The stars, the moon, they have all been blown out

isaac ∞ Scarlett

Je sort des bras de Morphée en sursaut. Dimanche. Unique jour de congé -du moins officiellement- et je me lève quand même aux aurores. La literie est trempée de sueur et je ne parle même pas de moi ; je suis en nage. Immobile dans mon lit, je me ressasse les événements de mon effrayant cauchemar. C'est toujours le même. Rien qu'à y songer mes mains se crispent sur les draps. Refusant d'affronter encore et encore ces moments qui m'épouvantent, je secoue la tête et fixe le plafond, les yeux grands ouverts. Souffle Isaac, expire. Je respire calmement, le temps de ralentir les battements affolés de mon coeur. Par le ras de lumière qui traverse les rideaux, je vois l'aube qui pointe tout juste. D'un geste de la main, sans même sortir du lit, j'ouvre la tenture pour observer le temps dehors. Je me suis levé trop vite, ma tête tourne. Je plisse un moment les yeux avant de les rouvrir. La lumière m'est tout d'abord aveuglante avant que je m'habitue à sa couleur blanchâtre, presque bleutée. Les arbres, rouges, jaunes et verts, contrastent grandement avec la pâleur du ciel.

Le givre et la rosée qui ont envahi l'herbe, m'ont fait croire quelques instants à de la neige. De la neige en novembre est vraiment ce qui pourrait nous arriver de pire dans le district sept ! Avec le froid, les demandes aux scieries se multiplieraient par cinq, voir dix, et je ne parle même des pertes que nous même subirons ! Des pertes autant parmi les arbres -pour la production-, que pour les animaux, le gibier, ou même parmi les habitants du district. On survit -du moins pour la plupart- chaque année en faisant des réserves, en se privant et en braconnant toujours plus, mais aussitôt dans l'année, ça provoquerais plus notre perte que notre survie. Alors oui, j'entends déjà les gamines du capitole sur les écrans de la grande place se réjouir de la neige lors des films de « Noël », mais sincèrement, ç'est aussi beau que destructeur ce truc. Et c'est donc sur ces joyeuses pensées que je me lève. Le temps que je divague, le givre a déjà commencé à fondre, à mon grand soulagement. Je sors donc de mon lit avec la forte envie de retourner sous les draps chauds, mais me pousse à poser les pieds contre le sol glacé. L'étrange silence qui règne dans la cabane me prend alors de court. Aucun bruit, pas même un chuchotement. Perplexe, je passe la tête à travers la porte et lance à l'attention de qui s'y trouve :

« Oh hé ? J’suis seul ? »

Ma question reste en suspens. Surpris par ce vide, je tente à nouveau :

« C’est moi qui ai fini le pain lundi ! »

Rien. J’hausse les épaules. Visiblement, je suis bien tout seul. Si Laurel n’est pas là, je suppose qu’elle est de matinée à l’usine et quant à Ambre… je ne peux jamais vraiment prédire où elle est. Je sors donc de ma commode mes vêtements, et enfile de quoi tenir une bonne heure, le temps de ramener un ou deux faisans. Pas le temps de profiter du « calme », je déteste ce silence de toute façon.   L’arbalète à la main, je fais attention de passer mon carquois du bon côté, ne voulant pas rouvrir ma plaie fraichement cicatrisée. Je m’enfonce donc dans la forêt -ce qui est plutôt simple vu que la cabane s’y trouve justement-, suivant le chemin de mes collets. C’est fou, mais j’aime voir le district endormis. Les plaines calmes, silencieuses, inertes. Le silence, le vent, quelques petits oiseaux chanteurs.  L’odeur de la terre mouillée, du petrichor, qui emplit mes narines. Les quelques rayons de soleil dans mon dos qui jouent sur ma nuque, un pur bonheur. C’est à peine si le district ne deviendrait pas, juste à ce moment, un lieu paisible où il fait bon vivre.

Comme pour confirmer mes pensées, les gloussements d'un faisan sauvage se font entendre. La pauvre petite chose s'est pris la patte dans un de mes pièges et vu le nombre considérable de plumes qui sont éparpillées par terre, elle a dû passer la nuit à se débattre. Ne m'apitoyant pas vraiment sur son sort, je mets fin à ses souffrances d'un coup sec et la dépose dans mon sac. Aspirant à faire un vrai repas, je guette alors quelques champignons et autres plantes sur le chemin du retour. Repas, Repas... c'est tellement subjectif ! Il y a des jours où un simple crouton -si déjà nous avons du pain-, peut nous servir de repas alors qu'en d'autres temps, entrée, plat et dessert formaient un repas. Je ne sais même plus quel goût à un dessert, et je ne dois pas être le seul dans le district. C'est presque comme si les viennoiseries et autres gourmandises du pâtissier n'étaient là que pour décorer sa vitrine. Quoi que, je soupçonne quand même notre « vainqueur » d'en acheter de temps à autres. C'est ce que je ferais si je gagnais ; un plat de sucre chaque jour. Rien que d'y penser, j'en ai l'eau à la bouche. Mais comme nous sommes loin d'en avoir les moyens, je vais me contenter des champignons qui sont faciles à trouver, à porter de main même.

Ramenant donc mes prises de la matinée à la cabane, je m'empresse de les préparer, affamé. C'est fou comme la faim dirige les gens, ou du moins me dirige moi. C'est aussi d'ailleurs aussi surement pour ça que les « hunger games » portent ce nom. Ne voulant pas faire de bêtises, je prends soin de correctement vider la bestiole, une tâche qui m'est complexe -je suis bucheron moi, pas boucher- avant de la mettre au feu. Les effluves de viande, de plantes, et de champignons, emplissent alors vite la cabane, pour mon plus grand bonheur. Avec un peu de chance, ça va être mangeable et les filles apprécieront ; parce qu'à vrai dire, je n'ai pas vraiment l'habitude de cuisiner. Ambre et Laurel, ont disons : plus de tallent culinaire que moi ! Alors, pour ne pas tous nous tuer, je les laisse faire. Mais pour une fois, je suis certain de mon coup. J'ai suivi à la lettre les explications de Laurel la semaine dernière et je suis certain d'avoir correctement cuisiné ce faisan. Découvrant un peu de sang sur ma chemise -qui est d’ailleurs aussi chemise de travail, ma seule vraie chemise chaude-, je la retire et cherche en vitesse la bassine avant d’aller prendre de l’eau pour la mettre à bouillir. Je fouille donc dans les placards -bien qu’il n’y en ait pas énormément non plus- la bassine en fer, mais cette dernière reste introuvable. Je soupçonne alors Auri de l’avoir laissé dehors lors des lessives et sort de la cabane en courant.

« Non, non, non ! Je rêve si elle à rouillé avec la pluie, je… »

Mais je suis arrêté dans mon élan. Une jeune brune, qui doit surement avoir mon âge se tient droite à quelques mètres de là. Son visage m’est inconnu, et même si je ne connais pas tout le monde dans le sept, je suis certain de ne l’avoir jamais vu. D’une main, je ramasse la bassine à mes pieds. Je l’observe quelques secondes, stupéfait. Gêné, je tousse dans mon poing avant de prendre la parole.

« Euh… vous voulez quelques chose ? Je peux vous aider ? »

M’attardant donc dehors et ayant légèrement froid sans ma chemise, j’en profite quand même pour ouvrir le robinet et remplir la bassine. Mais du coin de l’œil, j’observe la fille. Elle n’est pas d’ici, c’est visible. Son attitude, sa posture, son physique, ses vêtements, elle n’est pas du sept. Elle me rend perplexe, je me demande ce qu’elle fait là. Les gens ne viennent pas souvent à la cabane, où alors quand ils font le déplacement, c’est toujours signe de mauvais augure.