T’as disparu. Du jour au lendemain. Sans prévenir. T’es parti. Tout simplement parce que tu le devais. Parce que les rebelles avaient besoin de toi, de tes informations, et que le district treize te manquait. Le but de cette mission n’était pas de te laisser vivre ton amour au Capitole. Loin de là. Non, tu étais censé être un espion. Un espion efficace, et non distrait par les beaux yeux d’Aranel, de préférence. Ils n’ont pas du tout aimé cette histoire, au district treize. On t’avait bien spécifié au début qu’il ne fallait que tu ne t’attaches à personne. Mais ça a été plus fort que toi. Les rebelles t’ont remonté les bretelles, tu t’es énervé. Tu disais que tu pouvais avoir une vie privée, après tout. Mais ils t’ont convaincus, et tu t’es écrasé. Tu leur as donné raison. Tu n’étais pas parti au Capitole pour penser plus à une femme qu’à ta mission. Il fallait que tu la rayes de ta mémoire, de ton cœur. Tu savais que c’était impossible, et ils le savaient aussi. On a d’abord pensé à te garder au district, et d’envoyer quelqu’un d’autre au Capitole à ta place. C’était mieux pour tout le monde. Sauf pour toi. Mais finalement, tout le monde te savaient plus efficace « sur le terrain », malgré ton irréversible amour pour ce qu’ils appelaient « l’ennemie ». Alors après deux mois dans ton district natal, tu es retourné au capitole en promettant de faire tout pour éviter Aranel. Il fallait que tu te concentres à 100% sur ta mission. Après tout, qui était-elle pour te perturber comme ça ? Qui était-elle pour se permettre de changer le cours de ta vie ? De ton but ? Personne, elle n’était personne. Du moins, c’est ce qu’ils t’ont tous dit. Alors il fallait que tu l’évites, et que tu te débrouilles pour changer d’équipe au prochain hunger games. Ça ne devrait pas être bien compliqué. Il y’a des milliers d’habitants au Capitole, après tout. Peut-être qu’un jour, tu cesseras de penser à elle. Peut-être que tu l’oublieras.
Ça doit faire un jour que tu es de retour au Capitole. Peut-être deux. Tu as dû parler à deux trois collègues qui faisaient partis de ton équipe, mais sans plus. Tu n’as plus rien à faire maintenant que les Hunger Games sont finis. Enfin, presque rien. Tu as beaucoup de temps libre, même si tu as quelques réunions de temps à autres. Mais surtout : tu dois recueillir des informations qui pourraient être utiles pour les rebelles. Alors tu cherches. C’est le début de l’après-midi, et tu décides d’aller prendre l’air, de flâner un peu dans les rues, tout seul. Tu n’as pas vraiment d’amis ici, de toute manière. Tu te promènes donc, rentrant de temps à autre dans une boutique, pour regarder sans grand intérêt les objets mis en vente. T'es en train de lire la quatrième de couverture d'un vieux bouquin , chez un libraire, quand tu entends un son qui t'es familier. Ou plutôt une voix. Celle d'Aranel. Tu as une boule a une boule au ventre, et tu restes figé pendant quelques secondes. Tu devrais partir avant qu'elle ne te voit. Mais tu ne peux pas, tu n'arrives pas à t'y résoudre. Il faut que tu la voies. Tu t'avances, doucement. Tu te caches derrière une étagère, et tu prends un livre afin que tu puisses voir de l'autre côté de la rangée à travers un minuscule trou. Elle est là, elle parle au libraire. Elle est éblouissante. Elle a sûrement déjà tourné la page, trouvé quelqu'un d'autre. Après tout, votre "histoire" n'a duré que deux semaines. A peine. Bon sang Camaël, il faut que tu partes d'ici, que tu partes loin d'elle. Tu ne dois pas tomber dans son piège. Et pourtant, elle commence à partir de la boutique. Sans savoir pourquoi, tu la suis. Discrètement, cela va de soit. T'es attiré par elle comme par un aimant, et tu ne peux pas t'empêcher de rester près d'elle. T'essaies tant bien que mal de te cacher afin qu'elle ne remarque pas ta présence. Il ne faut pas qu'elle te voit, il ne faut pas qu'elle te parle. Tu n'as pas le droit.

Si on t'avais mise en garde, tu ne l'aurais sûrement pas cru. Tout simplement parce qu'à tes yeux, Camaël n'était tout simplement pas capable de se barrer sans te donner de nouvelles du jour au lendemain. Tout simplement pas capable de te laisser seule. Tout simplement pas capable de t'abandonner. Tout simplement pas capable de mettre fin à votre histoire en ne donnant pas le moindre signe de vie. Les premiers jours, tu ne t'étais pas trop inquiétée. A vrai dire, vous êtiez ensemble depuis environ deux semaines et vous avez chacun vos vie, pas de soucis donc, à ne pas se voir pendant trois jours. Mais c'est au bout d'une semaine sans réponse, sans rendez-vous, sans nouvelles, que tu as commencé à t'inquiéter. Tu es allée chez lui, tu es entrée (parce que rien n'était fermé, bizarrement), tu n'as trouvé personne. Tu as eu peur, tu as cherché dans les endroits où tu étais le plus susceptible de le trouver, sans grand succès. Et à partir de ce moment là, tous les pires scénarios envisageables par ton esprit se sont déchainés dans ta tête, de la mort prématurée de Camaël à une possible double vie. Et puis tu t'es finalement dit qu'entre vous, c'était certainement fini, au bout d'une semaine sans aucune nouvelle. Deux mois plus tard, tu en as toujours gros sur le coeur et tu aimerais toujours comprendre pourquoi il t'a abandonné sans rien te dire. Tu sais que tu n'es pas parfaite, tu as pleins de défis plus énervants les uns que les autres mais tu aurais préféré une réelle rupture plutôt qu'une perte de contact. Maintenant, dans ton esprit, soit Camaël est mort (et ça t'attristerait vraiment), soit il est un lâche. De toute façon, il est maintenant presque certain que tu ne connaitras jamais la vérité sur ce qu'il lui ai arrivé et que tu ne le reverras jamais. Ca n'est pas pour ça que tu as tourné la page, ceci dit. Tu as beaucoup de mal à ne pas faire de cauchemars, beaucoup de mal à ne pas penser à lui pour X raisons, beaucoup de mal à ne pas te sentir seule le soir et beaucoup de mal à te lier avec quelqu'un désormais. Mais la vie suit son cours, parce que tu n'as pas d'autre choix que d'avancer et de regarder vers un avenir où il n'apparait pas et où tu seras différente. Au fond, son absence de deux mois te détruit complètement. Tu aimerais vraiment pouvoir faire quelque chose pour pallier à ça, t'aimerais trouver une solution durable à ton problème mais tu n'y parviens pas... Jewel n'est plus qu'un diamant brisé, disent certains de tes "amis". T'as fait courir le bruit que vos fiançailles étaient rompues, sans donner de raisons parce que "ça ne regarde que lui et moi". Mais depuis que vos fiançailles sont rompues aux yeux du Capitole, les rumeurs vont bon train. Certaines l'accusent de t'avoir trompée, d'autres d'être partit avec une autre du jour au lendemain, d'autres d'en avoir eu assez de toi, d'autres encore disent qu'ils t'as battu et que tu l'as donc quitté. Bref, il passe pour le salaud de service dans chaque version, ce qui ne te plait guère. Néanmoins, les absents ont toujours tort, c'est bien connu...

Aujourd'hui, il fait bon et t'as décidé de sortir un peu de ton atelier afin de t'adonner à une autre activité très enrichissante pour toi : faire les magasins. T'as besoin de quoi lire, de quoi faire de nouvelles robes (parce que tu commences à perdre de l'avance niveau fringues et t'es pas du genre à porter deux fois le même vêtement. De toutes façons, au Capitole, porter deux fois la même chose ne se fait pas, alors tu fais en sorte de t'adapter. Et puis, t'aimes bien changer et pouvoir confectionner tes propres vêtements t'aident vraiment à rester toi-même en toutes circonstances. De toutes façons, dans les boutiques de vêtements, on ne trouve pas grand chose comme ce que tu fais, c'est peut-être aussi pour ça que tu es aussi demandée. Tu fais donc tes petites affaires, sans faire réellement attention aux gens alentours, parce que de toutes façons, ils ne sont pas intéressants. C'est là que tu te rends comptes de combien Camaël et son absence te font mal. Tu n'as plus d'intérêt pour quoi que ce soit, juste pour ton travail. Et encore... Quand tu sors de la librairie, les bras chargés de livres, tu passes devant une boutique de tissus dont tu scrute la vitrine. Tu entres, une petite sonnerie retentit et tu souris. Tu es dans ton élément, tu vas bientôt pouvoir acheter des tonnes de tissus afin de créer de nombreux vêtements. Tu ressors avant de faire un quelconque achat et tu tombes nez à nez avec un Camaël qui semble tout aussi surpris que toi. Tu restes bouche-bée, tes livres glissent de tes bras et tu te baisses rapidement pour les ramasser. « « Camaël... ? » » dis-tu, comme si c'était la question la plus intéressante du monde. « Je... t'étais où ? » »

Deux mois. C’est long, deux mois. Très long. Le capitole ne t’a pas du tout manqué, mais tu n’aurais pas cru qu’elle, elle te manquerait tant. Et ça te tue d’être aussi dépendant d’elle et de sa présence. Tu n’as pas arrêté de penser à elle. Que ce soit en bien ou en mal, tu pensais tout de même à elle. L’amour de ta vie. La seule, l’unique. Si ce n’est pas avec elle que tu feras ta vie, ça ne sera avec personne d’autre. Et la situation actuelle montre bien que tu finiras finalement seul. Tant pis. De toute façon, dans un ou deux ans, tu seras mort. Bref. Tu l’as suivi bêtement, attiré par elle comme par un aimant. Tu la suis, tu l’observes, tu l’admires, tu gardes tes distances. T’espères qu’elle ne te verra pas, tu ne désires pas lui parler. Non, en réalité tu en meurs d’envie, mais il faut que tu la rayes de ta vie. Définitivement. A défaut de perdre la confiance que les rebelles te portent, à défaut de les décevoir. Et ça, tu ne peux pas. C’est inconcevable. Tu t’es perdu au fin fond de tes pensées, et tu te retrouves finalement nez à nez avec Aranel sans t’y attendre. Ton cœur fait un bond dans ta poitrine, et tu lâches un minuscule « merde » non volontaire. Dès que ses livres tombent, ton reflexe est de te baisser pour les ramasser et les lui rendre. C’est bête, elle a eu la même idée que toi. Collision de tête. Rien de bien méchant, mais vous avez l’air bien idiot, comme ça. « Camaël... ? » Au moins, elle n’a pas oublié ton prénom. C’est déjà ça. T’en viens à te demander comment elle a pris ta disparition. Ce qu’elle en a pensé, ce qu’elle s’est dit. Si elle a refait sa vie, si elle t’a déjà oublié, si elle est passée à autre chose, si elle en a rien à faire. Parce que oui, c’est long, deux mois. Peut-être que tu vas le savoir, là, maintenant. Ou peut-être pas. « Je... t'étais où ? » Si ça ne tenait qu’à toi, tu lui dirais tout. Toute la vérité, de A à Z. Mais tu ne peux pas. Tu laisses quelques secondes de silence, tu ne réponds pas. Que peux-tu répondre à ça ? Quel mensonge peux-tu inventer ? Il faut que tu réfléchisses vite. « Ici et là … J’avais des affaires à régler. » Au moins, ça s’est fait. Depuis tout à l’heure, tu évites au maximum de croiser son regard. T’essaye de repenser à tout ce qu’ils t’ont dit au district 13 durant ces deux derniers mois. « Ennemie, blabla, mission, blabla, confiance, blabla, amour, blabla, camp adverse, blabla, le mal, blabla, re-ennemie, blabla, pas de distraction, … » Tout ces mots qui on fait qu’ils ont réussi à t’enrôler, et à te dire qu’elle n’était pas bien pour toi, qu’aucune relation n’était bien pour toi, en fait. Tu tentes de t’accrocher à ces mots, à ces phrases, tout simplement pour ne pas flancher. Pour réussir à garder ton air plus ou moins froid que t’avais quand t’es arrivé au Capitole, avant que tu ne tombes amoureux. T’as tout de même passé vingt-six ans de ta pauvre existence sans avoir besoin de personne, et là, paf, elle arrive, et tout change. On peut carrément dire qu’elle apparaît au mauvais moment dans ta vie. M’enfin. « Et euhm… Tu vas bien ? » Tu poses enfin ton regard sur elle. Tu te trouves idiot. Ta question est idiote. La situation tout autant. T’es gêné, parce que tu ne sais même pas ce qu’elle pense de tout ça, au final. Et t’as envie de lui dire que t’es désolé. T’as envie de lui dire que tu l’aimes. T’as envie de la serrer fort dans tes bras. T’as envie de l’embrasser. Parce qu’au fond, face à elle, tu n’es rien d’autre qu’un faible.