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Sujet: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Lun 18 Fév - 23:00
We control the fear.
Lentement, ne jetant pas le moindre regard à l’homme assis en face de lui qui tentait de reprendre son souffle, Salem fit bouger ses doigts, posant un œil frustré sur ses phalanges. Il y était sûrement allé un peu fort, cette fois-ci. Mais tant pis. L’autre geignait, baissant la tête, collant son menton contre le haut de sa poitrine. Il n’avait pas craché le moindre mot ; ou presque. Comme beaucoup de soupçonnés rebelles, il avait confirmé son appartenance à ce camp de belles enflures, mais n’avait rien voulu dire d’autres. Rien, hormis « on va tous vous faire sauter la tête ». Charmant. Mais un élément comme un autre. Salem avait pris cela au mot. Et lui avait proprement sectionné un doigt supplémentaire. Le sang gouttait au pied du siège où sa victime était assise, poignets liés sur les accoudoirs, chevilles attachées aux pieds de la chaise. D’un geste lent, il se retourna, laissant le pauvre homme cracher autant de sang qu’il en perdait de son doigt, ou presque. Le Pacificateur toqua trois coups à la porte. Un homme en blouse blanche vint lui ouvrir. Il eut une petite grimace en voyant l’état atrophié dans lequel l’homme avait laissé le rebelle. Mais c’était son job. Nettoyer les cochonneries. Le laisser souffrir mais l’empêcher de crever. Ce gars pouvait encore servir. Salem n’en avait pas fini avec lui. Il avait eu beau lui éclater le visage à coups de poing, lui couper deux doigts à une main, et un à l’autre, ainsi que le débarrasser d’une de ses oreilles, ce gars pouvait encore servir. Attrapant son verre de whisky posé dans un coin, notre tortionnaire en but une petite gorgée, avant de le finir d’un trait, plus franchement. Il n’émit pas la moindre grimace, et laissa son verre posé là. Pas très conforme. Mais pour ce qu’il en avait à taper, cela n’allait pas le traumatiser. Repliant avec soin la lame de rasoir qui lui avait principalement servie dans la découpe d’oreille et qui lui appartenait, il la glissa dans sa poche. Pleine de sang. Il la laverait chez lui. Pas envie de rester là. L’ensemble des autres instruments resta dans la salle. À charge du docteur de nettoyer ce qui avait servi, et de stériliser ce qui servirait probablement demain. Faisant glisser son rasoir refermé entre ses doigts, les mains au fond des poches, Salem commença à marcher dans le long couloir des cachots du trois, l’esprit tranquille. Vidé de tout, hormis des hurlements de douleur de sa victime, qui se répercutaient encore dans son crâne. Dans quelques minutes, ils auraient disparu. Ce n’était qu’une question de temps, là encore ; tout venait à point à qui savait attendre.
Sortant doucement une main de sa poche, il étira doucement son cou, touchant du bout des doigts la longue cicatrice qui l’entourait. Assez épaisse, parfaitement visible, même si on essayait de la louper et de ne pas s’attarder dessus. La peau restait fragile, et bien qu’il ait récupéré l’ensemble de ses facultés vocales, son cou en lui-même restait encore un peu raide, et il se fatiguait rapidement. Il récupérait certes plus vite que ce que la plupart des gens auraient récupéré ; mais cela restait insuffisant à son sens. Il était sorti de l’hôpital depuis quelques semaines déjà, et ne se coltinait que la paperasse. Qu’il avait rapidement refourguée, pour s’amuser aux interrogatoires, mais surtout aux tortures. Son grand jeu. Son grand défouloir, depuis que Todd était mort, et qu’il avait un besoin fou de passer ses nerfs sur les rebelles. Tout ceci restant dans un but parfaitement éducatif et instructif, cela allait de soi. Reniflant doucement, le Pacificateur porta une main à ses côtes. Pas entièrement remises, elles non plus. Mais son dos, c’était bon. Couvert de longues cicatrices blanches, certes, mais remis, et prêt à l’usage. Toutes ces faiblesses n’empêchaient pas notre homme de reprendre l’exercice physique. De se remettre à cogner. Et d’assurer la sécurité dans son établissement aussi bien qu’avant, exactement comme il l’avait toujours fait. Le soir où il était sorti de l’hosto, un mec avait tenté de faire le malin, et de le provoquer. Le poing américain de Salem s’était écrasé dans sa gorge, puis sur sa nuque. Et il avait fait moins le malin, immédiatement. Hôpital ne signifiait pas infirmité. Et dès son retour, le Pacificateur l’avait fait très clairement comprendre à ses clients.
En une légère grimace, il tendit la peau de son cou, à nouveau. Dès qu’un petit tiraillement se fit sentir, il cessa, sortant les deux mains de ses poches. Couvertes de sang. Il allait passer par la case douche dès la fin du service, sans aucune hésitation possible. Remettant ses doigts au fond de ses poches, les manches de sa chemise beige toujours retournées sur ses avant-bras, également parsemés de taches écarlates, Salem ne remarqua pas le regard amusé que lui jetait un de ses collègues dans le couloir. Sa torture s’était aisément passée de toute propreté. Et l’oreille coupée au rasoir à la lame simple, pour des souffrances plus agréables et prolongées, avait versé un sacré lot de sang. Et bien éclaboussé. Jusque le long de son cou. Jusque sur son menton, et légèrement sa joue gauche. Ses vêtements étaient également maculés de taches rouges. Et il s’en rendait à peine compte. Blasé. En colère. La rage et la haine bouillaient dans son sang. Et il avait pris son pied à couper une oreille, des doigts, à foutre des coups de poing. Façon de parler, bien entendu. Mais il s’était défoulé. Et son aspect physique lui importait peu. Ses mains couvertes de sang séchés ne lui faisaient ni chaud ni froid. Il avançait, dans ce couloir sombre. Il approchait de la sortie des cachots, et passait près des salles d’interrogatoire. On savait tout de suite d’où il revenait. Ce qu’il avait fait. Et de toute manière, ce n’était un secret pour presque personne ; depuis qu’il était sorti, il tournait en rond. Et torturer, physiquement plus que mentalement, lui faisait passer ses journées à un rythme relativement confortable. On s’occupe comme on peut, que voulez-vous.
Mais, alors qu’il allait passer devant une nouvelle salle d’interrogatoire et sortir de ce long couloir pour rentrer chez lui, avec une petite douche sympathique en prévision pour se débarrasser du sang qui le couvrait, une silhouette s’interposa face à lui. Il s’arrêta. La détailla. Hm. Il avait fallu que dans ce grand jour de sadisme et de cruauté, il tombe face à elle. Que dans ce jour de colère sans fond, il se retrouve avec la chef des Pacificateurs du District juste devant lui. Et qui, visiblement, n’était pas là pour faire dans la dentelle. Salem la dévisagea lentement, les yeux légèrement plissés, sans remarquer outre mesure la dégaine affligeante dont il faisait preuve. Il avait quitté l’uniforme avant de rentrer dans la geôle, préférant salir ses propres vêtements, comme beaucoup faisaient. De toute manière, il ne foutait pas le nez dehors. Quel mal y avait-il à se vêtir en civil, face à un homme qui ne reverrait jamais la lumière du jour ? Il avait de plus fini son service. Et se foutait totalement de ce qu’elle pouvait penser à cette seconde précise. Cependant, voyant qu’elle ne semblait pas passer son chemin, il ne bougea pas, relevant légèrement la tête, lui jetant un regard interrogatif. Suspicieux. Curieux. Entre Hildegarde et Salem, il y avait eu des hauts et des bas. Mais ces derniers temps, ils étaient plutôt dans une période de bas. Jalousie, colère, vengeance, devoir. Les quatre principales lignes de conduites qui faisaient qu’ils s’entredéchiraient en silence, sans la moindre goutte de sang. À coups de regards. À coups de mots. Mais là, Salem avait fini sa journée. Il n’avait pas envie de se battre. Il avait passé ses nerfs, et n’avait pas envie qu’elle les lui remette en pelote, malgré son sang-froid légendaire. Il plongea ses yeux dans les siens, légèrement froid, montrant très bien à quel point ce face à face l’ennuyait autant que le perturbait dans son programme. « Hm. » Le petit son sortit du fond de sa gorge, sans pour autant qu’il n’ait ouvert les lèvres. Il n’y avait rien d’autre à dire. Salem n’avait strictement rien à ajouter. Et pourtant, elle ne le laisserait pas comme cela, c’était certain. Trop de caractère.
Enfonçant correctement ses mains dans ses poches, laissant ses doigts se contracter autour du rasoir replié, et les autres autour de son poing américain, Salem se força à décontracter ses épaules. Il cligna lentement des paupières. Les vêtements barbouillés de sang. Le visage maculé de gouttelettes pourpres. Sanguinaire, cruel, indécent.
Quoiqu’elle puisse lui vouloir, il savait que cela n’aurait rien de gentil. Rien d’agréable. Mais quoique cela puisse être, il savait tout aussi bien que cela ne l’empêcherait pas de dormir, ni ce soir-là, ni aucun autre soir.
Dernière édition par Salem F. Hyde-Earnshaw le Dim 5 Mai - 15:53, édité 1 fois
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Mar 30 Avr - 19:38
we don't lay down for nobody
SALEM HYDE-EARNSHAW & HILDEGARDE FALK-LAWSON
La broussaille hirsute qui encadrait son visage devait être l’exquise perfection d’un temps passé, il paraissait comme évident qu’il s’agissait là d’un atout qui avait dû lui valoir de belles conquêtes, à ce jeune homme. Il patientait silencieusement que sa supérieure ne daigne porter son attention sur lui, fronçant un peu plus les sourcils à mesure que le froissement d’une feuille prise et reposée ne cessait de résonner entre ces quatre murs. L’intrusion remarquée et plus ou moins réussie des rebelles dans l’enceinte du trois n’avait pas manqué de susciter des intérêts divergents sur le district. Et sur la soi-disante pacificatrice qui s’en occupait. Elle avait failli à sa tâche, elle n’avait pas su repousser leur nouvelle attaque avant qu’ils ne viennent s’saccager les atouts du trois. Autant dire qu’à l’apogée de cette rébellion, chaque minute de son existence s’écoulait à travers des dossiers et déplacements strictement professionnels dans d’autres districts. Hilda s’était emmurée dans la solitude et le silence bien plus qu’elle ne l’était initialement, et l’on frémissait chaque fois que sa langue claquait pour lancer des ordres. Cela dit, elle se réjouissait maigrement de ses dernières acquisitions. Elle reposa ses papiers platement sur son bureau, se laissa retomber doucement contre le dossier de son siège et redressa la tête. Dans un léger mouvement de tête, elle intima au jeune homme de lui exposer sa venue. « Le dernier recensement des captifs. » lui indiqua-t-il tout en lui posant un énième dossier sur son bureau, et replaçant à nouveau ses mains dans son dos. Ce garçon faisait parti des dernières trouvailles de la pacificatrice. Des dernières manipulations, en fait. Se tenait devant elle l’illustre fantôme d’un rebelle. Un piètre rebelle ceci dit, il avait cédé bien rapidement. Peut-être par la faute des coups de fouets. Oh, Hilda s’était abstenue de toute violence pour ce cas. Ces menaces et ses chantages étaient suffisants. Mais d’autres pacificateurs étaient passés avant elle pour lui, comme en témoignait son visage scindé en deux par une immonde cicatrice qui lui avait ôté un œil. Il lui manquait quelques doigts aussi, elle le savait. Et se doutait qu’il était passé par bien d’autres tortures. Maintenant, il était devenu un digne pacificateur. Et sa famille poursuivait son existence paisiblement, outre la haine qu’elle vouait désormais à celui qui avait été un fils.
Dans une inspiration quoiqu’un peu lassée, Hildegarde se leva et contourna la table. Elle posa une main sur l’épaule du jeune homme dans un sourire, faignant de ne pas remarquer le frémissement qui lui parcourut l’échine. « Hyde-Earnshaw se trouve en bas ? » N’osant émettre le moindre son, le garçon se contenta d’acquiescer de la tête. « Evidemment. » D’une pression, elle le poussa vers la sortie en l’accompagnant. Elle ne le regarda pas s’éloigner d’elle dans la direction opposée du chemin qu’elle s’apprêtait de suivre, mais elle nota la précipitation dans laquelle il le fit. Au moins, il y a avait encore quelqu’un pour la redouter ici. Hilda quitta le couloir de son étage pour emprunter les escaliers et se rendre au niveau des salles d’interrogatoires. Il lui fallait mettre la main sur l’un de ses meilleurs pacificateurs du trois. Salem. Elle avait de bons atouts dans ce district, entre son frère jumeau et lui, l’aîné il y avait quelque temps, Braeden, et quelques autres. La force du trois, elle résidait avant tout en eux.
Salem se trouvait bien là où elle s’y attendait. Enfin, pas réellement. Dans un mauvais timing, elle pensait le trouver encore dans les cellules. Faut dire qu’elle perdait parfois la notion du temps à rester cloîtrée dans son bureau à éplucher et trier des données. Manifestement, il n’était pas des humeurs les plus commodes. Elle ne devait pas être la personne sur laquelle il aurait aimé tomber dans l’instant. Elle dévisagea Salem de sa manière désinvolte qui lui était propre, nullement marquée par l’attitude désintéressée du pacificateur. Ils étaient adeptes de ces échanges de regard lourds de sens. Il ne devait pas ignorer l’humeur quelque peu agacée dans laquelle elle se trouvait.
Ils étaient semblables, à bien des égards. Ils étaient des prédateurs, des carnassiers. Ils possédaient cette même maîtrise de soi, cette façon de paraître neutre en toute situation, ce timbre de la voix si bien mesuré qui n’atteignait jamais des sommets. Mais Salem était plus porté vers les coups qu’elle ne l’était, même si chacun savait pertinemment que leur capitaine possédait des ressources en matière de torture non négligeables, et Hilda possédait la faculté de sourire – une chose bien assez étrangère à l’homme ensanglanté qui se tenait devant elle. Leur franchise et leur nonchalance respective mettaient à rude épreuve la relation assez spéciale en elle-même qu’ils entretenaient depuis … Depuis toujours, pourrait-elle penser. En quelque sorte. Ils se connaissaient depuis tellement longtemps. Même s’ils ne s’étaient jamais réellement fréquentés, et n’en seraient probablement pas là aujourd’hui, s’il n’y avait pas eu ce même maillon qui les avait rapprochés aussi bien qu’éloignés. Et c’était cette connaissance commune qui se tapissait discrètement sur le visage de Salem, surgissant aux yeux de la pacificatrice au détour d’un trait tiré, d’un front plissé ou d’un pincement de lèvres. Les liens du sang marquaient indéniablement les membres d’une même famille et si ceci n’était pas toujours évident, Hildegarde connaissaient bien trop deux des frères Hyde-Earnshaw pour manquer ces petits détails qui pourraient paraître insignifiants, voire inexistants, aux yeux d’un d’autre. Salem était hanté par le fantôme de Todd, par les mimiques les plus infimes pour d’Hilda, par le fardeau qui pesait sur ses épaules pour l’homme. Comme ne cessait de le rappeler presqu’ironiquement, la cicatrice qui siégeait sur le cou du pacificateur. Hilda ne se permettrait jamais d’exposer ce genre de pensée clairement, bafouant sa propre habitude de dire généralement tout haut ce que tout le monde pouvait penser tout bas, elle la première. Salem lui rappelait Todd, et Todd lui rappelait Adam. Mais l’un était mort, et l’autre jugé mort. Peut-être qu’elle refusait de se l’admettre, si tant était qu’elle avait conscience des monstres qui se terraient dans les recoins de son subconscient. Comme tout être humain, Hilda possédait ses faiblesses. Sa faiblesse. Outre qu’elle était cruellement mortelle, elle était mère. Les temps sombres qui s’étaient abattus sur Panem, et plus particulièrement sur le trois avaient éreinté de bien des manières la pacificatrice en chef. Les murmures de son possible échec et les réprimandes de son supérieur, des hautes sphères mêmes, n’avaient pas manqué de lui tomber dans le coin de la figure. Et si la basanée gardait le visage haut et serein, il était certain qu’elle n’avait pas particulièrement apprécié qu’on remette en cause ses compétences et son efficacité du fait d’avoir laissé partir en fumée, entre autres, une usine d’armement – ce qui était, évidemment, crucial pour équiper les pacificateurs. S’ajoutait ainsi aux aléas de ses fonctions et de son statut, des piles de dossiers, des rebelles à la pelle enfermés dans les cachots, les discours pour remotiver les troupes. La mort d’un homme qu’elle affectionnait, ce qui paraissait déjà assez étrange que la Hilda dénudée de toute émotion humaine puisse éprouver des sentiments, malgré que ça ne paraissait pas dans son attitude. L’inquiétude qui avait évoluée crescendo à l’attention d’un petit garçon pas même âgé de six ans qui n’avait conscience ni de sa mère, ni du moyen de pression qu’il était pour la faire chuter. Et, il y avait Salem. Salem et ses envies de vengeances, Salem et ses manquements aux ordres aussi implicites fussent-il. Rien ne lui échappait, et il le savait d’autant plus.
Alors, ces derniers temps, il était difficile de manquer la mauvaise aura que dégageait Hildegarde. La tempête qui vrombissait intérieurement, cette mauvaise humeur qui lui bouffait sa patience. Quand bien même elle ne laissait rien paraître, on ne pouvait manquer les traits lassés de son visage et la dureté de son regard. On ne pouvait manquer, également, la manière dont elle traitait Salem. Son comportement exaspérant de ces semaines, elle l’avait elle-même engendré en l’enfermant. En lui refusant le terrain. Ce n’était pas suffisant, la vengeance qui gonflait dans ses veines altérait les mesures prises par la pacificatrice. Et n’était clairement pas à son bon gré. Récolter les fruits des envies de meurtres multiples de Salem n’était pas une partie de plaisir. D’une part, parce qu’elle était celle qui devait cautionner l’attitude d’un de ses soldats dans son dos. D’autre part, parce qu’elle se doutait que, quoiqu’il puisse lui assurer, ses intentions n’entraient pas dans le cadre de réprimer la rébellion. Il s’agissait-là de la dernière chose dont elle avait besoin, juste avant sa mort. Car c’était ce qu’il ne manquerait pas de lui tomber une nouvelle fois dessus après le premier échec des malfrats. Mais le fait qu’elle lui ait sauvé la vie et la cicatrice qui se dessinait sur sa peau n’étaient pas suffisants pour lui faire entendre raison. Pas plus que ses rappels à l’ordre. Le comportement de Salem pouvait avoir des répercussions à bien des égards, notamment dans son boulot envers ses collègues comme sa supérieure. Hilda aurait pu se permettre de lui offrir des congés, un temps de repos. Si Salem n’en aurait pas profité pour traquer toute la gangrène qui voulait lui faire la peau, elle en avait conscience. La meilleure option qui s’offrait à elle pour l’instant était évidemment de garder un œil sur lui, et de lui offrir l’incroyable chance de gérer la paperasse. Ce qui était affligent, elle le savait pertinemment pour devoir s’en occuper elle-même depuis les prémices de ce fichu soulèvement.
Les mains posées sur ses hanches, Hilda trônait au milieu du couloir dans l’évidence même de l’empêcher de passer. Quiconque se trouvait encore dans les passages n’osait passer à leurs côtés, si ce n’était de scruter la scène de loin. Rien ne pouvait empêcher cet homme d’aller là où bon lui semblait, pas même la boss. C’était un affront. Il était un affront à lui-seul. Mais aussi bien qu’il ne s’en gênerait pas, Hilda l’en empêcherait. Elle était capable de tout. Ils étaient capables de tout. Ils le savaient. « Intérêts personnels ou simple travail ? » lui lança-t-elle d’un ton léger. Une once de réprimande pour l’agrémenter. Du menton, elle avait désigné sa pitoyable dégaine pour appuyer sa question, ce sang étranger qui maculait le tissu de ses vêtements et les pores de sa peau. Ils étaient tous deux bourreaux. Le sang, les odeurs âcres et de souillure qui régnaient dans ces lieux ne leur étaient absolument pas étrangers. Ne leur paraissaient pas infectes. Seulement, il arrivait que Salem s’emporte au-delà du raisonnable. Que ce soit dans le cadre des demandes d’Hilda ou non. « Je pourrais te remettre sur le terrain, te redonner accès à l’action. » Mais l’aîné des Hyde-Earnshaw avait été assassiné, l’un des jumeaux avait un comportement assez violent de base, il était hors de question que le deuxième ne perpétue un massacre personnel. Même si la pacificatrice se rangeait de son côté, Todd serait vengé. Cela ne faisait aucun doute. Hilda y veillerait. « Te sortir de ces couloirs et des interrogatoires ne serait pas plus mal. Pas seulement pour toi. » Elle pencha légèrement la tête, aucun des deux ne cillait jamais lorsqu’ils se dévisageaient. Il y avait peu de gens qui se permettait de toiser ainsi Hildegarde, et il n’y en avait qu’un seul qu’elle laissait faire. « Mais encore faudrait-il que j’ai confiance. » La confiance était un bien grand terme dans la mesure où elle n’octroyait ceci à personne. Phénomène accentué par l’enlèvement de son enfant il y a plusieurs années. À l’égard de Salem également. Seulement envers lui, rien n’entrait dans une logique quelconque. Ils étaient à part. « Je ne peux pas me permettre de te laisser gambader joyeusement dans la rue alors que ton objectif peut compromettre l’ordre que j’essaie de rétablir dans ce district, et cette rébellion que je dois faire taire. » Todd sera vengé quoiqu’il en soit. Cela ne faisait aucun doute. Salem avait également connaissance de cette envie que partageait pourtant Hilda.
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Dim 5 Mai - 17:16
Buried in water.
Hilda. Salem. Salem. Hilda. Et ce regard, sombre et dur, à la fois inexpressif et débordant de signification. Ce regard qui ne cillait pas, quatre prunelles chocolatées mêlées les unes aux autres, deux à deux, pour donner cette dureté et cette violence qui les caractérisait. Il ne baissait jamais les yeux. Même face à elle. Pourquoi l’aurait-il fait ? Elle était sa supérieure, elle était Pacificatrice en chef de tous les districts de Panem. C’était un poste important. Un poste prestigieux. Mais pas de là à se voir offerte la soumission de Salem. Ils se ressemblaient. Deux forces de la nature, chacun à leur niveau, chacun à leur manière. Deux colosses, ne ployant ni sous la tempête ni sous la pression. S’ils avaient été face à la torture, nul doute qu’ils auraient tenu leur langue. Deux colosses, là était le terme. Plus psychologiquement que physiquement, même si leurs atouts physiologiques n’étaient pas à négliger. Pourtant, derrière leur force, leur mental d’acier et leur fâcheuse tendance à faire face à tout ce qui aurait fait ployer le commun des mortels sans même montrer un signe de faiblesse, ils étaient faibles. Faibles, comme des enfants. Deux colosses, certes, mais aux pieds d’argiles, mous et glissants, prêts à s’effondrer au moindre faux pas. Il suffisait d’un sujet, d’un mot bien placé. Il suffisait d’une petite chose de rien du tout, et tout se serait simplement écroulé. Édifice aux fondations ratées, buildings s’effondrant au premier tremblement de terre bien placé. Ils étaient solides, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Mais derrière tout cela, ils étaient aussi fragiles que le commun des mortels. Ils n’avaient rien d’exceptionnel. Ils n’avaient rien d’immortels. La seule chose inhumaine chez eux était leur capacité à toujours faire comme si de rien n’était. Ne baisser les yeux devant rien, sous aucun prétexte. Laisser retomber la garde ne faisait pas partie de leurs habitudes. Ériger des murs solides, ne les laisser se fissurer pour rien au monde. Si leurs trésors enfouis, leurs souffrances cachées et leurs faiblesses masquées aux autres … Si tout cela était mis aux grands jours, ils seraient tombés. Sans l’ombre d’un doute. Fallait-il pour autant les sous-estimer ? L’un séparé de l’autre, en aucun cas. Les deux mis côte à côte, surtout pas. Ils restaient dangereux. Des prédateurs, ne reculant devant rien. La détermination pulsait dans leurs veines, au même titre que la hargne de vaincre, et de parvenir à leurs fins quels que soient les sacrifices demandés. Ils étaient similaires. Et à la foi si différents. Ils se regardaient, en chien de faïence. Se regardaient, sans hésiter. Sans ciller. Ils se regardaient. Et la plupart des gens qui auraient pu se décider à passer dans ce couloir avaient immédiatement pris le parti de changer d’itinéraire. Lorsque Salem Hyde-Earnshaw sortait d’une salle d’interrogatoire, on passait à ses côtés, on ignorait le sang, et on ne lui adressait pas le moindre mot. Il était dangereux ; pas fou-furieux, à l’instar de ses deux frères. On le reconnaissait à son flegme légendaire, à son calme plat mais menaçant. Il avait une toute autre dégaine que Lincoln ; presque aucune hésitation n’était possible, si on savait à quel caractère correspondaient l’un et l’autre. Mais, lorsque Hildegarde Falk-Lawson commençait à marcher dans les couloirs, on baissait les yeux. On la saluait, le plus rapidement possible. Et on se hâtait presque de passer, tout en essayant de rester calme et de ne pas paniquer. Tout en priant que ce n’était pas après nous qu’elle en avait. Une fois passée, on pouvait se détendre. Ce n’était pas à nous qu’elle allait faire ses remontrances, notre tête ne tomberait pas ce soir. Mais lorsque Salem croisait Hilda, c’était une autre histoire. Il s’arrêtait. Savait, de manière générale, qu’elle était là pour lui, si elle le regardait. Alors il se stoppait. La regardait. Droit dans les yeux. Et attendait. Que les remontrances viennent. Qu’elle lui expose le problème. Qu’elle vide son venin. Sous prétexte qu’il était le frère de Todd. Sous prétexte qu’il n’était rien de plus que le frère cadet de son ancien amant. Amant assassiné. Amant maudit. Jumeau maudit. Du pareil au même, presque. Mais il ne disait rien. Jamais rien. Ce n’était pas pour le perturber. Ça ne l’avait jamais été.
À sa première réplique, il laissa un air léger glisser sur son visage, se détendant, inclinant la tête d’un côté pour continuer de la dévisager, le plus simplement au monde. « Simple travail. » Il n’ajouta rien, se doutant pertinemment qu’elle avait bien d’autres ambitions que de lui reprocher son attitude sanguinaire et ses vêtements tachés, en plus de ne correspondre en rien à l’uniforme. Il se tut donc. L’écoutant. Sortir ? Quelle belle occasion. Quel beau projet. Il haussa très légèrement les sourcils ce pendant qu’elle prononçait ses mots. Hm. Il se doutait bien qu’il y avait un mais. Il viendrait, à un moment. Il la regardait, battant simplement des paupières, plus détendu. Il avait sorti les mains des poches, avait croisé les bras sur sa poitrine, et s’était calmé. Doucement, ne se préoccupant pas du sang qu’il étalait désormais sur ses avant-bras, il continua de la dévisager. Dévorer du regard ? N’exagérons rien. C’était un désir sourd, profondément enterré au creux de son être depuis de longues années déjà. Il avait ce comportement vis-à-vis d’elle qui en laissait entendre autant qu’elle aurait voulu en déceler. Mais elle ne faisait jamais rien. Ne disait jamais rien. Pas plus que lui. Les sous-entendus n’étaient même pas leur fort. Seuls les regards importaient. Lourds de sens, seulement pour qui savait les lire. Personne n’aurait pu comprendre la manière dont Salem regardait Hilda. Si ce n’était elle, peut-être. Et encore.
Le mais. Il arriva enfin. Elle ne lui faisait pas confiance. Hm. Rien de nouveau sous le soleil. Depuis la mort de Todd, et tout particulièrement après l’accident que le Hyde-Earnshaw avait subi, Hildegarde n’avait plus la moindre réelle confiance en les actes du Pacificateur. Comment l’en blâmer ? Chaque millilitre du sang de Salem portait un désir de vengeance assourdissant et mortel pour quiconque d’autre que lui-même. Il ne vivait plus que pour trouver ses assassins, ne respirait plus que pour détruire la vie de ceux qui avaient pris celle de Todd. Il ne prenait aucun repos, brûlait d’impatience de les trouver et de leur ôter tout ce qu’ils avaient, avant de finalement les offrir à la Faucheuse dans les souffrances les plus atroces. Cela se savait. Il n’avait jamais eu besoin d’en parler, jamais eu besoin de l’exprimer. On ne le lui avait même jamais demandé. À quoi bon ? Todd était son frère. Il avait été tué. Il se fichait bien de ce que les autres pouvaient penser. Il le vengerait. Les tuerait. Et mettrait de ce fait Lincoln hors d’atteinte des rebelles. C’était cela, le dernier petit maillon de son désir de vengeance. La peur. Il la ressentait. Elle était tapie au fond de son être, cendres ardentes dépourvues de flamme, cependant. Il la contrôlait, la tenait atténuée. Il la maîtrisait, chaque seconde qui passait. Mais elle existait. La peur de mourir, comme tout le monde. La peur de perdre son frère, également ; et surtout. Ils s’en étaient pris à Todd. S’en étaient pris à lui. Ne restait que Lincoln, sur leur liste, bien que Salem ne soit pas encore enterré six pieds sous terre. Il voulait les tuer. Et les tuerait. Hildegarde le savait. Et elle avait peur que cela ne joue sur son efficacité à travailler en tant que Pacificateur. Rien de plus compréhensible. Il expira quelques instants, tournant la tête pour essayer de détendre la peau tiraillée de son cou. Il avait levé l’espace d’une petite seconde ou deux les yeux de la silhouette fine et longiligne de la jeune femme. Et, lentement, il les reposa sur elle. Ses prunelles chocolatées fouillèrent les siennes quelques instants, transmettant toujours ce regard incompréhensible et insondable. « Je me doutais que c’était trop beau pour être vrai. » Sortir aurait été cool. Mais il était évident qu’elle ne l’aurait pas laissé. Il aurait été en danger. Et aurait soi-disant fait n’importe quoi. Pour couronner le tout ? Les médecins étaient encore contre le fait qu’il reprenne du service. Il aurait toujours dû être en convalescence, mais ne supportait simplement plus l’idée de rester chez lui à servir des verres d’alcool. Mais le sujet n’était pas là. Il secoua lentement la tête, durant une fraction de secondes, avant de l’immobiliser de nouveau, ses yeux braqués sur elle. « Si tu t’inquiètes d’une potentielle vengeance pouvant perturber l’ordre public, je te conseille de surveiller davantage Lincoln. » Ce, pour plusieurs raisons. Mais il n’avait pas besoin de le lui dire ; elle le savait d’elle-même. Le second jumeau était plus instable. Le dernier des trois frères à ne pas avoir encore été agressé, également. Et pour couronner le tout, lui aussi avait très certainement ses projets de vengeance. Il n’avait pas le sang-froid que Salem pouvait avoir. Et tout cela, Hilda le savait. « Et tu n’as confiance en personne. » lâcha-t-il finalement, après quelques instants de silence. C’était comme une conclusion. Une évidence. Hildegarde Falk-Lawson n’était pas de ces femmes à accorder facilement sa confiance. Ni à un gars aussi droit que lui, ni à un fou furieux comme Todd. Ou… Peut-être que Todd en avait eu, de la confiance, lui ? Ç’aurait été bas, de lui dire ça. Aussi ne le fit-il pas. Il se contenta de bouger doucement ses bras, les croisant d’autant plus fermement. La dévisageant. Éternellement.
Il ne souriait pas, mais cela n’empêchait pas son visage d’être détendu. Quel genre d’homme aurait pu afficher un tel détachement face à la présence d’acier de la Pacificatrice en chef ? Salem. Peut-être l’un des seuls à s’en foutre réellement. Si elle était venue pour lui dire cela, il n’y avait rien qu’il ne sache déjà. Elle s’était déplacée pour rien. C’était ce que ses réponses signifiaient. Ce que son regard laissait transparaître. Nullement insolent. Détache, et désinvolte. Comme il savait si bien l’être. Et comme il l’avait, au fond, toujours été.
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Dim 5 Mai - 21:54
Les rôles auraient pu être inversés, y penser lui venait naturellement. Salem au statut de Hildegarde, Hilda face aux réprimandes de Salem. On pouvait tout lui reprocher. Son sadisme. Son arrogance. Sa franchise. Sa nonchalance. Son alcoolisme – et encore vous assurait-elle que ce n’était pas vrai. Elle était un trop, un trop comme le pacificateur qui se tenait en face d’elle. Mais un trop redoutable, diablement efficace, et personne ne remettrait en cause son travail. Ceci dit, personne ne lui reprochait rien, tout simplement. Cela allait de l’ordre de son supérieur, et d’au-delà. De plus bas, en revanche, régnait un silence bien plus que respectable, particulièrement effacé. Pour cause, Hilda ne laissait jamais personne lui dicter sa conduire, à supposer qu’elle laisse quelqu’un s’exprimer assez longtemps pour incliner la conversation en ce sens. Personne ne se souvenait de ses premières années, de cette époque où on l’aurait préféré en tant que formatrice plutôt que sur le terrain, de ce temps où elle semblait s’embellir dans la gaieté. De cette jeune femme animée et exubérante qu’elle était. Si de tels souvenirs existaient encore, personne n’osait les évoquer. Comment pouvaient-ils lui exposer ouvertement que ce qu’elle était devenue, non seulement dépassait les espérances, était une machinerie infernale. Non, il n’y avait personne. Il n’y avait que cet homme, qui ne cillait pas quand leurs regards s’accrochaient. Qui lui faisait face de toute sa dignité meurtrie, rejetant par son attitude sa supérieure au simple statut de mortelle commune. Il était le seul, outre les personnes qu’elle pouvait apprécier, qui osait et pouvait se permettre de se comporter ainsi en tout impunité envers Hildegarde. Là était peut-être l’aspect pour lequel elle le supportait si bien, si on faisait abstraction de l’interminable exaspération qu’il lui suscitait. Salem siégeait dans les bonnes considérations de son aînée, aussi improbable que cela pouvait paraître.
Ils étaient de statues de pierre, deux êtres inébranlables que pourtant, une faille bien dissimulée pouvait renverser. Hildegarde avait son fils, et Salem … Eh bien, Salem revenait d’entre les morts. Il devait en avoir beaucoup sur la conscience. Assez pour l’aveugler, tout du moins. Presque mort, et perpétuellement en quête de retourner au charbon. Ce n’était qu’une question de temps, avant que cette famille déjà bien abîmée, ne voie un autre de la fratrie se faire décimer. Dans des circonstances atroces, il fallait l’admettre. Todd dissout dans le béton, Salem égorgé comme un chien. Bientôt, viendra le tour de Lincoln. Mais pas encore. Pour l’instant, celui qui était désormais l’aîné était encore debout, et cela devait très certainement en faire rager plus d’un. À commencer par Hildegarde, mais pour des raisons toutes autres. L’atmosphère s’était comme alourdie dans ce couloir, suspendu dans des minutes qui ne voulaient s’écouler, comme si le temps s’était altéré pour les laisser s’exprimer sans endommager quiconque aux alentours. Ce qui concernait ces deux-là, personne ne préférait le savoir. Salem était une source d’emmerdes pour leur supérieure, et les autres n’avaient guère envie d’épiloguer sur le sujet. Qu’ils lavent leur linge ensemble, mais que personne n’intervienne.
Qu’il lui affirme que sa besogne ne relevait que d’un simple travail ne l’étonna pas. Mieux, les mots qu’il prononça s’éclipsèrent sans qu’Hildegarde n’en tienne vraiment compte. Elle n’attendait pas forcément une réponse à cette question, et quand bien avait-il pris la peine de le faire, elle se doutait que dans un cas comme dans l’autre, il lui aurait inévitablement assuré la même chose. Elle était persuadée qu’il envisageait sa vengeance comme un simple travail, une besogne à expédier rapidement, salement, mais à le faire. Intérêts personnels n’était qu’un terme synonyme. Pour lui. Pas pour elle. Seul un léger sifflement s’échappa d’entre ses lèvres, comme les prémices d’un rire qui se serait tu aussitôt aurait-il voulu commencer. Il y avait des conversations qui n’avaient pas de sens. Il y avait des conversations de sourds. Il y avait des conversations de positions trop obstinées. Et il y avait les conversations de ces deux énergumènes, un certain mélange des précédentes. Il lui était inutile de prendre la peine de réponse à son affirmation, quoiqu’elle puisse émettre comme remarque, il ne la prendrait pas en compte. Salem n’était pas ces individus qui laissaient quiconque remettre en cause ce qu’il certifiait. La pacificatrice était tout simplement logée à la même enseigne que les autres. Ce qui ne lui facilitait pas la tâche était quelque chose qu’elle appréciait, en quelque sorte. Cela lui permettait de prendre en considération toutes les positions, de pallier à chaque situation à laquelle elle ne serait pas habituée.
On ne pouvait reprocher à Hildegarde de ce sentir concernée par le mal qui rongeait les Hyde-Earnshaw, en particulier par le funeste sort dans lequel s’était éteint l’aîné. C’était légitime de sa part. Pour tout ce que Todd représentait, pour les vestiges qu’il a abandonnés derrière lui, malgré qu’il ne fût pas le plus facile à vivre de la fratrie. On ne pouvait pas lui reprocher ces pensées si séduisantes, de couler dans le béton ces individus qui étaient la cause de cette disparition, les punir par leurs propres manières d’agir. Et en faire des statues décoratives quelque part dans le district, à titre d’avertissement. Pourtant, si. Salem devait le faire, intérieurement. S'il n’y pensait pas, il devait refouler l’idée qu’Hilda n’intervienne avant lui. Quoiqu’elle ait pu lui dire, il avait conscience qu’elle agissait selon ses envies. Elle était celle qui maniait les mots, et qui savait quoi répondre pour satisfaire ses attentes personnelles et non celles des autres. Peut-être qu’implicitement, Hildegarde le gardait enfermé pour s’occuper de l’affaire elle-même, silencieusement, proprement. Qu’à son retour à la réalité, il ne découvre nulle trace de ceux qu’il traquait, comme évaporés dans la nature. Mais la situation serait trop évidence, et ses suspicions se porteraient instantanément sur celle qui lui aurait coupé l’herbe sous le pied. Seulement, comme évoqué précédemment, Hilda faisait une distinction bien nette entre intérêt personnel et intérêt collectif. À savoir qu’assouvir ses propres idées de vengeance n’était pas de l’ordre de ses préoccupations principales et actuelles. Dehors, il y avait une rébellion. Une réelle rébellion. Alors si elle n’était pas capable de maintenir la guérilla personnelle de Salem, elle pouvait abandonner pour le reste.
Hilda se doutait aisément de la satisfaction qu’aurait pu ressentir l’espace d’une seconde, d’une lente seconde, le pacificateur. Après tout, ne venait-elle pas d’évoquer ce qu’il attendait tant ? L’idée d’être de nouveau libre de ses mouvements, sans que l’ombre de la capitaine des districts ne plane dans son dos pour le surveiller. Salem était un individu indéniablement libre. Mais il y avait une différence non négligeable entre la liberté de plein droit, et la liberté qu’octroyait Hildegarde. « Je me doutais que c’était trop beau pour être vrai. » Cette simple évidence engendra une esquisse sur ses lèvres alors qu’elle penchait légèrement la tête sur le côté comme pour se satisfaire de la constatation. Il n’était pas dupe, en tous les cas. Le temps n’était pas encore propice à la laisser souiller toutes les rues du district trois en exécutant ceux qu’il avait en ligne de mire comme des bêtes sauvages. « Si tu t’inquiètes d’une potentielle vengeance pouvant perturber l’ordre public, je te conseille de surveiller davantage Lincoln. » Elle ne cilla pas, l’esquisse de ses lèvres se contentant de s’estomper pour abandonner de nouveau son visage à sa neutralité si caractéristiquement légère. Il avait raison, il le savait. Elle aussi, d’ailleurs. Mais le comportement du cadet des jumeaux Hyde-Earnshaw était su de tous depuis de bonnes années déjà, et Hildegarde avait eu le temps d’apprendre à le cerner. Assez, tout du moins, pour éviter qu’il ne déraille en sens inverse de ce qui était attendu de lui. Le contenir, en revanche, il n’y avait que son frère qui en était capable. Mais s’il fallait employer toute manière pour freiner l’instabilité de Lincoln, personne ne passait outre le fait qu’elle pouvait tout simplement l’enfermer dans une cellule. Elle ne s’en gênerait pas, pour sûr. Elle pourrait faire de même avec Salem, mais ce bougre était assez têtu pour lui faire face jusque dans les gestes. Et elle n’était certainement pas encline à en venir aux mains avec un individu pareil. Lincoln n’était pas, après tout, celui qui l’inquiétait le plus dans l’état actuel des choses. « Il n’est pas celui qui s’est laissé vider de son sang dans la rue. » En toute franchise. La réplique était possédée d’une dureté en elle-même qui détonait avec la légèreté du ton qui avait osé prononcer ces mots. Hilda était directe, trop directe, mais ne l’avait-t-on pas assuré, qu’elle était celle qui maniait les mots ? Il était possible de frapper sans en venir aux poings, et ça, c’était une méthode qui n’entrait pas dans la considération de Salem. « Tu fais ce que tu veux de ta chair, mais elle m’est utile ici pour freiner une insurrection autre que la tienne. » Il pouvait être certain que Todd serait vengé, d’autant plus qu’elle ne pourrait le maintenir enfermé indéfiniment. Mais il devait comprendre, le temps n’y était pas propice. Hilda avait besoin de ses meilleurs soldats, maintenant. Pas dans plusieurs jours. Pas après l’assouvissement d’une vengeance. Maintenant. Il fallait tenir le trois, et elle devait tenir onze autres districts. Il lui paraissait comme évident que c’en devait être la première préoccupation de tous.
Mais ni Salem, ni ce tous, n’était menacé. Aucun d’eux, n’était menacé par la mort d’un enfant pour que les pacificateurs reprennent le pas sur ce soulèvement. Hilda ne pouvait échouer. Pas pour le Capitole dont elle n’avait cure, aussi bien que de Coin puisqu’elle s’était détournée de ses souterrains d’origine depuis bien longtemps déjà. Seulement, quelque part, respirait un petit garçon. Le sien. Plus pour longtemps, si elle laissait la révolte emporter la bataille. Alors, non. Ils ne pouvaient venger Todd maintenant, pas alors que sa progéniture, elle, vivait encore. « Et tu n’as confiance en personne. » Ses bras vinrent se croiser devant elle, nullement perturbée par le détachement de son semblable. Belles lurettes qu’elle s’y était naturellement habituée. « Quelle perspicacité. » Salem. Que pouvait-elle bien faire de lui ? « Peux-tu comprendre ce que je te demande ? » Comme s’il pouvait comprendre pourquoi elle lui demandait d’attendre. De ne rien faire. Alors que son frère était mort sous ses yeux, et qu’il avait manqué de peu d’y passer aussi.
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Lun 6 Mai - 9:49
Burning faith.
Il la détestait. Quelque part, c’était cela. De la haine. Féroce, toute aussi dangereuse que la vengeance. Coulant dans ses veines comme du plomb en fusion, le dévorant de l’intérieur. Il ne baissait pas le regard car il la respectait. Paradoxe. Il ne baissait pas le regard car il la haïssait. C’était un fait. Que pouvait-il bien haïr de plus que tout ce qu’elle pouvait laisser voir ? Que toutes ces raisons pour lesquelles le commun des mortels ne portait pas Hildegarde dans son cœur ? Elle était hautaine. Méprisante, sûre d’elle. Dans la simple mesure où elle avait raison la plupart du temps, certes. Mais cela n’empêchait pas son caractère de s’avérer absolument détestable. Pourtant, Salem n’en était plus à cela près. Depuis qu’il la connaissait, depuis toutes ces années, il avait appris à accepter cette idée qu’elle les prendrait toujours de haut. Tous. Y compris Todd. Todd. Peut-être résidait en ce nom la réelle raison de toute cette haine qui pouvait faire battre le cœur de Salem, chaque fois qu’il croisait le regard de la capitaine. Il n’avait jamais réellement éprouvé de mépris à l’égard de son frère. L’avait toujours estimé, l’avait toujours apprécié, à sa manière. Protégé, encore une fois à sa manière. Pourtant, il y avait une chose qu’il lui avait toujours enviée. Une simple petite … Chose. Hilda. Il n’avait jamais pu se l’expliquer, n’avait jamais pu le dire à qui que ce soit, ne l’acceptant déjà pas lui-même. Il n’avait jamais pu mettre de mots sur cette flamme qui consumait le peu de cœur qu’il lui restait. Il n’avait même jamais pu y poser la moindre émotion. À part cette forme indistincte de jalousie, qui prenait forme à chaque fois qu’il les voyait. Ensemble. Elle n’était pas particulièrement du genre à se montrer en compagnie de Todd ; là n’avait absolument jamais été la question. Pourtant, même lors des entrevues strictement professionnel, Salem n’avait pu s’empêcher de les fixer, de cet œil noir, sans en comprendre l’origine. Depuis la mort de son frère, c’était autre chose. Il ne le voyait plus, et Hilda non plus. Elle devait en vouloir aux rebelles, elle aussi. Leur avoir pris cet amant, leur avoir pris cet homme. Et Salem, lui ? Jamais il n’avait revendiqué sa place. Jamais il ne s’était battu pour elle. Il se battait pour des objectifs ternis par la fatalité, depuis des années déjà. Contrôler ses frères, les apaiser, les maîtriser. Voilà ce qui rythmait sa vie, chaque jour que le diable lui offrait depuis de longues années déjà. Il s’occupait du peu de famille qu’il lui restait. Gérait son établissement en plus de son emploi de Pacificateur. Et en l’occurrence, ces derniers jours, il tournait en rond, enfermé dans les cachots, à faire subir interrogatoires et tortures, à faire parler ou à parler. Les autres ne voyaient que le sang. Chaque fois que Salem entrait dans une cellule, on pensait, souvent à bien mais parfois à tort, qu’il n’allait se contenter que de son travail de boucher habituel. Sectionnant des membres, laissant le sang couler sur ses propres mains de bourreau, savourant les cris et les gargouillis de sa victime. Il fallait dire qu’en interrogatoire, c’était tout autre. S’il n’avait pas le droit d’user de la moindre arme, il pouvait rester assis. À fixer la personne en face de lui. De la même manière dont il fixait Hilda, après lui avoir étalé son point de vue sur la question. Mais dans l’instant présent, cela ne durerait que le temps de la conversation. Durant les interrogatoires, Salem ne prononçait souvent pas le moindre mot. Pas même la moindre question. Inutile ? Si vous saviez ce que la pression peut faire, sur les épaules de quelqu’un ayant chaque jour l’impression de porter toute la peine du monde. La pression d’un regard indéchiffrable. On ne sait pas ce qu’il vous veut, même si au vu des circonstances on se doute que tout cela rime avec « balance les infos ». Mais il ne dit rien. N’exprime rien. Ne vous lâche pas du regard. Bat des cils de manière trop espacée, stressante. La pression augmente. Il ne le veut pas ; c’est naturel. Il était incompréhensible. Salem Hyde-Earnshaw. Un homme aux pensées troublées, un homme difficile à cerner. Sauvage. Libre. Un animal. Indomptable. Auquel la Pacificatrice en Chef des Districts avait affaire depuis des années déjà. Elle avait appris. Compris. Qu’il la regarderait toujours de la sorte. Quoiqu’il arrive. Neutre, placide. Vindicatif, ardent. Désireux, désirable. Paradoxal. Sauvage. Libre.
Il inclina légèrement la tête en l’écoutant. Lincoln n’était pas un problème pour elle. Et très honnêtement, notre jumeau en avait bien conscience. Il savait cependant que s’il pétait les plombs et qu’il était absent, elle serait contrainte de faire usage de méthodes qui ne lui plairaient pas. Nouvelle frustration résultante de son enfermement intempestif. En dehors de ses horaires de travail, il tentait de garder un œil sur son frère. Mais une fois cloîtré dans les sous-sols réservés aux Pacificateurs, il ne pouvait plus rien. Cependant, la réponse de Hildegarde fit légèrement plisser les yeux à son interlocuteur. Elle venait d’obtenir une réaction. Pas mal, pas mal. On progresse. Cependant, sa tirade n’était pas pour plaire à Salem. Elle le savait très certainement. Oui, c’était bel et bien lui qui s’était retrouvé à agoniser au beau milieu d’une ruelle. C’était bien lui qu’elle avait secouru, et non son frère. Mais là n’était pas la question. La vengeance aurait été aussi brutale de la part de Lincoln que de la part de son frère. Pour l’un, on s’était attaqué aux deux membres de sa famille restant. Pour l’autre, il avait subi une des deux attaques. Deux vengeances aux motifs solides, et pour lesquels ils se seraient battus. Cependant, les faits restaient ; la vengeance de Lincoln pouvait être en apparence contrôlée et repoussée par Hilda. Sur celle de Salem, elle en semblait totalement incapable. Ou tout du moins, c’était ce qu’elle laisse bien involontairement transparaître dans ses paroles. Pauvre Hildegarde.
Gardant les bras croisés, la dévisageant sans plus ciller que d’ordinaire, Salem écoutait. Sa chair. Un titre bien rabaissant pour l’être qu’il était. Et pourtant, pouvait-il prétendre à un statut plus élevé ? Il n’était rien de plus que de la chair à canon. Libre de ses mouvements, peut-être, mais entravé par des idéaux et des lois plus que strictes. Elle ne le rabaissait pas. Elle constatait. Ce qu’était réellement cet animal, face à elle. Aux mains et aux poignets couverts de sang, aux idéaux que trop bornés. Il ne répondit pas. Il n’avait rien à lui répondre. Ou peut-être était-ce cette flemme imparable qui n’animait que partiellement ses membres. Peut-être. Peut-être pas. Cela n’avait pas la moindre espèce d’importance. Car les paroles qui suivirent les siennes le firent légèrement renifler. Il plissa les yeux, encore légèrement, assombrissant son regard. Comme s’il n’était qu’un idiot ? Ne pouvait-il donc pas saisir que sa vengeance passait après la rébellion ? Le prenait-elle réellement pour ce qu’elle était en train de sous-entendre. Une ombre de légèreté passa sur les traits du Pacificateur, l’enjoignant encore une fois à se détendre. Il déglutit, passif. Avant d’enfin répondre, après un long silence totalement volontaire. « Je ne pense pas porter le moindre préjudice aux tentatives d’enrayer la rébellion. » Ç’avait le mérite d’être clair. Il ne faisait rien, après tout. Rien, à part torturer sagement des rebelles comme on les lui demandait. Tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ceux qui passaient dans leurs cellules… Ils étaient tous responsable. Il leur faisait payer, certes. De la manière dont il le pouvait. Il était rancunier. Pas idiot. Et savait très bien que tout venait à point à qui savait attendre. Il n’aurait pas prétendu être exemplaire. Mais dans le combat face aux rebelles, il n’était pas le plus difficile à gérer. Quoique. « Je fais ce que l’on me demande. J’interroge. » C’était la stricte et simple réalité, un fait qu’il exposait ; une évidence. On lui demandait de s’occuper des interrogatoires. Et en ces temps perturbés, il n’avait pas le temps de s’embarrasser avec des heures à attendre qu’ils crachent le morceau sans leur faire de mal. « Il n’y a pas de différence entre ma vengeance et la destruction des rebelles. »Car ils sont tous responsables. C’était là, son point de vue. Il se défendait, et n’était pas en tort. Si tous les rebelles étaient tenus pour responsables, tous devraient tomber. Si tous tombaient, la rébellion prendrait fin. Quel mal y avait-il à être un tant soi peu plus déterminé que les autres, que ces Pacificateurs combattant sur ordre simple du Capitole ? Quel mal y avait-il à donner une raison à tous ses agissements, comme Salem avait pu toujours le faire ? Les projets de vengeance avaient animé sa hargne de détruire la rébellion. Elle aurait dû s’estimer heureuse. Au lieu d’en geindre. Pourtant, pas le moindre mot déplacé, pas la moindre intonation plus froide que douce. Rien. Il ne lui manquait pas de respect. Il exposait son opinion.
Il était un cas perdu, et ce depuis longtemps. Hildegarde devait en avoir pleinement conscience. Depuis toutes ces années. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de rester franc. Il ne pouvait s’empêcher de continuer d’avancer dans sa direction, sans se soucier du sens du vent. Et vous savez ce qui était le plus étonnant ? Pour une fois que ses objectifs s’accordaient réellement avec ceux de la Capitaine, elle trouvait le moyen d’y placer son mot et de tenter de l’en dissuader.
Triste monde paradoxal, que celui dans lequel ils pouvaient vivre.
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Mar 7 Mai - 22:36
« Todd est mort. Ils n’en sont pas tous responsables. » Tu as l’impression que ton visage se ferme à la première évidence, tu sens ce poids qui pénètre en ton être. Seulement, tu ne peux pas pencher sur le problème, tu ne peux pas te résoudre à faire abstraction de ce qui pèse sur tes épaules pour que tu maintiennes ce district. Tu ne veux pas, surtout. Parce que tu n’es pas faite comme tout le monde, que tu n’avances pas comme tout le monde, que tu ne fais jamais ce qu’attend tout le monde. Il était tient, c’est vrai. Il était ton amant, pour des raisons que peu d’individus peuvent comprendre. Mais les attirances ne s’expliquent pas, et tu n’avais que faire de la manière dont on pouvait vous dévisager quand on comprenait ce qui vous liait – vous vous montriez jamais ensemble. Jamais. Parce que tu n’es pas comme le commun des mortels, à déverser toute preuve d’humanité autour de toi. Tu en es tout simplement incapable, tu ne comprends les jérémiades humaines, tu les esquives d’un coup de main comme un vulgaire moustique qui serait venu te pomper le sang. Avec Todd, c’était particulier. Tu l’aimais, si un tel mot est utilisable à ton être. Tu l’aimes, encore. Mais tu te fais une raison. Peut-être trop vite, beaucoup trop vite. Tu es comme ça, entre le robot et l’être humain, entre la pierre et le sable, incapable d’aimer disent-ils souvent. Tout le temps. Parce que tu ne t’arrêtes pas sur les échecs, sur les pertes. Au contraire, tu t’en sers pour avancer. Tu les fais tiennes, tu les rends forces. Tu avances, tu tournes la page, et tu rends honneur à ces personnes en passant à autre chose. Non pas en les oubliant complètement, mais en les laissant reposer en paix quelque part dans ta conscience. Pas en soulevant l’hypothèse, même silencieusement, de ravager la population rebelle du district. Ils ne le sont pas tous, renégats. Dans ce qu’il pense être légitime de sa part, tu en viens à te demander combien de temps encore avant que sa folie sanguinaire ne prenne le pas sur sa conscience. Combien de temps, avant qu’il n’inclue les frères, les mères, les enfants, les grands-parents, puisqu’ils sont tous d’une même famille, alors pourquoi les suspecter d’être de la mauvaise partie également ? « Ils ne peuvent pas être punis par une vengeance. » Ce n’est peut-être pas évident, mais tu fais une certaine différence entre les actions qui peuvent répercutées. À tes yeux, une vengeance n’engendre pas la même réaction qu’une exécution en bonne et due forme, ayant reconnu les individus comme coupables au préalable, exceptés s’ils disparaissant dans les cellules entre temps. Oh, la haine et la rancœur seraient la même. Mais une vengeance attire bien plus de nouveaux ennemis, et une exécution publique à titre d’exemple, restaure la peur et le calme quelque temps. De ce raisonnement, Salem ne peut s’en soucier. Et tu ne lui exposes pas, d’ailleurs. Vous n’avez pas les mêmes responsabilités, de ce fait il ne peut te comprendre véritablement. « Pas tous, du moins. » Oui, Todd doit être vengé. Tu te le répètes tant de fois, Hilda. Venger celui qui a laissé une part de lui avant de vous abandonner contre son gré, et dont cette part s’est envolée également. Tu te sens responsable, parce que tu as tout perdu. Mais comment pourrais-tu le dire à Salem, qu’un enfant est concerné ? Alors que tous, plus ou moins, particulièrement au trois, pensent que ce gosse est mort. Et plus des trois quarts de cette majorité, pensent que tu l’as assassiné toi-même. Inutile de l’évoquer. Il est tien. Il n’est plus. Il est loin. Il est ton secret désormais, ton combat. Tu en reviens sur la préoccupation principale de l’instant, à savoir la manière dont tu peux exposer ton raisonnement sans qu’il n’en est cure – en sachant pertinemment que toute tentative est vaine. « Les morts engendre la haine. La haine attise la rébellion. Tu te venges, ils se soulèvent contre toi. Ils sont exécutés, ils s’écrasent sous l’autorité, ou se soulèvent à tort contre tout le monde. » Qu’ils essaient, pour voir. Tu les attends au tournant. Tu as besoin de te défouler toi aussi, d’autant plus que ces opportunités te sont de plus en plus rares. Tu te penches légèrement en avant, pour mieux scruter les ténèbres de Salem. « Je suis responsable de toi, comme de tous ceux qui sont sous mes ordres. Je me fous que tu n’en sois pas heureux. Je me fous de tes états d’âmes. » Une esquisse se profile sur tes lèvres alors que ces mots s’en échappent, mais l’intonation est étrangement froide. Comme le silence du néant. Oppressant. Ce n’est que trop connu, que tes sourires sont aussi communs que l’impassibilité de Salem. Qu’ils sont à la fois bienveillants et inquiétants, selon la manière dont tu les utilises. Mais ils sont bien là, trop souvent raconte-t-on.« Je me fous que tu cours après la mort. » Il fait ce qu’il lui plait, tu ne peux l’empêcher d’agir dans ce sens. « Mais je ne me fous pas de te retrouver te vider de ton sang dans une ruelle … » comme un sale spectacle. Tu ne le dis pas. Des mots ne peuvent être dits, pas même par toi. Tu retournes déjà assez le couteau dans la plaie, et balancer cette comparaison te parait être un coup bas bien plus qu’une remise à sa place. « Il y a des moyens plus rapides pour crever, tu sais. »
Tu l’observes, de cette même manière impassible que la sienne, à l’exception que vous dégagez chacun une aura qui vous est propre. Salem est un électron sauvage. Un élément qui ne peut se plier aux aléas de la nature ni se soumettre à un contre-courant qui l’amènerait loin de ses convictions. Il est ancré dans son monde, dans ses pensées, les pieds solidement posés au sol. Une tempête ne pourrait le déstabiliser qu’il aurait encore la faculté d’imposer sa présence d’un simple regard, et se détourner comme s’il ne s’était rien passé. Sa présence d’un simple regard. Il est là, Salem. Dans ses pupilles chocolatées, qui observent ce qui l’entoure d’une intensité qui lui est si caractéristique. Chacun possède une façon particulière de dévisager le monde qui lui fait face, mais encore plus en ce qui le concerne. Tu te le dis chaque fois que tu as affaire à son attitude impassible. Un regard de braise, pour un homme tout aussi enflammé. Paradoxe, quand on sait qu’il est surtout l’iceberg de sa relation fraternelle – Lincoln étant le volcan qui ne tient pas en place à ses côtés. La vivacité qui valse dans ses pupilles, à l’instar de ses apparences si calmes et désintéressées, embellisse son caractère qui s’avère bien assez agaçant pour une certaine personne. Toi. Salem observe, Salem ne baisse jamais les yeux. Et cette lueur que tu peux entrapercevoir miroitant dans le regard de cet homme qui a tant souffert déjà, t’est encore étrangère. Ou bien ne veux-tu pas apprendre à la connaître, à la définir. Laisser à Salem une part d’inconnu, pour le rendre moins détestable. Mais il n’est pas détestable. Pas pour toi. Tu acceptes sa présence, peut-être un peu trop bien. Et derrière ses traits, les traits du défunt Todd. Encore.
C’est absurde. Tu affirmes sans l’ombre d’une hésitation être capable de t’occuper du tempérament ingérable de son frère Lincoln, mais tu te retrouves à douter des intentions du jumeau. Que cherches-tu au juste, des prétextes ? Une maîtrise totale. Salem t’échappe, perpétuellement. Tu ne cherches pas à l’arrêter, contrairement à ce qu’il en pense. Il est enfermé, certes. Mais n’est-il pas celui que tu viens voir assez souvent pour qu’il influence tes décisions ? N’est-il pas celui à qui tu confies régulièrement des interrogatoires, et d’autres missions, qui ne sont pas sans importance ? Peut-être cherches-tu à le préserver. Parce qu’après ne pas avoir été capable de le faire pour son frère aîné, tu te sens responsable de lui. C’est absurde, encore une fois. Mais Salem est mort. Presque mort. Tu étais là. Depuis, tu ressens presque le besoin constant de l’avoir à portée de main.
Tu es humaine, Hilda. Toi aussi.
Ses dires sont justes. Trop vrais. Salem ne fait que son boulot, celui que tu lui demandes. Mais aussi bien que vos points de vue divergent naturellement, vous avez une manière d’approche qui diffère également. L’un fait du tout, une globalité généralisée peut-être un peu trop par ses pulsions sanguines, du moins de ton point de vue. L’autre fait du tout, des distinctions bien nettes. Tu lui demandes d’interroger quelques captifs, il les saigne à mort. Pourquoi lui en vouloir ? On ne peut guère dire que tu n’en as malmené aucun, de ces bougres. La chaise électrique du sous-sol, hein. C’est ton invention, celle-là. Il ne parle pas assez, là est le dilemme sous ton angle. Trop taciturne. Trop sanglant. Il a les nerfs solides, apte à ne pas flancher durant cent ans. Mais il n’est pas capable, ou ne veut pas, penser sans inclure ses poings ou ses ustensiles. Il n’en est pas incapable, tu le sais. Mais il le fait peu souvent.
Tu n’as pas plus bougé que lui, tu aimes bien cette immobilité. Surtout pour lui faire face, sans trop savoir pourquoi. Tu laisses passer une ou deux secondes, comme ça. Parce que tu en as envie. Il n’y a plus l’ombre d’un sourire sur tes lèvres, un pli se profile sur ton front. « Il va falloir faire des concessions. » Suivre les ordres de ton aînée. « Pas de bain de sang inutile. Et par inutile, j’entends que la manière dont tu peux juger ce mot dans ton vocabulaire n’est pas comprise. » Il faut tenir le district, le purger de sa gangrène, pas le nettoyer d’un sang coulé à flot. Dans tes paroles, tu laisses supposer que le terrain lui sera bientôt de nouveau accessible. Tu as besoin de lui à l’extérieur, la réputation de cet homme suffit à elle seule pour en effrayer plus d’un. Il n’a pas besoin de l’approuver à chaque instant. « Tu attends. » Tu le dévisages, tu sais qu’il n’en fait toujours qu’à sa tête. Tu sais également que tu ne t’empêcheras pas d’utiliser la manière que tu jugeras la plus utile dans l’instant, pour le freiner. « Les meilleures occasions se présentent dans l’attente. » Todd sera vengé, tu ne lui as toujours pas dit, mais tes pensées ne cessent de l’exprimer depuis le début de cette conversation. Tu le sais, parce que tu es doté d’une patience qui fait face aux plus rudes épreuves. Dans l’attente, les espoirs les plus fous peuvent tomber du ciel.
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Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Mer 8 Mai - 18:02
Feel the pulse of sense.
Il lui arrivait de se demander pourquoi l’on prenait la peine d’essayer de le raisonner. Il lui arrivait de s’interroger sur le sujet, alors que les répliques qu’on lui lançait ne le faisaient pas même ciller. Il aurait pu soupirer, envoyer balader les gens, passer son chemin et s’éloigner. Les ignorer, ne rien imprimer de leur blabla qu’il jugeait inutile, tout juste encombrant pour son esprit. Il n’écoutait qu’un mot sur deux. Et n’appliquait ce qu’on lui demandait qu’uniquement en cas d’ordre direct concernant son emploi. Alors, me direz-vous, il aurait été tout naturel de boire le moindre mot d’Hildegarde Falk-Lawson, et de suivre ses directives à la lettre, brave chien de troupeau. Sauf que voilà. Elle n’était pas là en patron, même si elle tentait de le faire valoir. Elle n’était pas là pour lui donner un ordre précis. Elle était là personnellement. Lui dire d’oublier sa vengeance, lui ordonner de passer à autre chose. Elle se foutait de ses états d’âme ? Oui, c’était déjà noté. Rien de nouveau sous le soleil, ma chère. Il la regardait, toujours aussi inexpressif, n’imprégnant pas le moindre mot qu’elle aurait pu proférer à son égard. Elle était là personnellement. Elle mélangeait. Pensant que la vengeance de Salem interfèrerait sur son efficacité à travailler. C’était faux. C’était même une aberration, que de l’imaginer. Il se pliait aux ordres. Les exécutait à sa manière, mais cela ne l’avait jamais gênée auparavant. La mort de Todd aurait-elle obscurci le cœur d’Hilda tout autant que celui de ses frères ? Serait-elle, elle aussi, en train de perdre pied face à tout cela ? Trouvait-elle simplement le moindre réconfort à venir le réprimander de la sorte, à déverser son venin sur lui ? Si c’était le cas, alors il ne broncherait pas. Et même si elle n’y trouvait aucune satisfaction, il ne tiquerait pas. Il ne lui ferait pas se plaisir. Pire que cela même ; il n’avait aucune raison de manifester la moindre émotion. Elle déversait sur lui cette rage et cette rancœur qui lui étaient si familières, qu’elle contenait au fond de son cœur, pareilles à deux poisons mortels la consumant. Ils coulaient dans ses veines, la brûlaient du fin fond de ses entrailles. Pourtant, elle ne flanchait pas. Elle était comme lui. Ne flanchait jamais.
Le plus calmement au monde, Salem cligna des paupières. La laissant poursuivre. Continuant à songer que si elle prenait la peine de le traiter de la sorte, c’était bel et bien pour passer ses nerfs sur quelqu’un qui saurait les supporter. Sur un p’tit nouveau, à peine embauché ? Il se serait suicidé dans la soirée, ou jeté au milieu des rebelles pour se laisser dévorer par ces vautours affamés. Un Pacificateur avéré, alors ? Même traitement. Même résultat. Salem, lui, ne broncherait pas. Ne s’énerverait pas. Et surtout, ne s’écraserait pas. Il n’irait pas ramper à ses pieds, simple geste qui l’aurait encore davantage faite monter sur ses grands chevaux. Il resterait là. Impassible. Laconique. Avec ses réponses brèves et son air franchement désintéressé. Son comportement désintéressé. Son désintérêt, tout simplement. Il se fichait de ses réprimandes. Rien ne l’empêcherait de venger son frère. En temps voulu. La vengeance est un plat qui se mange froid ; ce dicton ne lui avait jamais plu. Il ne sonnait pas de manière agréable au creux de son oreille. Mais il devait avouer qu’il était tout à fait justifié. La vengeance était un plat qui se bouffait congelé. Et il l’aurait, sa vengeance. Ici, ou ailleurs. Demain, ou dans dix ans. Mais pas aujourd’hui. Pas alors qu’il était trop faible pour faire autre chose que de torturer des rebelles. Il aurait pu faire son fier, prétendre être prêt à ressortir, et à reprendre du service. Il aurait rêvé en être capable. Sauf que Salem ne rêvait pas. Triste fatalité. Il était incapable de sortir. Incapable d’affronter les essaims de rebelles qui n’attendaient que de fondre sur le nid des Pacificateurs, les faire tomber et les dévorer. Il préférait rester en retrait. Comme il l’avait toujours fait. Regarder les opérations de loin. Certes un peu trop loin à son goût. Mais il s’en contentait. Il était usé de ne pouvoir réellement servir de cavalier. Être rapatrié au simple stade de pion, attendant sagement son tour. Le plateau d’échec évoluait sous ses yeux, et lui se contentait de démolir les pièces adverses que l’on pouvait lui envoyer. Le plus calmement et méthodiquement au monde. Pour que jamais plus ils ne se relèvent. Que jamais plus ils ne puissent reprendre les armes. Qu’ils meurent. Qu’ils se noient dans leur sang impur, qu’ils soient obligés de le respirer, à s’en remplir les poumons, à s’en tuer. Qu’ils soient contraints de se tuer, sans même en avoir conscience. Que leur volonté les perde, que leur détermination soit leur bourreau. Il ne serait que l’exécuteur. À la tête recousue sur ses épaules, à grand peine. Au cœur froid, cœur de pierre, cœur de braise, cœur de glace. Leur monstre. Celui qu’on le blâmerait. Pas le moins innocent. Mais pas le plus coupable non plus.
Les meilleurs occasions se présentent dans l’attente. Il ne comprit pas. Comment en était-il arrivé là ? Il semblait avoir loupé la moitié de la tirade. Pourtant, chaque mot était gravé. Il aurait pu les répéter. Bordel de blablas inutiles et encombrants. Pas moyen de s’en débarrasser. Pas moyen de faire comprendre à Hildegarde qu’elle l’encombrait. Qu’elle était gênante. Une tache dans sa journée. Une ombre, qu’il se retenait de balayer du revers de la main par pure politesse. Oui, politesse. Respect ? Hu. Si seulement elle en avait montré un peu davantage. Elle n’était pas impolie. Tout juste irrespectueuse ; c’était une question de point de vue. Elle était là, face à lui. Elle était là, à tourner en rond comme un pauvre animal cherchant à s’en mordre la queue, à tenter de lui expliquer qu’il ne pouvait pas faire de bain de sang. Tenter de lui expliquer qu’il ne pouvait pas commettre de faux pas. Tenter de lui faire comprendre qu’il n’était qu’un autiste aveuglé par sa vengeance, et que tout ce qu’il allait gagner, c’était d’attendre encore un peu, au fond des souterrains. C’est bien ça. Elle tournait en rond. Il voulait bien assimiler. Mais des choses qu’il ne savait pas encore, c’était toujours plus sympathique. Elle se répétait. Depuis des semaines déjà. Laisse de côté ta vengeance. Laisse de côté ta haine. Était-il si stupide pour qu’elle n’ait encore compris qu’il avait assimilé ? Était-elle si aveugle pour ne comprendre qu’il était parfaitement conscient de tout ce qu’elle lui disait, et que sa vengeance restait pour le moment enfouie au fond de lui ? Il passait ses nerfs sur ses victimes, apparemment. Apparemment. Il commençait à en douter ; douter de ce qu’on pouvait dire sur son compte. Il ne lui semblait pas avoir changer lors de ses interrogatoires. Toujours aussi cruel, toujours aussi sanguinaire. Son comportement était identique. Simplement, il en devenait plus flagrant, pour la simple cause que c’était quotidien, répété. On remarque moins une série de crimes lorsqu’ils sont espacés d’une année chacun. Tandis que si un jour à peine les sépare, ils en deviennent plus évidents. C’était ce qui se passait. Un manège de l’esprit. Une lente habitude devenue saccadée. Qui se remarquait, désormais. Quoi de plus normal ?
À nouveau, il cligna des paupières. Il n’avait pas reculé lorsqu’elle s’était avancée, conservant une immobilité nette et sans bavures. Les mots s’échappèrent d’entre ses lèvres, toujours aussi doux, posés, et veloutés, de cette texture si impassible que c’en serait presque devenu une illusion d’insolence, pour quiconque ne l’aurait pas connu suffisamment. « Je n’en prévoyais pas moins. » Il le savait ; son attente serait longue, mais à la hauteur de sa patience aiguisée. Il le savait ; elle le mettait encore à l’épreuve. À quoi bon ? Il en aurait été las, s’il l’avait pu. S’il n’était pas déjà las de tout. Si elle voulait remédier à son petit problème avec le sang, c’était trop tard. Elle aurait dû étouffer l’embryon dans l’œuf. Mais celui-ci avait éclos. Depuis des années déjà.
Il aurait pu lui dire qu’elle se stressait trop pour la rébellion. Il aurait pu lui demander si elle n’avait rien d’autre à faire que d’emmerder quelqu’un qui faisait son travail sans broncher. Il était tenté de le faire. N’en fit rien. Il n’était pas du genre à provoquer le lion. Et appréciait réellement lorsqu’il pouvait se passer de ses éternels sermons. Il aurait pu également s’inquiéter pour elle. Lui suggérer de dormir. De reprendre des forces, afin d’être plus apte à gérer les problèmes engendrés par la rébellion. Durant une fraction de seconde, une lueur de compassion passa dans ses prunelles, avant de s’éteindre. Il s’inquiétait pour elle, quelque part. À sa manière. Spéciale, certes, mais sa manière à lui. « Les médecins te feraient la tête au carré si tu me laissais ressortir maintenant, dans mon état. » Bien sûr que c’était ironique. Aucun médecin ne se serait risqué à dire quoique ce soit. Mais c’était un tout autre problème. Une toute autre valeur. Lorsqu’il avait prononcé ces mots, il n’y avait rien d’autre qu’un message caché. Bien sûr, Salem était faible. Encore et toujours. Comme elle se plaisait à insister sur le sujet, il avait failli crever, y rester. Et à l’hôpital, on avait grogné, lorsqu’il était ressorti pour reprendre du service. Ils auraient voulu le garder encore un peu. Qu’il récupère davantage.
Ils le savaient tous deux ; Salem était encore hors-course. Impossible de faire ce qu’il voulait quand il le voulait, d’autant plus par temps de guerre. Mais il la laissait faire. Il se laissait rabaisser, se laissait insulter, lui et ses objectifs, lui et son travail minutieux. Il ne bronchait pas. Elle noyait le poisson. Et il ne jugeait pas utile de le lui faire remarquer. Il s’en fichait.
Un jour ou l’autre, cela finirait bien par cesser.
Invité
Sujet: Re: we don't lay down for nobody. ▲ HILDALEM. Jeu 4 Juil - 22:37
Tu observes Salem de ce même regard que tu adresses au monde, cette impassibilité nonchalante qui t’est si caractéristique, tant perpétuellement échouée sur tes traits qu’elle te donnerait presque une expression rieuse. Moqueuse des autres, du reste, ne l’es-tu pas, de toute façon ? Tu as cette manière de tout prendre à la légère, que certains se demandent encore pourquoi – comment – en étais-tu arrivée à ce poste. Comme un vieil écho vagabondant dans un labyrinthe sans jamais en trouver la sortie, comme ces anciens fantômes effacés observant ton ascension sans comprendre. Comment l’imbibée d’alcool avait obtenu tant de responsabilité. Comment l’assassine de son bambin en était encore à ce même statut, aussi. Des questions puériles, futiles. Certains les avaient exposées clairement, et quelques fractures avaient été déclarées par la suite. Car ta frustration, belle basanée, tu ne l’exprimes guère par les paroles, ni même les actions. Seulement dans les face à face de ton emploi, entre ces quatre murs sans échappatoire possible si ce n’est en passant sur ton corps. Les interrogatoires. Tu sais, ces entrevues diversifiées et divertissantes qui te glissent actuellement entre les doigts tant le temps te fait défaut pour t’en occuper. Quelques dérapages, parfois. Dans le fond, tu as toujours eu ce comportement typiquement masculin au sang chaud. Bouillonnant silencieusement comme un prédateur guettant d’une patience sans faille le moment propice pour passer à l’attaque. Parfois, c’en est trop. Un mot dérangeant, un regard de travers, une attitude mal placée. Et le coup part, implacable. Les menaces, le plus souvent. Cette sentence que tu fais peser lourdement sur la tête d’un fils, d’une femme, d’un amour. Les sentiments d’autrui sont les fils qui te permettent de manipuler tes pantins apprivoisés, tous ces bipèdes que tu observes d’un œil critique et pourtant totalement désintéressé. La masse humaine. Et toi. Deux mondes à part.
Parfois, une pièce de ta machinerie incompréhensible s’égare on ne sait guère où. Et vient le sauf que. Sauf que là, il y a Salem. Salem et cette conversation qui, depuis une dizaine de minutes, remet en question tous tes principes précédents décrits. Imperméable ? Marginale ? Froide ? Désintéressée ? À tel point, que ce pauvre homme essuie à l’instant-même l’une de ces tempêtes qui te sont si rares. Combien de temps, maintenant, que tu n’as pas laissé la colère qui ronge continuellement ton sang, en sourdine, dans un silence bien trop discret, s’exprimer au-delà de tes muscles éreintés, de tes jointures fatiguées ? T’es usée, Hilda. Jusqu’à la moelle. Lassée, sans jamais trouver un repos constructif. L’alcool qui martèle si souvent tes tempes possède le piètre mérite de t’apaiser, mais qu’est-ce qu’une goutte d’un liquide ambré, face aux ténèbres qui te font face et t’observent dans l’évidence même que tu n’es qu’une parasite.
En cet instant, alors que tes prunelles s’égarent sur le cou de ton interlocuteur, sur cette cicatrice qui l’orne comme un vulgaire collier – attitude dont tu ne prends pas la peine de t’en cacher, tu as au moins le mérite d’assumer n’importe lequel de tes actes – et ce n’est pas de la compassion qui peut se disperser brièvement dans tes pupilles. Non. Seulement, une envie. Une envie fébrile d’apposer tes mains dessus, de le maintenir d’une poigne de fer à son point faible. Ou d’écraser ton poing – solide, à n’en pas douter – sur son visage si lisse, simplement. Peut-être dans l’espoir de brusquer ses traits si figés. Or, la douleur, faire du mal, ne te procure aucune satisfaction si ce n’est le sentiment d’exprimer tes pensées les plus assassines, ou simplement de montrer que tu es celle qui détient le pouvoir. Tu ne cherches pas à comprendre pourquoi de telles pulsions t’assaillent en cet instant ; elles sont, après tout, autant naturelles à ta personne que la couleur de ta peau. On te connait calme, imperturbablement calme. Et violente. Un contraste à toi toute seule, et c’en est satisfaisant quelque part, que beaucoup ne sache réellement sur quel pied danser avec toi. Pourtant, on ne danse pas avec toi. Sans toi. Tu es celle qui fait valser les autres, point barre.
Oh, toujours cette fichue exception à la règle. Parce qu’il en faut bien une, de toute évidence. Certainement pas pour mettre un peu d’ordre dans la tempête intérieure que tu es, mais pour aplanir les choses, quelque part. Maintenir un semblant de corrélation. Tu fais craquer les jointures de tes doigts, serrant lentement ta main pour ensuite délier ton poing, et réitérer cette action plusieurs fois, des deux mains. Ce bruit résonne dans tes pensées comme une tonalité apaisante, ne montrant que purement la retenue dont tu peux faire preuve. Cette démangeaison constante sur le bout des doigts, si persistante que finalement tu ne sais si c’est une envie de frapper ou d’effleurer, de caresser la peau tant abîmée de Salem.
Habituellement, tu ne t’exprimes guère. Pour les besoins de ton emploi, évidemment. Et dans les salles d’interrogations ; quand ce n’est pas pour aboyer de ta voix dénudée d’intonation des ordres de ci de là. Au-delà de l’uniforme, pas même dans le bar que tu fréquentes si souvent ni même entre les murs de ta demeure qui t’enferme salement dans ta solitude, tu n’exprimes plus de trois phrases à la suite sans que quelqu’un n’intervienne entre temps. Pourtant, il s’agit bien là d’une magnifique tirade que tu viens de prononcer. Quelque peu décousue, par ailleurs. Pas vraiment maladroite, tu as toujours eu cette franchise inégalable à manier les mots tels que tu les penses. Et te faire entendre. Généralement. Sauf avec lui. Comme toujours, en fait. Tu le sais pertinemment, qu’il n’en a que faire. Que tes paroles s’égarent très probablement dans l’air environnant sans réellement imprégner la cervelle de Salem. Ce qui suffit purement et simplement à agrémenter ce taux d’exaspération déjà bien élevé que tu entretiens à son égard. Son impassibilité, son manque de réaction, ses quelques actions ou paroles, les diverses lueurs de son regard morne, chaque caractéristique de cet être recousu te titille au plus haut point. Un point commun que se partage la fratrie Hyde-Earnshaw, sans aucune exception à la règle – pas même Todd. Mais, honnêtement, celui qui te fait actuellement face est le summum.
De tes habitudes, tu apprends à cerner les individus de par leurs comportements, leurs paroles ou simplement les traits animés de leurs visages. Il en est de même pour Salem, qui reste tout de même un être humain comme l’ensemble de la population, comme toi. Pourtant, tu ne peux t’avancer au-delà et affirmer que tu le connais. Si ce n’est que tu l’as fréquenté petit à petit grâce à ta relation mouvementée avec son aîné, et qu’aujourd’hui il fait parti de tes soldats que tu respectes le plus – au point de lui laisser souvent place vacante pour te conseiller. Salem, tu ne saurais donner les mots exacts pour définir le lien qui vous unit. C’est si particulier, as-tu tendance à penser. Ce sentiment d’être aussi proche de lui qu’éloigné par un abysse sans fond. Avec cette douleur muette, lancinante, tapie dans tes entrailles quand tes pensées s’effilochent quelques instants sur les chemins de la nostalgie, des souvenirs usés. Quand au-delà du visage de cet homme transparaissent les traits de son frangin, et bien plus encore celui de ton enfant. C’est indéniable, ce dernier prend un part non négligeable sur la colère qui sommeille en toi et qui se résulte par ton exaspération vis-à-vis de Salem. Car, quelque part, tout est lié. Pour toi. Les prémices d’une rébellion puérile, l’assassinat de ton amant et celui – raté de peu – de son frère, et la menace qui plane discrètement sur les épaules d’un petit garçon. De ton petit Adam. Comme un rappel amer à ton attention, Hilda. Laisse échapper ton district, et les autres, à l’ordre, et c’est la chair de ta chair qui en pâtira.
Et puis, merde. Un soupire imperceptible passe le barrage de tes lèvres, et le pli qui aurait pu apparaître plus tôt sur ton front disparait. Aussi bien que la tempête s’est enclenchée, s’est emportée, elle se tapie à nouveau dans tes veines bouillonnantes. T’es comme ça, Hilda. Changeant d’humeur aussi facilement qu’un courant d’eau. Déroutante, à ta manière. Salem ne mérite pas que tu lui portes autant d’attention. Car c’est ce qu’il se passe, sans que tu ne veuilles l’admettre. Ta colère à son égard n’est que le fruit des inquiétudes que tu lui portes. Hein, Hilda. Te souviens-tu de cette peur, même futile, qui t’as traversé l’esprit l’espace d’une ou deux secondes quand tu l’as retrouvé agonisant ? À cette idée fugace que lui aussi, puisse disparaître ? Il peut t’exaspérer de bien des façons, tu tiens inévitablement à lui, d’une manière que tu ne peux déterminer maintenant.
Finalement, tu laisses aller. Sa remarque passe, fondamentalement vraie. Quoique personne n’ait véritablement sans mot à dire, d’un point de vue d’ordre médical, il est indispensable que Salem ne s’expose pas aux « grands » risques. Sa faiblesse est évidente, imprégnée dans sa peau entre son buste et son crâne, et facilement imaginable derrière l’épiderme, la carapace. Alors pourquoi viendrais-tu rajouter une énième couche, retapisser une énième fois ce sujet déjà épuré en large et en travers. La pression qui oppresse d’un poids indéniable tes épaules devient plus légère, même si rien de ton comportement ne l’a laissé paraître. Ce n’est pas une défaite, bien que ta relation avec Salem soit un perpétuel rapport de force. Il n’y a pas de bataille, entre vous deux. Une querelle continue, simplement. Et si tu t’apprêtes à battre en retraite – bien que tu ne considères pas ton geste de cette manière, tu retournes simplement dans ton désintérêt personnel sans te préoccuper de celui que tu vois en face de toi – tu tiens néanmoins à ajouter un dernier commentaire, manifestement pour clore la conversation sur ton point de vue. Quand même. Le dernier mot, Hilda. Même si c’est probablement perdu d’avance. Un arrière-goût de mise en garde, aussi, tes paroles. « Le district a besoin de pacificateurs de ta trempe. Ne l’oublie pas. » J’ai besoin de toi. À peine cette poignée de lettres quelconques mais ô combien significatives effleurent tes pensées que tu les chasses hâtivement. Presque effrayée, par ta propre personne. Dehors, le monde se perd, doucement. Et toi, Hilda, tu t’égares en toi-même.
Finalement, tu t’écartes souplement de Salem pour t’adosser contre le mur, et ainsi lui laisser le libre espace qu’il devait souhaiter ardemment pour disparaître de ton courroux. Tu te contentes de pencher légèrement la tête sur le côté, comme pour lui indiquer qu’il est libre de filer. Avant que tu ne changes d’avis, mais tu vas t’abstenir de le faire. Il faut savoir prendre son mal en patience, et c’est ce que tu fais depuis les premiers cris que tu as poussé en ce monde. En revanche, tes prunelles s’accrochent. À lui, à son regard. Au fond, tu ne sais pas ce que tu attends. Si tu espères le voir déguerpir ou, au contraire, s’attarder encore dans ce couloir devenu désert par votre faute.
T’as besoin d’un verre, Hilda. Non. D’une bouteille. Rapidement.
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