ERYK de Beauregard

❝ I FEEL LIKE I'VE LOST A PART OF MYSELF SOMEWHERE ❞

about games and relative.

➺ TA MORT TU LA VOIS COMMENT ?

Je n'aime pas parler de la mort. J'ai vu mon petit frère mourir - non je vous arrête tout de suite, ce n'était pas aux Jeux - il s'est noyé. Pour être honnête, je ne l'ai pas vu de mes propres yeux; c'est Alo, le plus petit de la fratrie qui est venu me chercher. Le corps de Terry était empli d'eau, il flottait comme un ballon. J'ai essayé de le réanimer pendant 30 minutes. Au bout d'un moment les gens autour de moi on essayé de m'arrêter, me murmurant qu'il n'y avait plus rien à faire, qu'il avait déjà quitté notre monde et qu'il fallait que je le laisse. Alo n'arrêtait pas de pleurer, je sentais ses petites mains qui tremblaient dans mon dos.
Depuis ce jour je fais constamment le même rêve, je revois son visage heureux, son signe de la main de l'autre bout de la berge. Je ne suis pas allé le rejoindre après son tour de garde ce jour là; je ne suis pas allé pêcher. Peut-être que si j'y étais allé, il serait toujours en vie.
Ma mort vous disiez? Je n'ai pas besoin de l'imaginer... Je la vis ici, jour après jour.

➺ POUR QUI/QUOI POURRAIS-TU MOURIR ?

Pourquoi est-ce que tout est constamment relié à la mort ici? Je n'en ai strictement rien à foutre de tout cela. J'ai d'autres chats à fouetter, j'ai un travail, une vie sociale... Je ne peux pas me permettre de répondre à des questions aussi futiles. Et puis même! Mourir pour sa patrie, pour sa famille, pour ses amis?! Qui vous le rendra? Vous serez morts, enterrés six pieds sous terre avec pour seule compagnie des asticots qui n'attendront pas une seule seconde avant de commencer à dévorer votre chair en putréfaction.
Vous trouvez mes propos rudes et me considérez comme un petit con sans cœur? Allez-y, je vous en prie, jugez-moi. J'ai appris à grandir sans me soucier du regard des autres. Vous pouvez essayer autant que vous voulez, votre venin ne m'atteindra jamais.

➺ QUEL PETIT PLUS T'AIDE DANS LA VIE (OU JEUX) ?

Je n'ai peur de rien ni personne. Je ne sais pas si c'est un plus, mais en tout cas, cela m'a permis de gravir rapidement un certain nombre d'échelons et de me hisser parmi l'élite invincible du Capitole. Je suis dans toutes les soirées mondaines, tout le monde me veut à sa table. J'ai de nombreuses connaissances; impossible de les compter sur une dizaine de mains, mais pourtant je n'ai aucun ami. J'ai tout du vieux loup solitaire mais en apparences, je ne suis jamais seul.
Il m'est très facile de manipuler les gens pour leur faire dire ou faire tout ce que je souhaite. Déjà enfant, j'usais de tous mes charmes pour obtenir tout et n'importe quoi. Depuis j'ai eu le temps de m'entrainer, et c'est un fait: rien ni personne ne me résiste.

➺ APPRÉCIES-TU LE VISIONNAGE DES JEUX ?

Pour moi les Jeux relèvent de la supercherie. C'est un business, un simple show où une vingtaine de gamins s'entretuent jusqu'au dernier. C'est malheureux mais c'est ainsi, on se fait de l'argent sur le dos de ces pauvres gosses et leurs morts rapportent des millions. Les Hunger Games sont une véritable entreprise, pour tout vous dire cela engendre chaque année de plus en plus de places dans le monde du travail. Heureusement, très peu de capitoliens ont le désir de travailler, ce qui nous laisse à nous -migrants des districts - le champ libre. Je ne cautionne pas l'horreur qui se passe dans ces jeux, je sais juste que j'ai la chance, ou plutôt l'opportunité (je ne me permettrais pas de parler de chance ici. Je suis peut-être cynique mais pas non plus monstrueux!) de pouvoir avoir un travail qui me permettra de continuer à vivre aisément tout en restant un membre d’exception dans le cercle très prisé de la jeunesse dorée du Capitole. Allez savoir pourquoi cela compte tellement pour moi... moi-même je ne le sais pas.

➺ COIN A ANNONCÉ LORS DES DERNIERS JEUX PAR MESSAGE PIRATE QUE LE TREIZE EXISTAIT TOUJOURS. TU ESSAIES DE TE JOINDRE À EUX OU AU CONTRAIRE, TU FAIS TOUT POUR STOPPER CETTE RÉVOLTE ?

Je ne sais pas si ce message était une pure invention des rebelles présents dans tous les districts ou si il était bel et bien réel. En tous les cas, ce petit numéro a engendré une panique générale dans les bureaux et les laboratoires du gouvernement. Si vous voulez mon avis, on ne se s'y sens plus très en sécurité...
Moi je ne m'en préoccupe pas trop... pour le moment. J'ai ma petite vie ici, ma petite routine et mes problèmes personnels, comme "monsieur tout le monde". Quand ce sera nécessaire, je m'envolerai très vite vers mon district d'origine pour éviter la guerre et les problèmes.
J'ai toujours pensé que cette guerre n'était pas la nôtre et que le sang devait cesser d'être versé et les morts impunies. Mes parents ne nous ont jamais vraiment dit si les Jeux étaient bien ou mal; nous vivions ainsi, l'argent du Capitole nous permettait de vivre, même si chaque jour nous étions confrontés à la misère des autres habitants de notre district. Je ne rêve pas de paix et d'égalité dans le monde. Pour moi il n'y a pas de temps pour les chose irréelles et le sentimentalisme. Ici c'est comme dans l'arène: il y a les faibles et les plus forts, ceux qui ont une chance, même infime, de survivre. Il faut se battre pour obtenir ce que l'on veut. Pas de rêveries, pas de pitié.

reality is here.

tell us your story.

DO NOT TRY TO BREAK ME, I'M ALREADY OVER.
Je suis allongé dans le noir et je remarque que c’est la première fois depuis des semaines que je n’ai pas une seule bouteille qui traine autour de moi. Pourtant, j’ai encore la gueule de bois et mes vêtements sont imprégnés d’alcool. Je me masse délicatement les tempes, cherchant désespérément la raison de ma subite migraine. Je me souviens à peine de ma soirée, une bouche pulpeuse complètement refaite qui se baladait sur mon corps, des œillades par-ci, des rires hypocrites et des salutations douteuses. Tout cela était tellement commun au Capitole, tellement ennuyeux. Tous ces gens sans valeur, leurs yeux sans lumières et leurs peaux pailletées étaient si ternes à la lumières des projecteurs. Ceci est mon quotidien, ma vie de jeune premier, de petit protégé des hauts dirigeants. Ma peau hâlée, mes tâches de rousseur et mes yeux bruns m’ont toujours aidé à séduire, à amadouer. Ce n’est plus un secret : je suis doué, ce que je veux, je l’obtiens.

Cette nuit sera aussi longue que toutes les précédentes, je le sais. J’hésite à me diriger vers la cuisine, à m’ouvrir une énième bouteille et à me laisse pourrir sur le sol jusqu’à l’arrivée de la femme de ménage demain matin. Mes mains tremblent déjà et mon cœur bat de plus en plus lentement dans ma poitrine. Je ne comprends plus rien, cette vie c’est moi qui l’ai choisie. Je me suis levé sans m’en rendre compte et mes jambes avancent comme deux automates. Je m’approche de la fenêtre et constate que dehors l’orage gronde. La pluie s’écrase silencieusement contre les parois parfaitement insonorisées de mon immense appartement, plongé dans le noir ; cet appartement trop grand et trop vide où règne chaque soir un silence de morts. Je n’invite jamais personne ici, ce n’est point dans mes habitudes. Je préfère aller chez les autres, je fais passer cela pour de l’arrogance et de l’opportunisme. Je déteste juste profondément l’idée que quelqu’un d’autre que moi puisse fouler le sol impeccable de mon antre, de mon humble et sinistre demeure. Je suis ici, seul, et j’y resterai.
Je capitule et sors un verre, débouche au passage une vieille bouteille de rouge qui trainait sur une table. Il y a très peu de meubles, point d’objets personnels et aucune trace de photos ou portraits de famille. Je n’ai plus de famille ; elle est morte, noyée dans mes larmes et dans l’océan de douleur où je nage depuis six années. Ce passé me semble si lointain ce soir. Je souriais à l’époque, j’arrivais même à rire. Quelle connerie.
Je ne sais plus exactement l’heure qu’il est, ni combien de temps j’ai passé à observer les éclairs et les gouttes de pluie, mais il y a à présent quatre bouteilles vides à mes pieds. Je ne ressens absolument pas la sensation d’ivresse et de légèreté qu’on assimile à l’alcool. Au contraire, je me sens encore plus soucieux, j’ai l’impression d’être encore plus lucide de verre en verre. Saloperie de boisson ! Je balance mon reste de vin contre un mur. Le verre s’écrase contre le sol, dans un fracas de bruit et de morceaux minuscules. « Eryk, tu crois ne crois quand même pas que je vais nettoyer tes bêtises ! » Je me retourne aussitôt, une expression d’horreur sur le visage. Ma mère est là, face à moi, et lève un doigt sévère dans ma direction. Elle n’a pas changé, même après toutes ces années à étendre les filets remplis de poissons que nous ramenions de la pêche, sa peau à l’air toujours aussi douce et ses longs cheveux blonds descendent en cascade jusqu’à ses hanches. Ma mère a toujours été aussi belle, même l’une des plus belles femmes du district. Elle était tellement jalousée ; mon père, lui ne cessait de recevoir compliments et flatteries de toute part. Nous étions tous si comblés. Mais Terry nous a laissé. C’est pas l’homme qui prend la mer… c’est la mer qui prend l’homme !
J’avance à pas de loup vers elle, de peur qu’elle ne s’échappe ou pire, qu’elle s’évapore sous mes yeux rougis par la dose d’alcool que j’ai ingéré. « Maman… comment est-ce possible ? » elle me sourit « Cesse tes enfantillages Rik, lave moi tout ça ! ». Je penche la tête et m’exécute sans vraiment comprendre pourquoi ou comment. Quand je relève les yeux, je me retrouve nez à nez avec un petit garçon de dix ans à peine. Ses yeux bleus-gris me transpercent, son petit sourire me transporte six ans en arrière, je le revois qui court vers moi et instantanément se retrouve dans mes bras. Je sens d’ignobles larmes de douleur me monter aux yeux, je suffoque. « Alo… » Le petit lève la tête vers moi, sourit puis se love contre moi. « Eryk, je ne veux pas dormir seul ce soir. Tu sais que j’ai peur de l’orage, surtout quand il claque comme ça contre la mer… ça m’empêche de fermer les yeux… ». Une seconde plus tard, il me prend la main et m’entraine jusqu’à ma chambre. « Raconte-moi une histoire s’il te plait ! » sa voix est plaintive et moi, je suis à deux doigts de fondre en sanglots. « Alo, tu n’es pas réel n’est-ce pas ? Je veux dire… Est-ce que je suis en train de perdre la raison ? » Encore une fois, il me sourit et pointe un doigt contre ma bouche. « Tu es juste saoul Rik… Ne t’inquiète pas. Bien, puisque tu ne veux pas me raconter d’histoire… je vais le faire moi-même » mon petit frère se racle la gorge et fait une de ses mimiques favorite, celle qu’il a l’habitude de faire quand il essaye de prendre un air sérieux. Il arque un sourcil et se penche vers moi. « C’est l’histoire d’un garçon, il s’appelle Olaf, il vit sur une petite ville dans le Nord et son père est pêcheur… » je tente de sourire mais mes lèvres se déforment en un rictus ridicule, Alo poursuit « … Olaf a quinze ans et pour la première fois, son père l’autorise à venir pêcher avec lui … ».
Je me souviens moi-même de la première fois où mon père nous avait emmenés, Terry moi et notre sœur ainée pour aller pêcher. Nous étions tellement excités que nous n’avions pu fermer l’œil de la nuit. Le petit Alo venait à peine d’apprendre à marcher et il avait fait une terrible colère, réalisant qu’il ne pourrait pas nous accompagner. Cette pensée me déchire le cœur. J’ai encore envie de boire. Je veux oublier. La main glacée de mon petit frère se pose sur la mienne, il m’intime de prêter attention à son histoire… Alo a toujours détesté qu’on ne l’écoute pas. « … Olaf s’était préparé pendant des jours, et le jour de son anniversaire, son père le fit monter dans son énorme drakkar et l’emmena en mer. Le ciel était bleu à leur départ, mais dans l’après-midi de monstrueux nuages noirs arrivèrent… » Alo lève un doigt vers la fenêtre et me montre l’orage. Je cligne des yeux, lui indiquant que j’ai compris où il veut en venir. « Et la mer s’agite soudainement… elle devient mauvaise, houleuse, dangereuse ! La bateau tangue de plus en plus, l’eau s’infiltre partout et Olaf est de plus en plus effrayé. » Mon sang se glace, je n’ose pas lever les yeux vers ce petit garçon qui me raconte une aussi terrible histoire… où est passée l’innocence de mon petit frère ? Pourquoi me raconte-t-il tout cela ? Est-ce ce dont il rêve la nuit, ce qui l’empêche de dormir et lui arrache d’horribles cris ? « Alo… je pense que ça suffit … » il s’agite « Non Ryk, attend ! J’ai bientôt fini ! Donc… la tempête continue d’empirer, et le bateau est beaucoup trop loin des terres pour pouvoir y trouver refuge… Alors Olaf et son père décide de se mettre à l’abri dans les soutes. Mais quand ils pensent être enfin tranquilles, une énorme vague propulse Olaf hors du bateau. Son père appelle, appelle, mais ne le vois plus. » je le regarde avec horreur, mon estomac me remonte dangereusement le long de ma gorge. « Mais Olaf ne sait pas nager ! Il n’a jamais appris ! Il ne voulait que pêcher, pas se baigner… Alors, il bat des mains et des pieds, tente de rester à la surface mais la mer est si mauvaise qu’elle l’emporte, le retourne et le cogne… Il sent ses poumons se remplir petit à petit d’eau… il n’arrive plus à respirer… il tente d’appeler à l’aide mais le vent couvre sa voix et sa tête se retrouve instantanément sous l’eau… Alors il se noie, il se débat jusqu’à la mort contre celle qu’il croyait être sa meilleure amie. Il est comme un malheureux pantin de bois à qui on aurait emmêlé les ficelles. Et tout à coups, plus rien. Il ne bouge plus. Il est mort. »
Ses mots résonnent dans la pièce vide. Je ne réalise toujours pas. Mort. A tout jamais.

Je me jette sur mon frère sans prévenir, l’attrapant par les épaules et le secouant de ton son long ; son sourire cruel ne dépérit pas. « POURQUOI ? POURQUOI TU M’AS RACONTE TOUT CA HEIN ? TU TROUVES CA DROLE PEUT-ETRE ?! ». Sans que je puisse y faire quoi que ce soit, je me retrouve projeté sur mon lit, les mains du fantôme d’Alo se refermant sur ma gorge sèche. Ses yeux sont d’une noirceur infinie et son visage déformé par la haine et la cruauté. « Parce que tu l’as tué Eryk ! Tu as tué Terry ! Tu n’es qu’un meurtrier ! Si tu l’avais accompagné ce jour-là il serait encore parmi nous ! Tu mériterais d’être à sa place ! MEUTRIER ! » Je me débats de toutes mes forces et je chiale, comme une fillette, j’essaye de dominer ce démon qui tente de m’étouffer dans ma propre chambre. « NON ! NON ! CE N’EST PAS DE MA FAUTE ! RIEN DE TOUT CELA N’EST DE MA FAUTE ! ALO ! TU DOIS ME PARDONNER ! » Ses mains se resserrent, je sens que l’air vient à me manquer. « Jamais. Tu as tout gâché. Meurtrier. » je pousse un ultime hurlement de douleur, prenant le peu d’air restant dans mes poumons, avant de m’évanouir.

Quand je me réveille, je suis seul. Le soleil perce à travers les volets et l’orage est loin déjà. Une bonne dizaine de cadavres de bouteilles trainent dans l’appartement ainsi que d’autre fioles et des sachets contenant une précieuse petite poudre.
Je suis seul, trempé de ma propre urine, roulé en boule dans ce lit qui reste mon ultime refuge. Mon tombeau, où je suis enterré vivant.