➺ COMMENT VOIS-TU TA MORT ?

Dans la douleur et l'effort. Je ne veux pas d'une mort où je n'ai pas eue l'impression d'avoir fait quelque chose d'utile. Je ne vois pas non plus une mort imminente. J'aimerai faire honneur à ceux qui se tiennent encore debout, là, sur le champ de bataille. Faire honneur à ceux qui gardent la même rancœur que moi, et rendre leur mérite à ceux qui ne sont plus là pour répondre à cette question. En tout cas je ne vois pas ma mort se passer chez moi, dans mon lit.

➺ QUELS PETITS PLUS T'AIDENT DANS LA VIE ?

Toutes les armes qu'on utilise pour la chasse. Ajoutez-y les capacités d'un corps entraîné et une bonne aptitude au pistage. Avec le temps on apprend à user de ces avantages de manière automatique. Je pense que le plus dur serait d'adapter ma connaissance de la chasse à la mécanique du corps humain si je voulais m'en prendre à un homme. J'ai le sens de la survie et je sais faire preuve d'une discrétion non négligeable. Ces choses-là sont précieuses.

➺ QUE PENSES-TU DES VAINQUEURS DES JEUX ?

De la même manière dont je me suis déjà surpris à prier les tributs en train d'agoniser, je garde un avis neutre face aux vainqueurs, et parfois même compatissant. Je n'éprouve pas de sympathie ou de sentiment de ce genre; ma haine se tourne vers le centre même de toute cette sanglante bataille. Je ne peux pas en vouloir aux manipulés, et encore moins à leur regard qui restera changé pour toujours.

➺ COMMENT QUALIFIERAIS-TU TA VIE DANS TON DISTRICT ? EN ES-TU SATISFAIT ?

Sordide, injuste. Je suppose qu'il ne doit pas en être autrement ailleurs. C'est malheureux. Durant mes temps de pause je me suis toujours demandé à quoi ressemblait la vie ailleurs. Plus facile? Plus dure? On vit tous avec des difficultés qui nous sont propres. Peu importe les premiers districts qui sont privilégiés: eux aussi sont exploités. Je ne suis pas du genre à me plaindre de mon quotidien: je dirais même être chanceux d'avoir de quoi me défendre, un toit, et de quoi me nourrir.

➺ SERAIS-TU CAPABLE DE TUER POUR PARVENIR A TES FINS ?

Oui. Je ne crois pas me tromper d'ennemi. Si je dois diriger ma lame quelque part, je sais vers qui le faire. Peu importe la manière dont je devrai le faire, je suis capable d'ôter la vie comme je le fais pour le gibier. Je n'entretiens pas d'affinités spéciale avec qui que ce soit de mon entourage, mais je ne m'autorise pas à blesser n'importe qui. Je suis redevable envers tous ceux qui m'ont permis d'allonger ma durée de vie, tous ceux qui m'ont offert du temps en plus pour me battre.

JE VIENS D'UN MILIEU DÉFAVORISÉ, AINSI, POUR MOI, LA NOURRITURE NE TIENT QUE DE CE QUE JE RAMÈNE LORS DE LA CHASSE. J'EXERCE LE MÉTIER DE CHASSEUR ET POUR TOUT VOUS DIRE, J'AIME ÇA ET DE TOUTE FAÇON MA VIE EN DÉPEND. JE SUIS DANS LE 9ÈME DISTRICT. AYANT 27 ANS JE NE PEUX PLUS PARTICIPER AUX HUNGER GAMES ET QUELQUE PART, JE LE REGRETTE. ENFIN, J'ATTESTE QU'EN CRÉANT CE PERSONNAGE, J'ACCEPTE DE LE LIVRER À LA BARBARIE DES JEUX S'IL EST TIRÉ AU SORT.

tell us your story.

Spoiler:

C'était le grand jour. Et bizarrement, même si ce moment tant attendu - ou tant détesté - ne durait qu'un quart de la journée, la peur débordant sur les journées adjacentes faisait s'éveiller en les habitants du district de la sympathie presque inhabituelle. De la compassion, de l'indulgence. Parfois même de l'entraide. Toutes ces bonnes choses en dissimulaient d'autres bien plus sombres. À travers les poignées de mains cordiales et les échanges de petits pains, il y avait... la peur. Un fléau omniprésent, invisible. Assassin, traitre. Qui nous targue. Et qui fini par avoir raison de nous. La peur d'un papier sorti d'un bocal. Un papier qui décide pour nous de notre sort. Et on ne peut que détester celui qui l'a tiré de là lors de l'annonce de l'inscription.
C'était le jour de la Moisson.

Ma famille était presque sauve. Une connaissance avait déjà passé le créneau des 18 ans l'an dernier. Tant mieux pour elle. Cette année ça allait être au tour de moi et mon petit frère. Le seul que j'affectionne réellement. Il est tout fragile, et curieux. Obstiné quand un truc l'intéresse pour de vrai, et une teigne quand je lui refuse quelque chose. Mais ça n'arrive presque jamais. J'interdis difficilement à deux yeux de chien battu.

"Ça me fiche la trouille, leur truc... Je veux pas y aller." lance-t-il.
"Je sais, je sais. T'en fais pas pour ça. Ça ira bien."

Je mens peut-être. J'esquisse un sourire parce que je sais qu'il y est réceptif. Si je souris, c'est que tout va bien. Alors il va bien aussi. Le petit frère qui imite le grand. C'est un concept qui se répète chez les Wintertales. On grandit en apprenant de l'aîné. Si l'un est sans peur, les autres aussi. C'est comme une chaîne dans la solidité ne dépend que d'un maillon. J'accorde à Alfie une étreinte. Les marques affectives ce n'est malheureusement pas vraiment de mon cru. Le petit bout le sait, et c'est pour ça qu'il évite au mieux de fondre en larmes devant moi. Mais aujourd'hui il faudra bien plus que des sourires pour réconforter Alfie. Son nom sera peut-être pêché à travers les centaines d'autres petits papiers. Cette pensée le taraude, le stresse, l'effraye. Il s'est retenu de laisser perler quelques larmes la veille au soir. Il est pas seul à avoir la boule au ventre. Je pense que je l'ai aussi - et que c'est pour cette raison qu'il s'est refusée toute forme de faiblesse apparente. Mais j'ai autant de chances que lui d'être tiré au sort, et j'en suis content.

Nous sommes sur la grand place, rangé en lignes comme des petits soldats. Ou des petites bêtes qu'on va amener à l’abattoir. J'étais le mouton noir. Je n'avais pas peur pour moi. J'ai fixé intensément l'urne transparente aux mille et une feuilles. Mon nom doit bien y être une quarantaine de fois. Je compte plus les tesserae accumulés. Et je ne compte pas sur eux pour me sortir de là. Par contre, je destine une prière à Alfie. Il doit impérativement s'en sortir. Encore quelques années, et plus jamais aucun Wintertales n'aura de risque d'être appelé sur l'estrade. Ça va. Quelques années. Avec autant de monde, nous avons nos chances. J'expire doucement et adresse un regard rassurant à mon cadet. Il feint un sourire que je sais faux. Il est mort de trouille. Être choisi ne serait pas un problème. Mais je ne pourrais pas m'empêcher de penser à mon frère et aux autres. Le silence dépose son voile sur toute l'assemblée: la tension monte. L'air se charge de particules électriques, de peur, et de sueur sur les visages. On se tient la main, on tripote nerveusement ses beaux habits qu'on a enfilé pour l'occasion. On a peur de ce qui va être dit. Ils passent comme d'habitude leur vidéo sur le traité de paix. Foutu traité qui induit tout le monde en erreur. Menteurs !

"Calme. Retiens tes pulsions, Wolf. C'est pas le moment de faire une scénette."

Je suis calme. Tout va bien. J'expulse l'air de mes poumons encore une fois. Moi aussi je dois ressentir un certain malaise. Enfin, voilà le moment. Ces personnalités excentriques du Capitole s'avancent vers un récipient chacun. Je déteste leur sourire éclatant, resplendissant de ce qui n'a jamais brillé dans le district 9. Une main hasardeuse et presque aguicheuse vole au dessus du tas de papiers. En tire un comme vous tireriez un bonbon de son bol. À cet instant précis tout le monde a le cœur qui s'arrête. Puis reprend, tout comme la main du destin entreprend de dévoiler le nom inscrit au noir. Ce dernier est prononcé à haute voix. Tout le monde l'a entendu. Et soudain, la guillotine tombe. Mais pas sur ma tête.

"Alfie Wintertales ! Félicitations à toi !"

Je n'ai pas réagi tout de suite. La lourde pièce de la compréhension a pris tout son temps pour tomber. Et tout a raisonné en moi, comme le nom a raisonné sur la grand place. Alfie. Alfie... Alfie ! Où est-il bon dieu? Je le vois qui s'avance. Lentement. Il s'approche de l'échafaud. N'y va pas je t'en prie. J'en bouscule plusieurs sur mon chemin. Tu n'as pas le droit d'avancer droitement avec des yeux pareils. Tu n'as pas compris non plus ce qui s'était passé. Mais tu avais entendu ton prénom, alors tu es sorti de ton rang pour rejoindre le bout de ton fil rouge. Non, tu ne peux pas. Tu ne peux pas, parce que je te l'interdis.

"Laissez-moi y aller à sa place."