IV,1. la moisson du district neuf

« Notre tribut féminine est donc Virani Chesterfield, qu’on applaudit bien fort ! »

La sentence est sans appel, le verdict, cruel. Ce n’était ni une erreur, ni le fruit du hasard. Sa présence sur cette estrade avait été minutieusement préparée par ceux qui, là-bas, tiraient les ficelles dans l’ombre en toute impunité. Billie, Jeremiah, Kathleen… Ils étaient tombés les uns après les autres dans cette maudite Arène, et aujourd’hui, c’était au tour de Virani d’aller s’y faire massacrer. Savoir que je ne pourrais rien pour lui venir en aide était un véritable supplice, une torture morale bien plus douloureuse que toutes celles, physiques, qu’on avait pu m’infliger au cours de ma vie. Ma sœur allait se battre dans l’Arène, et je serai là, devant mon écran de télévision, à la regarder mourir. Depuis que son nom, amplifié par le micro, avait retenti sur la Grande Place, cette idée ne quittait plus mes pensées. Je troquerais volontiers tout mon argent contre la vie de ma sœur ; je sacrifierais tous mes privilèges, quitte à retourner trimer au Neuf, si cela pouvait l’épargner. Je serai prêt à tout – à tout – pour la sauver du destin tragique qui l’attendait, et s’il fallait donner ma vie pour cela, je le ferai sans la moindre hésitation.

Il m’avait fallu deux ans pour accepter la mort de Kathleen, combien m’en faudrait-il pour surmonter celle de ma propre sœur ? La réponse me frappa comme une évidence. Je ne m’en remettrais jamais. A l’instar de Prudence, qui n’était jamais parvenue à faire le deuil de son frère. Et qui n’y parviendrait probablement jamais. J’étais d’ors et déjà condamné à errer comme une âme en peine, mort à l’intérieur, jusqu’à la fin de mes jours. A moins que je ne me décide à la rejoindre dans la tombe. «On va s’en sortir. Ensemble. » m’avait-elle dit un jour. Oui, ensemble jusqu’au bout. Il m’était impossible, impensable, de survivre à ma sœur. Mais peut-être n’y serais-je pas obligé. Après tout, il restait un espoir, aussi infime soit-il, qu’elle remporte les Jeux, pas vrai ? Une chance sur vingt-quatre, c’était peu, mais pas impossible. J’en étais la preuve vivante. Le même sang coulait dans nos veines, et si j’étais parvenu à l’emporter alors que personne ne m’en pensait capable, pourquoi pas elle ? Je l’entrainerai personnellement, plus rudement que les autres et sans relâche, pour placer toutes les chances de son côté. Elle devait me revenir vivante. Il le fallait. A n’importe quel prix.

Mais le nom qui résonne à son tour dans le silence ébranle toutes mes certitudes comme un vulgaire château de cartes. Nathael Brightcourt. La famille Brightcourt avait hébergé ma sœur après la mort de nos parents, ils lui avaient généreusement offert le gîte et le couvert, avaient pansé ses blessures et veillé sur elle comme j’aurai dû le faire. Aujourd’hui, leur altruisme n’était récompensé que par le pire des châtiments possible, la mort d’un enfant. Je serre les poings et la mâchoire, furieux de l’acharnement aveugle du Capitole à notre égard, et je ne peux m’empêcher de penser que tout est ma faute. Si j’étais retourné au Neuf juste après notre « malencontreuse aventure », au lieu de rester batifoler avec Prudence au Capitole, si je m’étais moi-même occupé de ma sœur comme il l’aurait fallu au lieu de laisser d’autres s’en charger, le nom de Nathael ne serait jamais sorti de cette urne. Ma faute. Je devrais vivre avec ce poids sur la conscience – un de plus – pour le restant de mes jours. Moi qui leur en étais infiniment reconnaissant d’avoir pris soin de Virani, je les en remerciais à présent en envoyant leur unique garçon se faire tuer sous leur yeux. Je détruis tout ce que je touche.

« Personne que tu connaisses j’espère ? Mon costume ne s’en remettrait pas, j’en ai peur… » ironise Iron près de moi. Je relève la tête vers lui, et la lueur de triomphe que je décèle dans ses yeux me retourne brutalement l’estomac. Je serre les dents pour ne pas répondre à ses provocations, je ne veux pas lui faire ce plaisir. Je me contente de le fixer, la rage au ventre, alors qu’il retourne auprès des deux tributs que le « Sort » a désignés. Malgré la culpabilité que je ressens envers Nathael et sa famille, j’éprouve néanmoins, très égoïstement, une pointe de soulagement à l’idée qu’un ami accompagne Virani dans l’Arène. Je peux lui trouver des sponsors qui pourront augmenter ses chances de survie, mais je ne serai pas à ses côtés pour me battre, je ne serai pas là pour la défendre, la protéger. Mais lui, oui. Et à ce stade, seul lui pourra l’aider. Il l’a déjà fait une fois, alors qu’il n’y était pas obligé, peut-être le refera-t-il encore. J’ai parfaitement conscience de l’horreur de mes attentes – que ce garçon meurt pour sauver ma sœur – mais je ne m’en formalise même pas. Désormais, seule Virani comptait. Plus rien d’autre n’avait d’importance.

fin de la moisson

(c) avalon
« Après le tirage au sort mouvementé de la jeune Virani Chesterfield, Nathael Brightcourt est appelé comme tribut masculin. Il rejoint donc l'estrade où se trouvent déjà l'hôte et Virani. “ Voici les tributs du district Neuf : Virani Chesterfield et Nathael Brightcourt. ”
L'hôte clôture la moisson par le fameux “ Puisse le sort vous être favorable! ” , et entraîne les deux tout nouveaux tributs dans l'enceinte de l'hôtel de justice où ils pourront recevoir des visites de leurs proches avant de quitter peut-être définitivement leur district d'origine. »

La suite des évènements arrivent très bientôt avec les adieux aux proches et le voyage dans le train. Rendez-vous ici pour plus d'informations. Il vous reste quelques jours pour poster à la suite.

Invité

Pas de volontaire. Dommage. Les sponsors adorent les volontaires…
Mais ce qu’ils adorent encore plus : ce sont les destins tragiques, les histoires d’amour impossibles, les rebondissements déchirants ! Et Virani et Elyas viennent d’offrir un très beau moment aux spectateurs. Si l’on occulte bien entendu toute la partie violence gratuite de l’équation. La violence, ce n’est pas bon, ce sont les larmes qu’ils veulent à ce stade. Les larmes, les cris, mais pas de sang. Surtout pas celui d’un des leurs, Elyas a eu de la chance de ne pas aller trop loin, autrement, ça aurait fait tâche ! Sans mauvais jeu de mot, bien entendu.
Bientôt ceci dit, tout le gratin de Panem réclamera du sang. Mais ils se réservent les éclaboussures vermeilles pour l’Arène. Il va d’ailleurs falloir que le capitolien la joue fine s’il ne veut pas que les tributs réalisent trop vite que la petite Virani est un candidat à abattre au plus vite s’ils veulent avoir de bonnes chance d’atteindre la finale. Ce serait stupide de la perdre dès les premiers instants, sous prétexte qu’elle est la petite sœur chérie de son vainqueur de frère et donc, au travers lui, la petite sœur chérie du tout Capitole.
Son choix est déjà fait : il va tout miser sur Virani cette année. Pas de chance pour ce brave petit Nathael Machin, mais c’est le sort qui a tout décidé pour eux ! Et puis de toute manière, tout miser est un bien grand terme parce qu’il est évident qu’il ne faudra pas qu’elle gagne. Hors de question que cette petite morveuse s’en tirent et rejoigne son frangin sur le banc des vainqueurs ! Mais ils n’en sont pas encore là de toute manière.

Pour l’instant, il est simplement temps de les présenter et de sceller leur destin à l’antenne.
« Voici donc vos tributs du district Neuf : Virani Chesterfield et Nathael Brightcourt » annonce-t-il solennellement, avant d’attraper les mains de ses deux nouveaux protégés, pour les inciter à les brandir fièrement. « Puisse le sort vous être favorable ! »
Toujours pas d’applaudissements. Il est décidément bien loin de son district deux… Seetah doit avoir bien plus de succès que lui à cette heure, mais il ne compte pas se démoraliser pour autant. Tous les obstacles sont faits pour être franchis. Il n’y a rien d’insurmontable, surtout pas pour un Flickerman de sa trempe !
Après un dernier sourire enjoué à la caméra, l’hôte invite les deux jeunes à pénétrer dans l’hôtel de justice avec lui, ses bras à nouveau passés autour de leurs épaules respectives. Ils sont si frêles… Ils ont intérêt à y mettre du leur ! Mais il compte sur Elyas pour donner le meilleur de lui-même afin de les préparer, l’un comme l’autre, à l’Arène. Il n’aura pas le choix de toute manière. Sa sœur ne fera pas le poids, seule face aux vingt-deux autres tributs : il lui faudra un gardien. Nathael Brightcourt est déjà tout désigné pour assumer ce rôle !

Les portes se referment dans son dos et son équipe prend d’assaut les deux jeunes gens pour les féliciter. Du moins jusqu’à ce qu’Elyas fasse mine de s’en mêler et de s’approprier sa sœur. Iron le laisse faire. Il aura tout le temps de se venger pour le sale coup qu’il lui a fait à l’antenne… Tout le temps du monde.
Alors pour l’heure, il se contente de jouer à l’hôte modèle et d’expliquer à ses tributs (enfin surtout à Nath) en quoi va consister la suite du programme. Il le sait déjà, mais un petit rappel ne peut pas faire de mal, surtout qu’il doit encore être un peu sonné par sa moisson. Iron se montre patient et y va même de ses petites tapes de réconfort dans le dos. Et pendant qu’il le fait, il se plait à imaginer qu’il tient une dague invisible dans sa main et qu’il poignarde le gamin encore et encore et encore et encore et…

Contenu sponsorisé

» IV,1. la moisson du district six
» VI,2. la moisson du district neuf
» VI,3. Résidence du district Neuf
» III.6 - tournée du vainqueur (district neuf)
» II,1. la moisson du district dix

IV,1. la moisson du district neuf

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