Et dire que chaque personne se trouvant dans la salle d'entraînement était potentiellement un ennemi. Un tueur. Andro refusait d'avoir l'air perdu face aux autres mais il l'était complètement. Il avait déjà remarqué des garçons bien plus forts que lui et surtout bien plus intelligents. Il ne mentionnait même pas les filles qui étaient pleines de ressources et de capacités cachées. Et lui, il se tenait là, à observer tout le monde jusqu'à ce que ses yeux se posent sur le seul tribut aux yeux en amandes. Il hocha la tête sur le côté. Il n'était plus très sûr de son prénom ni même de quel District il venait mais il était certain d'une chose : c'était un carrière. Ce n'était pas lui, l'imbécile qui s'était porté volontaire ? Il plissa les yeux pour mieux le scruter, le regardant de bas en haut. Il avait l'air fort, agile et son visage était impassible. Impossible de lire en lui une quelconque émotion. Avait-il seulement un cœur ? N'était-il pas une création du Capitole, un monstre sans âme, pour jauger ainsi tous les autres concurrents ? C'est le moment. C'est ma chance. Ma seule chance de voir si je peux tenir face à quelqu'un comme lui. La seule chance que j'ai pour que mon District remporte. S'il avait la possibilité de neutraliser une menace telle que ce tribut : Eurydice avait alors un espoir. Un peu gêné, il s'avança vers le garçon. Il gardait la tête haute, les poings fermement serrés pour se donner contenance et inspira profondément, se retrouvant face à lui. Durant quelques instants, il resta là, planté face à lui, ses yeux noirs plongés dans les siens avant de finalement entrouvrir les lèvres pour parler :" - Un combat, ça te dit ? A moins que t'aies peur de te faire latter le cul par un campagnard. ".Andro n'avait pas bougé d'un seul centimètre. Ce n'était pas lui. Ce n'était pas sa façon de parler. Il n'était pas provocateur. Mais c'était la seule solution pour attirer l'attention du carrière. Pour voir s'il était à la hauteur d'un simple combat " amical ". Même s'il était plus ou moins certain de se faire latter le cul par le bridé. Néanmoins, les entraîneurs les regardèrent, sourcils froncés, prêts à intervenir. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de se confronter à un carrière en période d'entraînement...

79th Hunger Games
“Don't become an enemy ”

Les entraînements étaient une formalité pour moi. Chaque jour durant, en entrant le matin dans le grand hall où les ateliers n'attendaient plus que nous, tributs, j'avais l'impression de vivre une journée normal au centre du district quatre. Six ans que je parcourais les obstacles, que je maniais les armes et que mon cerveau enregistrait toutes les informations disponibles concernant la survie. Je n'avais chômé en rien, et j'étais sûr à 200% de pouvoir réussir tous les exercices dans ce grand hall. Mais il fallait que je me la joue fine. Ne pas exposer toutes mes capacités tout en en montrant suffisamment pour être craint de tous semblait être un bon compromis. Je visais donc les ateliers que la majorité des tributs fuyaient. Les armes, la force, le combat, ce n'était pas la tasse de thé des districts pauvres. Je m'avançai donc vers le combat au corps-à-corps, une discipline pour laquelle, je devais l'avouer, ne me faisait pas défaut. Je n'étais pas particulièrement arrogant, loin de là, je n'exposais jamais ouvertement mes atouts. Je restais toujours d'un calme à toute épreuve et j'avais une capacité d'observation idéale. Le corps-à-corps, j'aimais ça. Cela me permettait de faire ressortir toute ma rage contenue ces derniers temps. Les autres tributs s'attelaient à d'autres tâches, j'étais donc tout seul sur l'atelier et c'était tant mieux. Je n'aimais pas tant que ça partager mon territoire, j'étais relativement solitaire, surtout en ce qui concernait les non-carrières.

Je donnais du fil à retordre aux entraîneurs. Ah, ce n'étaient pas ceux qui m'avaient vu évoluer au district quatre, pour sûr ! Je ne me laissais pas abattre, mais en même temps je n'y mettais pas toute mon énergie, pour me protéger des yeux un peu trop insistants de certains tributs curieux. Ouais, je parlais surtout du black du Sept. Je l'avais remarqué, avec son regard de lynx. Il fixait tout le monde, sûrement dans l'espoir de déceler tous les points faibles. Lorsqu'enfin il se décida à me confronter directement, j'étais en train de taper dans le coussin rigide que l'entraîneur avait pris pour se protéger de mes coups de poings. Je m'arrêtai en plein effort, le front en sueur, avant de me retourner vers l'homme et le dévisager, le souffle court. « Hein ? C'est à moi que tu parles ? » Prenant un air faussement outré, je finis par esquisser un sourire espiègle, pas vexé du tout par sa provocation. J'étais conditionné pour rester calme en toute circonstance. Je me redressai, échauffant un peu mes poignets. Je fis le tour du petit plateau sur-élevé sur lequel je m'entraînais depuis le début et que Andro avait rejoint avec sa carrure taillée au couteau. Je fis craquer les articulations de mon cou, déjà prêt à en découdre avec le garçon. « Je suis gentil, je te laisse commencer. » Détendu, les bras derrière mon dos, je restai impassible devant le jeune homme, presque à sa merci. Mais s'il avait un minimum de jugeote, il devait savoir qu'il faisait face à un carrière sur-entraîné. Attention, la chute risquait d'être très douloureuse, mon grand.

Andro se figea. Le petite sourire en coin du tribut carrière lui fit froid dans le dos. Il n'a peut-être vraiment pas de cœur. S'il s'était porté volontaire, ce n'était pas pour rien. A vrai dire, Andro ne comprenait pas l'intérêt qu'avaient les carrières à se jeter dans la gueule du loup. Lui, les loups, il en voyait dans la forêt, il savait très bien à quoi ils ressemblaient. Se confronter à un loup, s'était s'exposer au danger. Se confronter à un loup, s'était s'exposer à la mort. Un long frisson ,lui parcourut l'échine lorsque le garçon se mit face à lui, mains dans le dos. Il attendait. Le tribut du 7 haussa un sourcil. Mais à quoi il jouait ? Oh, oui, c'est vrai : c'était un carrière. Il avait le dessus, sans même attaquer. Juste en le narguant avec ses yeux noirs en amande. Andro fronça alors les sourcils. Il n'aimait pas qu'on se foute de lui. Il jeta un coup d’œil aux entraîneurs qui n'avaient pas l'air très contents que deux tributs se battent. Il s'étira et bailla en riant :

" - Bah ! Vous inquiétez pas, j'vais pas l'taper fort ! ".

Le jeune homme dessina une croix sur son cœur avec son index en souriant. Mieux valait paraître arrogant, histoire que tout le monde le prenne pour un clown. S'ils savaient... C'était lui, le clown, avec ses amis. C'était lui qui n'en ratait pas une pour faire rire les autres. Il n'était pas un carrière, il n'était pas un bagarreur, il n'était pas un tueur. Jauger l'ennemi. C'était tout ce dont il avait besoin. Son sourire s'éteignit, progressivement, et il se mit en garde. Ses poings levés, le gauche plus haut que le droit qui restait son poing de frappe. Les épaules droites, face au garçon-carrière, le pied gauche légèrement en avant qu'il fit glisser sur le tatami d'un coup : il envoya son poing gauche pour établir une distance puis donna une droite à son adversaire. Il n'avait aucune chance face à lui. Aucune, c'était certain. Mais tant pis. Il voulait voir. Il voulait essayer. Il voulait montrer qu'il n'avait pas peur. Même si, dans le fond, il était complètement terrifié.

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Franchement, il devrait abandonner tout de suite. Il faisait preuve d'une détermination à toute épreuve, et il était d'un décontracté bien trop surjoué pour qu'il paraisse détendu. Je le savais stressé, perturbé. Peut-être même qu'il avait peur et qu'il savait qu'il n'avait aucune chance contre moi. C'était bien le seul abruti à vouloir chercher la petite bête. Les autres tributs s'étaient bien gardés de m'adresser la parole. Je ne voulais pas me mêler à eux de toute manière. Il était inconscient, le garçon du Sept. Véritablement inconscient et stupide. Et il ne reculait devant rien pour essayer de m'impressionner. Son courage aurait pu me surprendre, mais je restais de marbre. Après tout, il y aurait bien quelques personnes avec cette force de caractère parmi les vingt-trois autres concurrents. Je clignai des yeux, mes mains toujours derrière le dos. Je le vis se mettre en position d'attaque, je restai droit comme un pic, les talons collés et le dos droit.

Il commença par un coup du gauche qui n'était pas son membre fort. Je décalai à peine la tête sur le côté, ne bougeant pas de ma position. Lorsqu'Andro propulsa son poing droit sur moi, je levai rapidement ma main gauche pour retenir tout son poing coloré entre mes doigts, exerçant une force suffisante pour stopper net son coup. Dommage, c'était bien tenté. Je haussai un sourcil, vite ennuyé par la situation. La suite se passa relativement vite, peut-être même trop vite pour qu'Andro comprenne quoi que ce soit à ce qui lui arrivait. Je tordis son poignet vers l'extérieur, ce qui eut comme conséquence directe de voir son dos se tordre également sur le côté pour suivre la direction de la douleur naissante.  Je profitais de la réaction normale et logique de son corps pour attraper son épaule avec mon autre main. Ma jambe droite s'installa entre les siennes avancées par l'effort, et je lui fis un croche-pattes avec une facilité déconcertante, ayant concentré mes trois doigts sur les articulations de son épaule. Quand je disais que j'étais très doué au corps-à-corps, je connais l'anatomie humaine comme personne et je savais neutraliser un individu en quelques pressions précises sur la peau. Ses nerfs touchés, son corps s'affaissa sans difficultés, et je pus plus facilement le faire tomber sur le dos à mes pieds. Résultat des courses: je n'avais toujours pas bougé de ma position, et lui était déjà abattu. Je jetai un oeil furtif aux entraîneurs qui nous guettaient. Je levai doucement mes mains en signe de reddition, reculant ensuite de quelques pas pour laisser Andro se relever tout seul. « Bien tenté. C'est tout ce que tu sais faire ? Je dois reconnaître être un peu déçu, Sept. » Autant ne pas se voiler la face plus longtemps: il n'était clairement pas à la hauteur. Mais c'était bien essayé.

La chute avait été douloureuse. Moins douloureux que le coup que son égo venait de prendre, certes, mais quand même. Ses yeux fixèrent le plafond alors qu'il avait la mâchoire serrée, crispée. Sa respiration lourde et vive lui brûlait les poumons, comme lorsqu'il courait, courait loin dans la forêt. Il s'humecta les lèvres. Il avait essayé de courir loin de tout mais la réalité l'avait rattrapée. Eurydice, je suis pas sûr de pouvoir. Il n'était pas assez fort. Il n'était pas assez rapide. Il n'était pas assez agile. Il n'était pas assez intelligent. Face à un tribut barrière, il ne valait rien. Cette constatation aussi, était douloureuse. Au moins, maintenant, il savait ce qu'il en était. Ses yeux se fermèrent un instant puis il les rouvrit en se tenant sur ses coudes. Ses yeux se levèrent vers le garçon et le fixa longuement. Et puis, comme s'il venait de chahuter avec un ami, il sourit. Oui, c'était tout ce qu'il était capable de faire, face à quelqu'un comme lui. Mais pour réussir à me tuer dans l'arène, il va falloir m'attraper.

S'il avait de la chance, ce garçon accepterait une alliance dans l'arène et pourrait largement protéger Eurydice avec lui. Mais plus il le regardait, plus il savait que c'était peine perdue. C'était carrément le genre de mec à faire cavalier seul. Ce n'était pas pour rien qu'il s'était porté volontaire. Ce n'était pas pour rien qu'il était gonflé à bloc niveau assurance.

Après un temps, finalement, Andro se leva et se tint sur ses deux jambes. Il s'épousseta pour la forme et tendit la main vers le garçon :

" - Merci pour l'échauffement. Et j'suis pas un chiffre, j'suis Andro. ".

Ce n'était pas une tactique, c'était juste que, dans ce visage impassible et calme, il y avait un peu de J.J. Et même s'il devait mourir de sa main dans l'arène, soit : lui, il serait resté le même.

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Merci pour l'échauffement ? Quelque chose me disait qu'il avait plus d'un tour dans son sac, mais je m'en moquais. Il venait juste de me prouver qu'il n'était pas à la hauteur pour l'arène, comme presque tous les tributs dans ce foutu hall d'entraînements. Moi je m'ennuyais ici. C'était un cycle infini d'une répétition sans nom, à la seule différence que c'était la réalité, que les juges nous observaient depuis leur bulle de verre plus haut. Andro - parce qu'il tenait à ce que je l'appelle ainsi - ne représentait pas un danger pour moi, alors que j'étais sur mes réserves au début avec lui. Il fallait avouer qu'il avait une carrure assez intimidante. Des muscles saillants, une taille plus que raisonnable, une peau marquée par le labeur de son district d'origine. Andro aurait pu avoir du potentiel s'il ne s'était pas ridiculisé en public en se jetant dans la gueule du loup. Dommage, il avait gâché tout espoir d'être craint un minimum dans l'arène.

Alors je me mis à le dévisager, alors que je n'avais pas bougé de ma position initiale. Mes bras étaient le long de mon corps, et je fixais la main qu'il me tendait. Cette main ne sonnait pas comme une trêve à mes yeux. Qui sait, peut-être qu'il voulait feindre la défaite pour jouer sur ma garde baissée. Malheureusement pour lui, je ne me reposais jamais sur mes acquis. Je haussai un sourcil et tendis ma main à nouveau, sauf que je me saisis de son poignet pour le maîtriser en quelques pas, faisant le nécessaire pour que son bras se retrouve dans son dos. L'articulation fortement sollicitée, je le voyais se cambrer en arrière. Ses épaules se reposaient contre mon buste, et son visage était à quelques centimètres du mien. Les entraîneurs décroisèrent les bras, prenant mon acte comme une déclaration de guerre. Je fronçai vivement les sourcils en reculant d'un pas, imposant une distance de sécurité entre l'homme et moi. Je libérai son bras, ne souhaitant pas me frotter aux entraîneurs. « Si tu croyais m'avoir comme ça, tu te plantes. » lui fis-je. Je finis par lui tourner le dos pour retourner à mes occupations. Je fis craquer ma nuque pour échauffer mes muscles pour la suite des entraînements. Si j'avais secoué Andro ? C'était le but. Si j'avais énervé Andro ? C'était le but. S'il avait envie de vengeance ? C'était le but. Il m'ennuyait. Il fallait bien mettre le feu aux poudres pour rendre ces jeux plus intéressants, n'est-ce pas ?

La douleur était insoutenable mais il serra les dents, le visage grimaçant. Ne pas lutter, ne pas se débattre, cela ne servait à rien. Tout d'abord parce que l'autre garçon était bien plus doué que lui mais aussi pour ne rien dévoiler de plus. Se soumettre, faire croire qu'il était bien plus faible que lui était la seule solution. Néanmoins, Andro était sûr d'une chose désormais : le tribut du 4 était bien trop certain de gagner. Son orgueil lui porterait préjudice, du moins c'est ce qu'il espérait. Lentement, il le lâcha. Enfin. Andro soupira fortement de soulagement et se massa la bras, se retournant vers Quinn qui lui tournait déjà le dos. Il n'avait rien d'un allié. Il était trop sûr de lui. Le garçon du 7 releva le menton et sourit :

" - Merci quand même. ".

Merci pour ces précieuses informations. Merci de me montrer contre qui je vais devoir me battre. Merci de me conforter dans l'idée qu'il y a des personnes dans cette salle qui méritent de mourir. Tout ce qu'il espérait, c'était que Quinn ne fasse aucun mal à Eurydice. Avec un peu de chance, personne n'oserait faire confiance à un tribut comme le garçon du 4 et il resterait seul. Seul et vulnérable face aux alliances.