Elle s'était levée, le corps engourdi, les muscles endoloris et le ventre vide. La veille, elle avait passé la journée à s'entraîner avec d'autres rebelles qui pour certains avaient fait le chemin jusqu'au treize. Elle y avait passé toute la journée, toute la soirée sans faire de pause. Elle avait séché le travail mais sa présence ne manquerait à personne. Elle était toujours discrète, sans doute auront-ils pensé qu'elle s'était aventurée plus loin que d'habitude. La nuit était tombée depuis déjà plusieurs heures quand l'un des supérieurs annonça la fin de l'entraînement. Ryann avait protesté, il avait répliqué que c'était assez. Mais Ryann ne trouvait jamais que c'était assez. Elle le regrettait à présent. Elle se sentait fatiguée mais étrangement satisfaite. Il fallait s'endurcir encore plus pour vaincre le Capitole. Elle se pensait plus en forme que ça, elle se voyait déçue. Par orgueil, elle mit ses courbatures sur le dos de l'inconfort notable du canapé sur lequel elle s'était affalée. Elle s'étira longuement tandis que son estomac se rappelait à elle. Elle n'avait néanmoins pas de temps à perdre. Elle ne pouvait se permettre de disparaître deux fois de suite. Elle devait travailler. Elle passa rapidement l'une de ses vestes, toujours trop large, attrapa son arbalète et glissa une miche de pain dans sa poche. Elle mangerait en chemin. L'air froid du matin finit de la réveiller, un nuage de vapeur se formait à chaque expiration. Le pain avait le goût de cendre dans sa bouche, trop sec, trop fade. Elle se força néanmoins à l'avaler. Elle ne pouvait pas affronter une journée de boulot le ventre vide.
Les premiers arbres se dessinèrent devant elle et elle se détendit un peu plus. La forêt était son domaine, elle s'y sentait bien, presque en sécurité à l'écart des habitants des districts qui lui en voulait pour des actes qu'elle n'avait pas commis. Depuis peu, c'était différent. Et elle se disait qu'elle préférait quand on s'en prenait à elle et non à la mémoire de son père. Ryann s'arrêta, souffla longuement, termina son bout de pain. Elle releva les épaules et s'enfonça dans les bois. Elle ne sentit pas tout de suite que quelque chose n'allait pas. La fatigue sans doute. Mais elle comprit rapidement. A la démarche, aux craquements, elle reconnut instantanément Kaidan. Elle la reconnaissait toujours. Il fallait dire que la plupart du temps, elle ne faisait jamais d'efforts pour lui dissimuler sa présence. Ryann aurait du se douter que la pacificatrice ne lui laisserait pas ce jour de répit. Comme si elle savait exactement à quel moment faire son apparition pour la déranger le plus possible. La chasseresse la maudit silencieusement, ne lui accorda pas un regard. Et Dieu sait comme ce n'était pas l'envie qui manquait. Mais elle restait droite, elle se forçait un fixer un point loin devant elle, quelque part à l'horizon. La blonde n'y mettait même pas de formes, elle y allait les pieds dans le plat, comme d'habitude.
« Aucune chance, ta vieille carcasse les a tous fait fuir. »
Et elle accéléra l'allure, consciente qu'elle ne parviendrait pas à la semer si facilement. Il s'agissait encore d'un jeu, un jeu dont la pacificatrice était toujours l'initiatrice. Ryann ne faisait même plus d'efforts pour y couper, si elle ne se mentait pas, elle verrait peut-être qu'elle ne voulait pas y couper. Non, inlassablement, chacun de ses gestes, de ses mots, même le moindre petit regard finissaient par mettre le feu aux poudres. Mais aujourd'hui, elle était fatiguée.
« Personne à qui lécher les bottes ou à torturer aujourd'hui ? »
Lamentable.