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 The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen

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Reed Emerson
DISTRICT 11
Reed Emerson
△ correspondances : 1464
△ points : 11
△ multicomptes : Charlie la Pacificatrice, Juju le Rebelle & Gold la rêveuse (Ex Elyas)
△ à Panem depuis le : 09/01/2013
△ humeur : Se sent vide et abandonné, désespéré par la chute de Coin et l'échec de la rébellion.
△ âge du personnage : Vingt-six ans
△ occupation : Sniper dans l'armée du Treize


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MessageSujet: The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen   The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Icon_minitimeSam 2 Mar - 12:20

J’y étais. Enfin. Après tout ce temps passé à vivre reclus dans cette maison trop grande pour moi, dans le quartier des Vainqueurs, j’avais finalement trouvé le courage de m’opposer au Capitole, bien décidé à lui faire payer toutes ces atrocités qu’il m’avait fait endurer. Ma participation aux Jeux. Ce rôle insoutenable de mentor que je devais à présent endosser chaque année. La perte des mes amis d’enfance, les uns après les autres : Billie, Jeremiah, Kath’… Et cette prostitution infâme, avilissante, dégradante, dont je faisais l’objet, et à laquelle je me soumettais docilement par peur. La peur, encore et toujours. Cette peur logée en permanence au creux de mes entrailles, cette peur qui m’empêchait d’agir comme je le voudrais. Cette peur qui me tétanisait et qui me laissait impuissant. Mais ce temps de malheur et de désolation était révolu. Tout était fini. Terminé. J’étais déterminé à cesser de me laisser aller à ce point, à ne plus me laisser submerger par ce tsunami qui avait ravagé ma vie, à enfin sortir la tête de l’eau, et à me battre. Me battre pour arrêter de survivre pour enfin recommencer à vivre. Me battre pour mes convictions, trop longtemps enfouies au plus profond de moi de crainte de nuire à ma famille. Me battre pour annihiler le Capitole et sa cruauté, injustement incontestée depuis bien trop longtemps. Me battre pour que tous ces salauds brûlent dans les flammes de l’Enfer, là où était leur place.

J’y étais, mais je ne parvenais toujours pas à le réaliser. Mes pieds avaient beau fouler le sol du District 13, je restais convaincu que tout ceci n’était qu’un rêve, qui se dissiperait dans les airs dès que je fermerai les yeux. Pourtant, tout ici me semblait réel. Si réel. Les gens qui déambulaient autour de moi, inconscient du trouble qui m’envahissait à l’idée de me trouver là. L’oppression étouffante de ce dédale de souterrains qui n’en finissait pas. Je me rendis compte que si je n’avais jamais été claustrophobe, c’était à présent le cas. Oui, j’y étais. Je me trouvais bel et bien au District 13. Ce District dont j’avais longtemps ignoré l’existence, croyant que toute cette histoire n’était qu’une rumeur destinée à nous redonner un peu d’espoir, sceptique à l’idée que le 13 ait put renaitre de ses cendres au nez et à la barbe de l’omniscience absolue du Capitole. C’était une ancienne gagnante, Alyannah, qui m’avait mis dans la confidence. Depuis, je ne poursuivais plus qu’un seul et unique but : m’y rendre, et contribuer à l’effort de guerre – façon de parler – pour faire chuter cette dictature qui nous écrasait depuis trop longtemps. Je ressentais à la fois un soulagement intense d’avoir atteint mes objectifs et… quel était donc ce sentiment qui me laissait cet arrière gout amer dans la bouche ? L’écœurement. Oui, c’était cela, pas de doute possible. L’écœurement de constater que ce district était en mesure de nous prêter main forte, mais que ses habitants s’étaient tous dissociés de nos malheurs et de nos peines. Ils nous avaient tous abandonnés. Ils nous avaient laissés crever dans les rues, terrassés par la faim ou la maladie, ou dans ces Jeux sanglants qui réjouissaient tant le Capitole. Ils avaient les moyens de mettre un terme à toutes ces abominations, mais ils n’avaient pas daigné lever le petit doigt. C’était bien hypocrite de ma part de leur tenir rigueur pour cet égoïsme odieux. Car n’était-ce pas ainsi que j’avais agis, durant toutes ces années ? N’avais-je pas moi-même envoyer balader tous ceux qui réclamaient ne serait-ce qu’un peu d’aide, ne me préoccupant que de ma seule personne ? J’étais en colère contre eux, mais je devais reconnaitre que je ne valais vraiment pas mieux.

Epuisé, harassé, je peinais à me tenir sur mes deux pieds. Je ne croulais pas sous les émotions qui se mêlaient en moi, mais sous la fatigue. Cela faisait des jours entiers que je n’avais pas fermé l’œil. Je luttais sans relâche contre le sommeil qui gagnait du terrain un peu plus chaque jour. Pourquoi ? Tout simplement parce que je savais ce qui m’attendait si je m’abandonnais à Morphée. Toujours les mêmes images sanglantes. Les tributs innocents à qui j’avais été contraint d’ôter la vie. La peur panique de Jérémiah, que je ne parvenais pas à apaiser. Sa mort, sans que je puisse lui venir en aide. La colère déchainée de Kath’ au Centre d’Entrainement. Sa fin cruelle dans l’arène, que je revivais encore et encore. Me remémorer inlassablement ces souvenirs était un véritable supplice. Je ne le supportais plus. Alors pour ne pas dormir, je peignais. Penser que m’adonner à ma passion me détendrait était une erreur. A chaque fois, et bien involontairement, c’était son visage qui apparaissait toujours dans mes dessins. Il faut croire que mon inconscient refusait d’effacer ses traits de ma mémoire. Son visage harmonieux. L’éclat de ses yeux. L’arrête délicate de son nez. Et ses lèvres… Ses lèvres qui m’obsédaient tant.

Très vite après mon arrivée, on m'attribua une chambre, qui ne méritait assurément pas ce titre. C'était une petite pièce, étroite, exiguë, à des années lumières de la grande maison vide qui m'attendait au District 09. Chez moi. C'était là-bas qu'était ma vie, ma place. Pas ici. Pas dans un District qui nous avait lâchement abandonné et qui, quand l'occasion se présentait, surgissait du néant pour affronter le Capitole, déjà bien affaibli par la révolte de nombreux Districts. La nuit venue, je fus pris d'une violente crise d'angoisse, intensifiée par l'oppression insoutenable des souterrains. Contrairement à chez moi, ici, il n'y avait pas grand chose à démolir, si bien que j'en fus réduis à taper, encore et encore, dans les murs, jusqu'à ce que ma main se transforme en bouillie sanguinolente. C'étaient certainement mes voisins peu commodes, réveillés par le bruit, qui avaient alerté la sécurité. Trois hommes en gris firent alors irruption dans ma chambre, et eurent toutes les peines du monde à venir à bout de moi, qui me débattait comme un beau diable, cassant le nez d'un type au passage. Et oui, j'étais un vainqueur des Hunger Games et je savais indubitablement me battre, mieux ne valait pas sous-estimer mes forces. J'ignorais ce qui provoquait ces crises d'angoisse, mais quand elles surgissaient pour s'emparer de moi, j'étais bien incapable de les endiguer tout seul. Seuls une dose de cheval de sédatif parvenait à m'apaiser. C'est pourquoi on me conduisit - ou plutôt, on me traîna de force - à l'hôpital du District, à grand peine, dans des éclats de voix à réveiller les morts.

M'extirpant difficilement de la torpeur dans laquelle on m'avait plongé, je me redressai sur mon lit d'hôpital, tremblant de tout mes membres, comme après chaque crise d'angoisse. L'esprit encore embrumé, je jetai un oeil à ma main bandée, qu'on avait soignée, songeant une fois de plus que ma place n'était pas ici. Que si le Capitole s'apercevait de cette trahison, il assassinerait sans pitié toute ma famille. Qu'une fois de plus, je leur faisais courir un grand risque en ne me pliant pas aux quatre volontés de mes tortionnaires. Peut-être n'étais-je tout simplement pas fait pour la rébellion.


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MessageSujet: Re: The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen   The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Icon_minitimeLun 4 Mar - 18:48





the girl who wanted fade away



On m'avait pourtant simplement demandée de m'occuper d'un patient ; personnel trop récalcitrant quant à venir se charger de lui, ils avaient relégué cette tâche à la petite dernière, récemment promue guérisseuse. On ne voulait pas s'occuper de lui, désobéissant et si virulent qu'il perturbait d'ores et déjà la vie du treize, calquée sur un fonctionnement strict et un profond respect des règles ; une vie bien militaire, voire même austère. Moi, j'étais juste trop contente qu'on recommence enfin à me faire confiance, à me donner de nouveau quelques responsabilités. On avait cessé de me couver, de me regarder d'un vague regard désolé, alors qu'on m'évitait, voulant éviter le gêne insupportable d'avoir à parler à une pauvre gamine dépressive, une loque humaine. Mais, depuis le retour de Kathleen, je me targue de reprendre autant de couleurs que de force ; parvenant enfin et finalement à surmonter ces six longs mois qui étaient passés, à la fois avec une vitesse hallucinante, si bien que je ne gardais de cette époque que de vagues souvenirs, l'esprit comme comateux, et d'un autre côté pourtant, les secondes s'effilaient comme des heures, éternelles, mortelles, le temps s'accumulait et ne me faisait miroiter que d'autres longues journées à exister dans ce monde si atroce, parce qu'elle n'était plus là. Parfois, quand je me laisse bercer par le silence de ma chambre, prête à m'engouffrer dans les bras de Morphée, je me relevais subitement, me concentrant de toutes mes forces jusqu'à retrouver quelque détail, le souvenir d'une odeur, d'un goût, d'un contact, quelque chose de réellement réel pour me souvenir que Kathleen était bel et bien vivante et que, par conséquent, je l'étais moi aussi. Alors, lentement, je m'étais relevée, prête à assumer le monde hostile de l'extérieur, déterminée à me montrer forte, pour tous mes proches qui m'avaient vue défaillir et avaient été réduits à n'être que les spectateurs impuissants de cette terrible déchéance. Parce qu'elle n'était pas là pour me tendre la main, me hisser vers le haut, pour me garder la tête en dehors de l'eau ; parce que sans elle, je me noyais, indéniablement, indubitablement, inexorablement. Kathleen était l'oxygène de mes poumons, le souffle de vie que je possédais, le sourire qui se hissait sur mes lèvres, les battements de mon palpitant. Elle était tout. Et sans elle, inévitablement, je n'étais rien.

En chemin vers la chambre de mon désormais patient, quelques collègues m'avaient soufflé quelques « bonne chance » d'un air considérablement renfrogné ; comme si ledit patient était un être abject et ô combien insupportable. Si, pendant longtemps, j'aurai pu donné le bon dieu sans confession au Treize, aujourd'hui, je vois ce District avec quelques nuances qui, autrefois, échappaient à mon regard reconnaissant. Je vois, entre autres, cette intolérance envers les autres, les étrangers, ce qui ne rentrent pas dans le moule sitôt débarqués ici. Profonde désillusion qui a au moins le mérite de me voir grandie car, depuis qu'on m'a laissée dans cette douleur ignoble suite à l'annonce de la mort de Kathleen – alors que l'on savait très bien qu'elle était en vie –, en plus d'émettre quelques suspicions à l'encontre de Coin et de ses sbires, je me sens plus mâture dans mon jugement, moins utopiste, certainement. Poussant finalement la porte, j'entre finalement dans la chambre, m'avance jusqu'au lit ; le jeune homme semble considérablement agité du moins est-ce la réaction immédiate qu'il a en m'apercevant – le pouvoir de la blouse blanche, certainement –. Aussitôt, il s'arrache les perfusions plantées dans ses avants-bras, devant distiller un tranquillisant dans le but de calmer ses ardeurs. Pourtant, lorsque je me tiens juste en face de lui, m'avançant calmement malgré les gestes brusques et fous du patient, au bout de son lit, je ne peux retenir un hoquet de surprise. Elyas. Je reconnais son visage, le moindre de ses traits, malgré les années, malgré nos Jeux respectifs qui nous avaient changés ; envers et contre tout. Elyas, c'était Elyas. Ce gamin avec qui j'avais partagé mes jeux d'enfants, avec lequel je ne faisais que me chamailler pour un oui ou pour non, muée par cette rivalité enfantine qui nous liait, par rapport à Kathleen. J'avais beau être conciliante, comme fille, je n'avais jamais su réfréner cet élan possessif – et même jaloux – qui m'oppressait lorsque je voyais ma meilleure amie, ma moitié, avec une tierce personne, quelle qu'elle soit. La peur, sans doute, qu'elle ne me délaisse au profit d'autrui – même si je savais pertinemment que rien de tel ne saurait arriver –. Et ce sentiment qui m'était d'habitude si étranger n'avait jamais été aussi vif et brûlant qu'en présence d'Elyas.

Soudain, la réalité me rattrape. Je me tiens là, bien droite, le regard rivé sur lui et pourtant, intérieurement, je suffoque, comme étranglée par tous ces fils de mensonges qu'on a servi à la population, alors que le Treize se terrait dans le silence, alors que le Capitole arguait qu'il n'y aurait plus qu'un seul survivant à l'issue des Hunger Games. Et je ne peux pas faire comme eux, jouer à l'autruche, fermer les yeux sur ce qui me chiffonne, ce qui m'échappe, et prétexter que là, en face de moi, ce n'est pas Elyas Chesterfield. Il est là, vraiment là. Et je le regarde, presque consternée, compatissante, surtout. Peut-être est-il ici à la poursuite d'une chimère, d'un espoir futile quand il a entendu qu'on avait ramené des tributs à la vie. Peut-être poursuit-il le fantôme de Kathleen. Je comprends. Tout. Sa détresse, sa douleur, sa solitude. Je connais l'horrible souffrance, quand on nous l'arrache, notre Kath ; quand on la croit perdue et qu'on se croit alors tout aussi foutu ; quand elle est trop loin, si loin qu'elle en devient inaccessible et que le monde semble s'écrouler tout autour de nous. Mais comment lui dire, comment lui annoncer que ce n'est que ça, qu'il trouvera, ici : un fantôme. Kathleen est là, vivante, mais si différente. Oh, j'entrevois souvent celle que j'ai connu, celle que j'aime comme une sœur ; mais semblerait-il qu'elle n'abaisse pas sa carapace aussi facilement avec tout le monde. Et Elyas... Eh bien, Elyas n'éveillera peut-être pas que du bon, en elle. De la rancune, du ressentiment ; tout dépend de ce qu'on a fait avaler à la brune pendant les six mois passés au Capitole. Alors, je contourne le lit, m'approche, un peu hésitante, presque craintive, s'il venait à me reconnaître, car malgré les années, je savais qu'à son instar, je garde sur mon visage quelques vestiges de la gamine que j'avais été. Il y a si longtemps. Dans une autre vie. Et pourtant, ma décision est prise. Je dois l'éloigner de tout ça, de Kathleen, pour leur bien à tous les deux. Pour leur offrir quelques retrouvailles dignes de ce nom lorsqu'ils seront prêts. Et pour cela, il ne doit pas plus me reconnaître. Pas maintenant. Pas si tôt. Alors, doucement, je me penche au-dessus de lui, les yeux presque inquiets, le cœur au bord des lèvres. J'intercepte alors une lueur nouvelle dans son regard, sans doute la surprise, peut-être le doute furtif qu'il s'agisse bien de la blondinette qu'il a connu. Il se calme, un bref instant, le temps d'observer mon visage, et ces quelques secondes me sont largement suffisantes pour lui administrer une bonne dose de tranquillisant grâce à la seringue, soigneusement posée dans la poche de ma blouse. Aussitôt, il s'endort et, aussitôt, je m'attèle à bander sa main blessée – un travail d'infirmière, certes, mais je n'ai jamais su reléguer aux autres quelques soins à prodiguer lorsque le patient était un de mes proches –. Je ne me demande même pas pourquoi ou comment il s'est blessé, ça m'importe peu. L'important, c'est que la blessure se résume à une simple écorchure sur sa main ; qu'elle ne devienne pas une profonde entaille à travers son cœur de retrouver une Kathleen si semblable et si différente, pourtant.

Je me persuade une dernière fois que c'est la meilleure décision à prendre. Pour Kathleen. Pour Elyas. Me relevant finalement – je m'étais assise sur un simple tabouret pour finir de lui panser sa main –, je m'octroie quelques secondes pour regarder son visage paisible, quoique la fatigue soit profondément ancrée dans ses traits. À l'instar de Kathleen, Aiden et mes sœurs avant lui, Elyas me renvoie quelques brides de souvenir du Neuf. L'odeur des céréales, le soleil doré sur ma peau, les échos de nos rires enfantins ; tout me revient, me percute. Avec autant de violent qu'un coup de poing dans l'estomac, comme une claque qui retentit dans l'air et s'incurve sur la peau en une honteuse tracée rouge. À la place, c'est un bout de mon District d'origine qui s'incurve dans ma peau. Je balaie une mèche de cheveux – décidément trop longs – de son visage, un étrange sourire ourlant mes lèvres, me souvenant que ce genre de gestes n'était pas naturel, dans notre relation gentiment conflictuelle, trop occupés à nous chamailler, nous disputer les faveurs de Kathleen et à nous lancer quelques piques pour avoir une relation aussi amicale que nous aurions pu en avoir. « Sous le charme, Billie ? C'est vrai qu'il est mignon. » La voix d'Arya, une collègue de tout juste quatre ans mon ainée, s'élève dans le silence ambiant de la chambre et me sort soudainement de ma torpeur. Je me retourne et la voit, accoudée à l'encadrement de la porte, une légère moue railleuse hissée sur son joli visage, le regard presque fier de m'avoir démasquée. Je réponds simplement : « Rien à voir, on vient du même district. » Elle me regarde de ses grands yeux bruns, surprise, prise au dépourvu : « Oh. », fait-elle simplement. J'acquiesce : « Oui, oh. » Arya sait, comme à peu près tout le monde dans le coin, mon attachement pour le Neuf, pour ses habitants, la nostalgie qui enlace ma poitrine quand je repense à ces champs céréaliers qui s'étendaient à perte de vue, à ma maison, ma famille. Plus mutine, je dépose un index complice sur ma bouche fendue d'un petit sourire, lui intimant de ne le répéter à personne, comme si je la tenais pour confidente de ce secret. À vrai dire, j'ai surtout peur – quoique je ne saurai comment cela pourrait arriver – que l'information remonte jusqu'aux oreilles de Kathleen, ou d'Elyas. Ils ne doivent pas savoir. Pas pour le moment. Je me dois de préserver l'équilibre fragile de ma meilleure amie ;de ne pas ajouter davantage de cernes sous les yeux fatigués du blond. Alors, j'entame un autre sujet, totalement étranger à mon District, mes amis, parlant médecine et planning chargé tandis que nous sortons finalement pour prendre de pause café amplement méritée – ces derniers temps, le flot de patients a légèrement diminué ; aussi, peut-on se le permettre –.


Je passe ma veste par-dessus un tee-shirt trop fin ; sors finalement des vestiaires réservés au personnel médical et salue mes collègues qui resteront pour la garde de nuit d'un sourire et d'un simple signe de main tandis que je m'avance vers la sortie. À cette heure-ci, Kathleen sera sans doute aux prises avec quelque psychologue ou autre bonhomme voulant lui retirer un maximum d'information – mes poings se serrent d'eux-même – ; aussi, je ne pourrai aller lui rendre visite que d'ici une heure ou deux, le temps d'aller prendre une douche et de reposer la tension dans mes épaules accumulée au cours de la journée. Je passe dans les couloirs, souhaite une bonne soirée à tout le monde mais me fige dans le hall d'accueil. Planté au milieu du hall, bras croisés, tapant du pied avec un rythme aussi régulier qu'un métronome, Elyas semble attendre quelque chose. Ou quelqu'un. J'ose espérer qu'il patiente simplement pour signer quelques papiers de sortie, ou patientant pour quelques conseils prodigués par un médecin. Aussi, la tête haute mais la démarche considérablement accélérée, je tente de ne rien laisser transparaître, de me montrer aussi sûre de moi qu'étrangère au garçon qu'il est devenu et, les yeux rivés sur la porte de sortie, je sens mon palpitant s'accélérer, comme désireux de me rappeler – si j'avais pu l'oublier – que ce que je fais est mal et risqué. Mal vis-à-vis d'Elyas, que je prive de Kathleen, d'un doute voire un espoir qui aurait pu se muer en certitude. Risqué car il pourrait me reconnaître à tout moment, en tant que Billie ou comme étant la guérisseuse qui s'est chargée de lui après l'avoir endormi par surprise. Ma tête semble s'enfouir entre mes deux épaules tandis que, l'ayant finalement dépassé, sans un regard, sans un tressaillement, je pose mes mains sur la poignée, prête à pousser la porte et à m'enfuir loin. Loin de l'hôpital. Loin d'Elyas. Loin de la culpabilité qui commence à poindre le bout de son nez et entame un combat de lions avec cette conviction presque rassurante que ma décision était la bonne. Mauvais timing, sale coup du destin – celui-là ne m'a jamais aimé –, ou un collègue qui m'en veut personnellement, croyez ce que vous voulez, mais lorsqu'on hèle avec force un : « Billie ! » à l'autre bout du hall, je ne sais pas quoi faire et, à défaut d'en avoir la moindre idée, je reste bêtement plantée là, main sur la porte, prête à m'enfuir ou à fondre en larmes, je n'en sais trop rien. Mais l'autre, comme si ce n'était pas suffisant, réitère aussitôt, rugissant presque : « Billie Sweenage ! » Grinçant des dents et maudissant l'idiot jusqu'à la dixième génération, je tourne lentement, très lentement, sur mes talons, jusqu'à croiser le regard vraiment – mais genre : vraiment – surpris d'Elyas. Ancienne manie qui revient au galop, je me mords la lèvre inférieure, fort, presque assez fort pour sentir le goût ferreux du sang dans ma bouche et le regarde, sincèrement désolée, culpabilisant d'ores et déjà d'avoir tenté de lui cacher pareille vérité.




Dernière édition par Billie H. Sweenage le Mer 15 Mai - 18:47, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen   The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Icon_minitimeMar 7 Mai - 0:29

Hj : J'ai fait du mieux que j'ai pu, mais bon sang, on ne joue vraiment pas dans la même catégorie. Tu écris si bien... je suis sous le charme. The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen 2774444739

Toc. Toc. Toc. Un brouhaha enveloppait le hall d’accueil dans lequel je me trouvais et pourtant, le seul son que je percevais était celui engendré par la semelle usée de ma chaussure qui tapait contre le sol à un rythme régulier. Toc. Toc. Toc. Je me focalisais sur ce son pour éviter de sombrer totalement dans la panique qui, déjà, commençait à m’envahir. Je ne voulais pour rien au monde qu’une autre crise se déclenche. Pas ici. J’avais déjà causé tant de dégâts la veille que je m’étonnais de ne pas avoir encore été jeté hors de ce district à grands coups de pied dans le cul. A bien y réfléchir, je n’étais pas certain que me bannir à tout jamais d'ici soit une punition. Oh bon sang, je détestais ce foutu district. J’y étais venu pour rejoindre la rébellion, unir mes forces aux leurs, mais je n’étais plus aussi convaincu d’avoir les épaules suffisamment fortes pour supporter tout ceci. Après tout, qui étais-je ? Rien. Personne. Un fantôme surgit du passé. L’ombre de mon ombre. Je n’étais pas destiné à prendre part à un tel combat. Je n’étais qu’une marionnette de bois, un pantin entre les mains – non, les griffes – du Capitole, qui tiraient les ficelles à sa guise. Me plier à leurs quatre volontés était le seul mode de vie que je connaissais. Et j’avais honte d’agir ainsi. Mais j’étais bien incapable de vivre d’une autre manière. Je n’étais pas capable d’être un homme libre. J’étais pour toujours prisonnier de mes démons.

Toc. Toc. Toc. Je devais impérativement me concentrer sur ce battement régulier avant de perdre pied. Mais tout ici m’incitait à plonger une fois encore dans les ténèbres. A commencer par ces souterrains qui m’oppressaient terriblement. Je n’avais jamais été claustrophobe. Du moins pas avant… Avant… Le souvenir de ce traumatisme accéléra les battements de mon cœur tourmenté. Non, il fallait que je me calme. Que je respire. De l’air ! J’avais terriblement besoin d’air. Je commençai à suffoquer. Chaque parcelle de mes poumons en feu réclamait un grand bol d’oxygène. Foutu district souterrain. Sombres connards qui se terraient comme des larves tandis que les autres Districts étaient livrés en pâture aux lions, à la merci de la cruauté du Capitole, dont la perversion n'avait pas d'égale. Ils allaient nous infliger tous les sévices possibles et inimaginables, pour étouffer ces menaces de révolte dans l'oeuf. Nous allions tous crever pendant que ces lâches se planquaient six pieds sous terre, à l’abri de tout danger. Ils étaient équipés et ils n’avaient pas daigné lever le petit doigt quand Kath’ se faisait massacrer sous mes yeux impuissants. Quand Jeremiah nous avait été cruellement arraché. Quand ce pieu s’était enfoncé dans la poitrine sanguinolente de Billie.

Billie. J’avais rêvé d’elle cette nuit. J’ignorais pourquoi son visage, plus âgé, m’était apparu en songes, mais après tout, ce n’était pas surprenant. Dès que je fermais les yeux, je cauchemardais. Des souvenirs horribles, monstrueux, exécrables, me revenaient en mémoire, les uns après les autres, me forçant à revivre, encore et encore les scènes sanglantes auxquelles j’avais assisté, et que je tentais désespérément de refouler au plus profond de mon être, pour ne plus jamais me les remémorer. En vain. Billie. La jolie Billie. Notre relation se résumait à un flot ininterrompu de chamailleries. Si j’avais su qu’elle serait désignée par le sort pour participer aux Jeux de la Faim, je… J’aurai agi autrement. Je lui aurai fait comprendre d’une autre manière à quel point je tenais à elle, en dépit des apparences. Nous étions encore trop inconscients des risques qui planaient au-dessus de nos têtes pour profiter pleinement de nos vies fragiles. Mais nous n’étions alors que des enfants. Des enfants. A qui on avait brutalement arraché l’innocence jusqu’à ce qu’il ne reste plus la moindre parcelle de pureté en eux. Tout ça pour le divertissement d’une bande de privilégiés.


Toc. Toc. Toc. J’avais un mal fou à contrôler les violentes pulsions qui secouaient fébrilement mon corps tout entier. Soudain, poussé par une intuition inexplicable, je tournai la tête lorsqu’une blonde me dépassa sans me jeter le moindre regard. Pourtant… Pourtant, je la reconnu aussitôt. La fille de mon rêve. Ce n’était donc pas de Billie que j’avais rêvé… Etait-ce seulement un rêve ? N’était-ce pas plutôt des réminiscences de mon séjour à l’hôpital ? Oui, cette fille devait être l’infirmière qui s’était occupée de moi. L’hypothèse tenait suffisamment la route pour que je décide de l’envisager. C’était sans compter sur cette voix inconnue qui donna une toute autre tournure à la situation.

« Billie ! Billie Sweenage ! »

Ce nom… Je croyais à tort ne plus jamais avoir à l’entendre, et chacune des syllabes prononcées était une véritable torture. Je posai sur la demoiselle un regard hébété et hagard, qui reflétait mon état d’esprit. J’étais… perdu. Tout ceci était-il bien réel ou n’était-ce que le fruit de mon imagination ? J’avais parfois bien du mal à dissocier la réalité de l’illusion et cette fois encore, j’ignorais de quel côté du rideau je me trouvais. La belle avait grandi – et même plutôt bien – et je retrouvai dans ce visage adulte les traits délicats et agréables de celui, plus enfantin, que j’avais côtoyé tant d’années auparavant. Il y avait une éternité de cela. Toutes les fibres de mon corps frémissaient devant cette vision enchanteresse et j’hésitai quant à l’attitude à adopter. J’aurai tellement souhaité la serrer contre mon corps, fou de bonheur à l’idée de la savoir saine et sauve, l’envelopper de la chaleur de mes bras, passer une main dans ses cheveux blonds et lui murmurer que tout irait bien, désormais. Pourtant, je restai stupidement planté sur mes pieds, comme l’idiot que j’étais, les bras pendant de chaque côté. C’est alors qu’un détail qui avait toute son importante me revint en mémoire. Billie était morte. Des années auparavant. Morte. Morte. Morte. J’avais été obligé d’assister à son massacre sanglant, retransmis en direct sur les écrans géants installés sur la place principale de notre District.

Peinant à y croire, je m’approchai doucement d’elle, tendis les mains et effleurai délicatement son visage des mes doigts. Au contact de sa peau douce, un frisson me parcourut l’épine dorsale, me retourna le cœur et me souleva l’estomac. Je posai mes mains sur ses épaules, ancrant mes yeux bleus dans les siens, qui l’étaient tout autant, et… pris d’un accès de fureur, je la secouai comme un prunier en hurlant « Non ! Tu es morte ! Morte ! Morte ! ». D’un geste d’une violence inouïe, je la repoussai en arrière de toutes mes forces, et la jeune blonde s’écrasa brutalement au sol. Avant d’avoir eu le temps de me jeter sur cette usurpatrice, des bras forts me ceinturèrent, me bridant tout mouvement. Je me débattis comme un beau diable, assénant des coups au hasard, mes yeux furieux rivés sur la blonde qui se trouvait toujours au sol. « Qui es-tu ?! Qui ?! » J’avais définitivement basculé vers le côté obscur de mon âme. Les souvenirs que m’évoquaient la silhouette qui me faisait face m’avaient précipité dans un abysse de détresse, de douleur et de peur. Cette peur effroyable qui me tordait les boyaux, et qui avait été ma plus proche compagne depuis mon retour triomphant des Jeux.
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The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Vide
MessageSujet: Re: The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen   The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Icon_minitimeMer 15 Mai - 18:44


Il y a cette paire d'yeux, acérée, qui me transperce de part en part. Je les sens, braqués sur moi, incongrue dans ce paysage auquel je ne devrai plus appartenir, dans ce monde que j'aurai du quitter il y a déjà sept longues années. Nul besoin de hisser mes prunelles émeraudes jusque dans les siennes pour déceler son étonnement, son désarroi. Je le sais perdu, dans les méandres de souvenirs trop lointains pour que nous puissions nous en remémorer avec assez de précision. Car, telle était notre enfance : lointaine, vague, semblable à un étrange songe dont on peine à se souvenir le lendemain matin, à notre réveil. Du moins, en était-ce ainsi de mon point de vue ; mon enfance, au même titre que ce semblant d'innocence, m'avait été arrachée à treize ans, ma vie était dictée par un simple bout de papier. Et, mon nom scandé – et le « Wilhelmina Sweenage » qui se répercute de nouveau dans mon esprit – qui avait tout fait voler en éclats. À partir de ce jour, je n'étais plus une enfant, guère plus une adulte. À mi-chemin entre les deux et, à défaut d'avoir suivi ce schéma traditionnel, j'en étais venue à la conclusion que j'étais condamnée à errer entre ces deux âges, en partant de la folle hypothèse que je puisse survivre à l'horreur des Hunger Games. À moitié vrai. À moitié faux. Toujours à jouer au funambule sur la ligne, ne jamais tomber entièrement d'un côté. Toujours partiellement, plus jamais entière. Malédiction des ressuscités. Ressuscitée en cet instant même, aux yeux d'Elyas, parce qu'il ne saurait davantage fermer les yeux devant cette étrange vérité où même la mort est surmontable.

Il s'approche. Doucement. Je dois faire un effort phénoménal pour ne pas partir en courant, pour ne pas pleurer, ainsi confrontée au fait que je suis une amie horrible, à vouloir lui cacher quelque vérité qui, pourtant, pourrait lui être bénéfique. Mais il y a Kathleen. Kathleen et ses grands yeux d'azur, autrefois rieurs, parfois rageurs. Kathleen et son sourire immaculé, qui se tord dans une grimace, désormais. Kathleen a changé. Trop changé pour qu'il puisse la retrouver. Pas maintenant. Pas si tôt. Encore un peu de temps ; qu'il nous en laisse suffisamment pour percer cette nouvelle carapace, que je puisse m'enfouir un peu plus profondément dans chaque brèche, chaque faille pour la tirer à nouveau vers moi, vers nous et, immanquablement, vers lui. Il y a ce sentiment jaloux, bien trop connu, qui rugit en moi. Je ne saurai la jeter dans les bras du premier venu, même si je connais parfaitement Elyas. Ou plutôt : connaissais. On a eu le temps de parler, elle et moi, depuis nos premières retrouvailles, presque deux ans plus tôt. Elle m'a tout confiée, comme à notre habitude, la mort de ses parents, de son frère ; Elyas, qui est parti aux Jeux l'édition suivant la mienne, a remporté la victoire mais s'est perdu lui-même dans l'arène. Elle m'a dit qu'il a changé et, dans ses yeux, j'ai compris qu'il lui avait fait du mal. Certainement pas volontairement ; je connais le blond, je sais que sur ce point, nous sommes pareils : blesser Kathleen, c'est impossible, impensable, pas quand on voit à quel point on peut tenir à elle. Mais il l'a quand même faite souffrir et je me dis que si elle le revoit trop tôt, maintenant, il ne fera peut-être pas que raviver de bons souvenirs. J'avais pris la bonne décision ; alors, pourquoi ce sentiment de culpabilité qui continue de m'envelopper ? Oh, Elyas, arrête de me regarder avec ces yeux-là. Baisse tes mains.

Il y a ses doigts qui s'invitent sur mes joues, effleurent mon visage ; je frissonne, bien malgré moi et ferme docilement les yeux lorsqu'il tente d'ancrer son regard dans le mien, un peu trop intensément. Une seconde. Je dois me laisser aller une seule petite seconde. Le temps qui lui faut pour que la caresse devienne blessure. Me saisissant par les épaules, il me secoue, fort ; il est fort, Elyas, trop fort pour moi et je ne parviens pas à me débattre. Je n'ai même pas la force de crier pour qu'on vienne m'aider. « Non ! Tu es morte ! Morte ! Morte ! » Il y a ses mots qui s'imprègnent en moi, lacèrent mon palpitant de leurs tranchants. Et la douleur devient réelle lorsque, dans un nouvel excès de rage, il me projette sur le sol. Je parviens à me rattraper à temps pour éviter que ma tête ne heurte, un peu trop violemment, le sol immaculé de l'hôpital. Je lève les yeux, et croise son regard, presque dément, qui m'accuse, m'envoie littéralement sur le bûcher, vile menteuse et mauvaise usurpatrice que je suis. Et, dans ses prunelles, je revois ce même regard que Kathleen m'a lancée, il y a une éternité de cela. Exactement la même réaction. Et, face à sa démence, je me tiens là, à même le sol, immobile, d'apparence impassible. Mais si... bouleversée. Deux collègues ont sauté sur Elyas et tentent de le maintenir, l'un d'eux m'intime de m'éloigner mais je n'arrive pas à esquisser le moindre geste, même pas pour me relever. Qu'ai-je à craindre, au fond ? Ne suis-je pas déjà morte, comme il me l'a fait si judicieusement remarquer ? Pendant ce temps, Elyas brasse de l'air, furieux, rageur et me cloue sur place de son regard noir. « Qui es-tu ?! Qui ?! » Ah, tiens, la question à un million. Moi-même, malgré le temps, il m'arrive encore de me la poser. Suis-je réellement Billie, ou qu'un simulacre, un artifice supplémentaire dans cette expérimentation mystérieuse que le Treize a bien pu opérer durant ces quelques Jeux ? Je baisse les yeux et je vois que mes poings, étroitement serrés, et mes ongles qui s'enfoncent profondément dans ma chair, tremblent. Puis, une goutte d'eau salée qui chute sur le dos de ma main.

Ne pas céder à la panique, je me répète désespérément. Les tremblements commencent à se manifester dans tout mon corps. J'ai mal, profondément mal. Oh, je ne souffre pas vraiment de l'atteinte physique d'Elyas quelques instants plus tôt. Mais métaphoriquement parlant, j'agonise. Silencieusement. Sur le sol de l'hôpital. J'ai l'impression de perdre pied et, si je n'étais pas déjà échouée sur le sol, je sentirai très certainement mes jambes se dérober sous moi. Je pleure, et je me déteste pour ça. Cette faiblesse. Je tremble et, muette, je hurle pourtant à l'aide. Quelqu'un. Rumer, Avalon, Aiden. Quelqu'un. Kathleen, Alix. Je veux la présence de mes sœurs à côté de moi, parce qu'elles ont toujours été ma force. Je veux le regard rassurant d'Aiden rivé dans le mien, parce qu'il m'a toujours inspirée un sentiment de sécurité. Je veux le rire de Kathleen qui résonne à mes oreilles. L'étau des bras d'Alix autour de ma taille frêle. Mais, à la place, il n'y a que Elyas en face de moi. Il n'y a que ses yeux qui me crucifient douloureusement. Il n'y a que ses cris qui me transpercent les tympans. Il n'y a que ses mains qui demandent à s'abattre sur moi et enserrer ma gorge. J'ai peur. Pour la première fois de ma vie, j'ai peur d'un ami. D'une personne que je connais pourtant par cœur. De ce garçon que je m'amusais à défier, insolente et suffisante ; avec lequel je ne faisais que me chamailler, possessive et jalouse. Cet ami à qui, de mes lèvres, je n'ai jamais laissé s'échapper qu'un chapelet d'insultes candides de par notre jeune âge, auquel je me suis toujours refusée à avouer ma réelle affection, par fierté. Pure et dure. Mais ça ne m'empêchait pas de tenir à lui, au fond. De le chercher du regard, dans les alentours. De me précipiter vers lui pour venir le taquiner et repartir dans une de nos joutes verbales habituelles. Sempiternelles.

Enfant, je le cherchais souvent. Aujourd'hui, je ne demande plus qu'à le fuir. Mais, faute de force, je demeure là, impuissante, à le regarder quand une infirmière arrive et lui administre une nouvelle dose de tranquillisant. Il ne lui faut que quelques minutes pour s'assoupir et je ferme les yeux à mon tour, un instant, brièvement rassurée.


Il ouvre les yeux. Je ferme les miens, une seconde. J'ai besoin d'une seconde pour me préparer à l'impact de son regard. C'est à peine si j'arrive encore à le regarder, droit dans les yeux, sans que ce spectre dément qui était prêt à m'attaquer ne revienne hanter les méandres de mes souvenirs. Il dort depuis une bonne demi-heure ; une demi-heure que je reste bêtement là, assise à côté de son lit, à veiller sur lui pour une raison que j'ignore moi-même. Elyas n'a pas besoin de moi. Ni pour se réveiller, ni pour son état mental. Je ne ferai que le détraquer davantage. Et je me sens comme spoliée. Comme si j'avais basculé dans une sordide réalité où le comportement attendu était celui d'Aiden, d'abord passablement surpris, mais qui accepte rapidement la résurrection d'une vieille amie ; et non pas ceux d'Avalon, de Kathleen ou, désormais, celui d'Elyas où ils cédaient davantage à la panique, voire à la violence, devant l'invraisemblance de cette réalité. Une gamine de treize ans, qu'ils ont vu mourir aux Hunger Games, revenue d'entre les morts, se satisfaisant pleinement de ses vingt ans fraichement acquis. J'ouvre un œil, un brin craintive, puis, une fois le regard encore un peu absent, un peu endormi, j'ouvre l'autre. Le blond me regarde, vaguement, encore dans sa léthargie du aux médicaments ; encore assommé, pas encore complètement remis et donc pas encore prêt à céder de nouveau à cette fichue démence qui a le don de me terroriser. « Hey. », je souffle, la voix rauque et, malgré ma volonté, pas vraiment enjouée. Sept ans qu'on ne s'est pas vus, et la seule chose que je trouve à lui dire, c'est juste cette petite syllabe anodine, sans grande valeur. Ses yeux accrochent finalement les miens et, dans son regard, je vois qu'il émerge. Lentement. Par mesure de précaution, on l'a attaché au lit, grâce à des lanières, le maintenant non seulement collé au matelas, mais lui liant également les bras ; le temps qu'il ne soit plus un danger, a-t-on dit. Et, peut-être que ça n'a pas été précisé clairement, mais j'ai tout de même compris l'idée : un danger pour moi. Sauf que je ne veux pas voir Elyas ainsi. C'est mon ami. Oui, mais alors pourquoi est-ce que j'ai encore... peur ? « Tu te souviens, de ce jour où on se disputait encore l'attention de Kathleen, on la tirait tellement fort, chacun par un bras que, quand tu as finalement lâché prise, j'ai perdu l'équilibre et je l'ai entrainée dans ma chute dans le lac. On a fini toutes les deux trempées, et toi, tu n'as fait que rire tout le long du trajet pour retourner chez nous. » Confidence nostalgique, anecdote presque secrète ; volonté de lui prouver que c'était bien moi, Billie, la gamine qu'il a connu et avec qui il a partagé ses jeux d'enfants avant d'autres Jeux, plus sombres et cruels. Mais, aussi, il y a la volonté de me prouver à moi-même que, malgré tout ce qu'il peut bien en dire, malgré le doute qui m'assaille de nouveau, que je suis bel et bien celle que je pense être. Il a réveillé de vieilles craintes juvéniles, dés lors de ma « résurrection », où j'ai eu bien du mal à admettre qu'un jour, j'étais morte et le lendemain, j'ouvrais les yeux, comme après une longue nuit de sommeil. Je ravale un sanglot, à l'idée qu'il ne me croit pas, malgré cela et peut-être l'interprètera-t-il comme la douleur du deuil, parce qu'il pense certainement que Kath est morte, elle aussi. Cette faiblesse, pour une fois, pourrait tourner à mon avantage. « Et de celle où, contre toute-attente, tu m'as défendue devant Rumer et mon père lorsque je suis rentrée chez moi, couverte de boue, alors qu'il faisait bientôt nuit pour être sortie du District en passant sous les fils barbelés. » Ce souvenir-là, je l'ai si profondément enfoui dans ma mémoire que je finis même par douter de sa véracité. Parce que c'était bien la première fois que le blond faisait autre chose que se chamailler avec moi ; il avait pris ma défense, avait menti éhontément à ma sœur en lui affirmant que je n'avais fait que l'aider chez lui, lançant un prétexte vaseux pour expliquer ma tenue. Ce jour-là, j'avais vu Elyas sous un jour nouveau, je m'étais promis de le remercier le lendemain, de faire des efforts auprès de lui, d'arrêter de m'accaparer constamment Kathleen, à ses dépends. Mais, lorsque je l'avais croisée de nouveau, il s'était comporté comme avant, niant presque l'existence d'une soudaine complicité et je lui en avais été reconnaissante, satisfaite, malgré tout, de cette relation atypique que nous entretenions tous deux. Et, de cet épisode, je n'en avais jamais divulgué un mot ; pas même à ma meilleure amie – étrange, lorsqu'on savait que je ne lui avais jamais rien caché – parce que je considérais cela comme notre secret, à Elyas et moi. Et, aujourd'hui, il s'agit de l'ultime preuve de mon identité. « Crois-moi, je suis Billie. » Et ma résolution de l'éloigner au maximum du Treize, de moi et, par extension, de Kath, passe à la trappe, vole en éclats. Parce que son amitié et sa confiance compte bien plus pour moi que n'importe quelle bonne résolution. Et, c'est pour ça que je continue de culpabiliser, intérieurement ; parce que, malgré tout, je suis encore décidée à lui cacher que notre chère amie est encore en vie. J'avance doucement ma main vers lui en priant qu'il me pardonnera un jour, lorsqu'il apprendra ce que je lui ai caché. Et mes doigts viennent s'entrelacer aux siens.


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Reed Emerson
DISTRICT 11
Reed Emerson
△ correspondances : 1464
△ points : 11
△ multicomptes : Charlie la Pacificatrice, Juju le Rebelle & Gold la rêveuse (Ex Elyas)
△ à Panem depuis le : 09/01/2013
△ humeur : Se sent vide et abandonné, désespéré par la chute de Coin et l'échec de la rébellion.
△ âge du personnage : Vingt-six ans
△ occupation : Sniper dans l'armée du Treize


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MessageSujet: Re: The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen   The Bittersweet beneath my teeth - Billie & Kathleen Icon_minitimeVen 31 Mai - 11:35

La morsure familière de l’aiguille de la seringue se fait à nouveau ressentir, m’entrainant dans un monde où le réel et l’imaginaire s’entremêlent pour ne former plus qu’un. Je lutte pour ne pas sombrer dans cette torpeur qui m’assomme toujours un peu plus à chaque fois, mais mes efforts restent vains. La silhouette de la blonde au sol s’évanouit peu à peu dans les airs jusqu’à n’être plus qu’une vague illusion. Ai-je rêvé tout ceci ? Sûrement. Billie est morte. Aussi morte que je le suis à l’intérieur. Un voile noir m’enveloppe à nouveau tout entier, tandis que je perds pied et que je m’enfonce inexorablement dans ce sommeil factice. Je me sens partir loin, si loin d’ici… et rien ne me fait plus plaisir. Je déteste cet endroit. Parce qu’il fait inéluctablement remonter à la surface tous ces souvenirs trop horribles pour que je puisse les supporter, et que j’avais enfoui au plus profond de mon être pour ne plus jamais y songer. Ma vie n’est pas derrière moi. Tout ceci est fini. Fini. A jamais. Elyas n’a jamais existé. Il ne reste qu’Aedan (mon second prénom sous lequel tout le monde me connait au Capitole), cette part de moi que je hais profondément. Billie, Jeremiah, Kathleen, Elyas… Ils sont tous morts et aucun d’eux ne reviendra jamais. Et il en vaut peut-être mieux ainsi.

[…]

J’ouvre difficilement les yeux, fatigué, éreinté, harassé comme si j’avais vécu les semaines les plus éprouvantes de ma vie en quelques heures à peine. Je tente de me redresser, mais je n’y parviens pas. Je mets alors quelques instants à comprendre que je suis attaché à un lit d’hôpital, signe que mon cerveau est encore engourdi par le produit qu’on m’a injecté précédemment. Que ne donnerais-je pas pour retourner au Capitole. Là-bas, je suis peut-être leur prisonnier, un vulgaire pantin entre leurs mains, mais au moins je suis libre de mes mouvements. A mon chevet se trouve encore cette blonde dont la ressemblance avec Billie me surprend toujours autant. Mais ce n’est pas elle. Ca ne peut pas être elle. Ou peut-être que si. Mais cela signifierait alors que j’ai définitivement sombré dans les méandres d’une folie à laquelle j’ai tant tenté de résister par le passé. Ma vielle ennemie a semble-t-il fini par me terrasser. Qu’importe. Revoir Billie m’emplit d’une joie sans précédent, et si c’est un songe, alors je ne veux pas me réveiller. Plus jamais.

« Hey », me lance l’illusion. « Hey », je lui réponds sur ce même ton hésitant, dubitatif quant à l’attitude que je me dois d’adopter. Après tout, c’est la première fois que je m’adresse à quelqu’un qui n’existe pas – du moins, pas vraiment – et je me sens presque ridicule de vouloir entretenir malgré tout une conversation avec ce mirage.

« Tu te souviens, de ce jour où on se disputait encore l’attention de Kathleen, on la tirait tellement fort, chacun par un bras que, quand tu as finalement lâché prise, j’ai perdu l’équilibre et je l’ai entrainée dans ma chute dans le lac. On a fini toutes les deux trempées, et toi, tu n’as fait que rire tout le long du trajet pour retourner chez nous. »

Au souvenir agréable de cette anecdote, un sourire amusé se dessine sur le coin de mes lèvres. Bien sûr que je m’en rappelle, comment l’oublier ? Ces quelques années d’innocence passées à leur côté ont été les plus belles de ma vie. Mais à mes quatorze ans, tout a basculé. Non, déjà l’année d’avant, lorsque Billie a été cruellement et injustement moissonnée. C’était la fin d’un âge d’or, d’une période bénie. Nous entrions alors brutalement dans la violence de la vie à Panem, sans plus aucun échappatoire possible. Nous ne savions pas encore à l’époque que notre sort à tous était d’ors et déjà scellé. Mais dans l’ombre, le Destin avait déjà tissé son funeste projet : aucun de nous ne serait épargné par ses plans, aucun de nous ne s’en sortirait indemne. D’abord Billie. Puis moi. Et enfin, Kathleen. Trois amis, que la mort elle-même n’avait pas réussi à séparer. Certes, j’étais le seul survivant, mais pouvait-on vraiment qualifier l’existence que je menais de vie ? Ou même de survie ? Ce n’était rien de tout ça. En vérité, j’étais mort, comme tous les autres.

« Et de celle où, contre toute-attente, tu m’as défendue devant Rumer et mon père lorsque je suis rentrée chez moi, couverte de boue, alors qu’il faisait bientôt nuit pour être sortie du District en passant sous les fils barbelés. »

Une larme se forme à la commissure de mon œil pour venir ensuite s’écouler le long de ma joue. De tristesse ou de joie ? Je n’aurai su le dire. Y’avait-il vraiment une différence entre ces deux sentiments ? Car tout ce qui avait été un jour joie pour moi n’était aujourd’hui plus que tristesse.

« J’aurai fait n’importe quoi pour toi, mais ça, tu ne le savais pas. », j’avoue d’une voix tremblante, teintée de nostalgie. De regrets, peut-être.

Je croyais à tort que Kath’, que l’amour que nous avions tous deux pour elle, était le ciment de notre amitié. Mais c’était faux. Billie et moi aurions été amis même sans cela, j’en étais intimement convaincu.

« Crois-moi, je suis Billie. »

Je peine à refouler mes sanglots. Je sais que tout ceci n’est qu’un rêve, ou bien une hallucination surgie de mon esprit tordu, mais entendre ces cinq mots me fait un bien fou. Et je me surprends à espérer que tout ceci soit bel et bien la réalité. Que Billie soit toujours vivante. En bonne santé. Qu’elle ait pris sa revanche sur le Capitole. Mais je sais qu’il n’en est rien.

« Pourquoi… Comment… », je bafouille, je ne réussis pas à formuler la question qui me trotte dans la tête. « Comment as-tu survécu ? Tu es morte, je t’ai vu. Il y avait ce sang… tellement de sang. Oui, on était tous là à te regarder mourir, et il n’y avait rien de pire. »
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