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 Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins)

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MessageSujet: Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins)   Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins) Icon_minitimeDim 30 Déc - 3:10

Con. Idiot. Crétin. Imbécile.
Rat d'égout.
Les insultes ne passaient pas ses lèvres sur le chemin du retour d'Oron. Il avait été rendre une petite visite de courtoisie à l'ancien fiancé de sa sœur. Oui, ancien. Ancien parce qu'il venait tout simplement de rompre leurs fiançailles – tout ça parce que Remy était stérile. N'était-ce pourtant pas idéal? Pas d'autre enfant à venir à envoyer à la mort, pas d'autre enfant qui craindrait pendant des années d'être pigé et de devoir tuer, ou mourir. Non. Joas ne voyait plus que l'infirme, que l'handicapée pas même bonne pour lui donner une descendance, qu'une créature qui avait perdu toute valeur. Qu'une chose désormais inutile. C'était Remy qui lui avait annoncé la nouvelle et il avait prétexté, peu de temps après, avoir oublié quelque chose à l'usine. Une course à faire qui ne prendrait pas bien longtemps... Il n'avait rien oublié du tout. Il avait seulement quelques comptes à régler avec celui qui devait devenir officiellement son beau-frère – quelques comptes qu'il avait été incapable de régler sans que son côté plus sanguin prenne le dessus et que Joas et lui en viennent aux mains. Heureusement pour lui, Oron était certes maigre, mais plus bâti que Joas... ou seulement plus hargneux. Oui, ça devait être ça.
Lâche.
Il allait quitter le district dès le lendemain matin.
Tant mieux.
Le jeune adulte - à peine la vingtaine qu'ils avaient, Remy et lui - donna un coup de pied dans une petite accumulation de neige. Cette année, l'hiver était tôt et il neigeait déjà dans le Six. Le soleil s'était couché et il se fiait donc uniquement à son sens de l'orientation pour se diriger dans les rues. Tout le monde avait fermé ses lampes extérieures (il fallait économiser, même si le district n'était pas le plus pauvre de Panem) et il ne lui restait donc que la lueur de la lune et quelques chandelles au bord des fenêtres pour trouver son chemin jusqu'à la maison qu'ils partageaient avec leurs parents.

Il entra dans la maison, qui faisait bien pitié et qui n'était pourtant pas une des plus miteuses de leur ville, et s'arrêta net devant la figure de sa sœur jumelle. Elle était là. Assise dans le fauteuil de leur salon en ordre, rangé maniaquement par leur mère qui avait cherché une occupation pour ne pas penser aux malheurs qui s'abattaient sur leur famille. Elle le regardait. Elle devait lire dans son esprit ce qu'il venait de faire, le lire sur ses jointures sanglantes, sur sa moue obstinée et furieuse. Oron détendit ses traits, prenant une expression plus douce, et fourra ses mains dans les poches trouées de son pantalon. « J'ai pas trouvé. » Un sourire rassurant et il retira son manteau trop mince, le jetant sur la patère avant de retirer ses chaussures neigeuses. Il allait devoir en changer, elles devenaient un peu trop élimées pour l'hiver qui se préparait. Il s'assit sur la chaise pour les délacer en silence, fuyant le regard de sa jumelle. Elle lisait dans son esprit. Elle devait savoir. C'était certain. Elle le connaissait. Les bruits des couverts se faisait entendre en arrière-fond. Un repas. Maigre, mais un repas tout de même. Leurs parents mangeaient de moins en moins. Ils disaient ne plus avoir faim. Ça lui faisait peur. Il n'en disait rien. Il balança ses chaussures plus loin et se redressa, changeant de sujet doucement : « J'ai emprunté un livre à Lanz, aujourd'hui. Si tu veux, ce soir, on le lira ensemble. C'est un livre de contes. »
Ils n'étaient jamais trop vieux pour des contes qui finissent bien.
Ça ne finissait jamais bien pour eux, de toute façon.


Dernière édition par Oron Silveroak le Ven 10 Mai - 2:47, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins)   Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins) Icon_minitimeDim 30 Déc - 3:44

« Adieu Joas. »
Les mots étaient morts sur ses lèvres alors qu'elle quittait la maison de son ancien fiancé.

La discussion avait été longue. Longue parce que Joas avait tourné autour du pot et que Remy n'était pas pressée d'arriver au terme de cette pénible conversation. Parce qu'elle savait ce qu'il y aurait au bout. Parce qu'elle connaissait assez bien Joas pour savoir ce qu'il pensait. Parce que les résultats de son test étaient arrivés la veille et qu'il avait pu cogiter là-dessus. Toute la nuit. Elle n'avait rien dit à ses parents. Même Oron ne savait pas qu'elle avait fait un test. Il savait, bien sûr, qu'elle et Joas avaient essayé d'avoir un enfant, malgré les dangers. Parce qu'ils s'aimaient. Enfin, c'était avant que Remy ne perde ses jambes, bien sûr. Depuis, Joas ne l'avait plus vraiment touchée. Et puis les résultats étaient arrivés et elle les avait découverts avec Joas.

Stérile. Elle était stérile. Pour toujours. Elle n'aurait jamais d'enfant qui grandirait dans son ventre. La nouvelle avait été dure à encaisser. Remy n'avait pas pu voir le bon côté des choses à ce moment-là, et elle pouvait encore moins le voir maintenant que Joas était parti. Il n'y avait pas de bon côté. Il n'y avait que des déceptions qui s'accumulaient. Elle était rentrée chez elle alors que le ciel commençait à devenir rouge et elle s'était assise lentement dans son fauteuil, avait laissé tomber les béquilles au sol et n'avait adressé la parole à personne pour un bon moment. Et puis Oron était venu vers elle pour savoir ce qui n'allait pas. Remy avait fondu en larmes dans ses bras alors qu'il se penchait sur elle pour l'enlacer. Ses paroles s'étaient emmêlées, elle n'avait plus su exactement ce qu'elle disait. Oron avait su reconstituer le fil : Joas avait rompu leurs fiançailles parce qu'elle était stérile et ne la touchait de toute façon plus depuis l'accident à l'usine.

Oron était resté contre elle un bon bout de temps, à lui caresser les cheveux et à lui promettre que ça irait. Leurs parents (devenus durs de la feuille à cause du travail à l'usine sans casques de protection) ne les entendaient que peu distinctement et les laissaient à leurs affaires. Du moment que les jumeaux veillaient l'un sur l'autre, les Silveroak considéraient qu'ils les avaient bien élevés. Ils n'avaient donc pas bougé de la table en vieux bois. Les sanglots de Remy s'étaient calmés, même si elle avait conservé son jumeau contre elle un peu plus longtemps. Et puis Oron s'était redressé : il avait oublié quelque chose à l'usine.

Remy n'eut même pas le temps de lui demander ce qu'il avait oublié que déjà il s'était éclipsé. Leur mère se leva alors et s'approcha de sa fille, pour réajuster la couverture qu'elle avait sur les épaules. Un mouvement d'humeur de Remy renvoya la femme à ses affaires, et Remy en profita pour enlever ses jambes bioniques. Puis elle rabattit la couverture qu'elle avait sur les épaules pour en recouvrir ses jambes (ou plutôt simplement le haut des cuisses, seuls vestiges des jambes qu'elle avait eues et qu'elle avait perdues sous une passerelle de l'usine où elle avait longtemps travaillé). Elle avait fixé le mur en face d'elle jusqu'à ce que Oron revienne de "l'usine", insensible à la frénésie de rangement qui avait soudainement frappé leur mère. Remy n'était pas dupe, elle se doutait en partie de ce qu'il était allé faire. Mais lorsqu'Oron rentra, la première qu'elle vit fut ses jointures sanglantes, qu'il fourra discrètement (AHEM) dans ses poches. Fronçant les sourcils, elle le suivit du regard sans rien dire. Elle savait. Bien sûr qu'elle savait. Il n'était pas son frère pour rien. Elle savait au moment où il avait prétexté de retourner à l'usine qu'il allait faire savoir ce qu'il pensait à Joas. Et avec ses poings.

Si elle était d'un naturel doux, Oron avait en lui toute l'impulsivité de leur duo, sans aucun doute. Et ils le savaient tout aussi bien l'un que l'autre. Mais il tenta quand même de faire comme si de rien n'était : « J'ai emprunté un livre à Lanz, aujourd'hui. Si tu veux, ce soir, on le lira ensemble. C'est un livre de contes. ». L'idée la ravit, certes. En temps normal, elle aurait sans doute réclamé qu'il la porte jusqu'à son lit, pour lire. Mais elle était occupée à lui faire les yeux noirs, histoire de lui faire savoir qu'elle l'aimait énormément, mais qu'elle n'approuvait pas ce qu'il venait de faire. Et qu'elle savait pertinemment ce qu'il avait fait. Et qu'elle n'était vraiment pas d'accord.

« C'est pas parce que j'ai des béquilles que t'as le droit de casser la gueule des gens pour moi. »

Parce que même si une partie d'elle appréciait le geste protecteur qu'elle devinait sous l'acte impulsif de son jumeau, elle se sentait violemment impuissante ces derniers temps. Vraiment. Encore plus quand elle avait ôté ses jambes bioniques qui gisaient sur le sol au pied du fauteuil, à côté des béquilles, comme maintenant, quoi. Qu'elle se sentait comme une demie-femme. Et qu'elle en souffrait. Et que le seul contre qui elle pouvait élever le ton à ce moment-là était face à elle, en chaussettes, assis sur une chaise, l'air innocent comme un gosse avant sa première Moisson.

« C'est pas juste, tu sais. Et je sais que tu l'as fait pour moi, mais t'aurais pas dû. »

Elle connaissait son frère, et elle savait qu'il était aussi têtu qu'elle quand ils s'y mettaient. Alors ça n'était certainement pas terminé. Et le connaissant, il aurait forcément son mot à dire. Surtout que ça n'était pas juste non plus qu'elle commence à l'engueuler (sur le ton de la discussion, certes) alors qu'il était le seul qui était là pour elle depuis le début et serait là jusqu'à la fin.
Les contes de fées étaient remis à plus tard, pour l'heure.
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MessageSujet: Re: Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins)   Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins) Icon_minitimeDim 30 Déc - 6:45

Ça ne servait à rien de détourner le sujet. Ni d'essuyer le quelque peu de sang qui était sur ses jointures sur son pantalon sans discrétion aucune – bon, d'accord, il avait quand même bien refait le portrait de Joas. Il n'en était pas spécialement fier. Joas était son ami. Était. Il l'avait bien apprécié, pendant tout le temps qu'il était fiancé à sa sœur, il s'était presque fait à cet intrus dans le duo qu'il formait avec Remy. Évidemment, il avait tout gâché. Et il avait mérité ce qu'il lui avait fait. Les mots un peu amers, tendus de reproche, de la blonde ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd. Sa réponse? Un haussement d'épaules désintéressé, ses yeux vert-de-gris qui fuient une nouvelle fois ceux de Remy pour observer les photographies qui trônaient dans la bibliothèque peu remplie.
Il cassait la gueule de qui il voulait, d'abord.
Oron baissa les yeux pour regarder ses pieds, avant de brusquement relever la tête. Juste? Juste? Qui donc était-elle pour parler de justice? Si c'était bien quelqu'un envers qui la vie était injuste, c'était bien elle. Joas pouvait bien s'en prendre un peu dans la gueule. Et il n'aimait pas comme elle semblait lui reprocher un acte qui était entièrement mérité et fait en son nom, parce qu'elle n'aurait jamais osé le faire. Trop douce, sa Remy. Trop tendre. « Et tu crois que c'est juste, ce qu'il fait? » Sa voix avait été un poil plus agressive que ce qu'il avait voulu.

Il attrapa sa chaise en se levant et la traîna pour la mettre devant Remy. Il n'était jamais devant elle – toujours à ses côtés. Dans le fauteuil à côté du sien, debout tout près d'elle, sa main dans la sienne, une ombre qui la suivait constamment. Ils avaient toujours été ainsi, inséparables. S'asseoir devant elle, c'était la confronter. Et ça ne leur arrivait pour ainsi dire jamais. Il s'assit à nouveau sur la chaise, qui ne craqua même pas sous son poids pas bien impressionnant. Pas un regard pour les jambes bioniques au sol, ou les béquilles. Remy était bien plus qu'un stupide handicap, qu'un stupide accident, qu'une stupide stérilité.

« J'y peux rien si c'est un sale crétin doublé d'un lâche et même triplé d'un rat. » Oron renifla avec mépris après avoir fait ce commentaire à voix basse. Personne pour les entendre, de toute manière – ce n'étaient sûrement pas leurs parents qui allaient épier leurs conversations. « Il l'a cherché. Il le méritait. » Catégorique. Joas méritait amplement le poing – les poings – qu'il lui avait gentiment foutu sur la gueule. Il en méritait même plus, à son humble avis, mais il avait été clément. Il essuya une nouvelle fois le sang de ses jointures, sans succès puisque celui-ci avait eu le temps de sécher, avec un geste rageur. Demain, il allait sentir le sang au travail. Le sang et la sueur de celui qui s'est battu. « Te laisser comme si tu étais un stupide jouet brisé... et toi tu dis que c'est injuste que je fasse ce que tu oseras jamais faire. »
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MessageSujet: Re: Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins)   Petits contes (et comptes) malheureux (silveroak twins) Icon_minitimeDim 6 Jan - 22:58

« Et tu crois que c'est juste, ce qu'il fait? » Le regard qu'elle lui lança à ce moment précis aurait pu le pétrifier, mais il ne le croisa pas, trop occupé à se lever, prendre sa chaise et venir se planter en face d'elle. En face. Ils étaient vraiment partis pour une engueulade, si vous voulez mon avis. Elle aurait préféré qu'il la confronte tout en étant assis à côté d'elle. Parce qu'elle aurait eu l'impression qu'il s'agissait simplement d'échanger un point de vue. Mais là, ils se regardaient, les yeux dans les yeux, et ils étaient en train de s'opposer sur un point qui n'aurait pas dû causer tant de remous.

Remy ne répondit pas, bien sûr. Elle le regardait, en essayant de ne pas ciller. Oh, elle ne haïssait pas son frère (comment aurait-elle pu ?), mais elle détestait cette situation. Ne pas être possible de frapper, de faire mal à l'autre lâche qui l'avait abandonnée à un moment où elle avait cruellement besoin de soutien. Elle n'avait plus de jambes, simplement des bouts de métal et de plastique qui liés en une armature bionique lui permettaient d'avancer avec un grincement qui annonçait son arrivée. Certains la voyaient seulement comme la femme qui avait survécu à l'effondrement d'une passerelle, mais avait des jambes bioniques. Oron, lui, la voyait autrement. Et elle le savait. Deep down, elle savait qu'il n'y avait sans doute que lui qui pour le moment là voyait comme elle était réellement. Qui la voyait à travers ses manques et passait outre. « J'y peux rien si c'est un sale crétin doublé d'un lâche et même triplé d'un rat. » avait-il lâché à voix basse. Elle avait entendu. Elle déglutit. Joas lui avait brisé le cœur en la quittant ainsi, mais elle l'aimait encore un peu. La passion s'était éteinte bien sûr, mais pas encore les sentiments. Alors même si elle savait que son frère avait raison, ça lui faisait mal d'entendre ça. Mal de ne pas avoir pu le voir plus tôt. Mal d'avoir été rejetée par un type pareil.

Les yeux de Remy brillaient et elle regardait à présent le sol sous la chaise d'Oron. Le tapis rêche, usé, terni par le temps. Les chaussettes d'Oron, qui allaient finir par se trouer s'il ne les reprisait pas. Et son regard remonta jusqu'à Oron qui continuait sur le même ton catégorique qu'il avait eu depuis le début de leur houleuse discussion. « Il l'a cherché. Il le méritait. » L'agacement avait laissé placé à un profond vide. Elle aurait voulu se pencher et poser sa main sur celle d'Oron, sur les jointures sanglantes de son frère jumeau. Mais se pencher, c'était s'avancer vers le vide, et elle n'était pas sûre d'avoir le bras assez long pour rester en équilibre. Alors elle resta enfoncée dans son fauteuil, et s'assura qu'elle avait bien bordé la couverture qui couvrait ses hauts de cuisses. « Oron… » commença-t-elle, mais déjà il la coupait, toujours bouillant de rage. Peut-être ne l'avait-il même pas entendue, à vrai dire… « Te laisser comme si tu étais un stupide jouet brisé... et toi tu dis que c'est injuste que je fasse ce que tu oseras jamais faire. »

Les mots d'Oron eurent l'effet d'une gifle. Il avait raison, elle le savait parfaitement. Elle savait bien qu'elle n'était pas comme lui, qu'elle n'aurait jamais osé frapper Joas (notamment parce que Joas était plus grand et plus fort qu'elle, mais c'est une autre histoire, hein). Certes, elle aurait voulu lui coller un coup de béquille, mais elle n'avait pas osé, parce qu'elle serait tombée dans le mouvement. Elle ne pouvait plus agir comme l'aurait fait Oron. Ses mouvements avaient des conséquences. Tous ses mouvements. Oui, elle n'était pas un stupide jouet brisé, comme le disait son frère. Mais quelque chose s'était cassé en elle, lorsque la passerelle s'était effondrée sur elle et qu'elle s'était réveillée sans ses jambes. Elle avait deux chemins à prendre : l'un qui consistait à s'apitoyer sur elle-même et qui était profondément tentant en ce moment ; l'autre qui aurait pu l'amener à se battre contre cette injustice… mais elle ne savait même pas qui blâmer. D'une voix nouée, elle profita du silence qui était tombé sur eux pour reprendre la parole : « Oron, je sais qu'il le méritait. Et si j'avais pu, j'aurais… fait quelque chose. Mais il faut te rendre à l'évidence. » Il fallait elle aussi qu'elle le fasse, et c'était plus dur à accepter. « Je dois apprendre à me débrouiller seule, tu sais. » Elle déglutit de nouveau. « J'ai besoin de toi. J'ai encore besoin de toi, parce que je ne peux rien faire toute seule, là. Mais j'ai besoin que tu m'aides à les faire seule. Je… sais plus… ce que je dis. » Elle soupira, confuse. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait lui dire. La perspective de s'engueuler avec lui lui serrait le cœur, sans doute aussi parce qu'elle avait eu assez mal aujourd'hui. « Je n'ai plus de jambes. Je n'aurais jamais d'enfant. Je ne suis même pas sûre que j'aurais de nouveau un amoureux, si tu veux tout savoir. La seule chose donc je suis sûre, c'est que t'es là. Que t'es là pour moi, pour casser la gueule à n'importe quelle personne qui me fera du mal. Mais tu peux rien faire pour mes jambes perdues, ou ma stérilité, ou mon cœur brisé. Oui, j'ose rien faire, là. J'ose rien faire parce que j'ai peur. Et toi, toi t'as jamais peur. T'as peur de rien. Joas aurait été un pacificateur que ça aurait été la même chose, tu lui aurais quand même cassé la gueule, comme ça, pour moi. Mais moi… Moi j'ai peur tu vois. J'ai peur de tomber. J'ai peur de pas réussir à me relever, à avancer dans la vie. Alors oui… j'ose pas. J'ai pas osé lui coller des… des coups de béquille. J'ai pas ta force, tu vois ? Et je… » Sa voix s'était brisée pour la deuxième fois de la journée. Ses dernières phrases avaient été hésitantes, bégayantes, difficiles à sortir… Oui, elle était trop tendre, pas encore endurcie par ce qu'elle vivait. C'était pour cela aussi qu'elle avait besoin de son frère jumeau. De sa dureté. De sa force. De son soutien. De sa présence.
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