ANDREW & YSOLDE

Se lever du mauvais pied prenait tout son sens en ce moment pour Drew depuis que ce dernier s'était vu forcé d'aller en mission au Capitole, assigné pour protéger les tributs de son district. En plus du fait de se retrouver loin de chez lui, loin de son petit Sam et loin de ses habitudes, il se retrouvait coincé là avec la garce. Bon sang, aucun mec n'avait assez de couilles de part chez eux pour savoir lui dire non ? C'est vrai qu'elle avait toujours très bien su comment s'y prendre pour manipuler son petit monde et obtenir ce qu'elle voulait. Non était un mot qui ne devait sûrement pas figurer dans son vocabulaire... Mais aujourd'hui, comme pour le rendre un peu plus de mauvaise humeur qu'il ne l'était déjà, il se retrouvait de corvée. Il été assigné à la surveillance d'un repas réunissant les huiles des Jeux. Comme s'il n'avait que ça à foutre tiens, jouer les baby-sitter pour tout ces idiots qui l'ignoreraient toute la soirée. Parfois il se demandait bien si son cher paternel n'aurait pas mieux fait de le laisser se dépatouiller avec ses emmerdes, il serait sûrement en cellule à l'heure qu'il est, mais ça lui éviterait ce bal d'hypocrites au moins. Bon, il essayait de voir le bon côté des choses tout de même. Il pourrait taper dans le buffet, personne ne le verrait. Ça le changerait des sempiternelles rations données aux Pacificateurs. La bouffe était abondante pour eux, mais pas forcément très bonne pour autant. Il n'en délaisserait pas pour autant son job, pour sûr, mais qu'est-ce qui pouvait bien arriver d'un tant soit peu palpitant dans une telle soirée ? Qu'un convive tombe, ivre mort au sol ? Mouais, distrayant grosso modo à peine deux secondes.

Mais déjà l'heure approchait et il fallu bien commencé à se préparer. Un minimum de prestance était exigée à ce genre de dîner. Il ne pouvait donc pas débarquer avec sa barbe de trois jours et avec une tête de déterré. Une douche froide achèverait de le réveillé et de le faire voir l'air frais et dispo. Mais bon, cette soirée promettait d'être interminable pour lui. Rester planté là à ne rien faire alors qu'il avait une furieuse envie de se défouler, dur dur. Une fois fin prêt, il quitta les quartiers réservés aux Pacificateurs et se rendit vers la salle de réception qui accueillerait le dîner ce soir. « Que les hostilités commencent... » dit-il à voix basse en franchissant le seuil de la salle. Les premiers convives suivirent peu après. Et à peine une demie-heure après le début, Drew avait déjà du bailler une bonne dizaine de fois. Il faut dire qu'observer les gens se goinfrer tout en discutant de sujets futiles puisqu'ils parlaient pour la plupart de choses qu'ils ne connaissaient pas, qu'ils n'avaient jamais vécu aussi, c'était d'un soporifique. Puis il y avait toujours la galerie de portraits récurrents: celui qui sait tout sur tout et qui aime vous le faire comprendre, celui qui veut se faire voir de tous en arborant une tenue extravagante même pour le Capitole, celle qui attirait tous les regards malgré elle et tous les autres. C'est dans ces moments là que oui, il se disait qu'il ferait mieux d'arrêter de jouer les agents-doubles et de rejoindre la Rébellion pour de bon. Mais hélas, il pensait à sa grand-mère et à son fils. Quand le moment viendrait, il le ferait. Une fois sûr et certain que les personnes auxquelles il tenait vraiment n'aient pas à craindre les conséquences de sa désertion. Et oui, contre toute attente, Drew avait un cœur, bien caché certes, mais puisque tout le monde le pensait être le dernier des salops, pourquoi les contredire puisque c'était bien plus facile de prétendre être quelqu'un d'autre ?

Mais la soirée n'allait pas tarder à prendre un tour bien plus intéressant. Pour lui en tout cas. Il observait les personnes présentes dans la salle, histoire de repérer la présence d'un rebelle ou de quoi que ce soit qui lui paraisse déplacé, suspect et son regard se posa sur un visage familier. Elle ne portait pas son uniforme et avait sorti le grand jeu même. Histoire de se fondre dans la masse bien entendu. Ysolde n'avait besoin d'aucun artifice extérieur pour réussir à charmer. Et elle le savait parfaitement puisque c'était sans doute sa meilleure arme pour obtenir ce qu'elle voulait. Il se demanda donc ce qu'elle venait faire là. Si elle se faisait prendre, il y avait fort à parier que leur chef la renverrait illico presto chez eux, au District 9, ce qui lui rendrait la vie plus simple déjà. Il pensa donc une seconde à la dénoncer, purement et simplement, laissant le plaisir à un autre de la prendre sur le fait, captant juste son regard une seconde pour la laisser savoir qui était celui qui avait pu la dénoncer. Mais depuis qu'elle s'était introduit chez lui la dernière fois, il préférait l'ignorer. Tout simplement. Ce qui semblait d'ailleurs emmerder la jeune femme plus qu'elle ne voulait l'admettre. Tant mieux. Il fit donc mine d'avancer vers le buffet où elle se tenait à présent et une fois derrière elle, arrivé à pas de velours, il glissa ses lèvres près de son oreille. « Donnes-moi une seule bonne raison de ne pas te dénoncer auprès de nos chers supérieurs sur le champ. Ravissante la robe, on te prendrait presque pour une dame du monde. Presque. » murmura-t-il à l'adresse de la jeune femme, d'une voix cynique et glaciale. C'était grisant de la savoir en position d'infériorité, elle qui ne supportait pas ça...

L'étalage de monts et merveilles toutes aussi futiles les unes que les autres. Voilà ce qui résumait bien le banquet de ce soir. Ostentatoire. Inutile. Indécent. Des gens crevaient de faim dans certains districts pendant que la gratin du Capitole s'empiffrait à s'en faire vomir. Oui, Drew commençait réellement à ne plus pouvoir supporter tout ça. Mais heureusement pour lui, il savait donner le change. C'était ça ou y rester de toute manière. Il pouvait donc se forcer à sourire et à faire semblant d'apprécier l'ambiance. Et oui, contre toute attente le salopard avait un cœur, qui l'eut cru... Encore heureux que ses collègues et supérieurs ne puisent pas entendre ses pensées, sinon, il ne serait déjà plus là. A n'en pas douter. Il trouvait juste ça un peu triste qu'il ait fallu la disparition de la seule femme qu'il ait aimé et qui avait réussi à voir au-delà de son image de gros sadique sanguinaire. Selma lui manquait souvent ces derniers temps. Il adorait l'entendre rire. De ce rire si particulier. Un rire que leur fils n'avait sûrement jamais pu entendre d'ailleurs.
Il sentait la rage remontée en lui à nouveau en pensant à tout ça. A combien il haïssait son père qui l'avait toujours privé de ce qu'il aimait le plus. Et ce depuis sa naissance. Par pur égoïsme. Car il refusait que quoi que ce soit échappe à son contrôle. Si seulement ce dernier savait que son fils unique avait rejoint les rangs des Rebelles. Il en aurait une attaque. Mais Drew se réservait le plaisir de voir sa tête quand il lui annoncerait un jour ou l'autre. Juste pour voir ce monstre souffrir à son tour. Certes ainsi, il n'était pas mieux que lui, mais les chats ne font pas des chiens pas vrai ? Et le dicton dit bien que l'on récolte ce que l'on sème alors...

Mais bon. Il était de corvée ce soir, il fallait donc faire avec. Et c'était peut-être quand même préférable d'être là plutôt que dans ses quartiers, il pouvait mentalement se foutre de tous ceux qui se pavanaient ici. Ça l'occuperait une bonne partie de la soirée au moins. Il faut dire qu'il y avait certains spécimens ici plutôt difficile à ne pas voir, tant les couleurs et autres artifices multipliés sur eux se conjuguaient pour faire en sorte de ne surtout pas passer inaperçu. Le Capitole, royaume des m'as-tu vu en tout genre. Royaume des faux-culs et autres hypocrites. Il n'était cependant pas dupe. Car lui aussi au fond, en faisait partie. Mais c'était plus utile qu'il reste pour le moment encore parmi les Pacificateurs, afin d'aider au mieux les rebelles de son district. Mais un jour ou l'autre, au moment le plus opportun, il filerait vers le 13 avec Samuel et si elle le pouvait, sa grand-mère. Sa mère ne viendrait pas, il le savait. Trop loyale envers son mari même si elle aurait volontiers suivit son fils. Mais il ne lui en voulait pas. La pauvre avait depuis le temps choppé le syndrome de Stockholm avec son mari. Tout comme lui, elle n'avait jamais eut son mot à dire de toute façon.
Mais la soirée pris un tournant plus intéressant quand il reconnu Ysolde dans l'assemblée. Depuis leur arrivée au Capitole, elle avait adopté un comportement étrange. Enfin, plus étrange qu'à l’accoutumée j'entends. Pas qu'elle se soit jamais comportée de façon "normale" avec qui que ce soit. Si ce n'est peut-être son frère jumeau, et encore, il avait des doutes sur la question. Il l'observa donc évoluer dans la foule des convives attendant le moment opportun pour aller la saluer. Et accessoirement ruiner ses plans, quels qu'ils fut. Car si elle était là, c'était pour une raison bien précise. Il ignorait laquelle, mais s'il pouvait faire en sorte de la faire foirer, il ne s'en priverait pas. Nul doute que pour se retrouver ici elle avait fait usage de ses atours féminins, il savait comment elle agissait. De quoi elle était capable pour obtenir l'objet de ses désirs. Mais elle n'était pas au bout de ses peines avec lui dans les parages.

Quand la vieille sembla enfin décidée à lâcher la grappe de la jeune Pacificatrice, il se faufila donc discrètement derrière elle et lui adressa un compliment à sa sauce. En clair, c'était tout sauf ça. Excepté peut-être pour la robe qui lui allait à ravir. Bah quoi ? Il avait beau la haïr pour ce qu'elle avait osé faire, il restait un mec, et aussi objectif qu'il puisse être vu la situation, elle était jolie dans cette robe. Peut-être même plus que ça. Mais vous vous doutez bien qu'il préférerait mourir plutôt que de lui dire. La réponse de la jeune femme ne se fit pas attendre. Il regarda autour d'eux un instant avant de répondre à son tour. « Ca n'a pourtant l'air de gêner personne pour l'instant. Pas d'bol. » rétorqua-t-il alors. C'est à ce moment que la vieille choisit de faire son retour. Presque comme un papillon vers la lumière. Elle fut alors bien heureuse de pouvoir l'utiliser comme bouclier pour repousser le nouvel assaut de la vieille aux cheveux verts argentés. Puis elle reprit la parole pour essayer de l'atteindre en jouant sur le fait qu'il n'était pas invité à la fête. Et ça devait lui faire un truc de ne pas l'être ? Tout comme ça devrait l'emmerder de la regarder se pavaner et boire, ou même flirter avec un mec ? Humm.. Mauvaise pioche ma chère. Il ne pouvait pas plus s'en battre les couilles que ça à l'heure actuelle. Il s'étonna cependant de voir qu'elle n'était plus aussi perspicace de ce côté là. Puisque habituellement, ses piques faisaient mouche, mais pas là. Étrange... Il prit donc un visage faussement vexé avant de répondre. « Aoutch... Touché. »
Il l'observa donc aller s'engloutir ses verres de whisky au bar. Comme si ça devait lui faire quelque chose tiens. Elle était assez grande pour savoir se gérer, tant pis pour elle si elle finissait à vomir sur sa jolie robe à force de se saouler. Il la vit saluer de loin un homme avec des moustaches de chat. Sans doute celui grâce à qui elle avait pu entrer ici. Pauvre homme. Il espérait sûrement avoir ses faveurs à nouveau sous peu mais il déchanterait vite en comprenant qu'il n'avait servi que d'intermédiaire pour elle. Son attention revint alors sur la garce. Il la dévisageait avec toute la froideur qu'il pouvait montrer envers elle. Elle voulait qu'il s'en aille. Ce que Madame veut, Madame a... « Non, ne t'inquiètes pas, je vais te laisser profiter de la sauterie. Je m'en voudrais de priver ce gentlemen de pouvoir te sauter encore une ou deux fois avant de comprendre qu'il ne te reverra jamais. Ma gentillesse me perdra un jour... » dit-il en haussant les épaules, tout en enfonçant ses mains dans ses poches avant de commencer à retourner à sa place. Il piqua au passage un petit canapé au saumon, pour bien lui faire comprendre que s'il le voulait, lui aussi pouvait tout aussi bien profiter de la fête sans même -contrairement à elle- avoir à prétendre faire partie de ce monde de dégénérés.