J’esquissai un sourire. Un léger et simple sourire. Comme ceux que je n’accordais qu’à ma mère. Elle, semblait dormir d’un profond sommeil. Peut-être même rêvait-elle. C’était là ce que je préférais dans mon quotidien, rêver. Nous sommes dans notre monde, loin de tout, maître de notre propre jeu. Mes doigts effleurèrent ses longs cheveux blonds, puis glissèrent jusqu'à son ‘petit nez parfait’ comme le disait mon père. Je lui ressemblais comme deux goutes d’eau disait-il, avec les rides en moins. Il était drôle, toujours de bonne humeur. Cette joie de vivre, elle me manquait tellement. Je replaçai la couverture au dessus de ses épaules, souffla sur l’unique bougie éclairant la pièce, et parti, fermant la porte sans bruit.

J’enfilai sur ma tête un vieux bonnet que m’avait confectionné ma mère en se servant d’un vieux cardigan du Capitole. Nous avions pu amener quelques affaires de notre ancienne maison. Les pacificateurs n’avaient pas vraiment fait attention à ce que nous fourrions sous nos vêtements, ou dans nos poches. Ils s’assuraient juste que nous soyons bien exclues, ma mère et moi, de l’enceinte du Capitole. J’avais essayé de prendre le plus de choses possible, de simples objets auxquels m’accrocher. Comme cette grosse broche bleue en forme de papillon que je portais constamment, me rappelant cet ami d’enfance, que j’avais de la peine à oublier.
Je m’échappai par la petite porte de derrière – trop abimée pour pouvoir complètement se fermer – après avoir attrapé ma sacoche, et un canif méticuleusement lavé. Je n’ai jamais vraiment su m’en servir, il n’était là que pour me rassurer.

La rue était calme, seuls quelques chats trop maigres se traînaient d’habitation en habitation. Je me faufilai tout de même avec discrétion parmi ses passages étroits qui séparaient chaque maison, comme un félin craignant pour sa peau. Je faisais ce genre d’escapade constamment, trois ou quatre fois par semaine, c’était une façon de fuir la monotonie du district. J’allais là-haut, le plus haut possible, cherchant au loin les lumières du Capitole. Je regardais toujours dans cette direction, vers l’ouest. Mais c’était impossible, on pouvait à peine distinguer les lumières du Cinq.

Après avoir parcouru quelques pâtés de maison, je m’arrêtai au pied de celle qui offrait la meilleure vue sur tout Panem. Mes ongles grattèrent la cheminée adjacente, dont le conduit se différenciait du mur. Cela me donnait toujours un frisson, dans le creux de ma nuque, mais bizarrement je recommençais ce geste chaque fois que je venais ici. A force de grimper par là, les trous dans le ciment qui n’étaient auparavant que de simples fentes dans lesquelles je glissais mes pieds, ce sont agrandis au cours des années. J’étais particulièrement habile, je n’avais aucune endurance certes, mais je me débrouillais pour grimper un peu partout.

« Silk ? ». J'avais cru entendre un bruit. Mais rien. Il n’allait peut-être pas venir ce soir. Après tout, nos escapades nocturnes n’étaient pas programmées, on tombait l’un sur l’autre par hasard. Mais même si je ne lui avais jamais avoué, je préférai méditer en sa présence, plutôt que seule sur ce toit face une brise glaciale. Je m’assis au point le plus élevé de la toiture, ramenant mes genoux contre ma poitrine, et soupira un grand coup. Le regard perdu dans les faibles rayons rougeâtre du soleil couchant, je ne remarquai même pas que derrière ma respiration encore un peu saccadée, se cachait celle de mon ami de la nuit.