« Tout d'abord, je compte remettre sur pieds ces magnifiques jeux que sont les Hunger Games. Avec des variantes novatrices. J'aimerai être une figure de modernité. » Il ne t'en faut pas plus. Pour avoir cette illumination. Presque révélatrice. Tu te sentais perdue. Littéralement perdue. Avec la mort du président Snow. Toute cette période de campagne présidentielle. Avec toutes ces informations à retenir. Pour qui voter. Pour quelle raison. Et cette excitation. Et cet engouement autour des candidats, qui ne t'aidaient aucunement à te concentrer. Déjà que réfléchir n'est pas ton fort. Oui, tu ne comprenais rien. C'est toujours le cas, d'ailleurs. Tu te voyais déjà choisir aléatoirement. Ou au pire, voter pour Pandora Parks. En reconnaissance de ce qu'elle a pu faire pour toi. Mais là, l'interview d'Alaska Rhodes vient de tout bouleverser. Dans ta petite tête blonde. Les idées te sont plus claires maintenant. Les Hunger Games. Évidemment. Le plus grand divertissement de l'année. C'est tout ce qui compte. Surtout pour une styliste qui y participe. La sécurité à Panem, elle est déjà mise en place, non ? Tu ne te sens pas menacée. Tu ne l'as jamais été. Tout est si tranquille dans ta vie. Les conditions dans les districts, tu t'en balances. Tu ne vis pas là bas. Et les vainqueurs n'ont pas si l'air malheureux. Donc, tout doit y être parfait également. Quant aux autres promesses, tu les as déjà oublié. Des jeux toujours présents. Et encore plus époustouflants. Qui est le mieux placer pour faire ça ? Un juge. Même toi, tu en as conscience. Tu iras voter pour Alaska Rhodes. C'est évident.

Tu n'attends pas la fin de l'interview. Tu sors de chez toi très vite. Il faut que tu ailles la rejoindre. Pour clamer ton soutien. Pour expliquer aux autres. Pourquoi il faut choisir la juge en tant que présidente. Il faut qu'ils comprennent. Tous. Comme tu viens de le faire. Tu n'es pas la seule à aimer les Hunger Games. Loin de là. Tout le monde doit savoir que les jeux sont sa priorité. La tienne aussi. Et celle de la majorité du Capitole. Il n'y a pas d'autres solutions. La candidate Rhodes doit gagner. Pour de meilleurs jeux. Et surtout pour qu'ils perdurent. Tu as déjà eu cette pensée insensée. Celle que le nouveau gouverneur supprime les Hunger Games. Pour une raison. Ou pour une autre. Peu importe. Puisqu'il fait ce qu'il veut. Mais un juge n'oserait pas faire ça. Pas dans ton esprit restreint en tout cas. Et tu dois le partager avec le reste de Panem. Tu n'as même pas considéré le fait que tu ne pourrais peut-être pas l'approcher. Non, après ses quelques paroles à la télévision, tu la penses accessible. Ouverte. Sans garde du corps. Et plus que ravie d'accueillir du soutien. Même s'il ne vient que d'une stupide styliste. Un voix reste une voix. Et un vote de plus dans l'urne, personne ne peut le refuser. Tu ne penses pas un seul instant que tu peux lui porter préjudice. Tu es quand même plus ou moins connue. Puis personne ne te déteste au fond, n'est-ce pas ?

Tu arrives enfin devant le bâtiment du studio d'enregistrement. Tu n'es pas la seule à attendre la sortie d'Alaska. Et pendant un instant, tu ignores comment tu vas t'y prendre. Pour l'approcher. Pour qu'elle puisse t'apercevoir parmi tous ces gens. Il aurait fallu que tu sois déjà à l'intérieur. Et puis, que comptes-tu lui dire ? De pas trop con. Qui puisse lui servir. Tu coupes court à la réflexion. Tu verras bien sur le moment. Tu t'engages dans la petite foule amassée devant la porte d'entrée. Que tu ouvres. Comme si de rien était. Tu pénètres à l'intérieur. Sans que personne ne te dise quoi que ce soit. Peut-être ne t'ont-t-ils pas vu. Ou pensent que tu est censée te rendre là. Tu ne t'attardes pas trop sur la question. Alaska et son équipe viennent vers toi. Tu attends que la candidate soit proche. Avant de lui tendre la main. « Madame Rhodes, bonjour. Kaëlle Berry, styliste pour le district 9. » Vous vous êtes certainement déjà croisées. Mais tu ne t'en rappelles pas. Trop préoccupée par les tributs à rendre présentables. Elle ne doit pas non plus avoir de souvenir de toi. Mais sait-on jamais ... « Je voulais vous dire que votre interview était très inspirante. » Et bien, tu ne t'en sors pas trop mal. Tu n'as rien sorti d'illogique. Ou de complètement niais. Et c'est pleine de confiance que tu poursuis. « Vous pouvez compter sur mon vote. » Tu t'applaudirais si ce n'était pas déplacé. Pour ces quelques phrases. On pourrait te croire dans la moyenne. Pas si bête que ça. Tu t'es toi-même sous-estimée tout à l'heure. Tu aimerais dire plus. Tellement plus. Crier que tu la comprends. Qu'elle doit gagner. Pour le bien de tous.