| Sujet: (D9) Run towards the death. - SKANN Sam 9 Juin - 14:04 | |
| J'observe cette fille dans le miroir de la chambre. Elle est étrange, cette fille, je ne la reconnais pas. Elle porte une chemise de nuit bleu délavée, on dirait la même que celles que portent les gens que l'on envoie dans un asile. C'est vrai qu'elle a l'air d'une folle, cette fille. Avec ses cheveux roux qui semblent vouloir s'enfuir et rebiquent au côté de ses joues, rebelles. Son regard trop vif qui se voudrait fuyant, comme un chevreuil affolé poursuivit par un loup. Je me pose la question un instant qui dure des heures. Avant de décider que cette fille n'est pas moi. La véritable Silka est restée au District neuf, dans cette maison détruite aux volets arrachés et à la porte qui grince. Ce n'est pas cette espèce de rouquine qui a l'air d'une psychopathe, avec ces lèvres qui retombent en coin, incapable de sourire durant les dernières heures de sa vie. N'importe quel idiot vous dira qu'il souhaite passer ses dernières heures à sourire et à profiter de la vie. Mais n'importe quel idiot mourra du jour au lendemain sans avoir le temps de méditer sur ce qu'on pouvait bien ressentir, lorsqu'on était mort. Parce que la seconde avant d'être mort, il sera vivant. Et la seconde après, il sera mort. Sans avoir eu le temps d'y penser. Sans avoir eu le temps d'y sourire. Sans avoir eu le temps de devenir à moitié fou. A chaque seconde qui passe, chaque grain de sable qui s'écoule dans le sablier, je sens ma vie qui s'échappe. Qui m'échappe. Qui se barre loin d'ici voir d'autres horizon un peu moins condamnées. Je suis condamnée, Skann est condamné, nous sommes condamnés. Et c'est bien égal à tout le monde. Sauf à nous.
Je me laisse tomber sur le lit et jette un regard par la fenêtre. Il fait nuit. Le monde entier dort. Le train ronfle et les rails rêvent. Il nous reste deux jours. Deux jours avant d'arriver là bas. Deux jours, c'est pas assez, c'est trop peu. Ça ne nous laisse pas assez de temps pour anticiper. Ça ne me laisse pas le temps de m'y faire. De me faire au fait que ça y est, notre vie allait s'achever là, comme ça. Le plus bêtement possible. Dans d'atroce souffrance. Moi dans la mort, je voulais souffrir. Je voulais crever lentement. Pour avoir le temps de voir le visage de la faucheuse. Pour pouvoir me rappeler Skann. Mourir dans d'atroces souffrances parce que tant que tu souffres, ça veut dire que t'es toujours vivant.
Quelqu'un s'approche de la porte, y'a une nombre sur le palier. Skann ? Ou alors.. Sergei ? Nolan ? Dans d'autres circonstances, une visite nocturne de la part de Nolan ne m'aurait pas déplu. Dans d'autres circonstances. Mais nous n'étions pas là dans d'autres circonstances. Nous étions là, nous en étions là et c'était comme ça, c'était ainsi. J'inspire. « Dégage. » . Je marmonne ces quelques mots en guise de salut. J'ai envie qu'il parte. J'ai peur qu'il parte. « Dégage ou imite le cri du cochon. ». C'est idiot. C'est tout à fait le genre de trucs qui fait que nous sommes pris par deux cinglés au sein de notre District. Mais si c'est Skann, si c'est bien Skann, alors il le fera. Parce que pousser des cris de cochons ne lui fait pas peur. Parce qu'aussi idiot que ce soit, c'est notre jeu. Ce sont les règles. Et personne d'autre n'a le droit de se prêter à ce jeu. |
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| Sujet: Re: (D9) Run towards the death. - SKANN Lun 11 Juin - 1:26 | |
| J’avais beau me tourner et me retourner dans mon lit depuis trois heures, rien n’y faisait. J’étais pas fatigué. Ou plutôt si. J’étais crevé, épuisé, détruit, amorphe, exténué. Je n’en pouvais déjà plus, alors qu’on était seulement là depuis.. quoi ? Un jour à tout casser ? Oui. Un jour, 24 heures entières, 24 heures passées enfermer dans ce foutu train avec Ska, et la bande de débiles qui nous sert d’équipe. Non, je pourrais tout de même exclure Serge des débiles, lui au moins, a été un support assez sincère ce dernier mois… je n’irai pas jusqu’à dire que j’avais de l’affection pour lui maintenant, mais en tout cas, je le respectai grandement. Et je m’étais attaché à lui, en fait. Je n’aurai pas dû, j’allais le quitter lui aussi, être obligé de le trahir pour protéger ma Silka, le décevoir en n’écoutant que moi, une fois de plus. Je savais depuis longtemps qu’il me prenait pour le roi des crétins, mais je ne m’étais jamais rendu compte, avant ce voyage, qu’il avait simplement raison.
La nuit dernière, je n’avais pas réussi à fermer l’œil. Et j’avais tellement besoin de sommeil que j’aurai pu fondre en larmes dans la seconde suivante. Crevé. Comme un ballon. J’avais besoin de retrouver des forces, et du courage, et de l’envie… J’étais un légume prêt à passer au mixeur électrique. Dans l’état où j’étais, je ne valais plus rien.
Dans toute la terre entière, il n’y avait qu’une seule personne capable de me redonner le sourire, et de me regonfler à bloc. « Heureusement », elle était venue avec moi. Je… je n’avais pas encore pensé à ce qu’il se serait passé si une autre fille avait été nommée, avant elle. Est-ce que j’y serai allé quand même ? Je veux dire.. Est-ce que je me serai tout de même jeté dans la gueule du loup, est-ce que j’aurai réellement risquée ma vie pour un jeu, même en étant sûr que je ne reviendrai pas ? Il ne fallait pas se voiler la face. Je n’avais aucune chance, face aux monstres piochés dans les autres districts. Titus, Ezea, Frenchie… certains prénoms m’échappaient encore, mais à force de voir leur tête à la télé, j’avais déjà assez imprimé leurs airs et leur démarches. Les trois quarts étaient plus baraqués que moi. Même Silka, avait plus de chances que moi ! Elle était courageuse et elle savait se battre, elle avait la rage de vivre, alors que moi, je ne vivais que pour ce jeu. Elle aussi, dans un sens, mais elle se rendait bien compte qu’avec ou sans, il fallait qu’elle vive. Quitte à me perdre ? ça je n’en étais pas sûr. Silka n’existait pas sans Skann. Autant qu’il, que moi, que ce que j’étais, n’existait pas sans elle. Et puis, si je ne l’avais jamais rencontré je serai probablement déjà mort d’ennui. Alors, quitte à mourir, je voulais que ce soit pour elle.
Je me tournai encore une fois. Vers le mur cette fois. J’avais l’impression d’entendre des bruits, des craquements sourds, des portes qui claques. Ma tête était sur le point d’exploser. Je savais d’avance que Ska ne dormait pas non plus, ou du moins, je l’espérais fortement parce que j’allais la réveiller, sinon. Je me levai doucement, posant les deux pieds à terre, et me dirigeai vers la chambre en face de la mienne, à moins de dix mètres de là. C’était ridicule, j’étais vêtu d’un pyjama immonde, un espèce de tissu jaune cent fois trop grand pour moi, mais pour la première fois depuis bien longtemps, je portais quelque chose d’entièrement neuf. J’avais hésité à l’enfiler d’ailleurs, j’avais l’impression qu’il avait couté plus cher que ma maison. C’était donc ça, la couleur du capitole en ce moment ? En regardant la télé l’année dernière, j’en avais aperçu un en violet fluo. Pas franchement mieux. Je poussai la porte de la chambre de Silka. Au moment où je m’avançais vers elle, elle dit, calmement, mais froidement ; « Dégage. » Mon cœur rata un battement dans ma poitrine. Je stoppai net, observant ma meilleure amie me regarder comme si j’étais le diable en personne. Quoi ? Je ne comprenais pas. J’avais besoin d’elle moi… j’avais besoin d’un câlin, pour au moins réussi à fermer les yeux une petite heure, blottie contre elle. Ce n’était pas la première fois que j’entrais dans sa chambre d’ailleurs, elle voulait probablement être seule. Je m’apprêtai à partir, en balançant une insulte au passage, évidement, lorsqu’elle se reprit ; « Dégage ou imite le cri du cochon. » Mon cœur recommença rapidement à battre à une allure normale. Ok, voilà qui était bien mieux. J’éttoufai un petit rire cinglant, mi heureux – mi sidéré, et m’exécutai. « Groooiiin ». Je l’imitais bien mieux, d’habitude, mais j’étais un peu nerveux ce soir. Après tout, qui ne l’aurait pas été à ma place ? J’observai ma Silka dans les yeux. « Le cochon ? Vu ma couleur ce soir, j’aurai été plus crédible en canard, nan ? » D’habitude, mes blagues étaiet bien plus drôles. J’haussai les épaules d’un geste indifférent et lui demande à mon tour un gage qui, lorsqu’il est accompagné d’un peu de boue, me fait rire pendant des heures. Et puis je sais que Silka le déteste celui-là ! « Allez, roule toi par terre et fait comme si on te tirait dessus. On doit voir que tu souffres, jolie Ska. » J’ignorais si c’était à cause des jeux, mais j’avais observé que mon niveau de sadisme avait largement augmenté ces derniers temps. Au moins, Silka et moi, on était parfait pour jouer la comédie.
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