Encore une réception. Si ce n'était pas pour attirer des sponsors à mes tributs, il y a longtemps que j'aurai arrêté d'y aller. Toute cette foule, toutes ces voix... Brrr.
J'observe mon reflet dans la glace et tire doucement sur ma cravate. Mon costume sur mesure me gratte, et mes chaussures me font mal. Je préférerai mille fois rester ici, au calme. Je sais parfaitement comment va se dérouler la soirée. J'entrerai, devrait complimenter l'hôte, ou l'hôtesse pour sa magnifique demeure, aurait à saluer des dizaines d'inconnus et finirait assit à une table, une coupe à la main, congédiant avec un faible sourire quelques jeunes femmes. Ca ne m'emballe pas, vraiment pas.
Je sais qu'en bas une voiture m'attend, et me prend à rêver qu'elle s'en aille, m'oublie, me laissant une excuse géniale pour l'absence. Mais elle ne part pas. Je descend donc, la mine défaite. Le trajet n'est pas bien long, pas assez pour tout vous dire. Nous roulons une dizaine de minute puis il s'arrête face à une bâtisse immense aux lignes épurées et design. Je me force à sourire avant d'entrer et me retrouve vite plongée dans l'ambiance de la fête. Le brouhaha me donne immédiatement mal au crâne et je peine à avancer tellement la foule est dense. Je salue quelques personnes, glisse discrètement un mot par rapport aux Jeux, embraye sur Blythe et Titus puis repart. Un serveur me sert une coupe de champagne que je vide d'un trait et je m'efforce de manger un peu. L'odeur tenace de centaines de parfums réunis réveille en moi une légère nausée. Il fait trop chaud ici. Des lampes colorées éclairent la pièce et m'éblouissent.
"Jaaaaadeeeeeen ! Ca fait siiiiiiiiiiiii longteeeeemmps !"
Je frémis et me retourne. Une plantureuse jeune femme me fait face, la peau dorée et les cheveux roses vifs. Ses yeux trop maquillés clignotent, me dévisagent, et ça en devient gênant.
"... Oui, oui, longtemps." je murmure sans conviction.
Pas assez.
Je ne la reconnais pas, mais l'écoute parler. Sa voix trop aiguë, surjouée m'horripile mais je ne moufte pas. Je la repousse seulement lorsqu'elle s'approche un peu trop, me soufflant son haleine alcoolisée au visage. Repérant une porte de sortie non loin, je m'échappe et vais respirer un peu d'air frais. C'est à ce moment que je l’aperçois. Ce type, ce garçon, non loin de moi. Ce tribut. Pas de cette année bien sûr. Le tribut du huit. Le tribut mort. Je m'arrête de respirer. C'est impossible. Il ne peut pas être là, ça doit être l'alcool qui fait son effet... Mais non. Je m'approches, le souffle coupé. Je l'ai vu mourir, j'étais là, je l'ai vu à l'écran ! Je frémis. J'ai peur. Une vieille paranoïa me reprend, et je crains qu'on me veuille du mal, qu'avait il mit dans ma coupe, ce serveur ? quelle drogue y a t'il versé ? Un coup d'adrénaline me sort de ma torpeur et je me jette sur lui, le plaquant contre le mur. Je coince mon avant bras sous son menton, lui bloquant ainsi la nuque. Mais il se défend, et me repousse. Nous roulons à terre et les coups volent. Lorsque j'arrive enfin à le stabiliser, je ne peux m'empêcher de lancer :
"Tu devrais être mort !"
Je me relèves et recule.
"Je t'ai vu mourir putain !"
Je n'ai jamais cru aux fantômes mais celui ci me paraît si réel...