CHILDREN OF THE BAD REVOLUTION
(arthur & ridley)

Cela faisait un petit mois que ma tante avait été accusée de trahison sur la place centrale du district avant d'être exécutée. Le climat était tendu dorénavant. Chacun se méfiait de son voisin, de son collègue, et les visites des pacificateurs effrayaient le district dans sa totalité. Tout le monde était suspecté, en particulier les familles de rebelles. J'avais peur. Peur pour mes parents qui n'avaient rien à voir avec cela, peur pour ma propre peau. N'importe qui pouvait me dénoncer sous les tortures des pacificateurs, je le savais très bien, c'était un risque à prendre à chaque fois qu'un véritable rebelle était arrêté. Mais il semblait que les aveux soient rares puisque nous fûmes nombreux à ne pas être invités à rejoindre la place centrale pour l'une des exécutions. La terreur s'installait dans le Un, et nous ne pouvions pas agir. Nous devions rester passifs face à ces injustices. Des hommes, des femmes, et même parfois de jeunes gens étaient exécutés pour des crimes qui n'en étaient pas. Était-ce un crime de vouloir la liberté ? Certainement pas. Nous n'étions pas les criminels, c'étaient eux, et uniquement eux.

Afin de paraître aussi innocente que possible, j'avais repris une routine de vie et de travail. J'évitais même les escapades hors du centre ville pour me procurer des herbes rares dans le but de ne pas me faire remarquer. Je tenais à ma vie. Je tenais à ma vengeance, celle qui devait ne pas rendre vaine la mort de mon frère. Mais maintenant, ma vengeance était tout autre. Je devais combattre pour mon frère, mais aussi pour ma tante qui avait donné sa vie pour sauver celles des autres. Cependant, je ne pouvais pas agir en plein nettoyage des districts. Mes convictions ne me servaient à rien si elles devaient être effacées en même temps que mon existence. Je me tenais alors à carreaux, comme la totalité du district.

J'étais sur ma route pour visiter une famille où une jeune fille était malade. Les parents m'avaient demandé s'il m'était possible de me déplacer, j'avais accepté avec grand plaisir. Si je ne pouvais pas sauver mes compagnons, je pouvais au moins sauver des innocents. Je faisais tout mon possible pour sortir la jeune fille de sa maladie, et était convaincue qu'elle allait s'en sortir rapidement. Cependant, un accord tacite avec les parents avait été mis au point. Je devais faire en sorte que son rétablissement traîne un peu, histoire d'éviter une moisson assez redoutée. J'étais alors en pleine méditation sur le sort de la jeune fille lorsque je passais dans une rue passante du district. Je n'avais pas remarqué le jeune homme qui arriva en face de moi. Le choc fut rude. Par chance, je ne fis tomber aucun de mes précieux médicaments, mais je devais avouer être assez sonnée. Je ne perdis pas une seconde pour m'excuser auprès du jeune homme. « Excusez-moi, je ne vous avais pas... » Je relevai la tête et reconnus Arthur. C'était un rebelle, et je n'aimais pas le croiser ici. Non pas que je ne l'appréciais pas, au contraire. Mais, ces temps-ci, j'évitais les rebelles. Tout comme ils m'évitaient d'ailleurs. C'était la seule solution pour ne pas être suspectés. « Arthur ! Je ne pensais pas te croiser là... » Je ne savais pas trop quoi lui dire. Et il ne fallait surtout pas que nous parlions de la raison de notre connaissance, pas en public en tout cas. Les oreilles étaient bien trop indiscrètes par ici. Je me contentais donc de le saluer vaguement. Peut-être penseraient-ils qu'Arthur était juste passé à la pharmacie un jour.

La journée n'était pas banale. Du moins, pas pour moi. Je n'aimais pas être inactive, ne pas pouvoir rencontrer mes compagnons de révolte. J'avais le sentiment d'être inutile ces temps-ci. Ce fut pour remédier à tout cela que je repris les visites chez les particuliers. Ce n'était pas mon habitude, enfin, disons que ce n'était pas dans les premières attributions de la pharmacie. Cependant, certains médecins n'étaient plus parmi nous, mais les besoins étaient toujours là. J'avais donc pour objectif de rendre visite à une famille d'un quartier assez reculé, pauvre, et où l'hygiène laissait à désirer, lorsque je fus coupée net dans mon avancée. Perdue dans mes pensées, je n'avais pas remarquer la personne qui s'avançait face à moi, et la collision fut inévitable.

Je m'excusai avant de reconnaître Arthur, un jeune rebelle que je connaissais depuis ses débuts dans le groupe. J'eus la maladresse de l'interpeller avant de me rendre compte qu'il ne valait mieux pas nous parler en public, même pour de simples politesses qui sous-entendaient que nous nous connaissions. Par chance, Arthur fut plus perspicace que moi et rattrapa le coup rapidement. « - Ce n’est pas grave j’étais un peu perdu également dans mes pensées ! Ce n’est donc, pas de votre faute ! Arthur, vous me connaissez ? Je ne crois pas avoir eu la chance de vous rencontrer et vu que vous transportez je pense que vous êtes notre médecin ! Vous avez sûrement du voir beaucoup de mes élèves avec des blessures, sachez que je n’ai jamais voulu qu’ils se blessent à chaque fois c’étaient des accidents ! Enfin bon, je parle, je parle, mais je ne me suis pas vraiment présenté en bonne et due forme ! Arthur Victor Harrington enchantée et vous êtes madame le médecin ? » Il m'offrit quelques secondes de répit pour broder un mensonge cohérent avec ses propres paroles. Je lui rendis son sourire, comprenant le message qu'il tenait à me faire passer, et le remerciai d'un signe de tête discret mais qu'il pouvait sans problème remarquer. « Pas vraiment médecin, mais ça fera l'affaire. Oui, les entraînements, j'ai beaucoup entendu parler de vous avec tous les blessés que je rencontre. Mais pas d'inquiétudes, ils s'en sortent à chaque fois ! Heureuse de vous rencontrer. Ridley Coradane, préparatrice en pharmacie et guérisseuse à ses heures perdues. » J'entrais dans son jeu, enfin dans son idée pour éviter tout regard suspect et oreilles indiscrètes. Je devais avouer que tout cela était plus que crédible, et même réel. Plusieurs fois j'avais dû soigner des jeunes enfants quelque peu blessés suite à des entraînements trop intenses, ou à une simple mauvaise chute. C'était monnaie courante. Des mises en situation comme celles opérer dans le district ne pouvaient pas être garanties sans danger.

« La journée a été bonne ? Pas trop de blessés, et de bons candidats pour les prochains jeux ? » Je me détestais à dire cela à haute voix. Comme si la perspective de voir deux nouveaux jeunes gens partir pour les jeux me ravissaient... Mais je devais garder la réputation de pro-capitole qu'il restait dans la famille, le peu qu'il restait suite à l'exécution de ma tante. Quelques petits mots innocents à prime abord ne pouvaient pas faire de mal, surtout dans une rue assez peuplée où n'importe qui pouvait vous entendre. Avec un peu de chance, un pacificateur serait mis au courant que j'espérais avoir de bons tributs cette année pour le Un, sous-entendant que je n'avais rien contre ces jeux.

La conversation que j'avais avec Arthur était tellement inhabituelle, cela me déstabilisait assez, je devais l'avouer. Même si j'étais plus proche de lui que la plupart des autres rebelles, il n'était pas courant pour moi de parler d'autres choses que la révolte. En effet, ce sujet me tenait particulièrement à cœur. Mais maintenant, je ne pouvais plus m'exprimer sur le sujet, si ce n'était pour dire à quel point c'était vain et stupide, ce que je ne pensais pas, bien évidemment. Pour conserver les apparences, nous fîmes mine de ne pas nous connaître, et après quelques maladresses de ma part, la conversation avait enfin de l'allure, et une crédibilité.

« - Nous avons deux potentiels tributs qui pourraient être énormément fort ! Mais, j’ai peur que vu leurs forces et leurs façon de battre tout le monde, que dis-je de massacrer tout le monde aux entraînements qu’ils se sentent supérieurs et qu’ils finissent par périr par un surplus d’égo! Sinon, enchantée mademoiselle Ridley ! Je vous ai peut-être importunée dans la grande tournée des malades ! Je peux peut être vous accompagné si vous voulez comme ça, je pourrais apprendre un peu des rudiments des soins au cas où si j’ai des blessés durant mes cours ? » Il avait tellement raison. Je connaissais ce genre de gamins, pour en avoir fait partie, et c'était bien triste. L'arrogance coûtait cher, très cher, et mon frère en avait payé le prix fort. Il s'était cru meilleur que les autres, tout comme moi, mais cela l'avait conduit à sa fin trop rapidement. Il fallait être plus malin dans l'arène, c'était la seule solution. Cependant, je ne pouvais pas critiquer ouvertement le fonctionnement des tributs du Un sans attirer les soupçons sur moi. « C'est bien le problème par ici, mais ils s'en sortiront quand même, ce n'est pas pour rien que nous avons autant de vainqueurs dans le Un ! » Secrètement, j'espérais l'inverse. Quoique. Je n'avais rien contre ces jeunes gamins entraînés dès la naissance et élevés dans l'amour des jeux, ils n'étaient que les victimes dans l'histoire. Mais quand même, une claque dans ses esprits trop sûrs d'eux ne feraient pas de mal, et tant pis pour les pertes. On ne pouvait pas parvenir à ses fins sans quelques dommages collatéraux.

Ne souhaitant pas vraiment m'étaler sur le sujet, je répondis à sa question qui était sur un tout autre ton. « Avec plaisir. Si ça peut m'éviter deux ou trois bras cassés, je ne vais pas refuser. Je vais chez une patiente, j'espère ne pas trop déranger votre chemin par contre. » Nous aurions la chance de parler un peu plus en privée, dans des chemins plus reculés et plus calmes. Ce n'était pas pour me déplaire, j'avais horreur de l'agitation du centre-ville. Je repris alors ma route, en espérant pouvoir parler d'autres choses.

Cette rencontre était assez déroutante. Je n'aimais pas me retrouver dans ce genre de situation en public, avec un rebelle que je ne pouvais pas aborder comme à mon habitude. Pourtant, pour ne pas paraître suspects en s'évitant soigneusement, il fallait que nous jouions les inconnus. Nous parlâmes de nos activités, rien de bien passionnant en vérité. Nous savions très bien ce que chacun faisait, même si nous n'avions jamais réellement parlé de nos vies. Nous continuâmes notre chemin à parler de banalités stupides en attendant que les choses soient en notre faveur. Puis, Arthur changea de sujet.

« - Le poney dans ma cave s'appelle Capucine, et tu sais quoi je l’ai trouvé dans un champ de pâquerette pas loin d’ici ! » Pardon ? J'eus un moment d'incompréhension. Il était devenu fou ou il avait juste un problème ? Après quelques secondes à le regarder totalement déconcertée, je finis par comprendre. Le petit code rebelle pour dire que la voie était libre. Je n'y avais jamais vraiment été adepte. Autant dire clairement les choses si la voie est libre. En temps normal, j'aurais ri fébrilement. Mais aujourd'hui, je n'avais pas envie.

« Je sais pas comment tu fais pour continuer à entraîner ces gamins. Ils se croient tellement supérieurs, alors qu'ils vont tous crever s'ils se retrouvent dans l'arène... » Cette phrase était le résultat d'une rencontre précédente avec une jeune fille qui se voyait déjà couverte de gloire suite aux jeux qui arrivaient très bientôt. Je l'aurais étranglé moi-même sur place si je n'avais pas été civilisée... Mais cela n'aurait pas vraiment fait bonne impression en plein milieu de la place du district. Quitte à me faire arrêter par les pacificateurs, autant que ce soit pour avoir bousiller leurs armements ou les avoir massacrés, mais pas pour une gamine qui n'en valait pas la peine. De toute façon, elle allait se porter volontaire cette année, ou la suivante, et ne reviendrait jamais. « J'espère que ça redeviendra comme avant bientôt. » J'avais tellement hâte de retourner aux combats. Mais il ne fallait pas espérer un retour des hostilités avant la fin des jeux, ou pire, avant des années.

Spoiler:

J'avais critiqué les gamins que le jeune rebelle entraînait. Pourquoi ? Parce que nous parlions d'eux, tout comme j'aurais pu me lancer dans un réquisitoire contre les pacificateurs, le Capitole ou même le district Treize si la situation s'y était prêtée. Après tout, c'était lui qui avait commencé à parler de ses élèves. Pourquoi alors me reprocher des paroles alors qu'il savait très bien quelles étaient mes opinions. Oubliait-il que j'avais été une carrière moi aussi ? Que mon frère l'avait été et qu'il en était mort ? Que certains carrières s'en moquaient par pure méchanceté à mon égard, et celle de ma famille ? Nous n'étions peut-être pas d'accord, mais il ne pouvait nier que tous les enfants qu'il entraînait étaient coupables. « Comment tu expliques qu'un gamin d'une famille respectable devienne le pire des pacificateurs, tout comme l'inverse ? C'est la nature des gens qui est bonne ou mauvaise. Moi aussi j'ai été comme eux à une époque. Conditionnement ou pas, certains sont mauvais dès le départ et je l'étais. C'est par pur égoïsme que je suis arrivée chez les rebelles, pas pour défendre de belles idées. » Allais-je me mettre à dos un nouveau rebelle à cause de mes paroles trop acerbes ? Peut-être bien. Mais en vérité, je m'en fichais un peu. La rébellion n'était qu'un outil de vengeance pour moi. Je ne voulais certainement plus de Snow, ni même de Coin au pouvoir, mais ma première motivation était de me débarrasser de ceux qui avaient fait du tort à Archie et à ma tante. Le Capitole via les pacificateurs, et les carrières. Le reste, je m'en fichais royalement. Je pouvais y laisser la vie, tant que mes ennemis étaient six pieds sous terre.

Je détestais par-dessus tout que l'on porte un jugement sur mes pensées, surtout lorsque cela concernait les jeux, les carrières et la révolte. Chacun avait eu sa vie dans le district un, je n'avais peut-être pas eu la pire, mais certainement pas la meilleure. Arthur savait pourtant ce que j'avais traversé, et était conscient que mes prises de position étaient radicales, voire totalement démesurées. Là était la différence entre les bonnes intentions, une volonté de liberté, et les mauvaises, une volonté de se venger. « Mais bon, je crois que je suis la seule à penser ce genre de choses par ici. Tant pis. Je n'en ai pas honte, au contraire. »