Je n'arrivais à savoir ce que Logan pensait en me voyant. Restait-il un peu d'affection pour moi dans son cœur, ou m'avait-il tout simplement oubliée ? Cette dernière option me fit mal au cœur. J'étais pourtant censée ne plus rien pouvoir ressentir, d'être simplement, neutre. Je m'empêchais de prendre une expression peinée et restais immobile en l'observant. Il devait avoir pris une douche il y a peu puisqu'il n'était pas habillé : seulement une serviette qui entourait sa taille. Je ne l'avais pas si souvent vu torse nu car malgré nos mois de relation, nous n'étions jamais à un stade physique supérieur. Nous nous arrêtions aux baisers et aux câlins qui me suffisaient amplement. Je n'avais pas ressenti le besoin d'une telle intimité. Voir Logan, devant moi comme cela, fit remonter tout ce que j'appréciais dans sa présence autrefois. En sa compagnie, je me sentais aimée, en sécurité. Je savais que jamais il ne m'abandonnerait. Et j'avais été celle qui avait tout gâché et qui était partie : comme d'habitude.
Quand il prit la parole, toute l'illusion disparut. Son ton était froid, un ton que je ne lui avais connu que lors de nos derniers instants, lorsque j'avais pris la décision de le quitter. Je n'étais pas sure que celle-ci soit la bonne, au final, mais je ne pouvais pas revenir en arrière. Cela me faisait me souvenir péniblement de Graham, lorsque nous étions fâchés. Je faisais souffrir tout le monde, et au final, tout le monde me détestait. J'avais une drôle de logique pour que tout le monde soit « heureux ». Il me demanda ce que je faisais ici, et j'ouvris la bouche prête à lui répondre. Le problème était que je ne savais pas bien plus que lui ce que je faisais ici, alors que j'aurais pu attendre dans ma chambre que le soir vienne. Nous n'avions plus rien à nous dire, hein ? C'était ce que j'aimais à croire. Malgré tout ce que je pouvais dire ou faire, je n'arrivais pas à ne rien ressentir pour le jeune homme.
Loin de moi l'idée de venir ici pour que nous nous réconciliâmes. Il me prendrait pour une folle, de le quitter et de revenir comme une folle, et je ne l'étais pas autant que ça. Il m'annonça quelque chose que j'avais dit ou pas, je ne m'en souvenais plus, étrangement. Son ton était toujours aussi dur, et me faisait toujours aussi mal au cœur. Il s'écarta légèrement pour me laisser entrer ce qui me surprit un peu. Je n'allais pas me plaindre : sans plus attendre, je rentrais dans la pièce, et attendais que Logan referme la porte.

Que dire, à présent ? Je restais silencieuse une bonne minute. Je croisais moi même les bras sur ma combinaison, sursautant légèrement à la sensation du tissu contre ma pain, celle de ma poitrine plus mise en valeur que jamais. Je n'étais pas encore habituée à ce vêtement, mais je le serai sûrement en quelques semaines. « Je .. Je .. Je .. » Je m'éclaircis la voix, honteuse de bafouiller de la sorte. Pour que cela soit plus facile, je me mettais dos à Logan et fixais le mur blanc de sa chambre. Cela n'avait pas trop changé depuis la dernière fois que j'étais venue ici. Je me rappelais avec un goût amer de ce que je ressentais lorsque j'étais avec lui : normale. Serais-je même capable de prendre un ton aussi froid et détaché en sa présence ? Les moments passés en sa compagnie avaient été les rares où je me sentais moins décalée, moins marginale. Juste normale. Une fille normale avec son petit ami, parlant de tout et de rien, pas de grand chose de sérieux. Je souriais sincèrement en sa présence, je m'en rappelais. Mais ce n'était pas le moment de penser à ça, non.

« Je vais partir en mission, Logan. Dès ce soir, nous .. enfin, je ne sais pas qui vient avec moi. Je vais partir pendant un temps. Ou peut-être toujours, je n'en sais rien, après tout je peux très bien mourir là bas. » L'image de Graham brûlé me revint en tête, cette odeur nauséabonde de chair carbonisée. Je pourrais revenir comme ça, ou même pire. Le mieux me semblait-il était de ne pas revenir du tout. Je me sentirais tellement mal si je perdais l'usage de certains membres, ou quoi que ce soit. Je n'étais pas très à jour sur les techniques médicales du district 13 et ne savais pas vraiment ce qu'ils étaient capables de remplacer, de réparer. « Je pense être venue pour dire au revoir. Mais je réalise maintenant que c'est stupide. » je restais immobile en face du mur. Oui, j'aurais dû partir, maintenant. Malheureusement, mes jambes semblaient paralysées.

J'étais heureuse d'avoir pris la décision de ne pas le regarder, alors que je lui annonçais où je partais. Mais malgré cela, je regrettais de ne pas voir son visage. S'occupait-il toujours de moi, même un petit peu ? Avait-il peur que je sois blessée ? Tuée ? Non. Il ne devait pas l'être. J'essayais de me convaincre de cela pour ne pas être déçue. Je ne devais plus avoir aucune attache au treize, et nulle part. Ainsi, si je devais mourir, cela ne ferait rien, absolument rien et à personne. J'aurais rempli mon devoir, fait quelque chose de ma vie même si cela s'était mal fini. J'essayais vainement de contrôler ma respiration, mais ces tentatives pour la rendre la plus inaudible possible me faisait manquer au final, de l'air dont j'avais besoin. Je pris une grande inspiration en attendant sa réponse, s'il allait parler. Si ça se faisait, il allait juste me demander de sortir de sa chambre, et que ça ne l'intéressait pas. Le silence me parut durer des heures, et je fixais toujours le mur blanc, essayant de rester impassible. J'entendis Logan s'agiter derrière moi et toucher à des meubles, et je me fis violence pour ne pas l'observer. Est-ce qu'il voulait que je parte ? M'ignorait-il ? Je serrais le poing, essayant de déterminer ce que je devais faire, au juste. Puis, j'entendis ses pas, je sentis son odeur et le vit devant moi, s'accoudant au mur. Pendant plusieurs secondes, je fixais dans le vide, vers lui. Au final, je ne pus m'empêcher de lever mon regard pour rencontrer le sien. Cette seule vision me donna un coup à la poitrine. Je fis de mon mieux pour ne rien montrer.

Il me sourit, mais ne sentant pas cette expression sincère, je ne lui rendis rien. Je ne faisais que l'observer avec une expression indéfinissable, se voulant neutre mais ne l'étant pas totalement. Il me posa une question, et je me demandais pendant quelques secondes si elle était rhétorique ou pas. Allais-je m'en sortir ? Je n'en savais rien. On n'en savait jamais rien. En tout cas, je ne voulais pas fuir le danger et le cœur de l'action. Je n'étais pas peureuse comme cela, et même si la peur me prenait, je ferais tout pour la combattre. Les mots qui sortirent de sa bouche ensuite me surprirent. Oui, c'est vrai, je m'en sortais toujours. Mais au final, je perdais des parties de moi tout au long du chemin. Je me demandais s'il me restait même quelque chose à l'intérieur, il me semblait avoir perdu toute humanité. Il me remercia et ne put s'empêcher de parler de Graham. Je serrais les dents, essayant de retenir les images qui voulaient arriver dans mon esprit. Non. Je ne l'avais pas vu. Et je n'en avais pas envie. Si j'étais venue voir Logan, c'était que j'étais sure que cela ne ferait pas d'histoires. Qu'il n'y aurait aucun drame. Peut-être à tort, je n'en savais rien.

Il s'excusa. « Non ! » je fermais la bouche à temps, ne laissant aucune autre chose sortir. J'avais tellement pâti de l'absence de réflexion qui me caractérisait, dans l'action. Il n'avait aucune raison d'être désolé, il n'avait rien fait de mal. Au contraire de ma personne qui ne semblait pas être capable de semer autre chose. « Ne sois pas désolé, tu n'as aucune raison de l'être. Tu peux dire « Graham » autant de fois que tu veux, cela ne me fait rien. » Ce n'était pas vrai, mais je fis de mon mieux pour paraître convaincue et honnête. Dieu savait si j'étais bonne dans le mensonge. J'en avais honte. « Je ne suis pas allée le voir, et je n'irai pas. Cela ne servirait à rien. Je vais le laisser vivre sa vie et je vivrai la mienne. » J'en voulais tellement à Graham. Mais Logan ? Il n'avait rien à se reprocher. Il n'avait été que bon avec moi, et la façon dont il avait réagi à notre dernière rencontre avait été tout à fait légitime. Dans sa situation, j'aurais fait pire.

« Moi, je suis désolée. Que ça se soit passé comme ça. Bref, cela ne sert à rien d'en parler et de ressasser le passé, je pars et je voulais juste que tu le saches. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas ensemble, que tu me détestes, que je ne pense pas à toi. » Je serrais les dents. Où était parti le jeu du « il n'y a plus personne pour moi ? » Je marmonnais pour finir : « ou peut-être que si, j'en sais rien. » de façon peu convaincante.