce que j'avais besoin de savoir. Passons sur le fait qu'il n'avait pas pris la peine de me regarder pour répondre, mais de ses comportements à la limite de l'insubordination j'avais presque fini par m'habituer … C'est vous dire. Mais avant de m'en aller j'avais tout de même cru bon de lui rappeler que s'il était momentanément dispensé d'entraînement physique, il n'était pas en assez mauvais était pour être dispensé de ses autres obligations, à commencer par celle de se présenter au débriefing de l'opération demain midi. A l'heure, je croyais bon de le préciser.

C'est ce qui l'avait fait tiquer semble-t-il, du moins c'est le sentiment que j'avais eu le ne voyant d'un coup relever les yeux vers moi et me lancer ce genre de regard qu'il avait dès qu'on lui adressait quelque chose qui n'était pas à son goût. C'était son souci majeur, à Raine, il se donnait bonne conscience en ne bronchant pas, en ne répondant que rarement comme si cela démontrait chez lui une certaine force de caractère alors que ce n'était rien de plus que ce qu'on attendait que lui en tant que soldat, mais son regard parlait généralement pour lui. Il était toujours difficile d'instaurer la discipline du district treize dans l'esprit de ceux qui n'y étaient pas nés, plus encore quand les personnes venaient d'un milieu aussi douteux que Raine. Douteux oui, comme le ton qu'il avait employé pour me répondre « Je ne serai pas en retard. Pas plus qu'au dernier débriefing, qu'à la dernière mission, ni que jamais. » Et c'était censé être quoi, un exploit ? Il s'attendait peut-être à des félicitations personnelles pour agir comme on l'importait de n'importe quel soldat, à savoir en respectant ses collègues ainsi que ses supérieurs ? Parfois je me disais qu'on devait les complimenter un peu trop, chez les sbires de Snow. C'était la seule explication au fait de chercher ainsi, en permanence, la reconnaissance. Et je n'étais pas au bout de mes peines aujourd'hui visiblement « Sauf votre respect je ne suis pas le moins réglo de l'unité, je crois. » Pardon ? Mon regard perdant ton expression autre que la froideur similaire à celle du carrelage de la pièce, j'avais demandé d'un ton volontairement incisif « Vous insinuez qu'un de vos collègue ne serait pas assez "réglo" à votre goût, soldat ? » Il m'avait tendu la perche, je n'avais fait que l'attraper au vol. Maintenant il ne tenait qu'à lui de savoir s'il avait envie de se prendre ou non le retour de bâton dans la gueule ; S'il n'attendait que ça il n'avait qu'un mot à dire, et je me ferais un plaisir d'exécuter sa volonté. Il était le dernier arrivé, il restait le nouveau de l'équipe, celui qui devait faire ses preuves, le bleu qui se contentait d'exécuter les ordres et laissait les décisions et les discussions importantes aux grandes personnes. Et il se pensait en position de remettre en cause le comportement d'un de mes hommes ? « J'espère que Wayland va bien. » Ça aurait pu passer. Sur un ton différent et venant d'un autre soldat cela aurait pu passer, parce que j'aurais su que la réflexion ne voulait rien dire de plus que ce qu'elle disait, parce que chaque membre de l'unité avait pour ses collègues du respect et une certaine forme d'affection. Mais ce n'était pas de l'affection ou du respect qui avait poussé Raine à me faire cette réflexion, non. C'était sa rancœur, envers moi très probablement, envers le treize plus généralement aussi peut-être, et c'était bien la preuve qu'il était toujours incapable de penser comme l'un des nôtres.

Qu'espérait-il au juste ? Je n'avais pas besoin d'attendre ses insubordinations pour me remettre en question, je n'étais pas sans savoir que quelque chose avait cloché dans cette opération et qu'en tant que chef d'équipe j'étais le seul responsable. Parce que c'était le boulot d'un chef d'équipe, partager les réussites avec l'ensemble mais ne pas oublier qu'en cas de pépin j'étais le seul à même de prendre mes responsabilités et d'en subir les conséquences. Et je l'avais toujours fait, sans la moindre hésitation, parce que c'était ainsi que j'avais toujours envisagé mon métier et ma position dans cette armée que je considérais comme une partie de ma famille. Et qui était-il, lui, pour se permettre de juger ma capacité à faire mon travail ? Lui qui il y a quelques années tenait les armes dans le camp adverse, lui qui pendant sa carrière de pacificateur en avait sans aucun doute tué, des soldats du district treize … S'il avait seulement idée de tout ce que j'aurais à dire, si le fait qu'il soit sous mes ordres ne m'obligeait pas à une certaine retenue. « Il va bien. Votre inquiétude à son sujet le touchera sans doute beaucoup à son réveil. » Ironie. Il ne s'inquiétait pas, il ne donnait pas l'air de s'inquiéter. Sans quoi il ne l'utiliserait pas pour tenter de me faire passer une critique. Mais il avait réussi quelque chose c'est vrai, il avait désormais toute mon attention, et quand j'avais tourné les talons un instant cela n'avait été que pour refermer la porte ; Je ne tenais pas à ce que nous soyons dérangés. Laissant mes bras retomber le long de mon corps, ignorant la douleur dans mon épaule gauche, j'avais reposé mon regard sur le soldat « Vous avez mon attention, soldat. » A nouveau j'avais parcouru la distance qui me séparait de lui, et puis finalement allant plus loin j'étais allé me poser contre le mur opposé, croisant à nouveau les bras avant de continuer d'un ton calme « Vous semblez avoir des choses à dire alors allez-y, je vous écoute. » Peut-être sentait-il le piège. Pourtant il n'y en avait pas vraiment, en un instant j'en étais venu à vraiment désirer entendre ce qu'il avait à me dire, pour le simple fait de pouvoir en faire de même ensuite, pour qu'il comprenne que quoi qu'il dise ou fasse à mes yeux il ne serait toujours qu'une pièce rapportée que l'on m'avait imposée, un homme indigne de grossir les rangs de l'armée du treize, parce qu'indigne de confiance. « Je vous accorde cinq minutes. Cinq minutes pendant lesquelles je vais oublier les règles et les obligations que vous avez envers moi en tant que supérieur, comme si vous parliez avec moi d'égal à égal. Mais choisissez bien vos mots, parce que ça sera votre seule et unique occasion, je préfère vous prévenir. » Il ne tenait donc qu'à lui de savoir si ce « cadeau » que je lui faisais serait à double tranchant ou non. Je lui donnais une chance de se faire entendre, n'était-ce pas ce dont il crevait depuis des semaines ? Lui qui semblait tellement détester ne pas être considéré.

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MessageSujet: Re: endlessly cold within. ✩ (raven)   endlessly cold within. ✩ (raven) Icon_minitimeLun 16 Juin - 23:12


IT TAKES A LOT MORE THAN WORDS AND GUNS.

Siegfried avait été à deux doigts de foncer droit dans la gueule du loup. Au moment où la première question de son supérieur était tombée, il avait failli lui répondre, et lui donner volontairement le bâton pour se faire battre. Mais, à la seconde où il avait ouvert la bouche, sur le bord de faire la pire connerie depuis son arrivée au treize et son intégration en tant que soldat, son cerveau avait projeté une toute autre phrase. Et c’était peut-être la meilleure option. Ne pas lui rentrer dans le lard, malgré l’acidité contenue par cette simple petite sentence. Ne pas jouer au plus con avec Abernathy. Car il doutait seulement d’avoir les armes en sa possession pour gagner ce genre de bataille, malgré son envie écrasante et dévorante d’être reconnu à sa juste valeur.

Mais quelle était-elle, cette juste valeur ? Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Il ne savait même plus qui il était, ni la raison pour laquelle il avait fini par rejoindre les rangs du district treize, plutôt que de rester fidèle au Capitole. Néanmoins, à se remémorer ce qu’il avait pu vivre, enfermé dans ces cellules, il n’y avait plus grande hésitation possible sur le sujet. Il avait fini par retourner sa veste et avaler les couleuvres qu’on lui avait si charitablement données pour sauver sa peau. En fin de compte, peut-être que tous ceux qui le détestaient dans ces souterrains avaient raison ; peut-être qu’il n’était qu’un lâche, qu’un ver de terre. Un serpent répugnant, qui aurait mérité qu’on lui écrase la tête du bout du talon pour ne plus avoir à sévir. Mais il épousait désormais les convictions des rebelles. Il savait pourquoi il se battait ; pour la libération de Panem, pour le salut du peuple qui ne méritait pas toute cette souffrance. Déjà, en tant que Pacificateur, il ne faisait pas partie de ceux qui exerçaient leur pouvoir avec des abus, profitant de leur supériorité sur les habitants des districts pour les martyriser de plus belle. Non ; il restait à sa place, se contentant d’appliquer la justice. Punir les voleurs selon la loi, bien que celle-ci eût toujours été trop dure à son goût. Il n’avait jamais un geste au-dessus des autres, et restait de ces Pacificateurs respectés mais pas plus effrayants que par la couleur de leur uniforme, comme il n’y en avait que trop peu. La crainte naissait des abus réguliers de ces semblables, et entachait sa propre image. Des années plus tard, il réalisait qu’il avait fait une erreur en s’engageant dans l’armée du Capitole. Il l’avait fait pour nourrir sa mère et sa sœur, mais n’avait récolté que le chagrin, la peine ; il était passé au bord de la mort avant d’être enfermé dans une cellule suintante et minuscule, d’être torturé autant physiquement que psychologiquement, jusqu’à être poussé au changement de camp. Et aujourd’hui, que lui restait-il ? Qu’avait-il, excepté ces cachetons qu’on lui faisait gober pour qu’il garde son calme, et ses souvenirs empirant avec le temps ? Il n’avait pas réussi à trouver sa place. Ni au Treize, ni chez les Pacificateurs, ni nulle part ailleurs. Il avait cru, pendant quelques temps, l’avoir trouvée dans sa famille ; en fin de compte, il ne savait même plus ce qu’il en était. Il était si seul. Dans les souterrains, il n’avait personne. Que des ennemis, si peu d’amis. Il regardait la poussière du sol foulée par tant de ces pas alliés mais pas de camarades ; pas de ces gens qu’on appellerait des copains, de ceux avec qui il aurait pu se lier d’amitié, et tenir ces discussions qui lui auraient fait tant de bien. Il ne parlait plus aux autres depuis bien longtemps. Au sein de son unité, on lui tournait le dos. C’était normal, après tout. Les soldats suivaient leur chef. Le chef le détestait. Alors les soldats le détestaient. Mais aujourd’hui, il aurait pu être utile. Aujourd’hui, il aurait peut-être pu servir, ou tenter de faire ses preuves, tout du moins. Mais on avait fait comme d’habitude : on lui avait tourné le dos, et on l’avait ignoré. On ne l’écoutait pas ; on ne l’écoutait jamais. Et Siegfried était, en cet instant, suffisamment perdu pour s’être mis bille en tête que si on l’avait écouté, Wayland n’aurait pas frôlé la mort ; suffisamment aveuglé par le manque de respect et de reconnaissance qu’on avait pour lui qu’il en devenait persuadé que son plan à lui aurait pu éviter ce genre de désagrément. Il psychotait sûrement. Mais dans certains aspects, peut-être n’avait-il pas tort. Mais cela, personne n’avait besoin de le savoir ; et personne ne le saurait d’ailleurs jamais.

Il déglutit, baissant légèrement les yeux. Le lieutenant-colonel avait fermé la porte, semblant réclamer un petit peu d’intimité pour ce qui se préparait. Et le regard du Raine croisa à nouveau celui de son supérieur. Il lui donnait la possibilité de s’exprimer. Sur l’instant, il n’y crut pas. Il vit immédiatement le piège du grade, dans l’histoire. Mais bien vite, Abernathy lui affirma qu’il n’y aurait plus de grade, l’espace d’un instant. Juste la rancune, qui pouvait exploser désormais. Les choses ne pouvaient pas être aussi simples. Il ne pouvait pas lui laissait la possibilité de lui dire ce qu’il avait sur le cœur aussi facilement. Ç’aurait été trop… Trop… Trop. Siegfried se crispa quelques secondes, changeant de position sur le matelas de ce lit d’hôpital pour rester le plus possible face à son supérieur. « O–Okay… » Il serra les dents. Ses côtes étaient toujours douloureuses, et la cicatrice de son ventre le brûlait désormais. Ses pensées étaient confuses, et il cligna des paupières durant quelques secondes, tentant tant bien que mal de chasser des flashs et des images confuses de son esprit. Trop de cris, trop de douleur. Lui laisser la possibilité de s’exprimer était une erreur. « Pourquoi vous faites ça ? Vous savez comme moi que tout ce que je vais pouvoir vous dire durant ces cinq minutes ne changera strictement rien, et que je serai toujours aussi antipathique pour vous au bout du compte. Alors pourquoi vous faites ça ? Juste pour me permettre de vider mon sac, ou vous voulez avoir une raison valable de me dire ce que vous avez sur le cœur, vous aussi ? » Il eut un léger rire, mêlé d’un soupir ; comme un désespoir enfin montré, une peine qu’il ne cherchait plus à dissimuler. « Vous avez pas besoin d’me laisser la parole pour la prendre, je crois. Mais votre attention me touche. » Le ton était peut-être un peu glissant sur la fin. Mais cela n’avait rien d’un mensonge. Cette phrase était d’une sincérité effrayante. Depuis son arrivée au treize, on ne prenait pas la peine de l’écouter ; hormis peut-être sa psychiatre. « Vous saviez qu’il y avait une autre alternative, aujourd’hui. Je me suis tué à essayer de vous le dire, parce que je… Je ne sais pas, merde ! Je passe mon temps à vous suivre sans discuter les ordres — parce que c’est mon rôle de soldat, je ne remets pas ça en question. Je ne fais jamais part de mes stratégies et de mes idées, parce que j’ai compris depuis longtemps qu’elles n’étaient pas écoutées, qu’elles n’avaient pas leur place à être considérées au même titre que les vôtres. Mais aujourd’hui, j’l’ai fait, et si… Si j’ai dépassé tout ça, c’est parce que j’ai estimé que ça en valait la peine, et que nos vies pouvaient peut-être en dépendre. Au final je sais, personne n’est mort, on ne s’en est pas trop mal tirés, mais… » Il marqua une pause. Sa lèvre tremblait. Il ferma les yeux, secoua la tête. « … Laissez tomber. » Le ton avait une nouvelle fois chuté. Il déglutit, passant sa main sur sa cicatrice douloureuse. « Je sais pourquoi vous ne m’appréciez pas. Enfin je m’en doute. À votre place, je ne m’aimerais pas non plus. Mais j’vous demande pas de m’apprécier. J’m’en fous. J’voudrais juste que vous me respectiez comme un de vos soldats, et non pas que vous me dénigriez comme l’un de vos larbins. Je sais que je suis le petit dernier, toutes ces conneries. Je sais aussi que j’ai mes preuves à faire. Beaucoup plus de preuves que les autres, non ? C’est normal, d’accord, je comprends. Mais comment vous voulez que je fasse mes preuves si vous ne m’en laissez pas l’occasion ? »

Ses mains tremblaient ; sa voix et ses lèvres également. Il déglutit lentement, et passa une main sur son front fiévreux. Il fallait qu’il prenne ses médicaments. Les larmes et les cris résonnaient encore dans son esprit, et le faisaient déraper lentement mais sûrement. « Le problème dans l’histoire, c’est pas que je suis incapable de faire mes preuves. C’est que vous ne voulez pas que je les fasse. C’est que je resterai toujours le paria, le mec qui n’a rien à foutre là. Vous vous moquez que je me sois battu à vos côtés pendant la rébellion, et que j’aie sauvé la vie de quelques-uns d’entre nous. Vous n’en avez rien à faire. Vous ne voyez que ce que votre haine vous laisse voir, et j’peux pas vous en vouloir. J’vous en veux pas. Mais rien qu’une fois, j’aurais aimé vous entendre dire que je vaux autant que n’importe quel soldat, et que moi aussi j’peux faire du bon boulot. J’me suis fait à l’idée que je pouvais toujours rêver. Vous savez ce qu’on dit, l’espoir fait vivre. » Il serra les dents, soupirant lentement et de manière contrôlée. Il ne voulait pas s’enfoncer trop loin. Ni trop profond. Mais c’était trop tard. « Vous êtes un bon meneur, reprit-il d’une voix plus basse. Vous savez guider vos hommes à mener à bien une mission, et vous savez les ramener en vie. Même aujourd’hui, vous nous avez tous ramenés. Si je claquais en mission, un de ces quatre, j’ignore si vous ramèneriez mon corps au treize ou pas, mais j’ai le sentiment que vous le feriez. Pas parce que vous auriez du chagrin, ou que vous seriez affligé par ma mort, mais plutôt parce que vous savez que c’est de votre devoir de ramener tous vos hommes. » Il le regardait à nouveau. Droit dans les yeux. Ses membres ne tremblaient plus. Le gamin usé et à bout avait laissé place au soldat, à l’homme élevé pour tenir les armes, que ce soit dans un camp ou dans l’autre. Son ton était calme, posé, et bien plus respectueux. « Je peux me tromper, et je ne vous connais pas pour juger de vos actes ou de vos pensées. Mais vous êtes un soldat, vous aussi. » Le mettre dans le même sac qu’un ancien Pacificateur ne plairait sûrement pas à Abernathy. Mais qu’importe. « Je ne critique pas votre manière de faire votre boulot. Vous le faites mieux que beaucoup d’autres, c’est certain. Moi je fais de mon mieux pour ne pas être le boulet que vous vous traînez. J’suis pas plus mauvais qu’un autre dans ce boulot, et je pense que vous le savez. Mais… » Il laissa planer un léger silence. « Ça peut pas marcher si tout le monde tourne le dos au mouton noir. Vous êtes pas responsable de ce qui s’est passé aujourd’hui. Ça devait arriver à un moment ou à un autre. Vous considérez que je n’ai pas ma place dans cette équipe, et en faisant ça vous nous tirez à tous une balle dans le pied. » S’il vous plaît. Essayez de m’écouter. Essayez de comprendre. « Et vous vous rendez vous-même la tâche de nous ramener en vie plus difficile. »

Mais à quoi bon protester ? Siegfried sentait qu’il ne parviendrait pas à remettre les choses en question. Il afficha un sourire difficile et désolé, forcé. Il baissa les yeux, pinçant brièvement ses lèvres. « J’suis qu’une pièce rapportée, la cinquième roue du carrosse, appelez-moi comme vous voulez. Vous préféreriez que ce soit moi dans ce lit plutôt que Wayland et vous croyez que je ne suis pas sincère quand je m’inquiète pour lui, et que forcément si je ne suis pas pas important pour vous vous ne devez pas l’être pour moi. Et… Vous vous moquez de c’que je peux bien ressentir. C’est pas votre problème. C’est pour ça que je ne comprends même pas pourquoi vous m’avez laissé parler. Mais même si ça ne change rien, j’vous remercie de l’avoir fait. » Il passait son temps à changer de pied, à hésiter. Il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il remerciait réellement Abernathy. Il y avait tant d’autres choses dont il aurait voulu lui faire part. Sa souffrance, et ce que ceux comme lui lui avaient fait endurer. L’ancien Pacificateur avait souffert. Bien trop pour pouvoir continuer de se taire. Et peut-être, les premières secondes, avait-il tenté de rester à sa place, et de ne pas donner l’occasion à son supérieur de lui tomber dessus et de le rabaisser plus qu’il ne le faisait d’ordinaire. Mais il avait craqué. Il n’avait pu décemment tout retenir. Il n’était même pas sûr d’aller mieux, en cette seconde. Il savait simplement ce qu’il avait lâché. Ce qu’il avait gardé.

Il aurait voulu prendre ses médicaments ; avoir la possibilité de se calmer, et de dormir quelques temps. Se reposer, et oublier qu’il s’était monté contre son supérieur, et qu’il n’avait pas été capable d’organiser un tant soit peu pour ses propos. Qu’Abernathy risquait de le virer après ça. Ou tout du moins de le rabaisser, l’incendier. En bref, que sa réaction n’allait pas lui faire plaisir. Mais ne l’avait-il pas un peu cherché ?

Sa tête tournait légèrement, et il savait que les images qu’il voyait continueraient de l’assaillir pour quelques années encore ; jusqu’à la fin de sa vie, probablement. Puisse-t-elle seulement se finir rapidement.


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