Auden Lucretia Morgenstern

❝ Would you kindly ... ? ❞

Extrait du dossier :

Recommandations au sujet de Morgenstern (née Casius) , Auden Lucretia. Identification nationale F24601. Âge : 32 ans. District d’origine : District 2. Niveau d’accréditation : maximal. Le citoyen F24601 exerce la profession de pacificateur au rang de lieutenant-colonel. Affection actuelle : Distict 2.  

En raison de la réémergence du mouvement dissident en l’entité terroriste anciennement nommée District 13, le renforcement des mesures de sécurité nationales a été adopté par le Capitol. Porté à l’attention de l’état-major que les états de services du lieutenant-colonel Morgenstern témoignent de son dévouement à Panem et à son gouvernement. Son expertise dans la rééducation cognitive démontre une volonté et une implication dans l’anéantissement inévitable des idées rebelles. Ses interventions dans le redressement de comportements divergents des prisonniers capturés lors de la tentative infructueuse d’insurrection du district 2 ont enregistré un taux de réussite de 92 %. Les individus concernés ont été réintégrés avec succès dans la société et ne semblent ne montrer à ce jour aucun signe de rechute. La reprogrammation de nouveaux prisonniers semble envisageable et préférable à l’exécution systématique. Par la présente, je demande donc le transfert du pacificateur Morgenstern au Capitol et son passage au rang de colonel sous les ordres du général Hunter Blackbird-Crowley. Un droit de passage est autorisé sur demande de permettre au Colonel Morgenstern de visiter sa famille composée de Lucius Morgenstern (M24304), exerçant la profession d’instructeur, et de deux enfants. Cette nouvelle affection est à effet immédiat et le colonel Morgenstern devra prendre résidence au Capitol le 13 de ce mois au plus tard.  

about games and relative.

➺ COMMENT VOIS-TU TA MORT ?

 
Dans l’idéal, une mort paisible, dans mon sommeil, vieille et ridée comme un pruneau, entourée de ma famille. Mais je ne me fais aucune putain d’illusion sur ce point, à Panem personne ne meurt de cette manière. Le métier que je fais est loin d’être le plus apprécié, alors je suppose que je mourrais au combat. Honneur et Patrie. Ca semble si noble dit ainsi, et je suppose que c’est simplement une manière comme une autre de partir. En vérité, l’idée me terrifie alors je préfère ne pas y penser.

➺ POUR QUI/QUOI POURRAIS-TU MOURIR ?

Ma famille, sans hésitation. Si l’état-major me le demande, la réponse sera « pour Panem », c’est un peu la réponse d’office de chaque pacificateur qui tient à la peau de son cul. Mais ma véritable loyauté est dédiée à ma famille et à ce que nous avons construit. C’est pour cela que je me bats, pour leur bonheur, pour leur assurer un avenir meilleur et sans dangers. Même si je dois en crever.

➺ QUEL(S) PETIT(S) PLUS T'AIDE(NT) DANS LA VIE (OU LES JEUX) ?

J’ai été entrainée pour les jeux depuis l’âge de 4 ans et j’étais douée. Être tribut de carrière ou bosser l’extraction de pierres, mon choix a été vite fait. J’ai appris le lancer de couteau très jeune, c’est un peu la pratique officielle du district 2. C’est impressionnant à voir, mais aussi très meurtrier, on ne s’imagine pas les dégâts que peut faire une lame si elle est lancée avec intentions. Puis, j’ai rejoint l’institut de formation des pacificateurs, le menu était le même. Apprendre à viser la tête, avec un flingue cette fois. Je n’y prends pas particulièrement de plaisir, mais c’est efficace et rapide. Ce n’est pas pour çà que je suis montée en grade pourtant.

➺ AS-TU DES PROCHES QUI ONT PARTICIPÉ AUX JEUX ?

Dans le district 2, on connait tous quelqu’un qui a participé aux jeux. J’aurais dû y aller. C’est moi que les formateurs de l’académie avaient choisi. J’étais prête. J’aurais dû y aller, si j’avais réussi la visite médicale prè-moisson, recalée pour cause de polichinelle dans le tiroir. Pas très subtil, mais efficace comme moyen d’éviter les jeux. C’est ma cousine Perséphone qui a représenté le district 2 cette année-là. Nous avions été élevées dans cette optique, gagnées ou mourir. Alors je ne l’ai pas pleuré longtemps quand elle a brûlé vive. Ce sont des choses qui arrivent.

➺ APPRÉCIES-TU LE VISIONNAGE DES JEUX ?

 
Non, mais je suis obligée de m’y soumettre. C’est la plupart du temps des apprentis de mon mari qui sont sélectionnés, des gosses du coin. Et puis on connait les vainqueurs, c’est une institution ici. Je crois que j’appréciais le visionnage quand j’étais enfant, quand je ne comprenais pas ce que signifiait vraiment tout ce spectacle. C’était juste un moment de divertissement, puis une préparation ensuite. Depuis la naissance de mes enfants, les jeux n’ont plus la même portée. Je sais que les jeux sont un mal nécessaire, je sais le prix qu’a dû payer le Capitol pendant les heures sombres. Mais je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces familles, à la souffrance qu’engendrent les jeux. Je voudrais qu’il y ait un autre moyen …

QUE PENSES-TU DE LA REVOLTE ECHOUEE ET DES REBELLES ?

 
Les rebelles sont pour la plupart une bande de désorganisée de pilleurs et d’agitateur qui profitent du mécontentement de la population des districts pour semer le chaos. Je ne suis pas naïve, j’ai conscience que la situation à Panem n’est pas favorable et qu’en faisant partit de ses troupes armées, je fais moi-même partie du problème. Mais c’est un cycle sans fin et les rebelles ne sont pas la solution. Ils ne sont pas des héros, ce ne sont pas les défenseurs d’une cause juste. Ce sont pour la plupart des terroristes. Les intentions du district 13 sont certes louables. Mais le pouvoir pervertit, le pouvoir entre les mains d’Alma Coin n’est pas une bonne chose pour Panem, pas plus que les mesures que nous somment obligées de prendre contre les populations civiles par leurs fautes. Le district 13 profite de la misère pour semer les graines d’une vengeance qui ne profitera qu’à lui-même. C’est une menace qui soit être annihilée au plus vite pour la sécurité de Panem et de ses habitants.  Pour l’avenir de Panem aujourd’hui, demain et pour toujours.

➺ QUE PENSES-TU DES VAINQUEURS DES JEUX ?

C’est une question vaste à laquelle je ne peux pas donner de réponse simple. Les vainqueurs des jeux représentent ce que le Capitol veut qu’ils représentent. L’espoir, ce que la bonté du Capitol est capable de faire. J’en connais certains, ils étaient des camarades. J’aurais dû partir aux jeux, j’aurais pu gagner, peut-être. Je ne regrette pas.  Je n’envie pas leurs sorts mêmes si j’envie l’argent et le confort que ce statut représente.

➺ AS-TU PRIS PART AUX DERNIERS EVENEMENTS, QUE CE SOIT POUR OU CONTRE LE CAPITOLE ?

 
J’ai fait ce qui était attendu de moi. J’ai été déployé dans les districts à l’est de Panem avec mon unité. J’ai vu la guerre de près. J’ai participé à des actes qui me répugnent moi-même. Je l’ai fait, je ne peux plus revenir en arrière. C’est étrange, on nous prépare toujours au pire pendant nos classes. Être capable de réagir en cas de conflits, faire ce qui est à faire. Nous sommes des soldats avant tout. Mais ce n’est pas pareil, une fois confronté à la réalité, quand on est face à l’autre camp, quand les districts sont devenus une zone de conflits et que les populations civiles se sont retrouvées prises entre deux feux. J’ai pris part à la guerre, j’ai fait ce que j’avais à faire.

➺ COMMENT QUALIFIERAIS-TU TA VIE DANS TON DISTRICT ? EN ES-TU SATISFAIT ?

La vie au district 2 n’est pas plus dure qu’ailleurs. Nous vivons dans un district privilégié grâce à nos liens avec le Capitol et la confiance qu’il nous accorde. Nous avons de la chance, mais comme ailleurs survivre demande du travail. Le travail dans les carrières de pierres, la maçonnerie, notre situation privilégiée ne signifie pas que la vie n’est pas aussi difficile que dans les autres districts. Et ici comme ailleurs nos enfants risquent un jour d’être tirés au sort pour les jeux…

➺ QUEL EST TON OPINION SUR LES PACIFICATEURS, LEUR ROLE, LEUR COMPORTEMENT ?

Je ne suis pas la mieux placée pour en parler n’est-ce pas ? La pacification est mon travail, je fais ce que l’ont, me demande, et je pense que nous sommes indispensables pour maintenir la paix à Panem. Le comportement de certains pacificateur est problématique je ne peux pourtant pas nier l’évidence. Nous sommes amenés à faire des choses contraires à l’éthique et à la morale. Nous sommes des soldats et pas des enfants de chœurs. Nous sommes le bras armé d’un gouvernement qui n’a d’autre choix que de se montrer autoritaire, à quoi vous attendiez-vous ?

➺ CROIS-TU AU BONHEUR ?

 
Oui, j’y crois profondément. Nous devons essayer d’y parvenir, mais à Panem il faut se contenter de choses simples. Je le trouve dans les yeux de mes enfants, dans l’étreinte de mon mari, dans la vie meilleure à laquelle nous aspirons tous. C’est pour cela que je crois en mon rôle dans l’armée de Panem, c’est pour ça que je défends les idées en lesquelles je crois. Nous pouvons être heureux, le bonheur est simplement quelque chose qui se mérite, un but vers lequel nous devons tous travailler, ensemble.

➺ QUE PENSES-TU DE L’ORGANISATION DE PANEM (DISTRICTS/CAPITOLE) ?

 
Le Capitol est le cœur de Panem et je crois en la nation. Mais je ne peux nier que l’organisation de notre pays est inégale et injuste. Je hais les élites presque autant que je hais les terroristes. Je n’oserais le dire devant témoins, mais je pense que le temps de la punition est fini, que les districts ont payé leur dette au Capitol et qu’il est temps d’aller de l’avant. Il y a des failles évidentes dans notre système politique.

➺ COMMENT TE SENS-TU QUAND LE TEMPS DE LA MOISSON ARRIVE ?

Anxieuse, répugnée. J’avais l’habitude d’attendre la moisson avec impatience, je voulais participer aux jeux, je voulais la gloire et l’argent. Je voulais faire partie du système. Mais au plus mes enfants approchent de leurs douzièmes anniversaires, au plus cette idée me révolte. Les jeux sont le paradigme même de ce qui vérole notre société. Comment suis-je sensé me sentir alors lorsque je vois mon pays s’autodétruire en se noyant dans son propre sang ? Nous nous perdons dans des haines fratricides et stériles.

JE VIENS D'UN MILIEU favorisé, AINSI, POUR MOI, LA NOURRITURE est abondante. DU COUP, MON NOM A 0 CHANCES/RISQUES D'ÊTRE TIRE AU SORT. J'EXERCE LE MÉTIER DE pacificateur ET POUR TOUT VOUS DIRE, J'aime mon métier.. JE SUIS DANS LE deuxièmeDISTRICT. AYANT age JE ne peux plus PARTICIPE(R) AUX HUNGER GAMES ET je ne veux pas voir une moisson de plus.. ENFIN, J'ATTESTE QU'EN CRÉANT CE PERSONNAGE, J'ACCEPTE DE LE LIVRER À LA BARBARIE DES JEUX S'IL EST TIRÉ AU SORT.

tell us your story.

Il y a presque autant d’amour que de haine en elle. C’est son paradoxe. Elle déteste autant qu’elle aime. Fort, violement. La violence physique n’est pas son truc, bien qu’elle sache se servir de ce corps qu’elle a entrainé depuis toujours comme une arme. Elle préfère le poison des mots, celui qui marque l’esprit et non le corps. Elle est presque belle, comme une enfant sauvage, comme une petite fille dans un corps de femme. Comme sa mère avant elle, elle ne se laisse pas enfermer dans le rôle qu’on veut lui attribuer. Femme et soldat, violente dans son métier et tendre dans ses actes. Vouloir la paix et faire la guerre. Comme sa mère avant elle, elle porte le blanc des pacificateurs. Tout le monde sait qui est son père, c’est un secret de polichinelle qu’elle-même prétend ne pas connaitre. Un grand homme du Capitol avec une famille, le descendant du créateur des Hunger Games. Elle aurait voulu la gloire de la couronne de laurier, juste pour voir sa tête. Elle a renoncé par amour, ou du moins çà y ressemble. Elle n’aurait pu s’enticher de pire que Lucius Morgenstern. Ils font un couple si mal assorti. Il aurait fait un vainqueur parfait, Lucius Morgenstern, belle gueule et trop d’égo pour une personne qui n’a pas accompli grand-chose au final. Personne ne sait vraiment ce qu’elle fait pour les pacificateurs. On ne la voit pas trop patrouiller dans les rues, on raconte qu’elle fait des choses plus importantes. Pourtant elle était là, quand ils ont aligné les rebelles sur la grande place. Elle a appuyé sur la détente dans sourciller.

Ses yeux sont vides, inexpressifs comme les billes de verres avec lesquels jouent mes enfants. Les images défilent, violentes, rapides. Trop de sons, trop de couleurs, ils ne les voient même plus. Ils pleurent parfois, ils supplient, mais j’ai a appris depuis longtemps à ne plus les entendre. Avant ils avaient un nom, avant ils avaient une identité. À présent ils ne sont plus que des numéros dans un dossier, plus qu’un canevas blanc sur lesquels je peux peindre. Ils ne sont plus rien par ma faute. Ils ne connaissent même pas mon nom, pas plus que mon visage. Je ne suis que la voix dans le haut-parleur, la présence désincarnée qui rythme leur vie. « Levez-vous, je vous prie. » Un chien au bout d’une laisse, rien d’autre que l’empreinte de quelque chose de perdu à tout jamais. Reprogrammation cognitive, c’est juste un nom barbare pour un lavage de cerveau. On ne peut pas tous les tuer à la chaine sur la grande place du district. Il n’y aurait pas assez de balles et la terreur ne suffit plus. Au contraire, la terreur engendre la colère. La violence n’est bénéfique que lorsqu’elle est l’exception. L’extermination systématique des rebelles ou soupçonnés alliés du district 13 n’est pas la seule mesure punitive que nous avons dû mettre en place. J’observe derrière la vitre teinté le visage blanc du prisonnier assis sur l’unique chaise de la pièce. Nous l’avons attrapé lors de la tentative des rebelles pour prendre d’assaut le centre des pacificateurs. C’est un gosse, peut-être que c’est pour cela que je suis soulagée de voir qu’il répond correctement aux stimuli visuels et auditifs sous les effets d’une version altéré du venin de Tracker Jackers. S’ils savaient qu’on défonce nos prisonniers avec çà, les accrocs à la morphling s’amasserait devant nos portes en réclamant leur dose. Les étapes suivantes sont bien plus douloureuses. D’abord les électrochocs, puis la lobotomie en cas d’échec. Certains sont plus résistants que d’autres, le libre arbitre est plus difficile à faire plier parfois. Pas chez celui là. Il viendra grossir les rangs de ce que nous appelons communément les « réformées » qui sont la plupart du temps intégrés aux troupes. Parfois nous avons des demandes particulières qui proviennent de l’état-major, des reprogrammations spécifiques à une cause dédiée. Pour une mission d’infiltration ou pour servir d’exemple. J’exécute, je ne pose pas de questions. Les sujets sont entrainés à répondre à des stimuli auditifs spécifiques, la plupart du temps il s’agit de ma voix ou de celle du président Snow. C’est comme posséder la commande d’autodestruction d’une bombe. Un mot, un simple mot et elle explose, nous ne laissons pas des armes chargées dans la nature sans au moins assurer un garde-fou. « Asseyez-vous je vous prie. »  Il s’exécute.

Je ne voulais pas d’enfants. Lucius non plus je crois. C’est arrivé un petit peu par hasard parce que nous avons été stupides. Jeunes et stupides. Le plus gros défaut des carrières du district 2 est certainement leur arrogance. Et Lucius n’a rien fait pour arranger mon impertinence. Il était déjà instructeur à cette époque. Il entraîne nos enfants comme il m’a entraînée avant eux. Ils les entrainent avec plus de férocité encore, comme pour se faire pardonner leur venue au monde. Je n’étais certainement pas la première gamine tombée amoureuse de son instructeur et lui certainement pas le dernier à en avoir profité. Il fait partie de la race des gagnants, de ceux qui sont faits pour la gloire. Pas de ceux qui se retrouvent le soir avec de la purée de carotte dans les cheveux ou trempé de la tête aux pieds en essayant de donner un bain à un enfant surexcité. Pourtant, c’est bien là que nous en sommes aujourd’hui. Pas de gloire, pas de maison au village des vainqueurs, pas de plaque à son nom dans le hall de mairie. Je ne sais pas si notre famille est vraiment ce qu'il aurait voulu. Je crois qu'il est heureux. Moi aussi.

Il y a une lettre avec un sceau du Capitol sur la table du salon. Elle trône là depuis trois jours et nous n’en parlons pas. « Quelqu’un » a même renversé un verre d’eau et tenté tant bien que mal de la sécher pour que je ne le remarque pas. Mais le papier gondolé est toujours là et si l’encre a coulé un petit peu sur l’enveloppe, je sais que c’est à moi qu’elle s’adresse. Je sais ce qu’elle contient. Je sais ce qu’elle signifie. Lucius passe son temps à me demander comment je vais. Il avait fait la même chose lorsque les médecins nous ont annoncés qu’il était malade. Il préfère s’occuper de moi plutôt que de se laisser aller à ses propres angoisses. Je le laisse faire. Finalement, cette enveloppe me dérangeait. Je l’ai ouverte et jetée aussitôt.