La porte se referma violement derrière moi, me laissant seul dans ma grande chambre inutile, où je n’utilisais pas plus du quart de l’espace. Demain, c’était le lancement des jeux. Demain, je devrais affronter la corne, l’arène, le bain de sang, échapper aux différentes alliances qui s’étaient formées, courir loin de tout ce sang, me cacher, tout ça si bien sûr je ne mourais pas dans les premières secondes. Je me demandais sincèrement à quoi ressemblerait l’arène. J’espèrais quelque chose de simple, avec beaucoup de pièges, parce qu’avec toutes mes années d’emmerdements continus j’avais appris à déjouer les pièges. Surtout ceux de Silka. J’avais tellement peur de la perdre, et le pire dans tout ça, c’est que je savais que j’allais la perdre. Je voulais simplement, passer encore le plus de jours possible à ces côtés, profiter d’elle, de son amitié, de ses débilités.

J’étais assis en tailleur sur mon lit, le visage figé, cherchant vainement de quoi arrêter de me torturer l’esprit. On m’avait enfermé dans ma chambre, et Kana, ma styliste viendrait me chercher demain pour me donner ma tenue d’arène. En attendant, je n’étais autorisé à voir personne.
Je posai l’oreille contre le mur et tapotai sur le mur. Je ne savais plus si c’était la chambre de Silka ou de Sergei de ce côté-là, mais c’étaient les deux personnes que je voulais voir le plus au monde. Alors, si je ne pouvais pas sortir, peut-être que Sergei pouvait venir. Silka devait probablement être enfermée aussi, et j’espérais bien que de son côté, Nolan ne lui rendrait pas visite. « Silka ? Serge ? … heu, je me souviens plus qui es dans cette chambre. Tu m’entends ? »

"Roooh mais tu vas la fermer oui ? pas moyen de pioncer tranquille !"

La vérité c'est qu'il ne dormait pas. Il ne dormirait pas ici, encore moins qu'ailleurs. Rares étaient les mentors qui revenaient au capitol sans avoir à subir les fantômes de leurs propres jeux. A cette époque là, il y a 20 ans, il occupait la chambre conjointe à celle de sa soeur. L'endroit n'était pas le même, mais l'ambiance qui y régnait était semblable. Après 6 années sabatiques, il aurait préféré ne jamais se retrouver dans cet hôtel, ni dans cette ville à nouveau ou tout du moins pas pour ces raisons là. Aujourd'hui, il accompagnait à nouveau des jeunes qui avaient 1 chance sur 24 de mourir dans les prochains jours. Le pire dans tout ça, c'est qu'il l'aimait bien, le Skann.

Certes il était horripilant dans son genre, il avait l'air un peu stupide, et très franchement ses chances de survies étaient sans doute moindre par rapport à certains. Aucun gosse ne méritait de vivre l'horreur dans laquelle ils allaient être plongés dans quelques jours, et même s'il saurait regarder la mort de certains sans sourciller - je pense particulièrement aux carrières - celle de Skann le hanterait à vie, comme celle de bien d'autres. Soupirant, il laissa derrière lui la baie vitrée et la vue de la ville illuminée qu'il regardait depuis longtemps déjà, quittant sa chambre pour frapper à celle adjacente.

"Tu devrais essayer de dormir... demain t'as une dure journée qui t'attend, et franchement c'est encore rien par rapport à ce dont tu auras droit après." dit-il quand la porte s'ouvrit sur un Skann qui semblait plus anxieux que jamais. Ces conseils étaient inutiles et stupides, sans doute plus là pour combler le vide que pour aider.

« Roooh mais tu vas la fermer oui ? pas moyen de pioncer tranquille ! » Ah, c’était donc Serge. De bonne humeur, comme toujours. De toute façon, je savais qu’il ne dormait pas, parce que la nuit d’avant je l’avais entendu ronfler. Je savais qu’il ronflait, alors s’il ne ronflait pas c’est qu’il ne dormait pas.

Serge n’était pas le mentor parfait. Il était grognon, silencieux et pas franchement drôle, mais malgré tout, j’étais attaché à lui beaucoup plus que je n’aurai pu me l’imaginer. Sous ses allures de pacificateurs promis à une riche femme du capitole, il était sensible et cachait un passé des plus sombres. Il n’avait jamais vraiment voulu m’expliquer pourquoi il était passé de gagnant des jeux à pacificateurs. Peut-être que finalement, il avait pris gout au meurtre et que ça lui plaisait de tuer des pauvres gens. J’en doutais, il n’était pas comme ça. Peut-être qu’il était simplement obligé… en tout cas, il était loin d’être aussi sanguinaire que les autres rouges que j’avais eu le malheur de croiser dans ma vie. Hunter, Jean, Phoenix… eux, c’étaient des durs.

« Tu devrais essayer de dormir... demain t'as une dure journée qui t'attend, et franchement c'est encore rien par rapport à ce dont tu auras droit après » Super. Comme si je pouvais fermer les yeux avec cette pression. « Ok, merci Serge, ça me rassure beaucoup. Tu voudrais pas me chanter une berceuse et me faire un câlin, aussi ? » répondis-je d’un ton ironique. Je l’invitai à venir s’assoir sur le lit, à mes côtés. J’avais besoin de lui parler, d’apprendre les derniers conseils qu’il pouvait me donner, de réfléchir un peu à tout ce qui m’attendant, et j’avais surtout besoin qu’il me remonte le moral et qu’il me parle pour me faire oublier. « Alors, cet interview, comment tu m’as trouvé ? » Après avoir obtenu le score de 2 au passage devant les juges, Sergei m’avait un peu boudé depuis. J’espèrais que j’avais rattrapé un peu le niveau avec mon interview… même si j’avais raconté des conneries, au moins, j’avais fait rire les gens, et ma styliste, Kana, m’avait confié secrètement qu’une bonne partie du public me soutenait encore.

"Si ça peut t'aider je t’assomme... ça fera du bien à tout le monde" susurra-t-il entre ses dents dans un grand sourire carnassier. Il était en colère, ça se voyait comme le nez de Sarah Streisand au milieu du visage. Il suffisait de croiser son regard pour s'en rendre compte. Pourquoi ? pour les résultats minables de Skann devant le jury des juges quelques jours plus tôt. Il fulminait. Certains tributs pourtant moins impressionnants que lui avaient eu de biens meilleurs résultats ! Très franchement s'il voulait mourir vite il aurait mieux fait de se jeter hors du train en marche. 2... c'était la note la plus basse qu'aucun de ses tributs n'avaient jamais eu auparavant. Même les petites chétives de 12 ans avaient eu plus, ce qui voulait dire que Skann avait vraiment mis aucune conviction dans son exercice, aucune bonne volonté. Il refusait de dire ce qu'il avait fait de si pitoyable là bas, ce qui avait pour résultat de l'énerver d'avantage. Il n'était pas difficile d'obtenir une note moyenne comme un 7 ou un 8, s'aurait même été idéal... bref, du beau foutage de gueule. Eux qui avaient travaillé pendant longtemps pour ce moment, Skann semblait s'en foutre royalement. Quelle perte de temps.

"C'était pas mal... peut mieux faire comme d'habitude. Je parle même pas du costume que l'autre idiote t'as pondu... le grand cirque portait bien son nom tiens !" roulant des yeux, un léger claquement de langue acheva sa phrase. "Bon, ni toi ni moi ne semble près à dormir. Je propose qu'on mette ces instants à profit, plutôt que de rien faire." haussant les épaules, il s'invita dans la chambre sans demander la permission, allant se poser sur le matelas sans un grand soupire. "J'ai pas fermé l’œil de la nuit moi non plus quand j'étais là à ta place. Tu veux qu'on discute ? Tu veux toujours pas me dire ce que t'as fais devant les juges... pitié dis moi que c'était une feinte...". Qu'il ait joué le nul pour tromper son monde... bien que ça allait salement les handicaper pour les sponsors. Il ignorait d'ailleurs toujours comment il allait s'y prendre pour lui en dénicher.

"Tu feras quoi avec Silka dans l'arène ? tu seras près à la tuer pour survivre ?" souffla-t-il tout bas, histoire d'éviter que la rouquine de la chambre d'à côté n'entende.

« Si ça peut t'aider je t’assomme... ça fera du bien à tout le monde » Ahah. Ahah. Ahah. Mort de rire. J’observais Serge d’un air véxé, mais en même temps, j’étais incapable de lui faire la tête trop longtemps. Vu qu’il me supportait plutôt bien jusqu’àç présent, je lui devais au moins quelques explications. Mon 2 l’avait vraiment énervé apparemment… J’avais essayé pourtant d’avoir une bonne note ! Et puis, je n’étais pas le seul à avoir eu 2. Le gogole carrière du district 1 et celui du 6 avaient récoltés la même chose. En parallèle, la jolie blonde du douze avait eu 11. Comment avait-elle fait ? Les seins y avait surement été pour beaucoup, elle avait montré son corps aux juges, j’en étais presque sûr.

« C'était pas mal... peut mieux faire comme d'habitude. Je parle même pas du costume que l'autre idiote t'as pondu... le grand cirque portait bien son nom tiens ! » Malgré moi, je ris à sa blague. Il n’avait pas du tout l’intention d’être drôle, mais moi ça me faisait marrer. Le pire, c’est qu’il n’avait pas tort. Il roula des yeux, claqua la langue et continua « Bon, ni toi ni moi ne semble prêt à dormir. Je propose qu'on mette ces instants à profit, plutôt que de rien faire. » Bonne idée. Il pouvait toujours me donner de conseils de dernière minute, ça ne pourrait pas me faire de mal. Et puis, je n’avais toujours pas décidé si j’allais à la corne ou pas…

« J'ai pas fermé l’œil de la nuit moi non plus quand j'étais là à ta place. Tu veux qu'on discute ? Tu veux toujours pas me dire ce que t'as fait devant les juges... pitié dis-moi que c'était une feinte... » J’avais beaucoup de mal à me dire, qu’un jour, lui aussi il avait été là, à ma place, et qu’il s’était battu pour gagner. Il était mon mentor, celui qui m’avait entrainé, je n’arrivais pas à lui trouver un passé. « Bien sûr. » dis-je avec innocence pour lui faire plaisir. « J’ai fait exprès pour qu’on me fiche la paix dans l’arène. » Il savait bien que c’était faux, mais s’il n’était pas trop bête, il comprendrait que j’étais déçu de ma performance, et que malgré mes efforts pour faire quelque chose de bien, j’avais encore échoué, et que je n’avais pas sincèrement envie d’en parler. Il haussa les épaules, et continua avec le même ton bourru.

« Tu feras quoi avec Silka dans l'arène ? tu seras près à la tuer pour survivre ? » J’eus un hoquet de surprise. Il était fou ! « Bien sûr que non ! » explosai-je. « Comme si j’allais tuer ma meilleure amie ! c’est ma plus grande force, et si je peux la protéger je le ferai. Si on arrive en final déjà, ce serait un exploit, tu te rends pas compte ? Je préfère encore me faire manger par une de leur sale bête génétique que de la tuer. Sauf si elle me le demande. » Cela devrait suffire à lui faire comprendre. Je me radoucis un peu, et demandai ; « Combien.. combien de personne est-ce que tu as tué toi ? Et comment ? »

Sergei était tendu, Skann - bien qu'il rignoche bêtement - l'était probablement aussi, les jours d'avant les jeux étaient les pires. Coupés de tout, du district où on a toujours vécut, on se retrouve seul, dépendant de deux vainqueurs (parfois plus jeunes que nous) et d'une ville de psychopathes. La semaine au capitol qu'il avait passée à ses 15 ans avait été de loin la pire de toute sa vie, même si les années avaient adoucit l'horreur. Il se souvenait de tout, de son voyage en train, de son hôtesse ventripotente, de sa chambre et de la nourriture à foison. C'était la belle vie, si on oubliait l'espace de quelques jours ce pour quoi on était là. Le problème, c'est qu'il était impossible de faire fit de cette épée de Damoclès au dessus de notre tête. Le plus dur était l'attente, le temps qui défile à toute allure et le stress d'une mort imminente. "Hm"... "pour qu'on lui fiche la paix", il n'y croyait pas vraiment. Mais il avait eu 2, c'était comme ça, maintenant il fallait composer avec plutôt que de se morfondre. Avoir eu un note si basse ne lui rapporterait probablement aucun sponsor, à moins qu'il brille dans l'arène, mais au moins il ne serait pas un des premiers chassés par les carrières. "On va essayer de rattraper le coup, t'inquiète pas."

Le véritable problème venait plutôt de la présence de Silka avec lui dans l'arène. Tuer quelqu'un semblait déjà impossible pour Skann, alors s'en prendre à cette fille était de l'ordre de l'impossible. Ils devront s'allier, mais dans les Hunger Games, l'esprit d'équipe ne pouvait jamais durer très longtemps. Il grogne, le voir emplit de certitudes l'énervait, comme s'il pouvait prédire ce qu'il fera une fois dans l'arène. Avec un peu de chance, son attachement pour Silka le donnerait un peu de poil de la bête, si elle se trouvait en danger, qui sait ce que Skann pourrait faire. Tuer un tribut suffirait à lui donner quelques sponsors... "Tu sais, savoir combien j'en ai tué ne changera pas grand chose... ça ne va pas t'aider."

Il ne portait pas la mort de ces adolescents dans son cœur, et on ne peut pas dire qu'il en était fier. Soupirant, il lui jeta un coup d’œil en coin. "Trois." répondit-il d'un ton maussade, baillant un grand coup. "J'en ai tué trois. Mais j'ai pas vraiment envie de dire comment..." fronçant les sourcils, il se frotta la nuque d'un air renfermé. "Disons qu'au début, si tu n'as rien, tu devras te débrouiller sans armes. Si tu ne vas pas à la corne, et je te conseil de ne pas y foutre un orteil, tu devras récupérer tes armes et tes vivres sur les autres. En attendant, n'oublie pas qu'une bonne branche d'arbre trouvée au sol peut assommer aussi bien qu'une masse, que si tu trouves de quoi la tailler, tu peux en faire une vraie arme. Bref, les vainqueurs des Hunger Games sont généralement ceux qui savent se réinventer et observer ce qui se passe autour d'eux pour s'en servir. Tu suis jusque là ?"