Jade se réveille en sursaut, s'emmêle dans ses draps et manque de tomber du lit. Il lui faut un moment, assise sur le matelas, la respiration erratique, pour se rendre compte qu'elle vient simplement de cauchemarder. Elle n'est pas aux mains des Pacificateurs responsables de son exécution. Elle est au district un, dans la chambre qui lui a été assignée, chez Hunter. Elle ne peut pas s'empêcher de laisser échapper un petit rire un peu déçu. Déçu d'elle-même. Ca fait déjà quelques mois qu'elle n'a pas cauchemardé, elle a pensé que c'était fini, mais non. Ca lui revient en pleine face. Elle rêve encore de ce jour où elle s'est vue mourir, avant que Hunter ne décide de faire d'elle son informatrice officielle. Sauf que dans ses rêves, il n'y a pas de Hunter pour la sauver...

Avec un grognement, elle repousse ses draps et pose les pieds sur le sol. Un frisson remonte le long de sa colonne vertébrale. Le réveil posé sur sa table de chevet lui indique qu'il est plus d'une heure du matin, ce qui explique en partie le froid. Il faut dire aussi qu'elle ne porte qu'une petite nuisette en satin et dentelles noirs, petites bretelles et longue jusqu'à mi-cuisses. Autant dire qu'elle n'a pas grand-chose sur les fesses. Alors elle enfile la longue robe de chambre assortie qui pend à la porte de son armoire, repousse d'un geste de la main ses longues mèches brunes dans son dos et passe le seuil de sa porte. Tranquillement, elle remonte le couloir sombre. De la lumière passe par la porte du bureau de Hunter mais, quand elle pousse le panneau de bois, elle trouve la pièce vide. Étonnant. D'habitude, il ne laisse pas sa lumière allumée quand il sort.

Effectivement, même s'ils s'engueulent vertement la majeure partie du temps qu'ils passent ensemble, Jade a appris à le connaître, tout doucement. Ca fait quand même deux ans qu'elle voyage avec lui, à force, on commence à comprendre les habitudes de l'autre. Alors elle prend le temps d'éteindre la lumière dans le bureau avant de passer dans le salon, plongé dans la pénombre. Les larges baies vitrées laissent passer la lumière de la lune ; un frisson la traverse une deuxième fois quand un courant d'air glacial s'engouffre entre ses vêtements et sa peau pâle. L'une des fenêtres est ouverte sur le balcon, et là dehors sous les flocons de neige qui tombent silencieusement, Hunter Blackbird-Crowley.

Discrètement, elle se rend à son tour sur le balcon. Le vent enroule un instant la neige autour de ses pieds nus et soulève ses cheveux et sa robe de chambre. Il doit faire pas loin de moins quinze degrés. Un moment, elle observe le dos du Pacificateur, la tête penchée sur le côté, l'air curieux. « Tu ne dors pas ? » Pour une fois, étonnant d'ailleurs, elle ne l'agresse pas. Elle se contente de s'appuyer contre l'encadrement de la fenêtre, les bras croisés sous sa poitrine. « Tu devrais... A dormir si peu et à rester sur un balcon en pleine nuit par moins quinze degrés, tu vas finir par tomber malade. » lança-t-elle d'une voix tranquille.

J'en venais presque à oublier que je vivais dans le district un. J'étais constamment sur les routes de Panem à cause de mon travail. Cela devait bien faire quatre longs mois, voire plus, que je n'avais pas remis les pieds chez moi. J'en étais presque au stade où je ne savais plus à quoi cela ressemblait. J'espérai déjà me retrouver tranquille pendant quelques jours, profitant des quelques jours de repos qu'on m'avait accordé. En tant que Pacificateur, j'enchaînai les longs voyages épuisants due à cette foutue rébellion. C'était donc avec une immense joie que j'avais accepté ses quelques jours de tranquillité. Enfin, tranquillité, c'est un bien grand mot. Je devais cohabiter avec Jade Fillis, la jeune femme qui me servait d'informatrice. À vrai dire, bien que je me concentrai avant tout sur ses défauts, je devais admettre qu'elle était plutôt ... utile. De même que voyager en sa compagnie à quelques occasions étaient plutôt appréciables.

Cette nuit-là s'était avérée calme. Pas de disputes entre la jeune femme et moi, une exception, quoi. Dès notre retour, nous avions grignotés un petit quelque chose qui traînait dans mes placards, avant de filer tous deux au lit. Malgré tout, je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Pourtant, je n'avais aucune raison d'avoir le sommeil agité. La rébellion était plutôt ... calme, stabilisée pour l'instant. Foutue rébellion. Elle me bouffait la moindre de mes pensées. Tout tournait autour de ça. Il était inutile de tourner en rond plus longtemps. Je me levai finalement, plus épuisé par mes tentatives de trouver Morphée que ma véritable fatigue. Je passai devant la chambre que Jade occupait. Pas un bruit n'en sortait, à croire qu'elle y était parvenue, elle, à trouver le sommeil. Je soupirai avant de continuer mon chemin pour me rendre à la cuisine. Bien que mes placards étaient quasiment vides, j'avais toujours une bonne réserve d'alcool. Et j'en avais besoin, cette nuit. Prenant la bouteille de whisky d'une main et un verre de l'autre, je décidai d'aller me détendre sur le balcon. Encore une des qualités d'être haut placé dans son travail, je possédai une maison plutôt grande et encore mieux, dotée d'une terrasse. L'air était agréablement frais. Je n'ai jamais été bien frileux, et donc mon jogging et t-shirt suffisait amplement à empêcher des frissons de parcoururent ma peau.

Me servant un premier verre que je bus presque aussitôt, j'en oubliais presque que je n'étais pas seul. J'entendis une porte s'ouvrir, des petits pas discrets s'approchaient dans ma direction. « Tu ne dors pas ? Tu devrais... A dormir si peu et à rester sur un balcon en pleine nuit par moins quinze degrés, tu vas finir par tomber malade. » J'eus un sourire à sa remarque. Comme si elle s'inquiétait un minimum de mon état. Cela ressemblait plus à une formule de politesse qu'une réelle inquiétude. « Dans ce cas-là, je compte sur toi pour m'offrir des soins dignes de ce nom. » Jade était issue du district six, elle devait bien en connaître un minimum concernant les remèdes miracles. Et de toute façon, elle était ... à mes soins. Je l'hébergeai, je l'a gardais en vie, elle pouvait bien me servir à quelque chose dès que l'occasion se présenterait. Je tournais légèrement la tête en sa direction, alors que je lui faisais dos jusqu'à cet instant. J'aperçus par la même occasion la tenue qu'elle avait revêtue. « Vu ta tenue, je pense que tu as plus de chance de tomber malade. » dis-je avec un léger soupir. « Et toi, tu ne dors pas ? Tu nous fais une petite insomnie ? » Je tournai à nouveau la tête, jusqu'à ne plus avoir la jeune femme dans mon champ de vision. Je remplis une nouvelle fois mon verre de whisky, tandis que je scrutai l'horizon, attendant une quelconque réponse de la jeune femme. Si elle daignait m'en donner une.

Spoiler:

Elle l'observe attentivement, là, depuis l'encadrement de la baie vitrée. Les yeux légèrement plissés, le visage perdu dans une expression pensive, presque rêveuse, elle détaille d'abord sa silhouette, facilement discernable sous ses vêtements. Il lui est arrivé plusieurs fois de le voir torse nu, parfois même dans le plus simple appareil quand elle a dû jouer les infirmières. En tant que médecin, tirée du district six, Jade n'a pas vraiment eu à jouer la carte de la pucelle effarouchée devant lui, les rares fois où il lui a demandé son aide pour une quelconque plaie mal placée. Mais dire qu'il ne l'attire pas, sur un plan purement physique du moins, serait un parfait mensonge. Hunter est charismatique. Charmeur, à sa façon. Bref, autant dire qu'elle le mettrait dans son lit avec plaisir. Seulement, leurs caractères ne sont tout simplement... pas compatibles. Ils sont incapables de s'entendre. Lui manipulateur et colérique, elle lunatique et méfiante. Ils n'ont jamais réussi. Pourtant, parfois, elle aimerait bien pouvoir simplement restée posée à côté de lui, sans rien dire, détendue. Rien qu'une seule fois.

Mais pour le moment, tout ça ressemble bien à du rêve. « Dans ce cas-là, je compte sur toi pour m'offrir des soins dignes de ce nom. » Un léger sourire amusé ourle ses lèvres à ces paroles. « Tu sais bien que mes soins sont toujours exemplaires. » Et elle a plutôt intérêt, d'ailleurs. C'est la seule présence de Hunter qui lui assure la vie sauve. C'est lui qui la loge, la nourrit, la garde en vie. En échange d'informations sur la rébellion. De soins en cas de maladie. Pour le moment, il ne lui a rien demandé d'autre. Mais elle serait prête à parier que ça ne tarderait pas à arriver. Encore autre chose. Mais ce serait stupide pour elle de refuser. Si elle se montre simplement un peu trop têtue, elle a parfaitement conscience de ce qui l'attend. La mort. La même que celle de son frère. Un nouveau frisson secoue son échine mais, cette fois, il n'est pas dû au froid.

« Vu ta tenue, je pense que tu as plus de chance de tomber malade. » Sa remarque la ramène à la réalité. Jade relève les yeux vers son visage, ses yeux couleur de glace translucide rencontrent ceux de Hunter, bleu océan, et elle se permet un nouveau sourire. Étonnamment doux, un peu gêné aussi, alors qu'elle baisse le regard sur ses jambes nues et sur les flocons qui fondent en touchant sa peau. « Je suis sûre que tu feras un excellent infirmier, si ça devait arriver. Mais je suis... plutôt résistante au froid. » Les hivers sont souvent rudes au district six, et sa famille n'avait pas toujours de quoi se chauffer. Mais elle secoue la tête et s'avance sur le balcon, ses pieds s'enfonçant dans la légère couche de neige qui le recouvre. Elle s'accoude aux côtés du Pacificateur, le regard plongé vers le vide. Le vent joue encore avec ses cheveux. « Et toi, tu ne dors pas ? Tu nous fais une petite insomnie ? »

Un instant elle se crispe imperceptiblement, croise les bras sous sa poitrine avec un soupir. « Cauchemars. Encore les mêmes... » Il en connaît le contenu. Pendant des mois, au début de leur cohabitation forcée et maladroite, Jade se réveillait toutes les nuits en hurlant face à la mort de son frère et aux mains des Pacificateurs prêts à lui arracher le cœur à mains nues. Hunter l'avait presque obligée à cracher des mots sur ces rêves, et depuis ils ne revenaient plus que rarement. Périodiquement. Avec quelques rares variantes selon les nuits. Elle secoue la tête et finit par passer son bras sous celui de l'homme pour le tirer vers le salon, l'autre main sur la bouteille de whisky. Étrangement, il ne fait pas mine de résister, et elle peut refermer la fenêtre afin de ramener un semblant de chaleur à l'intérieur. « C'est la révolte, qui t'empêche de dormir ? » Doucement, elle penche la tête sur le côté, apparemment vraiment concernée. « Je peux peut-être faire quelque chose pour t'aider à te détendre ? »

La présence de Jade me dérangeait autant qu'elle m'était indifférente. Je n'ai jamais aimé être épié. J'ai toujours détesté sentir les regards sur moi, sauf lors de mon travail où les regards posés sur ma personne sont le signe de mon autorité auprès des citoyens de Panem. Et, encore mieux, lors de mes exploits en tant que Pacificateurs. Exploits qui s'avéraient bien présents depuis l'annonce du district treize. Cette soirée au calme était synonyme de congé. Et bien que le caractère de la jeune femme a de fortes tendances à m'exaspérer, sa présence m'éloignait du travail, de la Rébellion ainsi que de ses idiots se pensant supérieurs à nous. Désagréable, peut-être, mais sur le long terme. Notre cohabitation n'était pas des plus agréables, mais un climat des plus tendus n'est pas forcément mieux. Autant faire des efforts. Mon corps a toujours résisté à bon nombre de blessures bien plus importantes qu'un misérable refroidissement, la tendance n'allait pas s'inverser aujourd'hui. « Tu sais bien que mes soins sont toujours exemplaires. » Il faut bien avouer que là, elle marquait un point. À plusieurs reprises, la jeune femme m'a soigné lorsque je me retrouvais en mauvaise posture. C'est d'ailleurs, au même titre que son travail d'informatrice, l'une de ses seules qualités, du moins celles que j'accepte de deviner. « Je te l'accorde. » répondis-je simplement, plus par politesse que par réelle envie de développer le sujet.

En me tournant dans sa direction, je constatais que sa tenue n'était pas des plus adaptées en cette saison. Je ne privais pas pour lui faire part de ma constatation. Je fis l'effort de lui rendre son sourire, bien que le mien ne semblait pas aussi agréable que le sien. « Je suis sûre que tu feras un excellent infirmier, si ça devait arriver. Mais je suis... plutôt résistante au froid. » Un excellent infirmier ? J'en doutais fortement, ayant passé la majorité de ma vie à trouver des solutions de plus en plus sadiques pour ôter la vie, justement. Il est clair que la personne qui se retrouverait entre mes mains ne survivrait pas longtemps, simple défaillance professionnelle. « J'espère pour toi, car malgré ce que tu pourrais penser, tu ne ferais pas long feu entre mes mains. » Phrase paradoxale en sachant qu'elle doit sa vie à mon intervention quelques années plus tôt. Cela ne manque pas de me décrocher un sourire face à ce paradoxe. Le bruit de ses pas dans la neige m'apprenaient qu'elle s'approchait un peu plus de ma position. « Cauchemars. Encore les mêmes... » Jade m'avait vaguement parlé de ses cauchemars, il faut dire que notre cohabitation durait depuis bien longtemps désormais. Et de toute évidence, le contenu de ses mauvais rêves était évident. Son frère, toujours son frère. C'était quelque chose que je ne parvenais pas à comprendre, cet attachement toujours présent à ce foutu rebelle. Aucune réaction de ma part, si ce n'est un grognement lui signifiant que je devinais aisément de quoi elle parlait. Je sentis une pression sur mon bras, la jeune femme semblait vouloir me tirer vers l'intérieur. Aucune résistance de ma part, le temps se faisant frais, je n'aurai aucun intérêt à tomber malade en cette période de Rébellion, bien même si une infirmière aussi charmante que Jade se montrerait à mes petits soins. « C'est la révolte, qui t'empêche de dormir ? » Question stupide. Très stupide, même, la réponse parait des plus évidents, n'est-ce pas ? La plupart des problèmes de nervosités ou de fatigues proviennent du travail. Or, le mien s'avérait parfaitement épuisant ces derniers mois. « Ton intelligence m'épatera toujours, Jade. » soupirai-je dans un ton des plus sarcastiques. « Je peux peut-être faire quelque chose pour t'aider à te détendre ? » Un sourire des plus malsains prit possession de mes lèvres, tandis que je jetai un coup d'oeil pleins de sous-entendus à la jeune femme. En réalité, l'idée qui me trottait dans la tête n'était pas raisonnable. Mais est-ce déjà été raisonnable dans ma vie ? Pas une seule fois. Et, jusqu'ici, ça me réussissait plutôt bien. « Tu n'aurais pas dû dire ça. » Nouveau sourire à l'attention de la jeune femme, sourire qu'elle n'a pas réellement le temps d'apercevoir que déjà ma main droit s'est agrippée à sa nuque pour l'attirer d'une poigne ferme contre mon torse, contre mon corps tout entier, afin de poser mes lèvres sur les siennes. Un baiser sauvage, passionné, dur, à l'image du lien m'unissant à Jade. C'était indéniable, Jade était une jeune femme absolument charmante, et particulièrement attirante. Malgré tout, je m'étais interdit de franchir la barrière des rapports verbaux pour la simple et bonne raison qu'elle avait été liée à un rebelle. Cela avait suffi à me dégouter. Et alors que mes lèvres goûtaient avec passion aux siennes, je balayais mes regrets d'un revers de main. J'agrippai l'arrière de ses épaules, plantant mes ongles dans sa peau par la même occasion, tout en continuant à dévorer ses lèvres avec envie, poussant la jeune femme contre le mur situé derrière elle.